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jeunesse - Page 9

  • Comme un agneau

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    « Peut-être que, si j’avais été plus fort, plus intelligent, j’aurais nagé jusqu’à un autre rivage et j’aurais essayé de vivre une autre vie, autrement, différemment. Mais pour les garçons comme moi qui ont toujours peur, qui ont vécu dans le tout et qui n’ont tout à coup rien, on retourne comme un agneau vers son prédateur. »

    Nathacha Appanah, Tropique de la violence

  • De Moïse à Mo le fou

    Tropique de la violence, le titre du roman de Nathacha Appanah, née à l’île Maurice, n’est pas à prendre à la légère. Elle y donne tour à tour la parole aux protagonistes de cette histoire qui se déroule sur l’île de Mayotte, dans les Comores, vivants ou morts : Marie, une infirmière française arrivée là par son mariage ; Moïse, le bébé clandestin ; Bruce, le chef de bande qui règne sur Gaza, le surnom du bidonville, et quelques autres.

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    Enfant clandestin de Mayotte, Photo © Franck Tristan, "Je vais vous parler de Nadjidou..." (Rue89)

    Marie n’arrive pas à être enceinte, son mari la quitte pour une Comorienne. Parmi les occupants de deux « kwassas sanitaires » amenés au CHR, une jeune fille porte un bébé « bandé comme une momie » dont elle ne veut pas : né avec un œil noir et un œil vert, elle le considère comme l’enfant d’un « djinn » qui porte malheur. A 34 ans, Marie adopte ce beau bébé à la peau noire que son mari accepte de reconnaître en échange du divorce.

    Dix ans plus tard, mère et fils lisent ensemble L’enfant et la rivière de Henri Bosco, le livre préféré de Moïse. Mais à l’adolescence, leur complicité se fendille, le garçon « ne va pas bien », s’interroge sur sa vie de Blanc, sèche l’école. Marie lui raconte d’où il lui est venu, il en est troublé. Sans transition, on retrouve Moïse en cellule à quinze ans, venu se livrer à la police après avoir tué Bruce – l’île les a transformés en chiens.

    Un jour, Marie s’est écroulée dans sa maison, et Moïse s’est enfui, incapable de faire face à sa mort. Il échoue parmi des voyous, souvent des clandestins, qui le fascinent dans la mesure où, sans Marie, il leur ressemblerait peut-être. Eux l’appellent Mo et cherchent d’abord à tirer tout l’argent qu’ils peuvent de ce garçon bien éduqué à l’œil de djinn pour acheter de l’alcool et de la drogue.

    Bruce se souvient de la forêt, avant que s’étende « le plus grand bidonville de Mayotte », où son père l’emmenait chaque semaine faire offrande près du bassin d’eau verte qu’il fallait respecter. Il s’appelait alors Ismaël Saïd, allait à l’école française le jour, à la madrassa le soir. Mais à dix ans, il voit le film Batman et comprend qu’il est Bruce Wayne. Renvoyé du collège, battu par son père, il se met à voler et revendre aux clandestins, va chez les prostituées, se met à boire, à fumer, à se battre, à se faire « respecter » : « le roi de Gaza, c’est moi. »

    Tropique de la violence (Prix Femina des lycéens 2016, Prix France Télévisions 2017) décrit la misère, l’errance, la débrouille, et comment Bruce exploite comme un « chef de guerre » tous les gamins qui le craignent et le servent. Autour de Mo, beau et naïf, il tisse sa toile. Moïse ne sait pas se battre, il en est publiquement puni dans une bagarre où Bruce lui balafre le visage. Moïse devient « Mo la cicatrice ».

    En les laissant se raconter tour à tour, en suivant le regard de Stéphane, un Français venu à Mayotte pour la beauté de sa nature et plein de bonnes intentions – il fournit aux jeunes un local où lire, écouter de la musique, échapper à la violence, et se prend d’affection pour Moïse –, Nathacha Appanah décrit la dérive de ces gamins abandonnés à eux-mêmes dans une jungle sociale, tenant ses lecteurs jusqu’au bout dans l’espoir et dans la crainte.

  • Jeunesse

    Jeunesse qui t'élances

    Dans le fatras des mondes

    RFL Fillette aux fleurs Ecole belge vers 1900 (2).jpgNe te défais pas à chaque ombre

    Ne te courbe pas sous chaque fardeau

     

    Que tes larmes irriguent

    plutôt qu'elles ne te rongent

     

    Garde-toi des mots qui se dégradent

    Garde-toi du feu qui pâlit

     

    Ne laisse pas découdre tes songes

    Ni réduire ton regard

     

    Jeunesse entends-moi

    Tu ne rêves pas en vain

     

     

    Andrée CHEDID (née en 1925),

    Poèmes pour un texte, Flammarion, 1991.

  • Ils/elles étudiaient

    Il y a trois mois, je mettais ce blog en pause, en hommage aux victimes parisiennes de deux fous vengeurs, ou plus exactement trois, je corrige (10/4). En ce début d’année 2015, les tragédies se succèdent à la une des médias : accidents, attentats, folie suicidaire… Ici et ailleurs. Lectures, expos, balades, j’aime partager avec vous mes coups de cœur et ces instants de grâce qui naissent de la découverte, de l’émerveillement – c’est mon cap. Mais laisser dans le silence les 147 tués de l’université de Garissa, au Kenya, des étudiants pour la plupart, ce jeudi 2 avril au matin – sans compter les blessés !

     

    Un commando islamiste les a pris pour cibles. En Somalie (à 98% musulmane), ces terroristes shebabs « ne se privent pas de tuer des musulmans ». Ici, ils ont pris soin de trier les étudiants, laissant la vie aux musulmans, assassinant les chrétiens : « on ne peut qu’en déduire que le but de ce « tri » est d’attiser les tensions religieuses au Kenya (chrétien à 75 %), afin de pousser tous les musulmans kenyans au jihad », écrivait Marie-France Cros dans La Libre Belgique, vendredi dernier.

     

    Un an plus tôt, des islamistes enlevaient deux cents lycéennes à Chabok, au Nigéria, chrétiennes pour la plupart, forcées à la conversion et au mariage – on ignore encore aujourd’hui leur sort véritable. Un spécialiste français s’est insurgé contre l’emballement médiatique autour de cette affaire, pour diverses raisons (à lire dans L’Express), en contraste avec l’indifférence générale des médias, quelques semaines plus tard, au massacre de trois cents villageois nigérians par Boko Haram.

     

    Ils/elles étudiaient. Ils/elles se formaient pour être un jour des hommes et des femmes instruits, actifs, critiques. Si ces attaques visaient des chrétiens, elles s’en prennent aussi volontairement à ceux, à celles qui se préparent pour un avenir meilleur. En Afrique, pouvoir étudier est un privilège, ce qu’ont peine à imaginer tant de jeunes européens habitués à l’enseignement obligatoire. Qu’un ex-enseignant radicalisé soit soupçonné d’avoir organisé le massacre à l’université laisse sans voix.

     

    La prédication du Vendredi Saint à Rome déchire le silence relatif qui enveloppe ces innocentes victimes : « Les chrétiens, a remarqué le prédicateur, ne sont certainement pas les seules victimes des violences homicides dans le monde, mais on ne peut ignorer qu’ils sont les victimes désignées et les plus fréquentes dans de nombreux pays. »

     

    Pourquoi ce billet ? Sans doute parce que l’enseignement me tient à cœur, parce que la jeunesse du monde est son espérance, parce que la violence terroriste est un défi crucial et terrifiant pour tant de peuples si peu armés pour s’en défendre. Je me suis émue de la destinée d’un jeune idéaliste pris au piège dans le Grand Nord. Pour ces lycéennes, ces étudiants devenus des cibles, sous de fallacieux prétextes religieux, ma révolte et ma tristesse sont sans nom.

  • Aventureux

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    « Ron, j’ai vraiment apprécié l’aide que tu m’as apportée et le temps que nous avons passé ensemble. J’espère que tu ne seras pas trop déprimé par notre séparation. Il peut s’écouler beaucoup de temps avant que nous nous revoyions. Mais si je sors en un morceau de ce pari en Alaska, tu auras de mes nouvelles. J’aimerais te redonner ce conseil encore une fois : je pense que tu devrais changer radicalement ton style de vie et te mettre à faire courageusement des choses que tu n’aurais jamais pensé faire, ce que tu as trop hésité à essayer. Il y a tant de gens qui ne sont pas heureux et qui, pourtant, ne prendront pas l’initiative de changer leur situation parce qu’ils sont conditionnés à vivre dans la sécurité, le conformisme et le conservatisme, toutes choses qui semblent apporter la paix de l’esprit, mais rien n’est plus nuisible à l’esprit aventureux d’un homme qu’un avenir assuré. Le noyau central de l’esprit vivant d’un homme, c’est sa passion pour l’aventure. La joie de vivre vient de nos expériences nouvelles et donc il n’y a pas de plus grande joie qu’un horizon éternellement changeant, qu’un soleil chaque jour nouveau et différent. »

     

    Extrait d’une lettre d’Alex McCandless à Ron Franz, reçue en avril 1992

     

    Jon Krakauer, Into the Wild. Voyage au bout de la solitude