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flandre

  • Honte

    stefan hertmans,une ascension,roman,littérature néerlandaise,gand,patershol,willem verhulst,collaboration,flandre,belgique,flamingantisme,maison,famille,culture,nazisme« Le lendemain matin, ils voient une grande croix gammée noire barbouillée sur leur façade ; oui, nous avons dû évidemment nous débrouiller pour la faire disparaître le plus vite possible, m’a raconté des années plus tard le notaire De Potter, alors très âgé, quand je l’ai rencontré par hasard en ville, nous qui étions une famille belge comme il faut, tout de même, c’était une honte sur une de nos maisons, en plus, tout cela à cause de ce joli monsieur, vous comprenez, la vie n’est jamais aussi simple qu’on le dit, n’est-ce pas*. »

    Stefan Hertmans, L’ascension

    * en français dans le texte original

  • Une maison au passé

    « La première année du nouveau millénaire, j’eus entre les mains un livre qui me fit comprendre que j’avais vécu pendant vingt ans dans la maison d’un ancien SS. » Cette phrase ouvre Une ascension de Stefan Hertmans (De opgang, 2020, traduit du néerlandais pas Isabelle Rosselin, 2022), l’auteur de Guerre et térébenthine et du Cœur converti.

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    Stefan Hertmans dans l'escalier de la maison (Drongenhof), source YouTube

    L’écrivain gantois, à la fin de l’été 1979, avait remarqué le jardin à l’abandon derrière une grande maison bourgeoise à vendre, dans le vieux quartier du Patershol. Deux jours plus tard, il l’avait visitée avec le notaire, « de la cave au grenier, une ascension qui dura plus de deux heures ». La propriété était en piteux état, humide, mais il avait remarqué une belle cheminée de marbre, une haute cage d’escalier, un plancher à larges lattes : « la force d’attraction d’une vie inconnue. » Un achat coup de cœur.

    « Le livre s’appelait Zoon van een » foute « Vlaming, Fils d’un Flamand fautif, un adjectif aussi employé en néerlandais au sens de collabo. » Stefan Hertmans avait suivi les cours de son auteur, Adriaan Verhulst, professeur d’histoire à l’université. Celui-ci « évoquait dans un passage la maison de son enfance et [le] citait comme le résident actuel. » Hertmans venait de la revendre et envisageait de rencontrer le professeur, quand celui-ci mourut en 2002.

    Dans ce roman-enquête, Hertmans ne se donne pas pour objectif de raconter la vie d’un SS, mais plutôt « celle d’une maison et de ses habitants ». Le père d’Adriaan, Willem Verhulst (1898-1975), était le petit dernier d’une fratrie de neuf enfants. A la suite de convulsions, il avait perdu un œil à l’âge de quatre ans. Craintif et espiègle, il se bagarrait à l’école qui comportait au début du XXe siècle un département francophone et un autre bilingue – les « fils de bourgeois » ne se privaient pas d’humilier les « fils du peuple ».

    Son père buvait, mais sa mère, entreprenante, avait acquis de petits terrains puis fait construire une maison avec un atelier et un local pour l’école de danse de sa sœur ; elle mourut quand il avait treize ans. Willem étudiait à l’école agricole près de Gand. Pendant la première guerre mondiale, l’université de Gand fut « néerlandisée » par l’occupant allemand, une « Flamenpolitik » menée en contradiction avec les lois belges, à la grande satisfaction des flamingants qui réclamaient un enseignement dans leur propre langue. Willem entra dans un mouvement activiste – « Dehors, tous les fransquillons ! » – et se mit à détester l’Etat belge.

    Son père, mécontent de le voir traîner, l’inscrit à l’école horticole de Vilvorde, au nord de Bruxelles. Il trouve une chambre d’étudiant chez un boulanger et séduit sa femme, Elsa, une juive allemande de trente ans. Sa sympathie « pangermanique » pour l’occupant l’oblige à fuir aux Pays-Bas après la capitulation, Elsa l’accompagne à La Haye. Il commence à donner des conférences là-bas sur la nécessité de libérer la Flandre, puis s’installe avec Elsa à Arnhem chez un pasteur qui l’emploie comme jardinier. Malade, Elsa est soignée par une jeune voisine, fille d’un riche fermier, Harmina, dite Mientje, que Willem épousera une fois veuf.

    Quand Mientje est enceinte, ils s’installent à Gand où naît leur fils Adriaan, suivi par Aletta et Suzanne. Mientje, protestante, fréquente le Temple et rend service comme bénévole. Elle ne partage pas la fièvre nationaliste de Willem, l’exaltation militaire la met mal à l’aise. Lorsque les Allemands occupent Gand en 1940, elle s’inquiète de voir son mari en si bons termes avec eux, puis gratifié d’un gros salaire, et ne cesse de prier.

    Stefan Hertmans revient alors sur la maison qu’il avait achetée, cette même demeure dont les Allemands avaient expulsé dans le passé un vieux locataire pour y installer la famille Verhulst, malgré le loyer élevé. Willem fut nommé directeur de la Radiodiffusion gantoise, un réseau câblé pour mélomanes qui allait devenir un instrument de propagande, Radio-Flandre. Mientje interdisait à Willem de porter l’uniforme SS en famille, mais il recevait des nazis dans le salon. C’est grâce au journal de Mientje que l’auteur a pu suivre leur vie dans ces pièces où il a vécu bien plus tard, en plus du livre de leur fils Adriaan et des souvenirs de ses sœurs qu’Hertmans a rencontrées.

    Une ascension n’est pas un roman historique, mais la reconstitution documentée d’une histoire vécue. Une seule fois, vers la fin, il s’adresse à son anti-héros qu’il aurait voulu connaître « pour un peu mieux comprendre ». Dans sa chronique à la radio, Sophie Creuz a dit très justement ceci sur ce roman qui montre les racines du flamingantisme : « Avec la résurgence de l’extrême-droite, c’est un livre qui arrive à point nommé, d’autant plus que son auteur excelle à montrer que la médiocrité peut être assassine. »

  • Soucis domestiques

    Au cours de cette balade à Renaix, j’ai aimé retrouver Les soucis domestiques de Rik Wouters au milieu d’un petit parc (place J.-B. Mouroit).

    Renaix (41).JPG

    Huiselijke Zorgen (en néerlandais), une œuvre conçue en 1913, est à la fois son dernier portrait sculpté de Nel et la représentation d’une femme au foyer qui songe à la vie quotidienne.

  • Balade à Renaix

    Avant de me rendre à Renaix (Ronse en flamand), ville de Flandre Orientale (à un peu plus d’une heure de Bruxelles en voiture), j’ignorais presque tout de cette cité des Ardennes flamandes. Notamment que le Dr Ovide Decroly (1871-1932), psycho-pédagogue novateur dont se réclame encore aujourd’hui l’école Decroly à Uccle, y était né – une plaque est apposée devant sa maison natale.

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    On peut lire à Renaix des enseignes en français, des affichettes bilingues. On y entend parfois parler la langue de Molière. Renaix, proche de la Wallonie picarde, est une ville « à facilités linguistiques ». Ce régime particulier, souvent évoqué dans la périphérie bruxelloise, concerne aussi certaines communes de Flandre (avec des facilités en français) et de Wallonie (avec des facilités en néerlandais), des deux côtés de la « frontière linguistique », ainsi que la communauté germanophone.

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    Un autre Renaisien, Stefaan Modest Glorieux (1802-1872), fondateur des Frères puis des Sœurs de Notre-Dame de Lourdes, a laissé son nom à un centre scolaire, à divers établissements de soins ; cet ecclésiastique a œuvré toute sa vie pour les pauvres, comme en témoigne ce monument qui le montre en compagnie d’un orphelin et d’un mendiant. 

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    Flanquée d’un parc archéologique, de belles arcades végétales en charme (René Pechère) et d’un jardin de buis, l’église Saint-Hermès date des XVe et XVIe siècles, l’« une des principales curiosités de la ville » selon mon Guide touristique illustré. Sa crypte exceptionnelle (XIe et XIIIe), à la fois romane et gothique, attire de nombreux visiteurs. Trente-deux colonnes monolithiques soutiennent l’église et rythment ce magnifique espace où sont exposés des trésors archéologiques (des panneaux et un audioguide fourni à l’entrée donnent des explications).  

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    Sous ces voûtes de briques, j’ai appris que saint Hermès (martyr romain d’origine grecque) était réputé guérir de la folie : les malades étaient baignés dans l’eau tirée du puits de la crypte, une grande balance permettait de peser les pèlerins et de fixer le tarif pour les soins. Ils faisaient plusieurs tours dans l’église où se trouve une étonnante statue équestre du saint, au-dessus d’un reliquaire. 

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    « Ontdek Ronse » (Découvrez Renaix) offre aux curieux de nombreuses informations intéressantes pour préparer ou prolonger la visite de la ville. Le vieux centre historique, « De Vrijheid » ou « La Liberté », était un territoire indépendant ou franchise jusqu’à la Révolution française. Cette seigneurie qui appartenait entièrement au clergé, constituait comme une ville dans la ville. Les prêtres y exerçaient leurs fonctions ecclésiastiques ainsi que des fonctions administratives et juridiques.

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    Un peu plus loin, l’ancienne église St Martin désacralisée abrite « Le Passage », une galerie commerciale aménagée dans le respect de l’architecture, sous une charpente apparente.

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    Sur la place du marché, le vent secouait fort les parasols au-dessus des étals et les drapeaux de l’Hôtel de ville. Un obélisque surmonté d’un aigle à deux têtes (armoiries de Ronse) surmonté d’une couronne y orne la première fontaine publique de la ville. 

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    De belles maisons bourgeoises rappellent la prospérité de Renaix et de son industrie textile, une économie basée sur la fabrication de draps. De différents styles, souvent en briques, leurs façades travaillées, leurs tourelles, leurs grands jardins de ville privés affichaient l’aisance de leurs propriétaires.

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    Certaines façades paradent par rapport à leurs voisines, comme celle-ci, de style néo-Louis XVI, avec ses briques claires et ses pierres bleues très ornées, un festival d’architecture « beaux-arts » en très bel état. Le contraste est grand avec les ruelles de petites maisons ouvrières habitées par les tisserands.

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    Le site de la ville invite aussi à la découverte de maisons art nouveau ou art déco, l’office du tourisme propose des brochures ad hoc. Certaines belles demeures abritent à présent des restaurants, comme la Maison D. avec ses sgraffites, une adresse que je vous recommande pour son cadre, sa cuisine et son accueil.  

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    De la Hoge Mote (Grande Motte), en travaux de restauration pour l’instant, on a une très belle vue vers le clocher de Saint-Hermès. C’est un des bâtiments anciens les mieux conservés dans le centre historique de Renaix, il abrite l’office du tourisme. Le Musée de Renaix et du folklore est situé tout près, dans l’ancienne « Maison des Espagnols », non loin du Must, musée du textile. 

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    Dans un tout autre genre, j’ai apprécié la fresque murale de la bibliothèque, un clin d’œil aux félinophiles. Chaque année, la ville permet au lauréat du festival « Picturale » de décorer un mur ; en 2007, c’est l’illustratrice Kristien Aertssen qui a dessiné ce grand chat des champs. Bref, il y a beaucoup de choses à voir à Renaix, pour qui aime musarder.  

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    Au cours de cette première balade, j’ai remarqué de nombreuses statues publiques, notamment des personnages du folklore local, De belleman (le sonneur) dû au sculpteur local Stefaan Ponette (également l’auteur d’un étonnant Saint Pierre à l’entrée de Saint-Hermès) et le petit Buunie (soit Buuntjies Neutjies, vendeur de pois et de noisettes) dont je caresserai la tête la prochaine fois, puisque j’ai lu que cela porte bonheur !

  • Sensible

    VdW Le peintre devant sa fenêtre 1920.jpg« Le dessin a pour moi une importance primordiale, il doit être aussi sensible que la couleur qu’il limite. Je modèle mes surfaces avec soin, chacune d’elles devient alors un volume possédant sa valeur propre mais chacun de ces volumes est solidaire des autres. Tous s’efforcent de donner à l’ensemble de la toile l’homogénéité indispensable, sinon c’est le chaos. »

    Gustave Van de Woestyne (entretien de 1929)

    Robert Hoozee et Cathérine Verleysen, Gustave Van de Woestyne, Fonds Mercator / MSK, Gand, 2010.

    Gustave Van de Woestyne, Le peintre devant sa fenêtre, lithographie, vers 1920, collection privée