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famille - Page 41

  • Son père, sa mère

    Richard Ford a rassemblé leurs deux portraits dans Entre eux. Je me souviens de mes parents (Bethween them, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, 2017). Des « doubles mémoires » plutôt, comme il l’écrit, composés « à trente ans d’écart » pour évoquer son père, sa mère, et inévitablement le fils qu’il fut « entre eux ». « En tout état de cause, pénétrer le passé est une gageure dans la mesure où ce passé tend, sans complètement y parvenir, à faire de nous ce que nous sommes », écrit-il à 73 ans.

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    Parker, Richard et Edna, La Nouvelle-Orléans, V-J Day, 1945

    Parker Ford est présenté en première partie : « Au loin. Je me souviens de mon père ». Des photographies en noir et blanc ponctuent ces mémoires familiaux dont j’ai envie d’écrire (c’est un compliment) qu’ils sont caractérisés avant tout par l’honnêteté : « Quelque part, au fond de mon enfance, mon père rentre de sa tournée, un vendredi soir. Il est voyageur de commerce. » Pour l’enfant qu’il était alors, au début des années 1950, il était un « grand type corpulent » content de retrouver sa femme Edna et son fils, de reconstituer leur trio.

    Longtemps, ses parents ont mené leur vie en duo. Richard Ford raconte leur rencontre, leur mariage, puis la route qu’ils prenaient ensemble, logeant ici et là aux étapes de la tournée commerciale. Parker Ford parcourait sept Etats du Sud des Etats-Unis au volant de sa Ford Tudor de fonction, jusqu’en Floride, pour rencontrer les grossistes, il s’occupait des commandes d’amidon de blanchisserie pour une entreprise de Kansas City.

    Ils n’avaient pas vraiment de résidence fixe jusqu’à ce qu’Edna, « à la surprise générale », tombe enceinte, en 1943. Richard Ford s’interroge sur le « bonheur ambigu » que cette grossesse a pu provoquer, après quinze ans de mariage – « Des enfants, ils en voulaient au départ, seulement il avait trente-neuf ans, une santé précaire, et elle en avait trente-trois : l’arrivée de ce bébé ne pouvait qu’être déstabilisante, sinon malencontreuse. » La route à deux, c’était fini, il leur fallait un endroit « central » pour y vivre ; ils louent un appartement à Jackson Mississippi, la ville où Richard est né en février 1944. Seize ans plus tard, son père mourra inopinément.

    La deuxième partie, « A la mémoire de ma mère » (My mother), date de 1988. La famille d’Edna Akin, née en 1910, est plus présente dans la vie de l’écrivain que la famille paternelle, qui désapprouvait le choix de Parker Ford. Se pencher sur la vie de sa propre mère « est une marque d’amour » pour Richard Ford : « Nos parents assurent un lien intime entre nous, qui sommes enfermés dans nos vies, et quelque chose qui n’est pas nous ; ils forgent l’écart et la passerelle, le mystère fécond, si bien que même avec eux nous sommes encore seuls. »

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    Edna et Richard, La Nouvelle-Orléans, 1974 (photos du livre)

    Il ne sait pas grand-chose de son enfance, mais possède une photo de son arrière-grand-mère avec sa grand-mère et son second mari, et sa mère aux « yeux noirs perçants ». Celle-ci avait aimé ses années chez les sœurs au pensionnat Sainte-Anne. C’est à Hot Springs qu’Edna, « caissière au kiosque à cigares » de l’hôtel Arlington à dix-sept ou dix-huit ans, a rencontré Parker, vingt-trois ans, employé dans une épicerie. Richard Ford les imagine « beaux et sympathiques, avenants et timides ». Ils se sont mariés l’année suivante, en 1928, sans attendre les présentations chez la grand-mère paternelle.

    Avec sa naissance, la vie de ses parents a changé radicalement, Edna restant avec lui, Parker partant seul sur les routes. Il était donc « absent les trois quarts du temps ». Richard Ford n’a que seize ans quand son père meurt d’une crise cardiaque. « Rien n’est jamais allé tout à fait bien pour elle après le 20 février 1960. Ils m’avaient eu, moi, m’avaient aimé. Mais pour elle, mon père était tout. »

    Richard Ford raconte leur nouveau mode de vie, les frictions, les inquiétudes. Deux ans plus tard, il s’en ira étudier à l’université du Michigan sans qu’elle ne l’y encourage ni ne l’en décourage. « Ensuite a débuté une vie qui nous pousserait vers l’avant en adultes ; une vie plus fragmentée, plus tronquée encore, jalonnée de visites, longues et courtes, de coups de fil, de télégrammes, de rendez-vous dans des villes lointaines, d’efforts pour se voir, de conversations dans des voitures, des aéroports, des gares ferroviaires. »

    « Ma mère et moi nous ressemblons. Grand front haut, même menton, même nez. » Sa mère travaillait à la réception d’un hôpital, « elle disait aimer son boulot ». Sans doute se découvrait-elle des compétences « indépendantes de ses vertus de mère et d’épouse ». Elle a « tenu le coup ». Elle a pu l’aider quand il était jeune marié lui-même, elle a bien vieilli, jusqu’au cancer du sein qui l’a emportée en 1981.

    La postface de Richard Ford dit l’importance que ses parents ont eue pour lui dans des termes à la fois personnels et universels, explique son intention en écrivant sur leurs vies « prématurément fauchées ». Avec franchise et simplicité, sans chercher à embellir ou dramatiser, Richard Ford réussit dans Entre eux à leur rendre un très bel hommage tout en esquissant un autoportrait de l’enfant qu’il fut de leur vivant. S’ils ont mené une existence ordinaire, ils n’en ont pas moins fondé ce qu’il est – et cela, malgré sa grande pudeur, se ressent très fort.

  • Suspendus

    Atwood Faire surface.jpg« Le soleil s’est couché, nous glissons vers l’île dans le crépuscule. Cris des plongeons dans le lointain ; des chauves-souris nous dépassent en voletant, rasant la surface de l’eau, désormais apaisée, où les formes du rivage, rocs d’un blanc gris et arbres morts, se dédoublent dans son miroir sombre. Autour de nous, l’illusion de l’espace infini ou de l’espace anéanti, entre nous la rive obscure que nous semblons pouvoir toucher, l’eau, une absence. Le reflet du canoë flotte avec nous, les avirons se jumellent dans le lac. C’est comme de se mouvoir sur de l’air, rien au-dessous de nous ne nous soutient. Suspendus, nous flottons vers la maison. » 

    Margaret Atwood, Faire surface

  • Faire surface

    Faire surface (Surfacing, 1972, traduit de l’anglais (Canada) par Marie-France Girod), est « un roman fondateur dans l’itinéraire de Margaret Atwood » (quatrième de couverture). Je vous ai déjà parlé de la grande romancière canadienne, née en 1939, à propos de son roman le plus célèbre, La servante écarlate, adapté au cinéma par Volker Schlöndorff et plus récemment à la télévision. Plutôt qu’Œil-de-chat, j’ai repris dans ma bibliothèque ce roman-ci au titre si juste que je le garde pour ce billet, et peut-être aussi comme mantra.

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    Une femme (c’est elle qui raconte) est en route, avec ses amis David et Anna, et Joe, son compagnon, à côté d’elle à l’arrière de la voiture. Elle reconnaît le paysage, les arbres, une ville du Nord canadien qui possède à présent une déviation ; des images, des souvenirs défilent dans sa tête. Ces deux couples forment le quatuor le plus visible de ce roman. Sa mère et ce qu’elle disait, son frère et ce qu’il faisait, son père disparu – « Où qu’il soit aujourd’hui, mort ou en vie, personne ne le sait » – et elle-même constituent un autre quatuor qui joue dans l’ombre une tout autre partition.

    D’emblée, les Américains sont montrés comme des ennemis, eux qui ont fait courir des câbles électriques dans la forêt, pour y installer des fusées – « La ville les a invités à rester, ils faisaient marcher le commerce, ils buvaient sec. » David et Joe profitent du voyage pour tourner leur premier film dont ils ont déjà le titre : « Echantillons aléatoires » : des prises de vue « des choses qu’ils rencontrent, des échantillons pris au hasard ». Elle leur montre au passage la « Villa des bouteilles » aux murs faits de bouteilles assemblées aux culs verts et bruns – ils la trouvent sensationnelle.

    La frontière passée, elle se retrouve sur sa « terre familière, en territoire étranger », reconnaît les odeurs de la scierie, la petite « ville de la compagnie » avec ses plates-bandes et sa fontaine ancienne, puis ils se retrouvent devant une voie bloquée, apprennent qu’il y en a une nouvelle. « Rien n’est plus pareil » : elle ne reconnaît plus le chemin et en souffre, voudrait faire demi-tour, mord dans son cornet de glace pour ne pas pleurer. Plus loin, ils croisent l’ancienne route, elle se repère, ils finissent par y arriver, aperçoivent le lac – « nous y sommes trop tôt, et j’ai l’impression d’être frustrée de quelque chose ».

    Au lieu d’aller boire une bière au motel avec les trois autres, elle les laisse pour une demi-heure. Elle avait besoin d’eux pour faire ce voyage, maintenant elle a besoin d’être seule : « la raison que j’ai d’être ici les déconcerte, ils ne comprennent pas. Tous ont depuis longtemps renié leurs parents, comme on est censé le faire : Joe ne parle jamais de son père et de sa mère, Anna dit que les siens étaient des gens insignifiants et David appelle les siens les Porcs. »

    Voici le village, les bateaux au bord du lac, le sentier de terre battue qui mène chez Paul. De son potager, il répond à son « bonjour » sans la reconnaître, puis le devine quand elle le remercie pour sa lettre et lui demande si son père est revenu : non, il a vraiment disparu, mais il « connaît les bois ». La femme de Paul, Madame, leur prépare du thé, elle la regarde comme si la jeune femme d’une famille réputée « originale et anglaise » était « perdue à jamais ». Elle se souvient des visites ici avec sa mère, tandis que son père parlait avec Paul dehors. Madame soupire sur la mort de sa mère, si jeune.

    Son père est parti en laissant chez Paul la boîte postale de sa fille et les clefs de la maison, son auto. Paul est allé à sa recherche sur l’île, la police aussi, mais ils n’ont rien trouvé. Madame, heureusement, n’interroge pas la visiteuse sur le bébé, elle avait sa réponse prête – « resté en ville ; ce serait la vérité, simplement il s’agit d’une autre ville, il est mieux avec mon mari, mon ex-mari. » Elle n’a pas vraiment envie de revoir son père, ses parents n’ont rien compris à son divorce, à l’abandon de son enfant, ils ne l’ont jamais pardonnée.

    Chargée de quelques provisions, elle retrouve les autres au bar. Evans, « un gros Américain laconique », les conduira sur le lac : « La presqu’île est là où je l’ai quittée, en saillie sur le rivage de l’île. On n’aperçoit même pas la maison à travers les arbres, quoique moi je sache où elle se trouve ; mon père était pour le camouflage. »

    Nous voilà embarqués dans une intrigue tissée de nombreux fils. Découverte de la vie au plus près de la nature dans la maison familiale où l’on se chauffe au bois, où l’on se nourrit des conserves et de ce qui pousse au potager, où les WC sont au bout d’un sentier. Réminiscence de l’enfance, de la jeunesse pour la narratrice, qui cherche dans la maison et aux alentours des signes qui la mettent sur la voie de son père – « A tout moment, l’impression de perte, de vide, peut s’emparer de moi, eux la maintiennent à l’écart. »

    Questionnement et jeux amoureux : Joe tient à elle plus qu’elle ne tient à lui, David et Anna qui sont mariés, eux, jouent au jeu de la jalousie, elle toujours occupée à retoucher son maquillage sans lequel elle ne plaît pas à David, lui sans cesse dans l’allusion sexuelle, lorgnant vers toutes les femmes à sa portée. La narratrice ne leur a jamais parlé du bébé. Devenue « ce que l’on appelle une artiste commerciale, ou, quand le travail se fait plus prétentieux, une illustratrice », elle dessine pour son cinquième livre, sans grande inspiration.

    La pêche, le canoë, le soleil de juillet, le lac, les arbres, la vie simple – les autres décident de rester une semaine de plus ; il faudra leur trouver des occupations. C’est alors que va s’insinuer le malaise : l’impression d’être observée, de ne pas être en sécurité – son père est peut-être devenu fou, il pourrait réapparaître, ou bien des visiteurs inopportuns, des prédateurs. Paul leur apporte des légumes, accompagné d’un amateur pour la propriété, membre d’une Association de protection de la nature. Le danger peut aussi venir d’elle-même, qui ne cesse de remonter le cours de sa vie, de se parler intérieurement, de voir ou de chercher des signes, des pouvoirs.

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    N’en disons pas davantage. « Faire surface » : « Remonter à l’air libre pour respirer, après être resté quelque temps sous l’eau » ou, au figuré, « reprendre contact avec le réel après un passage à vide, une dépression » (entre autres définitions du TLF). Cette expression correspond dans tous les sens possibles aux enjeux de ce roman captivant : tout en suivant les traces de son père, l’héroïne y poursuit une quête solitaire qui exclut peu à peu les autres, l’ouvre à un monde secret à la fois familier et sauvage. Une plongée sous les apparences, quitte à en perdre le souffle.

  • Lucidité

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    « Pourtant, il y a une lucidité qui nous vient parfois dans ces moments-là, quand on se surprend à regarder le monde à travers ses larmes, comme si elles servaient de lentilles pour rendre plus net ce qu’on regarde. »

    Jean Hegland, Dans la forêt

  • Entrer dans la forêt

    Dans la forêt, le roman de Jean Hegland (1996, traduit de l’américain par Josette Chicheportiche, 2017), a déjà touché de très nombreux lecteurs, et pas seulement les amateurs de « Nature Writing ». Ce succès, une réputation fameuse gêne parfois l’entrée en lecture, pas ici. « C’est étrange, d’écrire ces premiers mots, comme si je me penchais par-dessus le silence moisi d’un puits, et que je voyais mon visage apparaître à la surface de l’eau – tout petit et se présentant sous un angle si inhabituel que je suis surprise de constater qu’il s’agit de mon reflet. »

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    Cette première phrase est de Nell, à qui sa sœur Eva a offert un cahier vierge pour Noël, leur premier Noël depuis qu’il n’y a plus ni électricité, ni téléphone, ni internet, ni essence pour aller à la ville, ni marchandises dans les magasins, ni écoles, ni banques – un Noël d’orphelines « qui ont fait naufrage ». Un Noël de souvenirs : le Messie de Haendel dans le lecteur CD, la promenade avec leurs parents dans la forêt verte, les lumières du sapin, les cartes de vœux… Puis leur mère est tombée malade, le cancer l’a emportée, et leur père est devenu « distant et silencieux ».

    A Eva, Nell a offert des chaussons à pointes qu’elle a réparés comme elle pouvait. Elle aurait préféré lui offrir de l’essence pour faire fonctionner le groupe électrogène et « qu’elle puisse laisser la musique la pénétrer à nouveau jusque dans ses os », la musique qui lui manque tellement – Eva n’a plus que le métronome pour s’exercer dans le studio de danse aménagé par son père.

    Comment vivre au quotidien sans toutes ces choses dont elles n’ont pas appris à se passer ? Heureusement, dans la maison familiale près d’une clairière, elles ont un toit et leurs poules et des réserves de nourriture dans le garde-manger, « plus qu’il n’en faut pour tenir » jusqu’à ce que cette période de bouleversements se termine, pensent-elles.

    Nell, 17 ans, s’apprêtait à entrer à Harvard ; en guise d’apprentissage, privée d’ordinateur, elle entame la lecture complète de l’Encyclopédie, de A à Z. Eva, un an plus âgée, devait entrer dans le corps de ballet de San Francisco, elle s’exerce tous les jours pour garder ses acquis. Les coupures de courant ont d’abord été brèves, puis de plus en plus fréquentes, et peu à peu leur vie d’avant a disparu et elles ont pris de nouvelles habitudes pour faire face et survivre.

    Leur mère était danseuse, sa carrière a été brisée par un accident. Leur père estimait que la jouissance de la forêt et de la bibliothèque municipale, leur mère à la maison pour les nourrir et leur expliquer les mots nouveaux, valaient mieux que l’école et les heures perdues en trajets : « Eva et moi étions donc libres de nous promener et d’apprendre à notre guise. »

    Jean Hegland, par la voix de Nell, raconte une vie imprégnée de l’éducation reçue et des souvenirs en même temps qu’un train-train quotidien qui s’adapte aux saisons, aux besoins, aux manques. Les deux sœurs sont très différentes : « La question que je pose sans fin à mon reflet, c’est : Qui es-tu ? Mais cela ne viendrait jamais à l’esprit d’Eva de se demander qui elle est. Elle se connaît jusque dans les moindres os de son corps, les moindres cellules, et sa beauté n’est pas un ornement ; c’est l’élément dans lequel elle vit. »

    Au début, elles avaient l’impression de manquer de tout, puis elles ont s’y sont habituées. « Ta vie t’appartient », répétait sans cesse leur mère, ou quand elles se disputaient : « Sa vie lui appartient. Et la tienne aussi. Un jour tu comprendras. » Elle les aimait, mais les laissait souvent seules. « Père gardait tout et ne triait rien » – « Quelle ironie de penser que tout son bazar est peut-être aujourd’hui notre plus grand trésor. »

    De mois en mois, de lettre en lettre dans l’Encyclopédie, le temps passe, et des vers apparaissent dans la farine – que leur père leur a appris à tamiser. Mettre le surplus des légumes du potager en conserve, récolter les fruits, tous ces gestes qui permettent de vivre autonomes, il leur en a donné l’exemple jour après jour jusqu’à sa mort.

    L’arrivée d’Eli dans leur maison près de la forêt, le garçon dont Nell était tombée amoureuse au temps où elles allaient encore passer des soirées en ville, vient bouleverser l’équilibre construit depuis qu’elles sont seules. Eva l’évite autant que possible, met sa sœur en garde – ce n’est pas le moment de se retrouver enceinte – et Nell chavire, à la fois « nerveuse et vulnérable » et heureuse qu’il s’intéresse vraiment à elle, qu’il fasse même des projets pour eux deux.

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    Un film dramatique canadien de Patricia Rozema 
    basé sur le roman de Jean Hegland (2015)

    En plaçant ses personnages dans une situation qui les prive de tous les biens et bienfaits de la civilisation, près de la forêt avec ses dangers mais aussi ses ressources, Jean Hegland, qui vit « au milieu des forêts de Caroline du Nord et partage son temps entre l’apiculture et l’écriture » (quatrième de couverture), réussit à nous captiver par une intrigue pauvre en péripéties, riche en apprentissages et en choix de vie.

    J’ai peu parlé de la forêt même, omniprésente dans le récit, c’est pour vous laisser y entrer, à votre tour, par la grâce de ce roman qui va à l’essentiel. « De la beauté à l’état pur, de la poésie, une écriture incomparable. Et une lucidité sur l’état de notre monde qui fait presque peur. » (Bonheur du jour)