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  • Valeurs

    sylvie leemans,et l'improbable devint réalité,40 ans de vie communautaire,fraternités du bon pasteur,bruxelles,communauté chrétienne,accueil,vie commune,engagement,prière,extrait« La vie communautaire est balisée par les valeurs que nous essayons de vivre et les moyens que nous nous donnons pour y parvenir. Dans notre cas nous retenons les valeurs de respect, ouverture, tolérance, pardon, confiance, attention et écoute mutuelle, interpellation fraternelle, entraide, service, croissance spirituelle. Les moyens quant à eux sont les réunions hebdomadaires, les temps de prière, les travaux fraternitaires et les fêtes diverses. Sans oublier les contacts interpersonnels plus informels qui sont l’occasion d’approfondir une relation, un sujet ou d’avoir une explication.

    C’est tout sauf de la théorie, plutôt un défi que nous tentons de vivre au quotidien. »

    Sylvie Leemans, Et l’improbable devint réalité. 40 ans de vie communautaire

    Photo du Feu de la Saint Jean le 24 juin © FBP

  • Fraterniser

    Et l’improbable devint réalité. Sous ce titre, Sylvie Leemans raconte « 40 ans de vie communautaire » aux Fraternités du Bon Pasteur à Bruxelles. Elle a fait partie du noyau fondateur de cette communauté chrétienne originale et en présente toutes les facettes à travers un regard personnel – un témoignage de première main.

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    Photo © FBP

    Je n’habitais plus à Woluwe Saint Pierre quand Le Bon Pasteur de la rue au Bois, un vaste domaine de plus de sept hectares, avec un très beau parc, est passé en 1985 d’une congrégation qu’on appelait « les Sœurs du Bon Pasteur » à un petit groupe de chrétiens « porteurs d’un projet de vie communautaire ». Dans l’ex-« Manoir d’Anjou », les religieuses accueillaient des jeunes filles issues de familles en difficulté ou des orphelines de guerre. Nous les voyions parfois à la messe de Ste Alix, la paroisse de ma jeunesse. Quelques fois, j’ai accompagné la classe dont j’étais titulaire au Bon Pasteur pour une retraite. J’étais curieuse de découvrir l’histoire et le fonctionnement de la communauté actuelle de l’intérieur.

    La presse avait rendu compte à l’époque de ce changement de propriétaire qui avait donné la priorité à un projet de vie chrétienne ; les religieuses avaient résisté aux offres alléchantes des promoteurs immobiliers. Fraternité, prière partagée et ouverture aux plus démunis étaient au cœur de ce projet de vie collective d’un nouveau style. Licenciée en criminologie, Sylvie Leemans travaillait dans le secteur de l’aide à la jeunesse quand elle a croisé ces « rêveurs » désireux de fraterniser, sans savoir encore qu’elle allait vivre 38 ans de vie communautaire au Bon Pasteur.

    C’est l’objectif premier de son livre : « partager le « fabuleux » de la vie communautaire » sans en nier les difficultés, donner à d’autres l’envie de se lancer dans une forme d’habitat groupé, chrétien ou non une formidable aventure humaine. Tous les habitants y sont locataires de leur logement. En plus des « communautaires » (adultes engagés de tout âge), le domaine comporte des logements de transit pour personnes fragilisées, une colocation de six jeunes travailleurs (Koté jardin), un kot de dix étudiants, des logements loués avec des baux limités dans le temps.

    Ces espaces ont été aménagés peu à peu, bénévolement, « par les futurs occupants et leurs réseaux », avec un objectif de vie simple dans la belle nature du domaine. Un des choix fondamentaux était d’habiter des logements indépendants, de fraterniser à certains moments dans des espaces communs, d’être autonome et indépendant financièrement, tout en faisant vivre le projet des Fraternités.

    Charte des Fraternités du Bon Pasteur, pratiques spirituelles, accueil, partages, engagement, fêtes, tâches… Tous les aspects de cette communauté qui relie des personnes aux situations différentes (célibat, mariage, famille, vie religieuse, prêtrise) et aux implications diverses sont abordés. Sylvie Leemans décrit cette aventure humaine sans l’enjoliver pour autant. Cela demande organisation et disponibilité. Comme dans tout groupe, des jeux de pouvoir et des conflits doivent être surmontés. En communauté aussi, on s’engage « pour le meilleur et pour le pire ».

    Beaucoup de questions sont posées, comme « est-il raisonnable d’espérer que chacun apporte tout ce qu’il peut, tout ce qu’il est dans la construction commune ? » L’habitat partagé confronte forcément aux différences entre les êtres humains, c’est un défi à relever en permanence. Certaines pratiques fragilisent le groupe, d’autres le ressoudent. Il y a des périodes fastes et des périodes creuses, des temps de remise en question.

    J’ai apprécié l’honnêteté intellectuelle de Sylvie Leemans, amie d’une amie, dans la description et sa réflexion nuancée sur ce vécu au Bon Pasteur. Son respect des visions différentes, sans masquer la réalité des difficultés qui surgissent. Son désir de laisser une trace de ce qui fut et de l’évolution sur quatre décennies, ce qui peut être utile aux autres dans le futur. Au-delà de ce projet particulier, Et l’improbable devint réalité peut intéresser ceux qui souhaitent vivre en colocation ou en habitat partagé, groupe ou communauté. N’est-ce pas, finalement, une belle façon de réfléchir sur la manière dont on peut vivre sa vie en paix avec les autres, tout en veillant au bien commun ?

  • Simon Gronowski

    « J’ai pardonné à mon geôlier nazi… » Quatre pages dans La Libre Belgique du week-end pour Simon Gronowski, formidable ! Linda, avec qui j’ai visité la Kazerne Dossin, m’a fait connaître ce « Passeur de mémoire » qui vient de fêter ses 90 ans. Francis Van de Woestyne l’a rencontré chez lui à Ixelles. Leur entretien parle de sa vie exceptionnelle, « l’histoire d’un petit garçon qui s’est évadé à 11 ans du vingtième convoi qui emmenait 1600 Juifs à Auschwitz… »

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    Simon Gronowski jouant du jazz au piano à sa fenêtre en Belgique durant le confinement, 2021
    © Ksenia Kuleshova for The New York Times

    Simon Gronowski est né à Bruxelles, où son père polonais, qui avait fui l’antisémitisme, tenait un commerce. Celui-ci était absent quand la Gestapo est venue les arrêter en mars 1943, sa mère, sa sœur et lui. Enfermés un mois à la Caserne Dossin, ils reçoivent leur numéro de déporté, sa mère et lui ensemble, sa sœur dans un autre convoi.

    Trois jeunes résistants ont attaqué le train à Boortmeerbeek et ont fait descendre 17 personnes dans la nuit. Plus loin, sa mère lui a demandé de sauter du train en marche par la porte ouverte, mais elle ne l’a pas suivi. Aidé par plusieurs personnes, dont un gendarme, il a pu rejoindre son père là où il se cachait. Sa mère et sa sœur ne sont jamais revenues. Son père malade est mort en 1945.

    Au récit de sa vie, « faite de miracles », s’ajoute un témoignage sur l’engagement magnifique de Simon Gronowski : un livre, L’Enfant du XXe convoi (repris aussi en bédé) ; les rencontres avec les jeunes dans les écoles, en Belgique et à l’étranger, comme le faisait Kichka ; l’amitié avec Koenraad, fils d’un collabo flamand, qui a souhaité le rencontrer et est devenu son « frère ». « Il est plus dur d’être le fils du criminel que le fils d’une victime », selon Simon Gronowski. Pour lui, qui n’a jamais eu de haine en lui, « la leçon est qu’il faut pardonner ».

  • Mimas

    richard powers,l'arbre-monde,roman,littérature anglaise,etats-unis,avenir,planète,forêts,séquoias de californie,environnement,écologie,engagement,arbres,nature,société,culture« « Le voilà, dit Loki, inutilement. C’est Mimas. »
    Des sons surgissent et s’échappent de la bouche de Nick, des syllabes qui veulent dire, en gros :
    Oh nom de Dieu c’est pas possible. Cela fait des semaines qu’il voit des arbres géants, mais jamais un monstre pareil.
    Mimas : plus large en diamètre que la vieille ferme de son arrière-arrière-arrière-grand-père. D’ici, tandis que le couchant les drape, la sensation est primitive : le darshan, une exposition en face à face avec la divinité. L’arbre s’élève tout droit comme une butte rocheuse du désert et oublie de s’arrêter. Vu d’en dessous, ce pourrait être Yggdrasil, l’Arbre-Monde, qui a ses racines dans le monde souterrain et sa cime dans le monde céleste. A huit mètres de hauteur, un tronc secondaire surgit de l’étendue du flanc, en une branche plus grosse que le Châtaignier d’Hoel. Deux autres troncs bifurquent plus haut. Le tout ressemble à un exercice de cladistique, l’Arbre de Vie, l’Arbre de l’Evolution : une grande idée qui éclate en une famille de branches nouvelles, tout là-haut au fil du temps long. »

    Richard Powers, L’Arbre-Monde.

    Yggdrasil, peinture attribuée à Oluf Bagge (Edda, 1847), Wikimedia Commons

  • Arbre Monde Vie

    Le bandeau 10/18 annonce deux prix attribués à L’Arbre-Monde de Richard Powers (The Overstory, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Serge Chauvin) : le Grand Prix de littérature américaine en 2018, le Pulitzer en 2019. Voilà qui encourage à lire ce roman de plus de sept cents pages (10/18) en quatre parties intitulées « Racines », « Tronc », « Cime », « Graines ». 

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    « Au début il n’y avait rien. Et puis il y eut tout. » L’ouverture est quasi mystique. Une femme assise contre un pin entend l’arbre lui dire « des choses, en mots d’avant les mots. » « Racines » raconte successivement comment les neuf protagonistes du roman, dont un couple, qui évoluent au départ dans des sphères très différentes, ont noué chacun une relation particulière avec des arbres.

    Le premier chapitre s’ouvre sur un festin de châtaignes grillées. Au dix-neuvième siècle, Hoel, un Filnlandais qui travaille sur les chantiers navals de Brooklyn, épouse Vi, une voisine irlandaise. La nationalité américaine obtenue, ils s’installent dans l’Iowa pour cultiver la terre sur une vingtaine d’hectares. Au printemps, Vi est enceinte et son mari enfonce dans la prairie sans arbres autour de leur cabane six châtaignes retrouvées dans une poche, loin de l’habitat naturel des châtaigniers, dans l’idée qu’un jour, ses enfants « secoueront les troncs et mangeront gratis. » Magnifique chapitre sur « le Châtaignier d’Hoel » qui deviendra un point de repère dans le paysage, un « arbre sentinelle ».

    L’Arbre-Monde est aussi arbre-temps : la vie d’un arbre ne se mesure pas à la vie d’un homme. Les décennies, les générations se succèdent. Le romancier alterne arrêts sur images et accélérés. C’est à notre époque, aux Etats-Unis, que se déroule un combat très dur pour sauver ce qui reste des forêts primaires, une lutte collective pour préserver des arbres de l’abattage industriel ou urbain. Tous les personnages vont être liés d’une manière ou d’une autre à cette problématique – on pourrait dire cette fuite en avant.

    Tout ce qu’on sait aujourd’hui sur la survie des arbres et les écosystèmes, Richard Powers, qui a eu une formation scientifique, l’intègre dans ce roman qui fait place aussi bien à la recherche universitaire qu’à l’activisme écologiste radical et aux affrontements épiques entre les militants de la cause des arbres (on voit comment ceux-ci s’organisent pour habiter leur ramure) et les bûcherons, les promoteurs, les exploitants, la police.

    Le combat pour la protection des plus vieux séquoias du monde en Californie, vers lequel convergent les différents personnages, est d’une violence terrible. Quand chacun d’eux prend conscience de ce qui se passe, du danger, c’est un devoir d’en rendre les autres conscients à leur tour. L’attention à l’environnement peut faiblir chez ceux qui s’échappent dans un monde virtuel, comme l’auteur le montre à travers la fabuleuse réussite de Neelay, un génie des jeux vidéo.

    Même si le roman est long et si l’incessant va-et-vient entre les personnages lasse parfois, L’Arbre-Monde est un énorme cri d’alarme pour l’avenir de la planète. Il met en scène des personnages sentinelles, des hommes et des femmes très différents, qui vont jusqu’au bout de leur engagement et en payent souvent le prix fort. Le roman dénonce les dérives de notre époque et ne laisse guère de place à l’optimisme.

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    C’est pourtant un appel puissant à regarder, à comprendre, à planter, à construire plutôt qu’à détruire. Richard Powers souligne la nécessité de faire cause commune entre arbres et humains pour défendre notre survie terrestre. Nous avons beaucoup à apprendre des forêts, clame L’Arbre-Monde ; même si nous n’entendons pas parler les arbres, nous pouvons, nous devons nous mettre à leur écoute.