Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Fraterniser

Et l’improbable devint réalité. Sous ce titre, Sylvie Leemans raconte « 40 ans de vie communautaire » aux Fraternités du Bon Pasteur à Bruxelles. Elle a fait partie du noyau fondateur de cette communauté chrétienne originale et en présente toutes les facettes à travers un regard personnel – un témoignage de première main.

sylvie leemans,et l'improbable devint réalité,40 ans de vie communautaire,fraternités du bon pasteur,communauté chrétienne,accueil,vie commune,engagement,prière
Photo © FBP

Je n’habitais plus à Woluwe Saint Pierre quand Le Bon Pasteur de la rue au Bois, un vaste domaine de plus de sept hectares, avec un très beau parc, est passé en 1985 d’une congrégation qu’on appelait « les Sœurs du Bon Pasteur » à un petit groupe de chrétiens « porteurs d’un projet de vie communautaire ». Dans l’ex-« Manoir d’Anjou », les religieuses accueillaient des jeunes filles issues de familles en difficulté ou des orphelines de guerre. Nous les voyions parfois à la messe de Ste Alix, la paroisse de ma jeunesse. Quelques fois, j’ai accompagné la classe dont j’étais titulaire au Bon Pasteur pour une retraite. J’étais curieuse de découvrir l’histoire et le fonctionnement de la communauté actuelle de l’intérieur.

La presse avait rendu compte à l’époque de ce changement de propriétaire qui avait donné la priorité à un projet de vie chrétienne ; les religieuses avaient résisté aux offres alléchantes des promoteurs immobiliers. Fraternité, prière partagée et ouverture aux plus démunis étaient au cœur de ce projet de vie collective d’un nouveau style. Licenciée en criminologie, Sylvie Leemans travaillait dans le secteur de l’aide à la jeunesse quand elle a croisé ces « rêveurs » désireux de fraterniser, sans savoir encore qu’elle allait vivre 38 ans de vie communautaire au Bon Pasteur.

C’est l’objectif premier de son livre : « partager le « fabuleux » de la vie communautaire » sans en nier les difficultés, donner à d’autres l’envie de se lancer dans une forme d’habitat groupé, chrétien ou non une formidable aventure humaine. Tous les habitants y sont locataires de leur logement. En plus des « communautaires » (adultes engagés de tout âge), le domaine comporte des logements de transit pour personnes fragilisées, une colocation de six jeunes travailleurs (Koté jardin), un kot de dix étudiants, des logements loués avec des baux limités dans le temps.

Ces espaces ont été aménagés peu à peu, bénévolement, « par les futurs occupants et leurs réseaux », avec un objectif de vie simple dans la belle nature du domaine. Un des choix fondamentaux était d’habiter des logements indépendants, de fraterniser à certains moments dans des espaces communs, d’être autonome et indépendant financièrement, tout en faisant vivre le projet des Fraternités.

Charte des Fraternités du Bon Pasteur, pratiques spirituelles, accueil, partages, engagement, fêtes, tâches… Tous les aspects de cette communauté qui relie des personnes aux situations différentes (célibat, mariage, famille, vie religieuse, prêtrise) et aux implications diverses sont abordés. Sylvie Leemans décrit cette aventure humaine sans l’enjoliver pour autant. Cela demande organisation et disponibilité. Comme dans tout groupe, des jeux de pouvoir et des conflits doivent être surmontés. En communauté aussi, on s’engage « pour le meilleur et pour le pire ».

Beaucoup de questions sont posées, comme « est-il raisonnable d’espérer que chacun apporte tout ce qu’il peut, tout ce qu’il est dans la construction commune ? » L’habitat partagé confronte forcément aux différences entre les êtres humains, c’est un défi à relever en permanence. Certaines pratiques fragilisent le groupe, d’autres le ressoudent. Il y a des périodes fastes et des périodes creuses, des temps de remise en question.

J’ai apprécié l’honnêteté intellectuelle de Sylvie Leemans, amie d’une amie, dans la description et sa réflexion nuancée sur ce vécu au Bon Pasteur. Son respect des visions différentes, sans masquer la réalité des difficultés qui surgissent. Son désir de laisser une trace de ce qui fut et de l’évolution sur quatre décennies, ce qui peut être utile aux autres dans le futur. Au-delà de ce projet particulier, Et l’improbable devint réalité peut intéresser ceux qui souhaitent vivre en colocation ou en habitat partagé, groupe ou communauté. N’est-ce pas, finalement, une belle façon de réfléchir sur la manière dont on peut vivre sa vie en paix avec les autres, tout en veillant au bien commun ?

Commentaires

  • Vivre en communauté. C'est juste l'inverse du billet et de la vidéo-interview de Dominique Fernandez sur le blog de Bonheur du jour ce matin...
    On peut imaginer le nombre de difficultés rencontrées dans une vie ensemble, mais un but louable les unit, un lien fort.
    Bonne journée Tania

  • Fernandez sur la solitude ? Je vais l'écouter, merci !

  • J'ai aimé ce bel entretien où Dominique Fernandez va dans le sens de "L'Esprit de solitude" de Jacqueline Kelen.
    Ce que je trouve intéressant dans la vie aux Fraternités dont parle Sylvie, c'est justement d'y avoir inclus de l'indépendance (logement privé, autonomie financière, vie professionnelle) qui permette cette solitude féconde. Le domaine comporte aussi deux "ermitages" pour qui souhaite se retirer un certain temps.

  • Hors des sentiers battus et à notre époque où tout est de plus en plus ramené à l'affrontement même dans la vie ordinaire (bataille, duel, rapport de force, etc.), ce livre fait entendre une autre tonalité de l'existence. Avec plaisir, Anne.

  • La vie communautaire doit être aussi riche d'apprentissages que la vie de famille, la vie de couple, ou la vie dans un espace de travail, entre autres lieux de partage... Je n'imagine pas du tout mais il me semble qu'on doit devenir une nouvelle personne après une telle expérience surtout si comme l'autrice on vit ainsi depuis plus de 30 ans. Forcément le regard posé sur nos sociétés individualistes, sur nos besoins excessifs de consommation, sur nos égos sur dimensionnés doit mener à des réflexions fort intéressantes. Merci de nous en parler avec enthousiasme.

  • Son engagement dans ce mode de vie nous questionne forcément sur nos propres choix et nos propres limites. A bientôt, Manou.

  • Dans cet entretien où les exemples de gens connus, écrivains-musiciens, sont nombreux, j'ai retenu aussi le côté positif de la surdité...
    Sinon, je ne me vois pas du tout capable de vivre en communauté, même si j'ai de l'espace pour moi, quant à vivre seule je peux l'imaginer, de façon positive.
    Le reste est théorique...

  • Oui, j'ai entendu ces propos sur la surdité qui aurait rendu le créateur à lui-même et même plus libre... Sans connaître en détail la vie des compositeurs cités par Fernández, je reste perplexe à ce sujet.
    Bonne soirée, Colo.

  • C'est toujours intéressant de lire sur ce genre de communautés et aucune en effet n'est exempte de tensions et de crises. Après, tout dépend comment elles sont affrontées et solutionnées, ou pas .. en tout cas ça doit être assez passionnant de se lancer dans une expérience inédite avec le désir de vivre mieux avec les autres.

  • N'est-ce pas ? Merci & bonne journée, Aifelle.

  • Ces vies en communauté, les béguinages et autres etc...m'ont toujours paru séduisants pour l’entraide apportée (courses pour les plus âgés, garde après l'école des Petits par des Mamies, etc...), l'attention aux autres, la richesse du partage... mais je m'illusionne peut-être, et je ne vois pas les conflits probables, les caractères forts souvent en opposition, les décisions à prendre qui divergent etc...
    D’où l’intérêt de ce livre Tania. Merci !

  • Bonjour, Claudie. J'espère ne pas avoir trop insisté sur les difficultés au détriment de leur idéal de fraternité et de la foi qui les réunissent. Formidable entraide au jour le jour, oui !

  • C'est intéressant et j'admire ceux qui arrivent à vivre en communauté, à se plier à des règles communes, ils sont peut-être seuls au monde, sans famille aucune... Il est toujours enrichissant de réfléchir sur des expériences de vie différentes des nôtres... Lumineuse semaine Tania, bises. brigitte

  • Voilà ce que fait bien ce livre, en effet : témoigner d'une expérience de vie originale et d'une grande richesse. Bonne journée, Brigitte. Nous avons vu les trombes d'eau dans le Var. J'espère que vous n'en avez pas trop souffert et que vous retrouvez un temps agréable.

  • En France les Babayagas ont initié un habitat partagé pour personnes âgées comme alternative aux maisons de retraite. Cette expérience en a suscité d'autres et il me semble que c'est une excellente solution pour échapper à la totale solitude dans laquelle beaucoup de personnes âgées se trouvent. Les Babayagas ont souhaité vivre entre femmes par choix
    https://actu.fr/ile-de-france/montreuil_93048/reportage-qui-sont-les-babayagas-communaute-autogeree-de-feministes-a-la-retraite_58140295.html
    Je ne sais pas rendre le lien actif, excusez moi

  • J'irai voir cela, merci beaucoup, Zoë.

Écrire un commentaire

Optionnel