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belgique - Page 27

  • Lettres de peintres

    « Rops, Ensor, Magritte », c’est le trio d’affiche pour l’exposition du Musée des Lettres et Manuscrits à la Galerie du Roi (jusqu’au 13 octobre), un bon prétexte pour se rendre aux Galeries Royales Saint-Hubert dont les enseignes continuent à se renouveler – les vitrines des chocolatiers y rivalisent à qui mieux mieux. 

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    « Des lettres et des peintres » propose une centaine de lettres « des plus grands peintres des XIXe et XXe siècles ». A l’accueil, une toile de Constant Montald qui correspond au dessin vu à Saint-Amand montre Verhaeren en veste jaune lisant une lettre, une main levée comme dans la célèbre « Lecture » de Van Rysselberghe. Dans la brochure remise aux visiteurs, chaque lettre est commentée en trois langues (français, néerlandais, anglais).

    Au mur, une reproduction picturale ou graphique, une présentation du thème des lettres exposées dans une vitrine table : il en ira ainsi tout au long du parcours, à part les trois vitrines réservées aux peintres belges cités en titre. L’agrandissement d’une lettre de Leonor Fini agrémentée de croquis de chats laisse espérer un compagnonnage entre mots et dessins, mais la sélection proposée est surtout invitation à découvrir la calligraphie des peintres, la manière et la matière de leur correspondance.

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    Francis Picabia (Paris, 1879 - id., 1953) — 
    Lettre autographe signée, avec dessin original, adressée à « Ma petite Méraud », Lundi [novembre 1947]. (droits réservés)

    Ils confient à l’encre noire, plus rarement en bleu, leurs soucis d’argent, de santé, leurs amours contrariées, leurs impressions de voyages, parlent dart ou damitié. Une brève missive de Modigliani vaut d’être citée intégralement : « Chérissime astrologue, Je t’écris pour ne rien te dire. Je continue, je continuerai. J’écris pour écrire. Adieu. » Ce « tweet » avant la lettre (si j’ose dire) est adressé à Conrad Moricand le 8 novembre 1916.

    A côté, une lettre de Miró à en-tête de « Son Abrines Calamayor ». Il y parle d’accueil à l’aéroport de Palma de Majorque et d’une bonne paella, voilà qui évoque de bons souvenirs. Degas, Van Gogh, Juan Gris, Mondrian… Autant d’écritures à découvrir, à déchiffrer parfois, et de mises en page personnelles. Mondrian couvre de grandes feuilles sur toute leur largeur, la page de Max Ernst se révèle claire et aérée. 

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    René Magritte (Lessines, 1898 - Bruxelles, 1967) 
    Page d'une Lettre au marchand d’art Iolas (droits réservés)

    Echanges entre peintres et marchands, entre peintres, entre peintres et écrivains, lettres familiales, amicales, les genres sont variés. Magritte expose ses « tableaux de comptabilité » sur chevalet, encadrés comme des toiles. Sa lettre à Eluard (1846) parle de poésie, de Picasso et se termine par le dessin de deux mains qui se serrent. Redon invite Vuillard à déjeuner, Dali – grande écriture fantasque – propose à Eluard de l’accueillir dans sa villa, Van Rysselberghe répond à sa femme à propos d’un piano, Rodin écrit à Monet…

    Le parcours se veut thématique. Pas de chronologie, des lettres d’un même artiste dispersées dans des vitrines différentes, on perd parfois le fil conducteur. Un album de croquis de Delacroix, un dessin de Courbet, une aquarelle de Gauguin offrent de temps à autre une respiration. Ecritures fines, épaisses, droites, penchées, c'est sans nul doute une mine pour les graphologues.

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    Pierre Alechinsky (Schaerbeek, 1927 - ) Faon sur une table, dessin sur manuscrit du XVIIIe siècle. (droits réservés)

    Une lettre de Grenade adressée par Van Rysselberghe à son épouse semble à l’encre de Chine tellement l’écriture est nette, fraîche – elle date du 4 avril 1913. Le peintre est déçu : d’abord de la pluie et du froid (ah, ces destinations méditerranéennes qu’on imagine perpétuellement à l’abri des intempéries !) et puis de sa visite à l’Alhambra. Trop de monde, écrit-il, trop de gardiens, d’ouvriers, de visiteurs, déjà (il y a cent ans) les inconvénients du tourisme de masse.  

    Dans la section « Mot et image », j’ai noté ce passage d’une lettre de Paul Delvaux à Claude Spaak (13/1/1948), illustrée d’une tête de femme : « J’ai passé douze jours à Westende chez André, le littoral est magnifique l’hiver : c’est la mer absolument solitaire et au fond plus belle que l’été. » Curiosités, deux dessins d’Alechinsky sur des manuscrits anciens (XVIIIe) achetés aux puces à Aix-en-Provence : une tête d’homme de profil, un « Faon sur une table ».

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    Félicien Rops (Namur, 1833 - Corbeil [Essonnes], 1898)

    Van Dongen à Carco, Degas à sa sœur, Monet à Mallarmé, Miró à Queneau, Picabia… Une formidable assemblée de grands artistes belges et européens. Terminons par les trois vitrines monographiques » : pour Magritte, des lettres à en-tête de sa maison schaerbeekoise à la rue des Mimosas, des missives assorties de croquis décrivant ses toiles et aussi des photos jointes en vue d’une exposition. Ensor s’exprime tantôt avec politesse, tantôt avec une verve moqueuse impitoyable. Rops enfin : des pattes de mouche, un humour satirique et mordant : « Quand l’on songe que vous êtes trois millions d’imbéciles qui tripotaillez dans le corps humain depuis dix siècles & que vous n’êtes pas encore arrivés à guérir un homme brun d’une femme blonde » (ci-dessus). 

    Le ticket d’entrée donne accès à la collection permanente à l’étage : lettres et manuscrits d’artistes, d’écrivains, de personnages historiques, de savants, en rapport avec la Belgique surtout. Mais après deux heures de lecture pas toujours aisée, les yeux se fatiguent, ce sera pour une autre fois. Ma première visite à cette antenne bruxelloise du mlm m’a laissée un peu sur ma faim, j’espérais plus de peintures ou de croquis. La muséographie, assez monotone, manque de moyens techniques – loupes, écrans peut-être – pour rendre plus accessibles ces lettres d’autrefois, témoignages précieux pour l’histoire de l’art.


  • Certitudes parapluies

    « Maggie m’avait dit plus d’une fois que la seule façon d’avoir une chance d’être heureux, c’est d’accepter que rien n’est jamais certain, que rien n’est définitif, ni les bonnes choses… ni les mauvaises. Elle avait réussi à me faire sourire en me disant que les certitudes sont des parapluies qui ne s’ouvrent que les jours où il fait beau et qu’alors ils nous gâchent la lumière du soleil. »

    Francis Dannemark, Histoire d’Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un)

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  • Alice et ses maris

    Francis Dannemark, écrivain belge et éditeur, annonce la couleur de son dernier roman dès le titre (qu’il choisit souvent long) : Histoire d’Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) (2013). Le ton est guilleret, même si cela commence par un enterrement. 

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    "Kissing Alice", une fausse photo attribuée à Lewis Carroll 
    (Merci à MH d'avoir dénoncé le montage et excusez-moi pour ce choix malheureux.)

    Paul rencontre sa tante Alice en novembre 2001, le jour de l’enterrement de sa sœur – « de ma mère, pour le dire autrement ». Il ne l’avait jamais vue, ils font connaissance. Cette « étrangère avec un accent anglais (…) avait les mêmes grands yeux clairs que (sa) mère ». Ses parents ne lui parlaient jamais d’elle, mais il savait qu’en mai 1945, la petite sœur de Mady avait été très malade après la mort de leurs parents et qu’elle s’était mariée à dix-sept ans avec un veuf qui avait perdu femme et enfants dans un bombardement. Ils s’étaient installés aux Etats-Unis.

    Alice lui donne rendez-vous dans un petit hôtel charmant de Bruxelles dont le salon va recueillir bien des confidences. Mais elle l’interroge d’abord sur la mort de sa mère, sur sa vie à lui. Il lui parle de sa femme et de leur fille qu’elle est allée rejoindre à Boston où celle-ci s’est retrouvée le bras dans le plâtre, pour l’aider à terminer son programme d’études. Alice a un service à lui demander : elle voudrait retrouver quelqu’un, un homme qu’elle a aimé – mais elle trouve injuste de ne parler que de lui.

    « Ce serait injuste pour qui ?
    – Pour les autres. Mes maris.
    – Vous avez été mariée plusieurs fois ?
    – Oui. Et veuve. Plusieurs fois…
    – Tant que ça ?
    – Oh… Je n’aime pas compter, a-t-elle dit dans un sourire. »

    Jour après jour, Alice et Paul se retrouvent à l’hôtel ou au restaurant. Son neveu de 56 ans est curieux d’apprendre l’histoire de cette inconnue.

    Les titres de douze chapitres sur treize sont des prénoms masculins. Seul le premier, « Alice », fait exception. Imaginez ce que vous voulez – patientez. A travers l’histoire de Pierre, Henri, Sydney et les autres, la vie d’Alice se raconte étape par étape, depuis son premier amour en 1944 pour l’instituteur du village jusqu’à ce médecin iranien qui l’a soignée en Inde après la mort accidentelle de son dernier mari.

    L’anglais se glisse dans la conversation d’Alice quand elle ne trouve plus ses mots en français. Elle revient sur sa vie avec un tel détachement, qui pourrait sembler de l’indifférence, que Paul la compare à un ange : « Si les anges peuvent voler, c’est parce qu’ils se prennent à la légère. »

    Dannemark dresse à travers leurs dialogues (« À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ? » se demande l’Alice de Lewis Carroll) les portraits des hommes qui ont compté dans la vie d’Alice, 73 ans, et l’autoportrait d’une femme déjà veuve à vingt ans. Alice a quelque chose d’espiègle dans le regard, elle aimerait que Paul, qui a déjà publié un roman, écrive ses souvenirs, pour ne pas perdre les traces des personnes formidables qu’elle a rencontrées. Comme Maggie, la mère de Sydney, sa meilleure amie, son alliée, son modèle.

    Des rencontres et des voyages, Alice en a vécu beaucoup. Des deuils, plus qu’il n’en faut. « Si Dieu avait décidé que j’accompagnerais des hommes jusqu’à la porte de sortie, c’est qu’Il avait Ses raisons », lui a dit un jour quelqu’un en ajoutant « que c’était la preuve qu’elle avait assez d’amour pour eux tous. » Alice est sereine : elle n’était pas faite pour vieillir avec les hommes de sa vie.

    Il y a quelque chose d’un conte de fées dans cette Histoire d’Alice… où tout est bien qui finit bien en dépit de tous les malheurs. Dannemark souligne régulièrement le caractère paisible de cette femme qui traverse le temps sans s’apitoyer sur elle-même, qui s’est contentée d’accepter ceux qui venaient à elle sans les chercher – à part le dernier –, qui a goûté toutes les variations du destin, les cuisines du monde, la sensualité, la diversité des êtres.

    Mais derrière cette belle image, qui est vraiment Alice ? Pourquoi est-elle restée si longtemps éloignée de sa sœur ? Paul apprendra d’elle plus qu’il n’attendait.

    Léger, divertissant, le dernier roman de Francis Dannemark aborde les choses de la vie avec un optimisme délibéré. Il l’a conçu comme « une comédie dramatique à l’anglaise. Et à l’ancienne. »  Qui a dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire ? Cette lecture vous fera au moins sourire, comme Alice, un personnage né dune visite au cimetière.

  • Sot printemps

    Balade 12 juin fenêtres.jpg

    Moineaux, bourgeons… amour peut-être, 
    Dissous dans le soleil léger,
    Pénètrent
    Le golfe bleu de ma fenêtre.

    Petit déjeuner dans la chambre :
    Hermine où grésille
    Une pastille
    D’ambre.
    - Ça s’appelle un œuf au miroir -

    Je m’y regarde, sans rien voir.

    Comment s’y regarder sans rire ?

     

    Roger KERVYN de MARCKE ten DRIESSCHE, Vingt-quatre triolets(La Maison du Poète, Bruxelles-Paris)

    Source : http://www.sculfort.fr/articles/litterature/poemes/poesiebelge.html

  • Comme le chat

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    « Des jours, des moments, comme le chat, il nous prend envie de nous frotter aux objets, au pied d’une table, aux basques d’un habit, aux troncs des arbres et même aux nuages, pour manifester aux yeux du monde notre joie de vivre et notre reconnaissance au Créateur. Le silence est notre voix, plus forte que mille voix réunies. »

    Franz Hellens, Mémoires d’Elseneur