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autobiographie - Page 23

  • Sans les choses

    « Les périodes ne manquent pas, où on vit sans les choses. C’est la limite de la série entreprise ici : on part un an à l’étranger, on reçoit par les yeux, la parole, l’expérience, on revient avec aussi peu qu’on est parti mais les choses laissées vous attendaient, on enlève la poussière, on reprend sa vie assise. »  

    François Bon, « sous cadenas » Autobiographie des objets 

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  • Les objets d'une vie

    Raconter une enfance par les choses : François Bon, dans Autobiographie des objets (2012), ouvre de « question » à « l’armoire aux livres », 64 entrées dans sa vie d’avant, complétées depuis sur son site. « L’ancien nous émeut : pas forcément pour l’avoir tenu en main dans l’enfance – un tracteur à rouiller dans un champ, une voiture en équilibre sur la pile d’une casse périurbaine, vue rapidement du train, et c’est le temps tout entier qui vous surgit à la face, et ce qu’on n’a pas su en faire. » 

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    Photo Regulator974 / Wikimedia 

    A la recherche de son premier objet personnel, François Bon trouve une corde en nylon achetée pour deux francs à l’épicerie bazar du village. Sa mère la lui confisque deux jours plus tard – de l’argent « gaspillé » – et bientôt la tend au jardin comme corde à linge supplémentaire : là, elle n’intéresse plus l’enfant, « dénouée, utile, sans opacité ni brillance. »

    « Nous habitions loin des villes. » Le passé, un temps, mais aussi des espaces : « si je parle via les objets des lieux de mon enfance et de mon adolescence, cela ne crée pas d’affinité pour autant, et de nostalgie moins encore. » Raccord au présent : « J’aime New York, un des rares lieux où je me sente chez moi. »

    Choisir des objets pour voyager dans le temps, cela mène à évoquer ceux dont ils rappellent la présence, comme Tancrède Pépin, jardinier, et son outil pour poser des carreaux de ciment au bord des allées, appareil « merveilleux » à ses yeux d’enfant. Ou le grand-père, dont il conserve encore sur sa table la tige et la rondelle d’acier forgé si souvent tirées du tiroir pour les lui montrer, ou l’arrière-grand-mère aveugle et sa canne.

    La magie d’un gros appareil radio Telefunken (jusqu’en 1962), l’apparition des transistors (année 1964), les guitares électriques, les machines à laver ou à écrire, voire la règle à calcul à l’école d’ingénieurs, l’approche de François Bon est kinesthésique : « Je prends les choses selon qu’elles me viennent là dans la main. » Son arrière-grand-père était tailleur de pierre.

    Sa mère est institutrice. Les garages, activité du père, sont terrains de jeux ou de « rêveries actives », une dépanneuse faisant un très bon repaire de lecture. Un objet peut être détourné de sa fonction convenue. Ainsi du premier miroir dont il se servait dans la maison « en suivant (son) chemin au plafond. C’était fantastique et merveilleux. » Ou du microscope : « il suffisait de le tenir à l’envers pour le braquer sur la nuit, les étoiles, les plafonds et fenêtres, les arbres, la vie courante » et « alors on rêvait bien plus. »

    Parmi « les choses oubliées, les points fragiles de soi-même », il y a deux « casquettes de Moscou » qui réveillent les images d’un séjour de trois mois en 1978. « J’étais contre la photo, par principe. Qui s’occupe du langage doit voir avec les mots, et se contenter de son carnet de notes. »

    François Bon ressuscite dans Autobiographie des objets des lunettes et des toupies, des vêtements et des jouets, des voitures et des bateaux. Et, forcément, le « compagnonnage des livres ». Même s’il affirme n’avoir rien lu entre treize et vingt-deux ans, il y a les titres d’enfance et, plus tard, les découvertes décisives. Dans sa « tentative de web-autobiographie malléable », très détaillée, vivante, l’écrivain note qu’il a repris goût à la lecture lors de son séjour à Moscou, à la bibliothèque de l’ambassade.

    « Les années » d’Annie Ernaux m’avaient transportée, ce livre-ci, plus retenu, m’a laissée à distance, sauf à certains passages où l’émotion affleure malgré le parti pris d’objectivité. Curieuse impression de croiser un contemporain aux balises différentes des siennes, avec qui pourtant on a partagé certains gestes comme relever la moitié de vitre d’une deux-chevaux. 

    « J’appartiens à un monde disparu », voilà sans doute le ton qui m’a gênée. Ce monde disparu, nous en venons ; y appartenons-nous plus qu’au présent qui nous requiert ? Mais reprenons la phrase entière, moins mélancolique : « J’appartiens à un monde disparu – et je vis et me conduis au-delà de cette appartenance. C’est probablement le cas pour tout un chacun. » Un lecteur a vibré davantage et m’a donné envie de lire Autobiographie des objets, je vous recommande son billet sur Marque-pages.

  • L'artiste

    « Isherwood l’artiste était un ascète austère, retranché du monde, exilé volontaire, reclus. Même ses meilleurs amis ne le comprenaient pas totalement. Il se tenait à l’écart et au-dessus du « Test »… parce que le Test était pour le vulgum pecus, ne s’appliquait qu’au monde de la vie quotidienne. Isherwood refusait le Test, non par faiblesse ni par lâcheté, mais parce qu’il était assujetti chaque jour, chaque heure à son « Test » à lui : celui qu’il s’imposait, le Test de son intégrité d’écrivain. Ce Test était autrement plus dur et angoissant que l’autre, parce qu’il fallait maintenir un secret absolu : en cas de réussite, pas d’applaudissements ; en cas d’échec, personne pour le consoler. »

    Christopher Isherwood, Le lion et son ombre 

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    Isherwood à Cambridge, 1923
    (Photo The New York Times)



  • Isherwood l'apprenti

    Le lion et son ombre – Une éducation dans les années 1920 (Lions and Shadows, 1968, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat) n’est pas une autobiographie ordinaire, Christopher Isherwood (1904-1986) nous invite à la lire « comme un roman ». Les personnages inspirés de ses rencontres réelles y portent d’ailleurs des noms « fictifs et caricaturaux ». 

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    Couverture : C. Isherwood et W. H. Auden, 1938 © Popperfoto / Getty Images

    Le récit commence avec la figure marquante de son apprentissage à la public school : Mr Holmes, petit homme d’âge mûr au « pédantisme plaisant », qui recherchait constamment l’effet pour arracher ses élèves à leur conservatisme et à leurs « préjugés de collégiens ».

    Isherwood vise une bourse d’histoire à Cambridge, comme Chalmers, un an de plus que lui et poète publié dans le magazine de l’école, d’une « beauté frappante ». Ils deviennent amis. « Les étudiants font toujours la paire, comme les oiseaux. » Isherwood admire la façon dont Chalmers rejette toutes les conventions, alors que lui s’adapte à tout.

    Holmes insiste sur l’art de la dissertation : « il n’y avait qu’à étinceler et épater ». Si l’on sait en plus rester calme et distingué à l’oral, le succès sera au rendez-vous. En août 1922, le professeur organise une randonnée dans les Alpes françaises. Chalmers rejoint leur groupe, il est en France depuis un an et à présent subjugué par Baudelaire.

    Pendant le dernier trimestre à l’école préparatoire, Isherwood lit les lettres de Chalmers déjà à Cambridge, qu’il décrit comme un « enfer insidieux ». Grâce à Holmes, Isherwood décroche une bourse de quatre-vingts livres. Invité à déjeuner chez son mentor, il lui confie son désir de devenir écrivain et sa préférence pour l’anglais par rapport à l’histoire.

    Au Collège, on lui attribue une grande pièce froide au-dessus de la chambre douillette de Chalmers. Ensemble ils observent la « Chicocratie », mot de Chalmers pour désigner les cercles mondains où évoluent les types « bons » ou « chic ». Excentrique, il s’en tient à distance, Isherwood au contraire aime « cultiver son côté social ».

    Très vite, il désire changer de voie, mais son directeur d’études s’y oppose et le rappelle à ses devoirs de boursier. Au cours, il préfère observer le décor que prendre des notes. Aussi passe-t-il son temps dans les librairies, les salons de thé, au squash, au cinéma, ou à s’amuser avec Chalmers. « Nous étions l’un pour l’autre le public idéal : rien ne se perdait entre nous, pas même la plus légère des insinuations ni la plus subtile nuance de sens. »

    Les deux amis s’inventent des figures et des lieux imaginaires, partagent une « excitation mentale extrême ». Chalmers l’initie à la poésie, à l’alcool. Isherwood commence « Le lion et son ombre », un roman d’apprentissage « malin, joli, adroit, baroque », bourré de romantisme homosexuel, dont ils se moquent ensemble.

    A l’approche des examens, c’est la panique, mais grâce aux conseils de Holmes, il obtient un « Bien » en dissertation. Isherwood commence à tenir un Journal et compose un nouvel autoportrait d’« Isherwood l’Artiste », son double idéal. Pendant sa deuxième année à Cambridge, Chalmers et lui improvisent à tout bout de champ sur « l’Autre Ville », baptisée « Mortmere », leur monde imaginaire.

    Stimulé par un cours sur la poésie moderne, Isherwood se lance dans un nouveau roman, « Le lion et son ombre » ayant été condamné à mort par une romancière, vieille amie de la famille, à qui il l’a fait lire. Quand les examens approchent, le « Très Bien » est hors de portée et puis il n’a pas envie d’enseigner à son tour : il se fait renvoyer et retrouve son indépendance.

    Le lion et son ombre suit avec humour et sensibilité l’apprenti romancier dans ses tours et détours, ses études, ses rencontres, ses débuts, ses séjours au bord de la mer, ses expériences comme secrétaire particulier de Cheuret, violoniste qui dirige un quatuor à cordes, puis comme précepteur. Comment trouver sa place dans « l’ordre social » et écrire quelque chose qui vaille la peine ?

    Chalmers et Philip lui inspirent les héros de son premier roman publié en 1928, Tous les conspirateurs, mal accueilli par la critique. Chaque fois que l’occasion s’en présente, Isherwood s’évade avec l’un ou l’autre, mais « il faut toujours rentrer ». Réussira-t-il jamais « le Test » ? Arrivera-t-il à prendre sa vie en main, malgré sa frousse des liens trop poussés avec d’autres, du sexe, de l’avenir ? En mars 1929, il part rejoindre un ami à Berlin, « heureux de savoir simplement qu’une nouvelle étape de (son) voyage avait commencé. »

  • Libellule

    « La libellule, appelée aussi « demoiselle », est un insecte élégant, nerveux et fragile. Elle est munie de quatre ailes diaphanes. Le mot qui la nomme est magnifique. Tout de grâce, de légèreté. Il possède lui aussi quatre l. Ainsi la libellule est-elle une symbiose parfaite de la nature et de la langue, de la biologie et de l’orthographe. »

    Bernard Pivot, Les mots de ma vie 

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