« Isherwood l’artiste était un ascète austère, retranché du monde, exilé volontaire, reclus. Même ses meilleurs amis ne le comprenaient pas totalement. Il se tenait à l’écart et au-dessus du « Test »… parce que le Test était pour le vulgum pecus, ne s’appliquait qu’au monde de la vie quotidienne. Isherwood refusait le Test, non par faiblesse ni par lâcheté, mais parce qu’il était assujetti chaque jour, chaque heure à son « Test » à lui : celui qu’il s’imposait, le Test de son intégrité d’écrivain. Ce Test était autrement plus dur et angoissant que l’autre, parce qu’il fallait maintenir un secret absolu : en cas de réussite, pas d’applaudissements ; en cas d’échec, personne pour le consoler. »
Christopher Isherwood, Le lion et son ombre
Isherwood à Cambridge, 1923
(Photo The New York Times)
Commentaires
Il n'était pas tendre avec lui-même ..
Un apprenti bien exigeant avec lui-même, c'est vrai. Mais n'est-ce pas la condition de la qualité?
Merci pour ces deux billets, je lirai ce lion et découvrirai son ombre.
Je t'envoie du soleil Tania!
@ Aifelle : Exigence nécessaire, sans doute, loin de la complaisance envers soi-même.
@ Colo : J'espère que tu le trouveras facilement, je l'ai emprunté à la bibliothèque. Merci pour le soleil, Colo. Ici des pluies d'automne prévues pour toute la semaine.
Je ne connais pas. J'ai maintenant bien envie de le lire. Merci et bonne journée.
Donner "corps" par l'écriture à un des moi (l'Artiste) qui le constituent, ont peut-être permis à Isherwood de se nuancer et de contribuer à sa réussite définitive comme écrivain reconnu.
Je ne suis pas sûr du sens à donner ici aux des mots "intégrité d'écrivain".
Il est beaucoup d'exemples où les natures solitaires s'imposent des exigences, remplies ou non, qui se vivent dans la solitude. Elles répondent à un besoin d'élévation, de transcendance nécessaires à l'épanouissement personnel, intime, de ces personnes.
"...en cas de réussite, pas d’applaudissements ; en cas d’échec, personne pour le consoler. » ."... parce que le Test était pour le vulgum pecus, ne s’appliquait qu’au monde de la vie quotidienne.".
C'est effectivement ce que chacun d'entre nous vit quotidiennement . Aller jusqu'au plus profond de sa pensée, de son être, faire ressortir de soi ce qu'il y a de plus pur, de meilleur , en secret, juste pour soi, pour se prouver aussi que le monde peut être meilleur, moins barbare, que les pulsions morbides puissent être jugulées, que la "bête qui sommeille en nous" ne se réveille jamais.
Dominer ses peurs et ses angoisses, et laisser son esprit admirer la beauté des choses, voila aussi ce que les femmes et les hommes de la "planète d'en bas" font tous les jours..en silence sans que les caméras et les projecteurs ne soient braqués sur eux.
Très beau paragraphe d'un écrivain que je ne connaissais pas et que je vais rajouter à ma liste ...pour mes vieux jours :)
Bonne journée Tania
@ Bonheur du jour : Merci pour ton passage & bonne fin de semaine.
@ Christw : "Le lion et son ombre" revient régulièrement sur ce thème. Quant à ces exigences que l'on s'impose dans la solitude, vous en parlez avec justesse, qu'ajouter ?
@ Gérard : Merci, Gérard, d'élargir ainsi la réflexion à la vie quotidienne. "Chaque homme doit inventer son chemin" a écrit Sartre. Heureuse que ce paragraphe vous parle et vous tienne compagnie un jour ou l'autre, vieux ou pas ;-) Bonne journée sous la pluie d'automne.