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Peinture - Page 55

  • From Brussels

    From Brussels with love : Léopoldine Roux a posé ses couleurs à la Maison des Arts de Schaerbeek. Depuis quelque temps, sa carte postale de la rue Royale éclaboussée de jaune (l’affiche de l’exposition) me tire l’œil ici ou là, et j’ai donc poussé la porte de cette belle maison en retrait de la chaussée de Haecht dont je vous ai déjà parlé ici. Post-minimalisme et antiforme, les deux termes s’appliquent aussi à cette artiste française : elle se collette avec la peinture avant tout pour jouer avec la matière, avec les couleurs. Un art ludique.

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    Une série de vieilles cartes postales de Bruxelles sont accrochées dans le hall d’entrée, dans un cadre doré, des vues noir et blanc auxquelles elle redonne vie par petites touches de couleurs. Bulles multicolores dans les parcs bruxellois, pagode pâtissière au bout de la rue de la Régence, boules de crème dans les arcades du Cinquantenaire, Léopoldine Roux réinvente la ville. Des couleurs sur les stores autour de la place de Brouckère, aux abords de la prison de Saint-Gilles – du vernis à ongles ! (L’artiste avait fait parler d’elle en colorant ainsi les taches de chewing-gum sur un trottoir.)

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    © Léopoldine Roux, From Brussels with love, 2016 (vernis à ongles et collage sur cartes postales anciennes)

    Dans la salle à manger de la Maison des Arts, sur un meuble, une cheminée, de grosses mottes blanches ou roses mettent une note incongrue. Ces sculptures brillantes, disait une animatrice à un groupe d’enfants en visite, Léopoldine Roux les couvre de peinture pour voiture (laque carrossier sur enduit et polyuréthane). Des antiformes, assurément.

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    A droite : © Léopoldine Roux, White Escaped, 2016 (laque carrossier sur enduit et polyuréthane)

    Aux murs du premier salon, des images anciennes, le plus souvent des portraits. Elle y a posé du rose, du bleu ou du jaune, sur les visages surtout (laque ou vernis à ongles). A l’inverse, près d’une fenêtre, deux petits personnages ont pour tête une grande tache de couleur, dont le premier propriétaire de la Maison des Arts (ancienne Villa Eenens).

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    © Léopoldine Roux, Général Eenens Color Suicide / Marcel Duchamp Color Suicide , 2016 (laque et collage sur papier)

    Sur le parquet du salon rose, Pot(e)s d’atelier : une ronde de verres, céramiques et faïences. Léopoldine Roux a superposé des pots, des bols, des tasses qui portent les traces de couleurs, de mélanges, où reste l’un ou l’autre pinceau, en une joyeuse parade de formes design. Sur la cheminée du salon rose, du rose, forcément, et aussi au milieu d’une partition sur le piano.

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    © Léopoldine Roux, Pot(e)s d’atelier, 2015-2016 (peinture sur verres, céramiques et faïences)

    Mais c’est le vert qui a pris place à la bibliothèque, en harmonie avec ses boiseries : deux grandes toiles de trois mètres de haut s’y font face, intitulées Promenade#62 et #63, fouillis de petits points verts, bleus et blancs. Un seul livre sur un rayonnage : Alice au pays des merveilles en format de poche, ouvert et recouvert des mêmes couleurs, Livre de Promenade.

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    Tout a été conçu « in situ » en 2016, et jusque dans le jardin, puisque la fontaine, rebaptisée La laguna de Schaerbeek, crache une eau vert bleu (pigments biodégradables, un type d’intervention dont elle a l’habitude comme on peut le voir sur son site). En sortant pour la photographier, en ce dernier jour de novembre, j’ai eu l’impression d’entrer dans une carte postale revisitée à la manière de l’artiste, vous voyez ?

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    © Léopoldine Roux, From Brussels with love, 2016 (vernis à ongles et collage sur cartes postales anciennes)

    Je ne savais rien de Léopoldine Roux en entrant à la Maison des Arts, aussi ai-je feuilleté les pages de son site pour me renseigner. Née à Lyon en 1979, elle a étudié à Rennes et à La Cambre, elle habite Bruxelles depuis plus de dix ans. A la radio, Pascal Goffaux a bien présenté son travail (« Bande de curieux », à écouter ici).

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    http://www.etvonweb.be/86818-art-bruxelles-dantan-ravive-de-couleurs-et-de-poesie-par-leopoldine-roux

    « La peinture en liberté, je la pratique quotidiennement et sans interdit. Une peinture décomplexée et élastique dans l’espace temps. » Si vous aimez les couleurs acidulées, « la couleur sortie du support », si la grisaille vous pèse, si la légèreté vous tente, il reste quelques jours pour découvrir la fantaisie de cette artiste contemporaine à la Maison des Arts jusqu’au 11 décembre (entrée libre).

  • Histoire de fantôme

    Ukiyo-e 13.jpg« Les « contes de fantômes » renvoient à un passe-temps populaire durant la période d’Edo, pour lequel on se réunissait le soir avant d’allumer cent bougies. Chaque participant racontait à son tour une histoire de fantôme. Après chaque récit, une bougie était mouchée, jusqu’à ce qu’il fasse complètement noir et que l’on attende dans l’angoisse l’arrivée d’un véritable esprit. » (N. V.)

    Ukiyo-e, les plus belles estampes japonaises, Musées royaux d’Art et d’Histoire, 21/10/16 > 12/2/2017

    Katsushika HOKUSAI (1760-1849), Le spectre de la résidence aux assiettes,
    Suite : Cent contes de fantômes, vers 1831-1832

  • Ukiyo-e, I

    Quelles merveilles ! Ne manquez pas « les plus belles estampes japonaises » au musée du Cinquantenaire. Les Musées royaux d’Art et d’Histoire présentent « Ukiyo-e », une sélection d’œuvres issues de leur collection fameuse, en deux temps, pour ne pas les exposer trop longtemps à la lumière – la seconde série à partir du 20 décembre prochain – 416 estampes au total (sur plus de 7500 pièces).

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    Un petit film à l’entrée permet de visualiser la technique de l’estampe et les différentes phases du travail et de l’impression, introduction prolongée dans les premières salles où sont exposés des outils, des bois de trait, des impressions de différents types : noir et blanc, monochrome, polychrome, jusqu’aux « images de brocart » (bois de teinte multiples), voire rehaussées de textile.

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    Un bel album en accordéon déplié, Le sanctuaire de Hie sous la neige de Kawase Hasui (1883-1957), illustre le procédé d’impression complet, de droite à gauche, du noir et blanc jusqu’à l’image en couleurs, en montrant à chaque étape quelles parties sont encrées ou colorées (détail ci-dessus). L’art japonais de l’estampe débute vers 1720, l’exposition rend compte de son évolution jusqu’au début du XXe siècle. Les estampes polychromes des XVIIIe et XIXe siècles ont enchanté collectionneurs et artistes occidentaux (Monet, Van Gogh, par exemple) dès la fin du XIXe. On découvre ici de nombreux artistes japonais moins connus chez nous que Hokusai ou Hiroshige.

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    Torii KIYONAGA (1752-1815), Le restaurant Kankanrō, Vers 1794

    « À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, des artistes tels que Harunobu, Shunshô, Kiyonaga, Utamaro et Sharaku représentaient sur leurs estampes des courtisanes et des acteurs, stars de la vie nocturne d’Edo (l’actuelle Tokyo). » De jeunes femmes pêchent – la figure féminine est privilégiée par les peintres d’estampes – ou bien vaquent à leurs activités quotidiennes, comme dans ces séries de « Huit vues », caractéristique de l’art sino-japonais, par exemple Les huit vues du salon de réception de Harunobu.

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    Suzuki HARUNOBU (1725?-1770)

    Mais au théâtre de kabuki, les hommes jouent tous les rôles, masculins et féminins : de nombreuses estampes immortalisent des acteurs connus, leurs mimiques, leurs costumes, leur visage expressif et en gros plan (« okubi-e » ou « grosses têtes »). C’est l’occasion de peindre de beaux tissus, parures et coiffures, comme les courtisanes des « maisons vertes » (maisons closes) en offrent d’étourdissantes variétés. Les maisons de thé offrent souvent un cadre pittoresque où évoluent de jolies femmes ; ce sont des sujets très populaires pour un public majoritairement masculin, les femmes n’ayant aucun droit sous le régime shogunal de l’époque d’Edo.

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    Katsukawa SHUN’EI (1762-1819), L’acteur Ichikawa Omezō I dans le rôle de Momonoi Wakasanosuke, IV/1795

    Utamaro, un des artistes les plus productifs du XVIIIe siècle, se spécialise dans les albums érotiques et, le premier, représente des visages de courtisanes en gros plan, d’une beauté raffinée comme on peut le voir dans deux splendides portraits d’hôtesses de maisons de thé. Sur le parcours de l’exposition, on montre aussi les objets précieux en usage pour la toilette (miroir, peignes, pinces à cheveaux, boîtes, nécessaire à fumer).

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    Kitagawa UTAMARO (1753?-1806),
    Le bol à thé,  
    Suite : Huit vues de comptoirs de thé dans des endroits célèbres, Vers 1795-1796

    D’Utamaro encore, ces Modèles de jeunes femmes, tissés de brumes – brume d’« un vêtement d’été en gaze, jeté nonchalamment sur un portant à kimono », une estampe rare. Un pentaptyque d’Eishi (1756-1829), soit cinq estampes juxtaposées, montre une scène de réjouissance estivale sur un bateau de plaisance (Partie sur le Yoshinomaru). Non loin, du même, une jolie Chasse aux lucioles.

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    Ecritoire décorée sur le couvercle d'un prunier et d'un camélia en fleurs

    Près des estampes d’Hokusai (1760-1849), des vues célèbres du Mont Fuji et d’autres (affiche), on a rassemblé dans une vitrine divers albums de lui, certains ouverts, aux titres parfois intrigants et poétiques : « dessins impromptus, transmettant l’âme et éclairant la main ». C’est lui qui a introduit le fameux bleu de Prusse dans l’estampe en même temps que le paysage, sujet nouveau, montré pour lui-même et pas seulement comme un décor. Des chefs-d’œuvre aussi d’Hiroshige (1797-1858) : paysages panoramiques, vues d’endroits célèbres, jardins…

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    Katsushika HOKUSAI (1760-1849),
    Vent frais par temps clair,
    Suite : Trente-six vues du mont Fuji, Vers 1830-1832 

    Aux XIXe et XXe siècles, l’estampe japonaise se modifie au contact de la culture occidentale. Pour l’année de la Chèvre, Hokkei (1780-1850) présente une Européenne à la chèvre avec des maisons de type européen à l’arrière-plan, et signe même à l’horizontale, dans un cartouche en bas de la feuille, comme les Européens. On montre aussi de belles illustrations pour des scènes de roman, qui rendent l’atmosphère du récit, comme Jeune femme et deux silhouettes dans le brouillard du soir ou Jeune femme admirant la pleine lune.

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    Kawase HASUI (1883-1957), Le temple Tennō à Osaka,
    Suite : Souvenirs de mes voyages, troisième série, 1927

    Hasui, (1883-1957) le dessinateur d’estampes de paysages le plus important du XXe siècle, excelle dans le rendu de l’atmosphère météorologique : crépuscule, averses, neige… Sa vue du lac Kawaguchi, où le regard pénètre entre des arbres en ombres chinoises, est une splendeur. Shinsui séduit aussi avec ses portraits de femmes comme cette Jeune femme en longue tunique de dessous qui attache avec grâce ses cheveux dans la nuque et même une jeune femme nue au bord de l’eau, nudité impensable dans l’estampe ancienne.

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    Itō SHINSUI (1898-1972),
    Jeune femme en longue tunique de dessous, 1927

    Au bout du parcours, l’attention est moindre, le regard un peu fatigué d'avoir observé tant de beaux détails, c’est pourquoi je vous parlerai la prochaine fois (après avoir vu la seconde série d’estampes) de Dimitri Piot, dessinateur belge de bande dessinée qui combine l’ukiyo-e avec la représentation du monde contemporain, à l’honneur dans la dernière grande salle.

  • Grâce nouvelle

    Post Benglis  Sparkle Knot.jpg« Une série de « Knots » (nœuds) de métal devait suivre (1971-1972, 1978-1979). Les « nœuds »(métaux pulvérisés tels l’aluminium, l’étain, le cuivre et le nickel), ou formes nouées d’incantation pulsionnelle, traduisent un souvenir de beauté et de force qui, dans l’apparente expression décorative, retient le secret de la manipulation, toujours exploratoire, et d’un savoir-faire qui ira s’approfondissant (Sparkle Knot IV, 1972, revêtement en aluminium, tissu, plâtre, peinture et paillettes ; Bravo #2, 1975-1976, cuivre, acier, étain, zinc sur platre, tissu en coton et revetement en aluminium). Ces œuvres, d’un parti formel minutieux, constituèrent le thème d’une exposition-phare de la galerie Paula Cooper de New York en mai 1974 (Metallized Knots). Les éléments de différentes longueurs entrelaçaient leurs jambages et couvraient toute une partie de la galerie, alliant à la rigueur une sorte de grâce nouvelle. »

    Claudine Humblet, Lynda Benglis (Post-minimalisme et Anti-Form)

    Lynda Benglis, Sparkle Knot V, 1972,
    Revêtement en aluminium, tissu en coton, plâtre, peinture acrylique et paillettes
    Courtesy Cheim & Read, New York

  • 8 post-minimalistes

    L’art contemporain déroute souvent, volontairement. Tracer une voie nouvelle, quel défi ! Aussi ai-je lu avec curiosité Post-minimalisme et Anti-Form : dépassement de l’esthétique minimale de Claudine Humblet, un beau livre reçu des éditions Skira.

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    Dans une brève introduction, la critique d’art situe son ouvrage par rapport à ses essais précédents, du Bauhaus (1980) à L’art minimal (2009), un courant auquel succède le post-minimalisme « en explorant pour leurs qualités propres les nouveaux matériaux ». Quels sont-ils ? Le latex (Eva Hesse, Lynda Benglis), la fibre de verre (Eva Hesse, Gary Kuehn), les ampoules et néons (Keith Sonnier), le fil de fer (Alan Saret), le plomb (Richard Serra) et bien d’autres matériaux divers (Bill Bollinger, Alice Adams). Quant au terme « Anti-Form », plus facile à comprendre, il vient de Robert Morris, un des fondateurs du minimalisme.

    Ces noms ne vous disent rien ? C’est que, comme moi, vous restez à distance d’un certain art des années 1960 à aujourd’hui, faute de guide ou d’intérêt. Claudine Humblet présente ces huit post-minimalistes américains de façon chronologique et factuelle. Pas de propos hermétiques ici : elle décrit leur travail, raconte leur parcours, et de nombreuses illustrations en rendent compte. Des présentations claires, suivies de notes précises et d’une abondante bibliographie.

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    Eva Hesse, Contingent, 1969, Fibres de verre, résine de polyester, latex, tissu
    National Gallery of Australia, Canberra © Bridgeman Images

    Eva Hesse (1936-1970) « ou l’inspiration dans la rigueur naissant de l’incessant travail de la matière » : sa famille ayant fui aux Etats-Unis dès 1939, elle s’y est formée et a commencé par exposer des lavis à l’encre, des peintures de plus en plus abstraites, avant de se lancer dans des « peintures matérielles », « reliefs polychromes » à partir de papier mâché, cordes, bois, métal, etc. « De la richesse du « faire » naît la forme qui s’y greffe. » Œuvres en suspension, structures et formes souples, Repetition Nineteen (1967) en couverture du livre montre son travail sur le cercle et les matériaux, son chemin vers la sculpture. Fibre de verre et latex lui permettent de donner de nouvelles inflexions aux formes et de les doter de transparences inédites, « entre les grandes polarités de forme et d’antiforme ».

    J’ai pensé un moment intituler ce billet « l’art souple », en pensant aux mouvements fluides des danseurs contemporains, tant pour cette artiste que pour les suivants : Keith Sonnier, Gary Kuehn, Lynda Benglis, Bill Bollinger, Alice Adams, Alan Saret, Richard Serra. Claudine Humblet leur consacre les autres chapitres de cette étude. En regardant le travail de ces artistes, je me suis encore fait cette réflexion qui me vient parfois devant des œuvres contemporaines : j’imagine le plaisir du geste pour l’artiste, tout à la confrontation avec la matière, explorant, essayant, transformant, jusqu’à ce stade que lui ou elle seule connaît, celui de l’achèvement.

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    Keith Sonnier, Chaldea, 1969, Néon, verre, Ileana Sonnabend Collection
    Courtesy Keith Sonnier Studio, New York. Photo Steven Tucker

    Cet art très concret ne cherche ni à représenter ni à décorer (quoique certaines œuvres puissent remplir cette fonction), il relève d’un corps à corps avec la matière au service d’une obsession : forme ou antiforme, lumière ou couleur, aspect brut ou fini… Les arabesques au néon de Keith Sonnier (1941-) dessinent souvent des formes improbables, parfois d’élégants graphismes colorés. On n’est pas étonné de le voir sollicité pour des installations, mises en lumière d’un couloir d’aéroport ou d’architectures contemporaines.

    Gary Kuehn (1939 -) allie des matériaux opposés, une forme géométrique et une matière molle solidifiée, c’est surprenant. Je suis plus attirée par ses dessins, notamment des mines de plomb sur papier, une part de son œuvre très esthétique. Ce qui intéressant dans l’essai de Claudine Humblet, c’est qu’on peut y découvrir toutes les étapes de ces cheminements créatifs, comme les retrouvailles ultérieures de Gary Kuehn avec des formes simples, ses trouvailles et variations sur le cercle, le triangle, le carré.

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    Lynda Benglis, Contraband, 1969, Pigment Dayglo et latex moulé
    Courtesy Cheim & Read, New York

    Post-minimalisme et Anti-Form est un album richement illustré qui permet de se rendre compte de la manière dont ces artistes américains ont creusé leur sillon et évolué sans cesse, dans une tout autre voie que les hyperréalistes. Avec des matériaux destinés d’abord à d’autres usages – treillis métallique, câbles ou cordes (si présentes dans l’œuvre d’Alice Adams), caoutchouc, pour n’en citer que quelques-uns –, ces post-minimalistes nous font sortir du cadre connu et sollicitent notre attention, pour peu qu’on leur prête un regard sans préjugés.