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Peinture - Page 43

  • Gourmandise

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    « Gourmandise, sensualité. Pierre Boncompain détaille l’épiderme d’un abricot, d’une pêche, d’une aubergine, d’un corps de femme, mais en même temps maintient une certaine distance, une certaine chasteté.

    © Pierre Boncompain, Nu aux fleurs bleues

     

     

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    Le peintre répertorie les beautés du monde, en fait le catalogue mais elles ne sont pas pour lui, pour nous.

    © Pierre Boncompain,
    La pastèque et les batiks

     

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    Un peu perversement il nous passe les plats sous le nez mais il n’est question que de les manger des yeux. »

    Jean Gilibert

    © Pierre Boncompain, La fougère et le tapis (tapisserie)

     

     

    Catalogue de la rétrospective Pierre Boncompain, Musée d’art contemporain Saint-Martin, Montélimar, 2013.

     

     

  • Lumineux Boncompain

    Un jour d’un peu de pluie entre les jours de lumière qu’a prodigués la première quinzaine de septembre en Drôme provençale, nous sommes allés à Montélimar à la rencontre de Pierre Boncompain, artiste drômois né à Valence en 1938. Trois expositions sous un titre : De Renoir à Picasso, Boncompain et les grands maîtres. Au Musée d’Art Contemporain Saint-Martin (MAC), qui avait déjà proposé en 2013 une belle rétrospective du peintre, sont présentées une importante donation de l’artiste (j’y reviendrai) puis ses peintures. Au château des Adhémar, des tapisseries d’après ses toiles et des céramiques.

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    Quand une amie a prononcé devant moi le nom de ce peintre exposé dans le monde entier – une importante rétrospective à Shanghaï a attiré trois cent mille visiteurs en 2002 – j’avoue que j’ignorais même son nom. Quel bonheur de découvrir son œuvre où les influences sont patentes, reconnues par Pierre Boncompain lui-même : « J’aime admirer. A chacune de mes acquisitions, il me semblait mettre un pied dans l’entrebâillement de la porte de l’atelier de Bonnard, Picasso, Matisse, Dufy. Chacun, avec des moyens si simples, un crayon ou un burin, parvient à créer un univers. »

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    © Pierre Boncompain, Baiser d'aubergines

    Après avoir regardé les œuvres des peintres qu’il admirait, j’ai eu l’impression, en entrant dans la première salle qui lui est consacrée au MAC, de pénétrer dans le royaume de la couleur. Deux tables, festins de rouges. Puis du bleu et du blanc pour deux femmes, allongées ; pour deux fenêtres, ouvertes. Collections particulières. La vision est frontale et ne vise pas à décrire mais à faire ressentir saveurs, textures, couleurs, atmosphère. La note jaune accompagne souvent les bleus de Pierre Boncompain, jusque dans le titre (La ceinture jaune).

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    © Pierre Boncompain, La ceinture jaune, La nuit dans la fenêtre et Nuit en Provence

    La nuit dans la fenêtre : un paysage de champs et de montagnes découpé par le cadre blanc. A la gamme des bleus nocturnes répond le jaune paille du sol. D’emblée, l’émotion m’a prise devant ces quelques paysages, ces figures surtout, ces compositions qui rendent hommage à la vie, à la beauté du monde.

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    Dans ses pastels consacrés au Cantique des Cantiques (vue de la première salle ci-dessus), Pierre Boncompain illustre dans la joie les vers bibliques : Tes seins sont deux colombes, Ne réveillez pas ma bien-aimée, Tellement svelte comme un palmier… Feuillages, chèvres, colombes y accompagnent le couple amoureux.

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    Dans la seconde salle dansent des filles de Jérusalem en robe jaune. Là se trouve La montée de la sève, symbole de vie et d’amour : un homme allongé au pied de l’arbre, une colombe posée dans le feuillage où une femme est assise. Devant L’offrande aussi, j’éprouve un sentiment de plénitude. L’artiste a fait don au musée de Montélimar de la suite complète des pastels sur le thème du Cantique des Cantiques.

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    © Pierre Boncompain, La montée de la sève (pastel)

    Une vidéo permet de voir et d’écouter Boncompain, qui explique en compagnie des lissiers (Atelier 3) la manière de réaliser des tapisseries à partir de ses œuvres : matières, couleurs, rendu de la lumière. C’est une bonne introduction à la seconde partie de l’exposition, dans le cadre somptueux du château des Adhémar.

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    Je visitais pour la première fois ce château du XIIe siècle et ses extensions. Les grandes tapisseries colorées sont mises en valeur sur les murs de pierre blonde : bouquets, natures mortes dans la salle du bas, près d’un grand paysage du Nyonsais. « Je suis né dans la Drôme. Je porte sa lumière en moi. J’ai sillonné sa campagne. J’y ai planté mon chevalet, m’imprégnant de son silence et de sa beauté. » (Pierre Boncompain)

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    Un escalier mène à la grande salle supérieure où un trio de tapisseries – des intérieurs où le rouge et le rose dominent – dispute la vedette à trois naïades (silhouettes noires soulignées d’ocre sur fond bleu). Au centre de la pièce, des céramiques dont le corps féminin épouse les formes ; entre les fenêtres surmontées d’arcs romans et dotées de « coussièges », des portraits de femmes sur des céramiques rondes. Dans la loggia, où la vue sur la ville, le paysage et le château est irrésistible, la présentation des œuvres est de la même qualité.

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    L’exposition se termine dans la chapelle, toiles et dessins. C’est une sorte de miracle que cet accord entre l’art contemporain et l’esprit d’un tel lieu, par-delà les siècles qui les séparent. Pierre Boncompain est à l’honneur au MAC et au château des Adhémar à Montélimar jusqu’au 31 décembre 2018.

  • Danses obscures

    eric vuillard,l'ordre du jour,récit,littérature française,histoire,nazisme,années 1930,allemagne,autriche,anschluss,culture,louis soutter,peinture« Ainsi, peut-être qu’au moment où Hitler jette à la tête de Schuschnigg son ultimatum, au moment où le sort du monde, à travers les coordonnées capricieuses du temps et de l’espace, se retrouve un instant, un seul instant, entre les mains de Kurt von Schuschnigg, à quelques centaines de kilomètres de là, dans son asile de Ballaigues, Louis Soutter était peut-être en train de dessiner avec les doigts sur une nappe en papier une de ses danses obscures. Des pantins hideux et terribles s’agitent à l’horizon du monde où roule un soleil noir. Ils courent et fuient en tous sens, surgissant de la brume, squelettes, fantômes. Pauvre Soutter. Il avait déjà passé plus de quinze ans dans son asile, quinze ans à peindre ses angoisses sur de mauvais bouts de papier, des enveloppes usagées, dérobés à la corbeille. Et, à cet instant où le destin de l’Europe se joue au Berghof, ses petits personnages obscurs, se tordant comme des fils de fer, me semblent un présage. »

    Eric Vuillard, L’ordre du jour

    Louis Soutter, Si le soleil me revenait
    © Elizabeth Legros Chapuis, "Soutter à la Maison Rouge" (Sédiments)

     

  • Au musée Van Buuren

    Musée Van Buuren / 2

    On passe une barrière en bois Art Déco pour entrer au Musée Van Buuren, par la porte latérale de cette maison hollandaise en briques rouges dont l’aspect familier n’annonce guère les beautés intérieures – il faut y entrer. Les visiteurs précédents ont choisi d’aller d’abord au jardin, je préfère commencer par la maison, visitée quelques fois, la dernière il y a plus de dix ans au moins, vu que je n’en ai pas encore parlé ici.

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    Si l’on ne sait rien de David et Alice Van Buuren, un petit film d’animation très drôle quoique irrévérencieux est projeté en boucle à l’étage : il résume l’histoire du couple, un financier d’origine hollandaise et son épouse belge, qui a installé dans cette maison à l’extérieur typique de l’Ecole d’Amsterdam, un « ensemble Art Déco unique aménagé par des ensembliers belges, français et hollandais » (site du musée). Un couple de mécènes.

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    Dès la salle à manger, on est enveloppé d’une atmosphère chaleureuse : bois blond (sycomore, palissandre) d’un ébéniste malinois, tapis fleuris (reproduits à l’identique, d’après un carton du Français Maurice Dufrêne) sur le thème d’une « galerie botanique ». Au mur, déjà six natures mortes de Van de Woestyne, peintre et ami privilégié des Van Buuren, qu’on retrouve partout dans leur maison. De petites niches vitrées au-dessus des armoires murales montrent des porcelaines et un peu d’argenterie Wolfers. De 1929 à 1960, bien des personnalités internationales ont été reçues ici.

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    L’exposition « Présent », à l’intérieur et dans les jardins, rassemble des artistes du présent qui ont répondu « présent ! » pour cette deuxième édition estivale. Au milieu de la table en palissandre, une superbe céramique en grès me fascine par son mouvement, une œuvre de Takayuki Sakiyama, inspiré par les vagues et courants marins ; d’autres artistes japonais ont déposé dans cette pièce un beau vase en verre bleu sur un buffet (Yoshiro Kimura) sous une merveilleuse tapisserie de Jaap Gidding (Les quatre éléments, ci-dessous), un haut vase transparent soufflé à la main sur une petite table (Ritsue Mishima).

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    Les fenêtres de la maison Van Buuren ouvrent sur des tableaux paysagers, maison et jardins se répondent. Je n’énumèrerai pas tout ce qu’il y a à voir, le guide du visiteur détaille le contenu de chaque pièce : peintures, sculptures, mobilier, tapis, luminaires, tissu des chaises (en crin de cheval naturel)… Ici, « Tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. »

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    Un coup d’œil rapide au petit salon où un Portrait avec chat au pastel de Nicolas Party a bien trouvé sa place, et à son tapis somptueux réalisé d’après les couleurs d’un Van Dongen (La penseuse, tableau volé en 2013, remplacé par une photo). Mais les visiteurs sont invités à passer d’abord dans le hall d’entrée lambrissé de palissandre et d’acajou (ensemblier français Dominique) où l’étonnante suspension en verre coloré et bronze (Jan Eisenloeffel) répond aux carreaux de couleur dans la porte (Jaap Gidding) et aux fenêtres adjacentes.

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    La vedette du hall, c’est L’Agenouillé de George Minne, sculpture superbement mise en valeur dans cet écrin de bois précieux. Sarah Caillard a disposé de drôles de chaussures dans le petit vestiaire contre un miroir, mais le grand salon m’attire avec sa large baie vitrée donnant sur les arbres. Pas trop vite. Juste à côté de la porte, un collage de Vincent Chenut, Goofy, est accroché au-dessus d’un petit meuble à plateaux de palissandre Art Déco et sa lampe boule.

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    Trois natures mortes de Fantin-Latour ornent le « cosy-corner » près de la cheminée, où un bonhomme de Gijs Milius s’est installé près de la fameuse Chute d’Icare de Bruegel (à l’origine indéterminée malgré les recherches, la toile n’est ni signée ni datée).

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    Comme il devait faire bon vivre dans ce salon où de multiples sièges invitent à s’installer ici ou là pour lire, converser, rêver, écrire, en regardant de temps à autre dans le jardin. 

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    Ou écouter de la musique : la reine Elisabeth, amie d’Alice, y a fait jouer des lauréats de son fameux concours, sur le piano qui a appartenu à Erik Satie, au couvercle de palissandre que recouvre une merveilleuse tapisserie (Jaap Gidding encore).

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    Près de la fenêtre du salon de musique, je contemple La Cour de Sainte Agnès de Van de Woestyne, qui a signé deux autres toiles près du piano. Voici ensuite le petit salon noir avec des bronzes sur les appuis de fenêtre, Le Berger de Van de Woestyne : que de présents pour les amoureux de l’art !

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    En montant l’escalier, voici la fameuse Table des enfants, souvent reproduite, et un petit Max Ernst, accroché un peu haut pour bien le regarder. Une énorme perruche verte (Charlotte Vander Borght) s’amuse dans la salle de bain à l’étage, à côté de la pièce bibliothèque où on projette le film sur les Van Buuren. Plein de belles choses aussi dans le bureau : meubles, vitrail Nuit étoilée, objets dans les vitrines, toiles au mur.

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    Prenez votre temps dans l’atelier juste à côté, une pièce où David Van Buuren peignait (on peut comparer son autoportrait et celui réalisé par Van de Woestyne) ; on y voit des dessins (le chat, les chiens de la maison par Constant Permeke), des toiles, des plâtres… tout un univers d’amateur.

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    J’ai d’abord pris pour un trompe-l’œil l’étonnante toile de Luca Vitone : en fait, l’artiste a mis une toile vierge dans le jardin du musée pendant les trois mois précédant l’exposition, tout ce qui s’y trouve s’y est déposé naturellement – « Atmospheric agents of garden on canvas » ! Voilà qui invite à aller faire un tour dans les jardins Van Buuren, ce sera le troisième temps.