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Peinture - Page 43

  • Echo poétique

    NM espagnoles Zóbel.JPG« La seconde moitié du XXe siècle s’ouvre sur la prédominance de l’abstraction, dans laquelle les thèmes traditionnels et les formes nettes de la nature morte n’ont plus leur place. Certains artistes en arrivent toutefois à se servir du genre comme d’un prétexte. C’est notamment le cas très particulier de Fernando Zóbel (1924-1984) chez qui la dissolution des formes conserve encore l’écho poétique des motifs propres à la nature morte. La recherche de la beauté dans la quiétude et l’ordre qui caractérisent Zóbel avait sa correspondance logique dans la disposition sereine des objets que les peintres de natures mortes cultivaient depuis des siècles. »

    La nature morte espagnole, Guide du visiteur, Bozar, Bruxelles, 23 février > 27 mai 2018

    © Fernando Zóbel, Nature morte en rose, 1968, huile sur toile, Collection particulière, New York

  • Choses sur une table

    L’exposition sur la nature morte espagnole au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar), Spanish Still Life, à visiter jusqu’au 27 mai prochain, permet de parcourir toute l’histoire de ce genre longtemps considéré comme mineur (imitatif, peu ambitieux, décoratif), du XVIe au XXe siècle. En Espagne, on l’appelle « bodegón », du nom de ces auberges ou tavernes de bas étage, réduites ici à une table ou à une étagère portant aliments et boissons.

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    Juan Sánchez Cotán, Coing, chou, melon et concombre, Ca. 1602, The San Diego Museum of Art

    A l’origine, explique le Guide du visiteur (source des citations), fruits et légumes sont présentés comme vus par la fenêtre, à l’exemple de ces Coing, chou, melon et concombre de Juan Sánchez Cotán : le peintre les dispose et suspend « dans le cadre d’une sorte de fenêtre ou à un linteau de pierre ». Sur un fond sombre, l’éclairage et le souci du détail descriptif leur donnent une présence quasi réelle.

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    Juan van der Hamen y Léon, Nature morte : fruits et verres, Ca.1629 Huile sur toile 87,3 x 130,8 cm, Williams College Museum of Art

    Le genre de la nature morte pâtit du manque de raison apparente à représenter des objets, au contraire de ce qui motive la peinture de sujets religieux ou historiques, voire de portraits. Pourtant, les peintres sont sollicités par ceux « qui y trouvent d’intéressants jeux visuels » et par les amateurs de toiles décoratives où des objets raffinés et des mets délicats se côtoient sur une table bien remplie. Juan van der Hamen y León (né en Espagne d’une famille flamande) est un spécialiste en la matière très prisé à la cour de Madrid.

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    Diego Velázquez, Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, Ca. 1618 Huile sur toile 60 x 103.5 cm, National Gallery, London

    Le Christ, dans la maison de Marthe et Marie, est relégué à l’arrière-plan de la peinture du jeune Diego Velázquez. A l’avant-plan, sur la table, un pilon, de l’ail, un piment, des poissons et deux œufs sur des assiettes attirent d’abord le regard. Montré depuis la cuisine où une jeune femme et une femme âgée sont au travail, le sujet religieux donne comme une dignité nouvelle aux aliments.

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    Miguel de Pret, Dos racimos de uvas con una mosca, 1630-1644, Museo del Prado, Madrid

    Parmi les fruits, les raisins réclament beaucoup d’habileté de l’artiste pour rendre leur éclat, la pruine. Deux petites toiles de Miguel de Pret côte à côte montrent des grappes de raisins blancs qui occupent à elles seules l’espace de la toile. La Nature morte aux raisins, pommes et prunes de Juan de Espinosa, plus recherchée, illustre la présentation traditionnelle du genre, sur le bois d’une table, ainsi que la Nature morte avec pains tresses de Francisco de Palacios.

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    Anonyme espagnol, Nature morte aux livres et au sablier, vers 1635-1640, huile sur toile, Staatliche Museen zu Berlin

    Les livres peuvent suffire à incarner un univers, en compagnie d’un sablier et d’une plume plongée dans l’encrier : cette nature morte anonyme rend hommage à l’activité intellectuelle. Dans Le songe du gentilhomme, une grande toile signée Antonio de Pereda, maître du baroque, la nature morte devient « vanité », invitation à réfléchir sur « le caractère fugace et illusoire des choses », comme l’illustre le crâne sur le livre ouvert. Au-dessus de cet amas de richesses, un ange rappelle au rêveur la futilité des biens terrestres par rapport à l’éternité. Même message dans la belle Allégorie du Salut de Juan de Valdés Leal.

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    Antonio de Pereda, Le Songe du gentilhomme, vers 1640, huile sur toile 152 × 217 cm, Académie San Fernando, Madrid

    On revient à la vie dans la salle d’angle consacrée aux « fleurs et cuisines ». Tomás Hiepes excelle dans la représentation de fruits et de fleurs sur une table : bouquet, plantes en pot ou cache-pot de céramique au joli décor. Francisco Barrera s’inspire de gravures flamandes ou italiennes en incluant des figures allégoriques. Dans L’Eté, la surabondance des motifs permet d’observer là un chat intéressé par la volaille, ici différentes sortes de pains avec à l’arrière-plan des paysans dans un champ de blé, entre autres.

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    Tomás Hiepes, Nature morte avec fruits et pots de fleurs de Manises, 1654, huile sur toile, Collection Arango

    Cette fois, on célèbre les nourritures terrestres et parmi elles, la viande, le gibier, les poissons morts rendus avec réalisme – ce ne sont pas mes sujets de prédilection. Mais j’ai admiré ce Dindon mort de Goya. Ses natures mortes étaient accrochées dans sa propre maison et sont restées longtemps dans sa famille, des « visions très rapprochées d’animaux morts, exécutées avec une touche enlevée, violente, très éloignée de la minutie habituellement déployée par les spécialistes du genre ». Peintes pendant l’invasion napoléonienne, elles illustrent à leur manière le tragique de la guerre.

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    Francisco de Goya, Dindon mort, 1808-1812, huile sur toile, Musée national du Prado, Madrid

    J’aime ces natures mortes où une porcelaine délicate, l’éclat d’un cuivre suffisent à conjuguer la sensualité et l’esthétique (ci-dessous). Dans une grande composition de Francisco de Zurbarán, La Vierge enfant endormie, voyez près d’elle ces fleurs dans un pot évasé. Ou cette tasse et sa soucoupe fleuries dans la Nature morte aux friandises de Pedro de Peralta.

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    Luis Egidio Melendez, Nature morte avec service de chocolat et brioches, 1770, huile sur toile, Musée national du Prado, Madrid

    Trompe-l’œil, branches de cerisiers, ustensiles de cuisine, garde-manger, chacun peut trouver quelque chose d’intéressant dans ces incarnations variées de la nature morte espagnole. Puis on aborde le XXe siècle : la nature morte n’est pas morte mais elle se transforme, s’éloigne de la volonté de représenter pour incarner la nouveauté picturale, avec Picasso, Maria Blanchard, Dalí, Miró

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    © Miquel Barceló, Le grand dîner espagnol, 1985, technique mixte sur toile, Musée national Centre d’art Reine Sofía, Madrid
    (détail ci-dessous)

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    Le grand dîner espagnol de Miquel Barceló offre une belle conclusion à ce parcours parmi des peintres connus et moins connus : sa matière épaisse qui prend la lumière, les couleurs de terre, les jaunes et les blancs font ressentir avec force ce qu’est avant tout ou après tout la nature morte : de la peinture.

  • Chercher

    Schjerfbeck à son chevalet photo.jpg« Je ne suis rien, absolument rien, tout ce que je désire faire, c’est peindre, chercher. – Ce doit être ceci qui fait la grandeur des peintres, de sorte qu’ils ne vieillissent jamais: le fait qu’il y a toujours encore quelque chose à conquérir. »

    Helene Schjerfbeck

    André Hirt, Ce rien que moi dur et glacial, Encre marine, 2012

     

    Helene Schjerfbeck à son chevalet chez elle à Tammisaari (1937).
    Photo H. Holmström FNG/CAA, collection Gösta Stenman

     

  • Schjerfbeck, peintre

    J’avais prévu d’aller à une exposition ce vendredi après-midi, mais le gel, le verglas, le grésil – et enfin la neige – m’ont retenue au chaud. La lettre d’Europeana dans ma boîte de réception ne pouvait tomber plus à point, avec ses « Trésors de la Galerie nationale finlandaise » en ligne, où un autoportrait retient mon regard, celui d’Helene Schjerfbeck (1862-1946) dont le nom m’était inconnu, une peintre finlandaise réputée.

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    Helene Schjerfbeck, Autoportrait, 1915, Galerie nationale de Finlande

    Dans un article pour Connaissance des Arts, Frank Claustrat a présenté « Helene Schjerfbeck, franc-tireur de la peinture moderne » à l’occasion de la rétrospective organisée à Helsinki en 2012 pour le 150e anniversaire de sa naissance. Il la cite : « « Je ne veux suivre aucun isme ; vivre seule c’est toujours ce à quoi j’ai aspiré, parler d’art de temps en temps avec toi, regarder ensemble des reproductions ». Cette déclaration de Schjerfbeck à son ami peintre Einar Reuter, en 1931, résume à la fois la femme et l’artiste singulières qu’elle fut : rebelle et à la marge, secrète et passionnée. »

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    Helene Schjerfbeck, portrait d'Helena Westermarck, 1884, Art museum Gösta 

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    Helene Schjerfbeck, La porte (chapelle Notre-Dame de Trémalo à Pont-Aven), 1884 

    Enfant douée, elle arrive à Paris en 1880 grâce à une bourse, elle y étudie entre autres à l’académie Colarossi avec une amie, Helena Westermarck, une artiste suédo-finlandaise également écrivaine. Wikipedia.fr montre des toiles peintes à la fin du XIXe siècle, des scènes avec des enfants surtout, réalistes, comme cette fillette en blanc et noir nouant les lacets de ses chaussures de danse – une de ses œuvres les plus populaires. Des femmes en chemin vers l’église, les plus âgées en châle noir, missel à la main.

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    Helene Schjerfbeck, Fillette enfilant ses chaussures de danse, 1882

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    Helene Schjerfbeck, Le convalescent, 1888

    Expositions à Paris, voyages en Europe, Helene Schjerfbeck connaît le succès. Rentrée en Finlande, elle enseigne régulièrement à l’école de dessin de l’association des arts à Helsinki, jusqu’à ce que sa santé fragile et les soins apportés à sa mère l’en éloignent. Elle s’installe alors à une cinquantaine de kilomètres, à Hyvinkää, et y développe un art plus personnel – « postmoderniste » selon le Wiki anglais – en choisissant des sujets autour d’elle, des personnages de son entourage, des ouvrières ; elle peint aussi des paysages et des natures mortes.

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    Helene Schjerfbeck, La couturière, 1905

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    Helene Schjerfbeck, Fillette sur le sable, 1912, Galerie nationale de Finlande

    Auriez-vous vu l’exposition qui lui a été consacrée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2007-2008 ? Les archives du musée en ligne ne remontent pas jusque-là. Heureusement Wikimedia Commons propose de nombreuses œuvres d’Helene Schjerfbeck, ce qui permet d’observer l’évolution de son style, du réalisme voire du naturalisme de ses débuts vers une peinture qui va à de plus en plus à l’essentiel : des traits, des silhouettes épurées, des halos qui donnent à certaines toiles du mystère à la Spilliaert.

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    Helene Schjerfbeck, Fille lisant (Fille assise), 1904, Galerie nationale de Finlande 

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    Helene Schjerfbeck, portrait de l'acteur Matti Kiianlinna, 1926-1927

    Elle n’hésitait pas à reprendre des anciens sujets dans une nouvelle technique, comme le thème du Convalescent – une Convalescente ? –, une toile primée à Paris en 1889, qu’elle redessine pour une lithographie en 1938-1939, à l’âge de 76 ans. « Maintenant que j’ai si rarement la force de peindre, j’ai commencé un autoportrait », écrivait-elle à un ami en 1921. « De cette façon, le modèle est toujours disponible, même si ça n’a vraiment rien d’agréable de se voir. » (Wif Stenger, Le touchant univers d’Helene Schjerfbeck)

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    Helene Schjerfbeck, Autoportrait, 1884-1885

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    Helene Schjerfbeck, Autoportrait, 1942

    Helene Schjerfbeck est entre autres célèbre pour ses autoportraits. Quel chemin parcouru entre celui de sa jeunesse, à vingt-deux, vingt-trois ans et celui qu’elle peint en 1942, quelques années avant sa mort dans un sanatorium. Je ne parle pas de la différence d’âge, vous l’avez compris, mais du témoignage ainsi donné par une grande artiste : sans cesse réinventer sa façon de peindre, au plus juste de sa sensibilité.

  • Autoportrait

    carrère,emmanuel,le royaume,récit,enquête,nouveau testament,paul,luc,évangile,foi,culture« En lisant de plus près le livre offert par Manu [une monographie épuisée sur van der Weyden], j’ai appris que la figure de Luc est généralement considérée comme un autoportrait de l’artiste, et j’ai pensé : ça me va. J’imagine aussi bien van der Weyden que Luc avec ce visage allongé, sérieux, méditatif. Que le premier se soit peint sous les traits du second, cela me plaît d’autant plus que, moi-même, je fais la même chose. »

    Emmanuel Carrère, Le Royaume (III, 26)

    Rogier van der Weyden, Saint Luc dessinant la Vierge, vers 1440, Boston ,USA