« Nous sommes tentés de tout passer à des jours rayonnants et bleus ; mais le manque d’eau sous un ciel gris, que l’anti-mai nous inflige parfois, est impardonnable, alors que la terre et les plantes ont tant besoin de sucs et de soleil.
En de tels moments, Baptiste, le jardinier, devient amer et ironique :
« Ils ont de l’eau tant qu’ils veulent, là-haut, dit-il, mais, soyez tranquille, elle n’est pas pour nous ! Par exemple ! ce qu’ils en font, je me le demande ! »
Baptiste assure aussi que ce temps fait entrer les pousses des jeunes légumes sous terre et se replier les fleurs de pois dans leurs calices.
Enfin, l’anti-mai cède à l’ondée tant désirée :
« Il pleut, dit alors Baptiste, ce n’est pas trop tôt ! Vous croyez qu’il tombe des gouttes d’eau ? Non. Il pleut des petits pois et des pommes de terre. »
La vieille Julie, du fond de sa cuisine, crie : « Qu’est-ce que vous dites, qu’il pleut ? »
Baptiste, la face ruisselante et réjouie, indique d’un geste triomphant la pluie tiède, douce, continue, qui chante dans la jeune verdure, et répète :
« Je dis qu’il pleut des pommes de terre nouvelles et des petits pois !
– Oh ! soupire Julie d’un ton déçu, je croyais que vous aviez dit : de jeunes carottes ! »
Marie Gevers, Plaisir des météores (Les réserves de mai)