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Littérature - Page 272

  • L'esprit d'aventure

    L’Esprit d’aventure (traduit de l’anglais par Isabelle Py Balibar) rassemble des articles de Robert Louis Stevenson (1850-1894) publiés dans diverses revues, de 1870 jusque peu avant sa mort, à 44 ans. Henry James : « […] le lire voulait dire pour beaucoup de gens la même chose que le « rencontrer ». Comme s’il y parlait lui-même, directement, comme s’il se dressait à la surface de sa prose avec son allure et sa voix, sa vie et ses habitudes, ses affaires et ses secrets les plus intimes. »

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    Portrait de Stevenson par John Singer Sargent (1887)

    Michel Le Bris explique dans la préface qu’après avoir réuni les Essais sur l’art de la fiction de Stevenson, il rêvait de le compléter par ces essais sur « l’esprit d’aventure », qui donnent à lire un véritable « art de vivre ». Chaque article est présenté par ses soins : non seulement les références de sa parution, revue et date, mais aussi les circonstances dans lesquelles il a été écrit, combien il a été payé et le sort que l’auteur a réservé au texte par la suite.

    « Aes Triplex », en ouverture, affirme clairement un choix d’existence. L’observation des effets de la mort d’un proche sur son entourage, la brièveté de la vie – « le temps que flambe une allumette » – l’amènent à réfléchir sur la manière de conduire sa vie. A l’instar de Samuel Johnson déjà âgé, parti faire le tour des Highlands – « et son cœur cuirassé de triple airain  ne reculait pas devant ses vingt-sept tasses de thé quotidiennes » (d’où le titre, tiré d’Horace) – Stevenson prône « un comportement ouvert et légèrement irréfléchi » plutôt que de vivre « dans un salon à température constante ». « Etre trop sage, c’est se scléroser ». « Tout cœur qui a battu fort et joyeux a laissé après lui dans le monde un mouvement d’espoir, et apporté sa pierre à l’histoire de l’humanité ».

    « Virginibus puerisque » aborde la question de se marier ou pas : « Le mariage est terrifiant, mais une vieillesse glacée et solitaire ne l’est pas moins. » (Du mariage) S’émerveillant du fait que tant d’unions soient « relativement » réussies, il s’interroge sur la manière de bien choisir un conjoint, sur les secrets du bonheur domestique, et conclut que « le mariage est semblable à la vie en ceci qu’il est un champ de bataille et non un lit de roses. » Son mariage avec Fanny Osbourne ne le fera pas changer d’avis quand il reviendra sur cette question.

    Le dernier des quatre textes réunis sous ce titre, « De la vérité dans les relations avec autrui », élargit le débat : est-ce vrai qu’il soit facile de dire vrai et difficile de mentir ? « L’art de bien dire », pour Stevenson, repose sur la vérité : « La difficulté de la littérature n’est pas d’écrire, mais d’écrire ce que l’on pense ; n’est pas de toucher le lecteur, mais de le toucher exactement comme on l’entend. »

    Son ironie éclate quand il oppose dans « La vieillesse grincheuse et la jeunesse » les bonnes manières, un idéal de prudence et de respectabilité au « drapeau rouge de l’aventure », Jeanne d’Arc et Christophe Colomb à l’appui. Comment se comporter quand on est jeune ? comment préparer sa vieillesse ? L’auteur aime raisonner à rebours des proverbes et de leur prétendue sagesse. Ainsi son « Apologie des oisifs » fait l’éloge de l’école buissonnière, école de tolérance et de curiosité, contre « l’extrême affairement », « symptôme de vitalité déficiente, alors que la faculté d’oisiveté suppose des goûts éclectiques et un solide sens de l’identité personnelle. »

    Aux amateurs de randonnées pédestres, je recommande « Le sens de la marche » ; aux amateurs de pittoresque, « De l’agrément des lieux peu attrayants ». Les amis des chiens apprécieront son étude du caractère canin et l’hommage à son brave Coolin, son premier et regretté compagnon à quatre pattes : « être un gentleman aux manières nobles et aux sentiments élevés, insouciant, affable et gai, voilà l’ambition innée du chien. »

    Un dernier titre pour conclure, parce qu’il est drôle et reflète bien le ton de L’Esprit d’aventure où les idées foisonnent : « La philosophie du parapluie », écrit par Stevenson à vingt ans pour un journal universitaire. Comme l’écrit Michel Le Bris, ce texte « préfigure déjà les essais qui établiront plus tard sa notoriété, mélanges d’aphorismes, d’anecdotes et de réminiscences personnelles, jouant du paradoxe et de l’antithèse d’un air faussement dilettante, mais, en fait, très soigneusement écrits. »

  • A la limite

    A la limite de la lumière et de l'ombre
    Je remue un trésor plus fuyant que le sable
    Je cherche ma chanson parmi les bruits du monde
    Je cherche mon amour au milieu des miracles

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    Un poème commence où la voix s'est brisée
    Et je fais mon bonheur en dénouant tes mains
    Quand nous nous rencontrons au bord d'une journée
    Nouvelle, au bord de l'aube où le ciel nous rejoint

    Odilon-Jean Périer

  • Palais de Justice

    « J’ai constaté, au fil des années, que les Bruxellois n’aiment guère cette « construction babylonienne », pour reprendre la métaphore de Camille Lemonnier, et qu’ils méprisent en général Joseph Poelaert, comme s’il leur avait fait plus de mal que de bien, comme si, par anticipation, il était le responsable de la mauvaise urbanisation de leur ville.

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    Palais de justice de Bruxelles,
    carte postale ancienne 1923 Wikimédia Commons

    Dans le langage populaire bruxellois, le mot « architecte » est même une insulte. On dit aussi skieven architek*, architecte fou, pour désigner quelqu’un qui n’a pas toute sa tête. »

    Jean-Baptiste Baronian, « Poelaert, Joseph » in Dictionnaire amoureux de la Belgique

    * (ou « schieven architek »)

     

  • Belgique de P à Z

    Dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian, dernière. Je pensais le faire durer plus longtemps, mais la curiosité a été la plus forte. Plus on avance dans ce dictionnaire, plus on y décèle certaines préférences de l’auteur : la musique, la petite histoire dégotée dans les livres anciens, l’excentricité, les façons de dire, le goût de surprendre…

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    Pierre-Joseph Redouté (1759 –1840), Rosa centifolia foliacea

    Commençons par le prix Nobel : si les amateurs de littérature savent que Maeterlinck est le seul écrivain belge à avoir été couronné par le Nobel de littérature (1911), qui pourrait citer un Belge lauréat du prix Nobel de la Paix ? Il y en a pourtant eu trois entre 1904 et 1913. Un autre Nobel figure à la lettre P, Ilya Prigogine (chimie, 1977), qu’on découvre également passionné de culture, récemment décédé.

    A la même lettre, aux « drôles de machines » de Panaramenko succède la « pataphonie », « discipline musicale (ou paramusicale) des plus bizarroïdes ». Il faudra mieux regarder la prochaine fois qu’on passe au carrefour à l’entrée du Bois de la Cambre : une petite fontaine « surmontée d’une colonnette » y est dédiée au poète Odilon-Jean Périer qui n’a vécu que 27 ans. Et visiter un jour à Anvers l’imprimerie Plantin-Moretus, « l’Olympe », écrit Baronian, pour les amoureux du livre.

    « Quick et Flupke » suivent la « Question royale », puis nous voilà au R : tiens, voici Axelle Red, « le feu qui chante ». Redouté, né à Saint-Hubert, et ses roses « si bien peintes à l’aquarelle, si bien exécutées, qu’elles apparaissent plus vraies que nature ». Django Reinhardt, natif de Liberchies, que Baronian présente via une rencontre à Turin (où il allait participer à un colloque sur Simenon) avec un passionné !

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    http://www.fine-arts-museum.be/fr/expositions/de-floris-a-rubens

    Rops, forcément, « homme double » : le peintre de Pornokratès et le dessinateur qui se vante d’être « le mieux payé à Paris », achète des demeures fastueuses, plante « deux mille rosiers dans sa propriété d’Essonnes, La Demi-Lune ». Evidemment Rubens, « le peintre belge archétypique ».

    Dire que dans nos Musées Royaux des Beaux-Arts bruxellois, la pluie s’est infiltrée près des Rubens – une toiture que la Régie des Bâtiments tarde à réparer ! Quel saint, quelle sainte implorer ? Ce sera ma transition vers l’entrée la plus inattendue du Dictionnaire amoureux de la Belgique : « Saints et saintes ». Jean-Emile Andreux qui nous a tant charmés avec ses « toponymies » en aurait fait son miel. Baronian distingue ici deux catégories de saints : ceux aux prénoms « des plus communs » et ceux qui portent des prénoms rares ou insolites, souvent « attachés à des lieux bien précis ».

    Pas de saint Peyo, mais un « coup de génie » : non seulement il a inventé les Schtroumpfs, mais aussi une nouvelle langue schtroumpfement typique du pays de Grevisse ! On reste dans l’invention avec François Schuiten, « le Piranèse de la bande dessinée » et un artiste aux réalisations en tous genres. Louis Scutenaire, maître des aphorismes, habitait lui aussi Schaerbeek.

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    Cinq pages pour Simenon : il n’en fallait pas moins pour l’écrivain liégeois et universel, « le génie du roman dans tous ses états » sur qui Baronian a beaucoup écrit. Vous aimez Spilliaert ? Vous aimerez l’émotion de l’auteur chez sa fille naturelle à Uccle. Vous aimez Stromae ? Vous n’aimerez peut-être pas la manière ambivalente de son portrait.

    Parmi les rares livres qui ont une entrée directe dans ce Dictionnaire amoureux de la Belgique, voici Tempo di Roma d’Alexis Curvers et, plus loin, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem (tous deux parus en 1967). Seul poème cité intégralement : Toi qui pâlis au nom de Vancouver de Marcel Thiry. Seul critique salué, Pol Vandromme (1927-2009), « le plus grand critique littéraire belge de langue française ». Plus de pages pour les séjours de Verlaine en Belgique que pour Emile Verhaeren.

    Après la cristallerie du Val-Saint-Lambert, les « Van » se bousculent : Van Dam et Van Damme à ne pas confondre, Van de Velde et Van Dyck, Van Looy, Van Rompuy et Van Rysselberghe (entre autres). Dernières entrées inattendues à la lettre V : « Violence » et « Voyages ». Baronian raffole des « relations de voyages », surtout les anciennes qui révèlent la Belgique d’antan, par exemple sous la plume de Théophile Gautier, Gérard de Nerval ou Alexandre Dumas.

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    A la fin de l’alphabet baronianesque, quelques W mais pas de X, deux Y, un Z – mystères que vous éluciderez si vous réservez une place chez vous à ce Dictionnaire amoureux de la Belgique ou si vous l’empruntez à la bibliothèque : ce nouvel ouvrage de référence vous emmènera, comme le dit joliment la quatrième de couverture, « d’un peintre à un paysage, d’un écrivain à une ville, d’une salle de concert à une épopée sportive, d’une étape gastronomique à un musée, d’une loufoquerie à un émerveillement. »

  • Dessinez

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    « Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages. Menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages. Dès que je prends un crayon, un pinceau, il m’en vient sur le papier l’un après l’autre dix, quinze, vingt. Et sauvages la plupart. Est-ce moi tous ces visages ? Sont-ce d’autres ? De quels fonds venus ? »

    Henri Michaux, Peintures et dessins

    Henri Michaux Aquarelle 1981 Coll. privée
    © SABAM Belgium 2016

     

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    « Dans tous les inachèvements, je trouve des têtes. […] Tout ce qui est fluide une fois arrêté devient tête. Comme têtes je reconnais toutes les formes imprécises. »

    Henri Michaux, Emergences-Résurgences

    Henri Michaux Acrylique 1972 Coll. particulière
    © SABAM Belgium 2016

     

    Henri Michaux. Face à face, Bibliotheca Wittockiana, Bruxelles,
    2.03.2016 > 12.06.2016

    Rencontre autour de Michaux à la librairie Tropismes le 17.03.2016 à 19 h.