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Bruxelles - Page 93

  • Chagall texto

    Le catalogue de la rétrospective Chagall à Bruxelles permet de la revisiter à travers de très belles illustrations, la part des textes y est aussi essentielle. Michel Draguet, commissaire de l’exposition, qui écrit dans la préface que « Chagall n’a, sans doute, jamais été autant d’actualité », y signe une belle analyse : « Chagall et la modernité : entre fable et utopie ».

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    Photo de Chagall © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet

    Pourquoi Chagall « texto » ? Parce que si on connaît son autobiographie Ma vie, écrite en 1921-1922, on découvre ici pour la première fois la traduction française de ses notes ultérieures en russe, retrouvées dans les archives de Marc et Ida Chagall. « Mémoires » de Marc Chagall, un texte d’une trentaine de pages, fournit une splendide entrée à ce catalogue.

     

    « Les années passent, les mois et les jours s’envolent. Tant de pluie est tombée, tant de neige ! On se réveille un beau matin et il semble qu’un an vient de passer, mais ce n’est qu’un nouveau jour, et çà et là une nouvelle ride a surgi : dans le dos, au plafond, sur la joue. Que de tristesse, de sourires, d’attentes, de rencontres et d’espoirs ! Quand vais-je laisser mes pinceaux et prendre la plume pour écrire encore quelques lignes sur ma vie ? Il y a près de cinquante ans, à Moscou, j’ai écrit en hâte ce petit livre sur neuf ou dix cahiers d’école, et voici la question : qui suis-je ? Je ne suis ni Michel-Ange, ni Mozart, ni Haydn, ni Goya, mais simplement un certain Chagall de Vitebsk, et je n’ai aucune envie d’imposer ma biographie aux autres. »

     

    C’est le début de ce texte émouvant, où l’artiste qui a tant aspiré à la paix cherche à guérir de la guerre, des larmes, des souffrances. Après la seconde guerre mondiale, il veut récupérer à Berlin les tableaux laissés chez Walden, à la galerie Der Sturm. Le galeriste lui demande de nouveaux tableaux, maintenant qu’il est célèbre – « Mais vos vieux tableaux, je ne les ai plus. » Au procès contre Walden, le juge lit à voix haute une lettre où Robert Delaunay a écrit que « Chagall ne connaît pas son métier. » Déception, amertume des amitiés trahies. De retour à Paris – « Quel air, quel mirage, quelle ivresse ! » –, Chagall constate qu’à La Ruche aussi, toutes ses affaires ont disparu : tableaux, lettres, livres, photographies, son chevalet même.  

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    Marc Chagall, rétrospective 1908-1985, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Fonds Mercator/MRBAB, Bruxelles, 2015.

    « Tout art est le résultat du travail : du travail en atelier, de l’observation de la nature. C’est ainsi. Mais depuis longtemps je considère que tout ce qui nous traverse l’esprit – même si ce n’est pas toujours logique – est aussi important que le reflet du monde extérieur. C’est peut-être justement l’expression de notre monde intérieur mais aussi du monde extérieur lui-même. Pour moi, dans l’art, les soupirs ont de l’importance. »

     

    La Bible, les voyages, l’exil, la musique, Kafka (« Non seulement je le connais, mais je le porte en moi, ou bien c’est moi qui suis en lui, depuis l’enfance »), les couleurs, le plafond de l’Opéra de Paris…, Chagall écrit sur tout ce qui compose sa vie d’homme, sa vie d’artiste. Il ne faudrait pas que ses merveilleuses couleurs et sa fantaisie fassent oublier les difficultés et les malheurs qu’il a rencontrés.

     

    Draguet le rappelle : « l’œuvre de Chagall s’ouvre sur une fuite éperdue du village juif prisonnier de la Russie impériale de la fin de siècle. » Antisémitisme d’Etat, racisme ordinaire ont fait de lui un exilé habité par l’héritage hassidique de sa vie en Russie ; « le blasphème que constitue le simple acte de dessiner » l’a isolé de son milieu familial. Le voilà « nomade », voué à peindre et figurer sans cesse son « pays de nulle part », un monde imaginaire ancré dans l’existence terrestre.

     

    « Dieu, toi qui te dissimules dans les nuages,
    Ou derrière la maison du cordonnier,
    Fais que se révèle mon âme,
    Ame douloureuse de gamin balbutiant.
    Montre-moi mon chemin.
    Je ne voudrais pas être pareil à tous les autres :
    Je veux voir un monde nouveau (…) »

     

    « Seul est mien
    Le pays qui habite mon âme
    J’y entre sans passeport
    Comme chez moi
    Il voit ma tristesse et ma solitude
    Il m’endort
    Et me couvre d’une pierre parfumée »

    Jean-Claude Marcadé examine le terreau russe dans l’oeuvre de Chagall, il souligne sa « très grande affinité » avec le monde poétique d’Essénine. Marcello Massenzio met en garde contre les lieux communs réduisant son art « à la seule dimension onirico-fantastique ». A côté des toiles « idylliques », d’autres expriment les drames de son époque. Dès 1933, sa peinture devient l’une des cibles principales de la propagande nazie antisémite – Le rabbin jaune est transporté dans les rues de Mannheim puis exposé pour faire savoir au contribuable « comment on gaspille (son) argent », c’est la campagne contre « l’art dégénéré ». Cette année-là, Chagall peint La chute de l’ange et Solitude. L’Apocalypse en lilas. Cappricio (gouache de 1945-1947, ci-dessous), montrée à l’exposition, projet d’une œuvre jamais réalisée, est une puissante vision de l’Holocauste. 

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    Marc Chagall, Apocalypse en lilas. Capriccio, 1945 © The London Jewish Museum of Art

    L’analyse des tableaux de Chagall par Ugo Volli non comme un espace fictif ou narratif, mais comme un discours où la présence simultanée de figures ou de « nuages de figures » est avant tout « relation de sens », aide à comprendre comment les motifs récurrents y fonctionnent, surtout comme des symboles ou des attributs (« Une peinture hiéroglyphique ? »). Enfin pour tous ceux qui aiment les petits commentaires éclairants, le catalogue offre une très utile « lecture critique » d’une cinquantaine d’œuvres de Chagall. Un beau livre à acquérir ou à emprunter en bibliothèque, je vous le recommande.

     

     

     

     

  • Lumières du XIXe

    Logée entre le Sablon et le Palais de Justice, l’Association du patrimoine artistique ouvre régulièrement ses portes au public pour de petites expositions au 7, rue Charles Hanssens. « Autour de l’impressionnisme » propose une sélection de peintures du XIXe siècle, à voir jusqu’au dimanche 22 mars. Quatorze artistes parmi lesquels Guillaume Vogels et Henri Evenepoel sont les mieux représentés. L’affiche est un détail d’un beau pastel, Paysage, de Rodolphe De Saegher.

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    Au rez-de-chaussée de cette maison bruxelloise, quelques pièces en enfilade prêtent leurs murs aux couleurs de ces peintres belges, connus ou méconnus, des œuvres issues exclusivement de collections privées. Vogels est ici à l’honneur. Les paysages de ce peintre bruxellois, que j’aime depuis la première toile que j’ai vue, sont avant tout des atmosphères. Au soleil éclatant, il préfère les ambiances de pluie, d’orage, les crépuscules, la neige, on en montre ici de magnifiques exemples : Hiver et Chemin sous la neige, dans la première salle, puis le grand Neige, exposé au Cercle des XX en 1988 ; en face, dans des tons plus chauds, Un coin des étangs de la distillerie (dernière illustration).

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    Guillaume Vogels, Hiver, 1886

    Il paraît que les cadres dorés surprennent ou gênent certains, plus habitués aux pages blanches des livres d’art ou aux toiles contemporaines sans cadres : un joli texte de Pierre Loze prend leur défense, contre « le goût dominant des graphistes, grands créateurs, metteurs en forme de notre goût ». Il rappelle que tous les cadres ont leur caractère, leur époque. « Et si ces cadres apparemment envahissants avaient bel et bien une fonction ? Celle de nous faire entrer dans une longue contemplation qui éloigne la contamination du contexte, d’organiser une sorte d’effort de concentration  pour se vouer exclusivement à l’œuvre ? » 

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    Guillaume Vogels, Neige, 1887

    Près des Bords de la Lys d’Emile Claus (au centre de la vue d’ensemble ci-dessous), une petite toile d’Anna Boch sur un chevalet : Maison de campagne, avec la silhouette d’une femme dans l’ombre sur la route. La lumière, c’est le grand sujet de tous ces peintres de plein air et en particulier des luministes. Juliette Wytsman s’installe dans un jardin, Anna De Weert au milieu d’un verger ou près de son atelier, Jenny Montigny devant une allée d’arbres. 

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    Le titre de l’exposition – Autour de l’impressionnisme – ouvre à la diversité des approches. Voici Constantin Meunier avec une Hierscheuse, et surtout Henri Evenepoel, avec des dessins, peintures, affiches, près desquels sont repris des extraits de sa correspondance – ces observations terribles qu’il écrit à son père, de Paris, où il tombe très malade et meurt du typhus en 1899, à l’âge de vingt-sept ans ! 

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    Evenepoel, Au square, lithographie

    Evenepoel a l’art de camper des silhouettes vivantes d’un coup de crayon, il croque des enfants de dos, assis à jouer. On retrouve « le petit Charles » dessiné près d’une chromolithographie, « Au square » (sous verre, impossible à photographier sans reflets) : une élégante à l’ombrelle rouge retient par le poignet une fillette en robe jaune tenant un petit seau rouge, le regard attiré par quelque chose au sol que nous ne voyons pas – une scène toute en mouvement, très gaie. 

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    Les lavandières, un pastel aux figures stylisées et aux aplats à la manière nabi, est accroché un peu haut pour être bien regardé. Un grand dessin aquarellé d’Evenepoel est exposé dans le hall d’entrée, projet d’affiche pour le parfumeur Blaise. On peut voir aussi cette affiche pour le Salon des Cent, un projet pour une couverture de magazine, « La Vie à Paris ». Et des peintures à l’huile, comme Bateaux sur le canal de Willebroeck, Portrait d’un sculpteur. D’un séjour en Algérie, une lumineuse Vue d’Alger, la ville blanche, la mer et le ciel, un mendiant, des joueurs de tambour… 

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    Henri Evenepoel, Vue d’Alger

    L’APA prépare un hommage à Evenepoel d’ici un an. La dernière monographie le concernant (1994) répertorie quelque trois cents œuvres parmi lesquelles une centaine n’était pas localisée. L’Association en a retrouvé à ce jour une vingtaine et fait appel à ceux qui peuvent l’aider à en redécouvrir dans des collections privées.

    C’est une noble tâche de mettre le patrimoine artistique de Belgique en valeur, et de travailler à sa connaissance, sa conservation et sa restauration, les « trois mots-clés » de  cette association. Quelques livres sur les peintres exposés sont proposés à la vente, comme cette monographie consacrée à Guillaume Vogels bien illustrée et à prix modique (textes de Constantin Ekonomidès, un des collaborateurs de l’APA). Un beau peintre dont je vous reparlerai sans doute un jour. 

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    Attention à l’horaire des visites, si ce parcours impressionniste belge vous tente : jeudi, vendredi et samedi de 14 à 18h et dimanche 22 mars de 14 à 18h. D'où ce billet dès aujourd’hui.

  • Le poète allongé

    « Quel beau, charmant et singulier tableau que Le poète allongé de 1915 (peint donc en Russie, tout de suite après le départ de Paris) ! Le cheval et le porc, devant l’isba, évoquent Rousseau (que Chagall aime beaucoup), oui, mais le poète aux mains réunies comme celles des gisants des anciens sépulcres, sa tête sur son veston posé dans l’herbe, près de son chapeau, ses pieds en de fastueux souliers, tout cela, d’où est-ce venu, comment ?  

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    Marc Chagall Le poète allongé Huile sur toile © Collection particulière

    Chagall s’est-il peint là en « poète » comme il fut dit ? Je ne sais. Mais le visage, où il n’y a rien qui me propose une ressemblance, et la silhouette, me font songer à des photographies de Paul Eluard, …, que Chagall ne devait rencontrer que dix ans plus tard, et qui, bien plus tard encore, allait trouver dans sa peinture une inspiration radieuse. »

    André Pieyre de Mandiargues, Chagall, Maeght éditeur, Paris, 1974.


     

     

  • Chagall issime

    Très attendue, la grande exposition Chagall des Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles tient ses promesses : une superbe rétrospective, de nombreuses toiles de musées étrangers et de collections particulières, de quoi découvrir, même si on se souvient d’autres expositions. 

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    Marc Chagall L'anniversaire 1915 Huile sur carton © Museum of Modern Art, New York

    Je ne me rappelle pas avoir admiré ce Nu avec des fleurs, par exemple, aquarelle et gouache ; cette Tentation, belle comme un vitrail, avec de petits animaux autour d’Adam et Eve ; ce Portrait du poète Mazin, son voisin russe à La Ruche ; un splendide Nu rouge... Bientôt c’est Vitebsk, sa ville natale, et les éléments qui reviendront si souvent dans sa peinture, sans que l’artiste donne pourtant l’impression de se répéter : une fenêtre, un bouquet, un cheval…  

    L’anniversaire, toile prêtée par le Moma (ci-dessus), est une merveille : dans une atmosphère chaude (sol rouge, tissus à ramages) qui contraste avec leurs vêtements sombres, Bella, épousée en 1915, tient un bouquet de fleurs et semble décoller du sol pour recevoir le baiser de Chagall en flottaison dans l’air, la tête renversée pour l’embrasser. C’est la première peinture où il représente un personnage « en lévitation ».  

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    Marc Chagall La naissance 1911 Huile sur toile originale collée sur bois contreplaqué Collection privée

    Une petite salle rassemble des tableaux familiaux : David jouant de la mandoline (deux beaux portraits très différents de son frère mort jeune à la guerre), sa mère, son père et sa grand-mère (avec un chat), ses sœurs, des amoureux... La naissance (ci-dessus) montre une jeune mère allongée, un bébé nu dans les bras de son père ; plein de détails comme la lampe en haut, un chat bleu en bas, animent cette scène structurée franchement par des lignes et une grande diagonale, ce qui est assez rare chez Chagall (1887-1985).   

    Chacune de ses peintures raconte une histoire. On expose aussi dans cette salle de beaux intérieurs, animés par un bouquet, éclairés par une baie vitrée – on aperçoit la petite Ida, sa fille née en 1916, en robe rouge dans un fauteuil, et la tête de Bella, dehors, à la fenêtre. Une toile m’a fait penser à Bonnard : Les fraises ou Bella et Ida à table, avec le joyeux contraste des fruits rouges sur la nappe blanche. 

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    Marc Chagall La promenade 1917-1918 Huile sur toile © Musée russe, Saint-Pétersbourg

    La promenade, grande toile choisie pour l’affiche, vous la connaissez certainement : le couple se tient par la main, lui les pieds à terre, elle en robe mauve volant dans un ciel blanc à la Malévitch au-dessus de la ville tout en vert, à l’exception de la cathédrale. Dans l’angle inférieur gauche, leur pique-nique en rouge, sous un peu de feuillage bleu – Chagall associe les couleurs comme personne. 

    La religion tient une place constante dans son œuvre : on peut voir côte à côte une esquisse sur papier et l’huile sur toile du Rabbin au citron vert (ci-dessous) – un cédrat dans une main, une branche de palmier dans l’autre, deux des quatre végétaux associés à la fête de Souccot. Pourquoi ce petit rabbin inversé sur sa tête ? D’après l’audioguide (compris dans le prix d’entrée), ce serait une manière d’évoquer la succession, la chaîne des rabbins. Plus loin, on verra Chagall traiter des thèmes bibliques et peindre de nombreuses crucifixions pour symboliser la tristesse, la souffrance, le malheur – le peintre ira jusqu’à se peindre lui- même en croix. 

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    Marc Chagall Le Rabbin au citron 1924 Huile sur Toile © Collection Particulière

    La figure du juif errant, avec son baluchon sur le dos et sa canne, est un autre motif récurrent, même si la toile intitulée En route ou le juif errant, à la pâte épaisse, s’appelait au départ « Chemin faisant », allusion au voyage du peintre vers Paris. Ce n’est que des années plus tard que Chagall ajoutera le second titre. 

    Rentré en Russie, Chagall a beaucoup travaillé pour le Théâtre juif de Moscou. On présente ici des maquettes de costumes, de décors, et en projections, les grandes fresques réalisées pour ce théâtre (montrées à la Fondation Gianadda en 2007). En revanche, je ne connaissais pas toutes ces illustrations pour les fables de La Fontaine, une idée de Vollard : Le renard et les raisins, La grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf (collection des MRBAB), Deux pigeons, entre autres. 

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    Marc Chagall Le renard et les raisins 1926-27 Aquarelle et gouache © Collection Particulière

    On retrouve des autoportraits et des portraits de couple tout au long du parcours, comme le magnifique Double portrait (Nagoya) datant de 1924 où le peintre vêtu de noir, debout à son chevalet, tient contre lui Bella en robe blanche, leurs deux profils tournés vers la toile. Ou encore Le gant noir (ci-dessous).  

    Des animaux, des anges, des amoureux, des fleurs, des violons... La peinture de Chagall célèbre la vie. Elle s’assombrit pendant la guerre, à la mort de Bella, retrouve des couleurs enchantées quand il se remarie avec Vava. Mais Bella reviendra encore souvent sous ses pinceaux. A Saint-Paul de Vence, il peint sur un énorme bouquet au milieu de son atelier, une grande toile verticale, très claire, aérée, qui tranche avec l’effervescence habituelle. 

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    Marc Chagall Le gant noir 1923-48 Huile sur toile © Collection Particulière

    La dernière salle montre des études pour le Metropolitan Opéra – Le triomphe de la musique – et pour l’Opéra Garnier, et aussi des costumes pour Stravinsky. Impossible de vous parler de tout, plus de deux cents œuvres, aussi je vous renvoie au site de l’exposition. Vous avez quatre mois pour vous y rendre, jusqu’au 28 juin. 

    Cette rétrospective bruxelloise, d’abord montrée à Milan, montre très bien que Chagall, tout en restant fidèle à son univers original, évolue constamment dans sa manière de peindre. J’ai aimé son Don Quichotte, peint à 86 ans, entouré de gens qui dansent, d’autres qui font la guerre, avec Chagall au chevalet entouré des siens, et dans le bas, de petits arbres. « On ne sait jamais avec Chagall, lorsqu’il peint, s’il dort ou s’il est réveillé. Quelque part, dans sa tête sans doute, il doit y avoir un ange. » (Picasso) Tantôt joyeux, tantôt inquiet, l’art de Chagall touche au cœur.

  • Normal / anormal

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    « C’est normal d’avoir envie d’écrire ses pensées, ce qui est anormal, c’est que quelqu’un de tout à fait différent de vous ait envie de lire, c’est formidable ! »

    Dany Laferrière

     

    Camille Marcilly, « La Foire du livre est ouverte », La Libre Belgique, 25/2/2015