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chemins de fer

  • Trains d'Europalia

    Aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Voies de la modernité a mis le festival Europalia (Trains & Tracks, 2021) sur les rails. Les premières lignes de chemin de fer sont apparues en Europe en 1820 en Grande-Bretagne ; en 1835 en Belgique. L’exposition montre comment les peintres se sont intéressés à cet outil majeur de la révolution industrielle.

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    Le chemin de fer a bouleversé d’abord « la relation au temps et à l’espace », les villes et les campagnes en ont été modifiées. « Vous étiez mêmes gens habitant un village, / Vous ne connaissiez rien que vos mêmes usages, / Et voici que le monde entier roule sur vous / Ses tumultes et ses remous » écrit Verhaeren. Le Guide du visiteur (source des citations) est disponible en ligne.

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    Constantin Meunier, Paysage industriel, s.d., Bruxelles, MRBAB

    Dans Paysage industriel, Constantin Meunier peint deux mondes : à l’avant-plan un homme à cheval qui parle à quelqu’un tandis que plus loin, les cheminées des charbonnages fument – « Les inventions de la machine à vapeur et du rail sont en effet étroitement liées à l’exploitation minière ». Des dessins amusants d’Honoré Daumier (Les chemins de fer) caricaturent les comportements nouveaux des voyageurs et leurs déboires.

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    Henri Ottmann, Vue de la gare du Luxembourg à Bruxelles, 1903
    © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

    Avec Vue de la gare du Luxembourg à Bruxelles, Henri Ottmann montre bien l’intrusion du chemin de fer dans la ville et son côté pittoresque : graphisme des voies, panaches de fumées, poteaux indicateurs, lumières… Deux très beaux Monet de la Gare Saint Lazare (prêts de Chicago et de Londres) appartiennent à sa première série réalisée en 1877. Un autre paysage parisien, de Louis-Robert Carrier-Belleuse, vient du musée Carnavalet, ainsi qu’une jolie gravure de Femme (au petit chien) sur le pont de l’Europe de Norbert Goeneutte ; son Pont de l’Europe la nuit, d’une collection privée.

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    Marianne Stokes, Le Train qui passe, 1893. Collection particulière.

    Plutôt que de ne vous montrer que les artistes exposés les plus connus, je préfère partager des découvertes. Ainsi Le Train qui passe (1893) de Marianne Stokes (réaliste puis préraphaélite) : des fumées flottent encore devant une jeune femme songeuse, un fagot à la main, que le passage du train dans la campagne a interrompue dans son travail. Sa cape d’un beau rouge lui donne beaucoup de présence sur la toile.

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    Darío de Regoyos, Vendredi Saint en Castille, 1904, Musée des Beaux-Arts de Bilbao

    Une peinture impressionniste de Dario de Regoyos surprend par son sujet : la lente procession de pénitents en noir sous un pont où passe un train, sans qu’ils en paraissent troublés – Vendredi Saint en Castille (1904). Dans Printemps (1911) de Léon Spilliaert, en contrebas d’un pont métallique où un train va s’engager, l’immobilité des figures féminines au centre contraste avec les deux silhouettes en mouvement. Mondrian et Boccioni, eux, réduisent le passage du train dans le paysage (des petits formats) à de fines bandes horizontales, foncée pour le convoi, plus claire pour la fumée.

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    Umberto Boccioni, Les Etats d’âme : Les adieux, Ceux qui partent, Ceux qui restent, vers 1911

    Mais Boccioni offre une autre approche du monde ferroviaire dans un étonnant triptyque intitulé Etats d’âme (vers 1911) qui « lie espace, mouvement et psychologie » : Les adieux, Ceux qui partent, Ceux qui restent (ici, des reproductions au trait de gravures originales sur bois, les œuvres à l’huile sont au MOMA). Ma photo d’ensemble n'est pas fameuse (désolée pour les reflets), mais elle vous donne une idée de cette approche originale du sujet (cliquer pour l’agrandir).

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    Roberto Marcello Iras Baldessari, Train de blessés, 1918, Fondazione Museo Civico di Rovereto

    Certains peignent la mécanique des droites et des courbes, comme Ivo Pannagi dans Train en marche (affiche de l’expo) ou Aligi Sassu dans Evolution de la machine. D’autres illustrent le rôle du transport ferroviaire durant la guerre, qu’il s’agisse de la première (Baldessari, Train de blessés) ou de la Seconde guerre mondiale pour Joseph Steib qui peint dans sa cuisine Les Roues tourneront pour la victoire (une série intitulée Le Salon des rêves, 1939-1944).

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    Jules Grandjouan, Dans les chemins de fer : Grande réunion, 1910, lithographie

    Puis voici une gare et des immeubles futuristes (encres signées Antonio San’t Elia), une affiche expressive de lutte syndicale (Jules Grandjouan) et une série d’affiches ferroviaires belges. Les premières mettaient en valeur les destinations plus que le moyen de transport.

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    Une affiche signée Henri Cassiers

    A la fin des années vingt, sous l’influence du cubisme et du futurisme, les affichistes soulignent surtout l’esthétique et la rapidité du train. Des peintres comme Victor Servranckx et Fernand Léger exaltent le machinisme dans un nouveau langage plastique géométrique et coloré. Certains rendent le mouvement (Fernand Stéven, Le rail), d’autres les formes et les volumes, de manière plus statique.

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    A gauche : Fernand Stéven, Le rail, 1947, Liège, La Boverie

    Deux beaux Delvaux – ce passionné était bien sûr attendu ici, plus que Magritte dont La locomotive (1922, collection particulière) n’est pas encore surréaliste. La matinée angoissante (1912) de Giorgio de Chirico l’est déjà. Celui-ci s’est enfui de la caserne de Turin pour fuir à Paris cette année-là et on reconnaît son univers : une place turinoise, une locomotive, ombres et perspective ; en écho au petit triangle blanc en bas des arcades, il peint à leur bout une forme triangulaire en rouge vif, comme un accent sur cette magnifique composition.

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    Giorgio De Chirico, La Matinée angoissante, 1912
    © MART (Musée d'art moderne et contemporain de Trente et Rovereto)

    En fin de parcours, l’installation de Fiona Tan, 1 to 87 (2014, échelle 1/87e de la maquette d’un chemin de fer miniature) appelle un temps d’observation pour remarquer les petites scènes contemporaines représentées. Le prochain train pour Europalia ? Sans doute celui pour Train World, à bord de l’Orient-Express.

  • Ouverte sur la ville

    « Trainworld (161).JPGAu XIXe siècle, la gare est une nouvelle porte d’entrée de la ville. Elle participe au réaménagement du territoire, comme les cathédrales du Moyen Age qui reconfiguraient les paysages. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que certaines gares leur sont comparées, comme Anvers-Central.

    La gare de Schaerbeek est à l’image des gares du XIXe siècle. Celle de Bruxelles-Central représente la gare du XXe siècle tandis que la gare rénovée d’Anvers-Central et la nouvelle gare de Liège-Guillemins préfigurent le retour du chemin de fer au centre de la vie sociale et économique du pays.

    Ce sont des gares ouvertes sur la ville, des lieux d’échanges et de commerce, des points de convergence des différents modes de transport. »

     

    Catalogue Train World, Des machines et des hommes, à la découverte du monde des trains, Moulinsart, 2015.

     

    ***

     

    Un wagon sur le toit ? C'est non loin de Train World,  au Train Hostel !

     

    Prochaine destination pour François Schuiten, scénographe de Train World : l’Egypte.

     

    Schuiten aussi au Centre de la Gravure et de l'image imprimée de La Louvière. 

    (mise à jour 31/10/2015)

  • Train World en gare

    On l’attendait, on y pensait chaque fois devant la jolie gare de Schaerbeek : depuis un mois, Train World est entré en gare. Avec François Schuiten à la scénographie, je me disais que ce serait bien, je me trompais : c’est fantastique ! Habitués du rail ou pas, passionnés ou non, de 7 à 77 ans, visitez ce Monde du Train qui n’a rien d’un musée ordinaire et vous fait véritablement voyager dans le temps. 

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    La gare de Schaerbeek date de 1887, son extension (ci-dessus) de 1920. Place Princesse Elisabeth.

    Quel plaisir de voir ce beau patrimoine réhabilité ! Un nouveau restaurant précède la grande salle des pas perdus et ses guichets en bois. Tout autour sont présentées des maquettes de locomotives à l’échelle un dixième – dont « Le Belge » (1835), la première locomotive à vapeur fabriquée en Belgique – et de gares belges : Anvers-Central la magnifique ; Bruxelles-Central, une des dernières réalisations de Victor Horta ; Liège-Guillemins et ses courbes calatravesques. 

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    Locomotive à vapeur Le Belge, 1835, à l'échelle 1/10

    Au-dessus, de grands écrans montrent des peintures, illustrations et extraits de films inspirés par le train : Turner, Monet, Hergé, Abel Gance... Contre un mur, un banc ouvragé parle d’une époque où l’élégance n’avait pas encore cédé la place au design. Je m’attarde devant deux bas-reliefs historiques : « In memoriam », sous la roue ailée qui fut le premier symbole des chemins de fer belges, reprend les noms des cheminots morts en 1914-18, et l’autre, un cadeau des Français reconnaissants à la Belgique en 1945, porte une croix de Lorraine. 

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    Dans la salle des pas perdus de la gare de Schaerbeek

    Les objets usuels aussi sont mis à l’honneur : un pèse-personne où on glissait une pièce, et derrière les guichets, d’anciens titres de voyage, un carnet de 5000 km en première classe, des uniformes, képis, tailleurs et calots d’hôtesses… On quitte cette salle, ses guérites et ses banquettes pour sortir sur le quai. Wagon, machine, essieux montrent la voie vers la suite du parcours, dans un nouveau bâtiment immense auquel on accède par l’arrière. 

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    Et là, mes amis, quelle ambiance ! Les locos du temps jadis nous en mettent plein la vue, dans une pénombre savamment éclairée. Sur une carte de Belgique se dessinent les premières lignes de chemin de fer ouvertes en 1835, puis les suivantes, et on verra plus loin, sur une carte d’Europe, comment le chemin de fer a franchi les frontières.  

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    Locomotives à vapeur

    C’est d’abord le temps des locomotives à vapeur, plus loin ce seront les tractions diesel puis électriques – et je pense à mon père qui nous racontait son émerveillement quand son grand-père l’avait emmené dans le poste de pilotage de la locomotive qu’il conduisait. Quel plaisir pour les enfants (et les autres) de monter dans ces fabuleuses machines ! (J’ai visité Train World un mercredi après-midi.) Partout des images d’archives accompagnent le parcours, un écran tactile rappelle les étapes du développement des chemins de fer belges de 1835 (Bruxelles-Malines) à 2015. En 1846, Bruxelles-Paris durait plus de huit heures. 

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    Des plaques de forges, fonderies, ateliers mettent à l’honneur les constructeurs, principalement wallons, exportateurs dans le monde entier – le nom de Cockerill y apparaît souvent. Les locomotives portaient des noms évocateurs (Le Belge, sorti des usines de Seraing), La Flèche, la Pays de Waes (Bruxelles, 1844, 60 km/h)…) avant  d’être numérotées selon leur modèle. La puissante Type 12 « Atlantic » aux énormes roues (Seraing, 1939,  2200 chevaux-vapeur, 140 km/h) est ici la vedette, sauvée in extremis de l’envoi à la ferraille.

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    François Schuiten, scénographe de Train World, près de la Type 12 © SNCB 

    Sous une longue dalle de verre, on découvre une voie de chemin de fer, l’évolution des rails, les traverses, les outils, le ballast. Des panneaux détaillent la construction d’une ligne, les moyens de signalisation. Partout des bouts de films, des lumières, des sons, des objets : le visiteur est immergé dans l’univers du train. La réussite de Train World, c’est de renouveler l’angle de vue à chaque passage dans un autre hall, de surprendre sans cesse. Le parcours va crescendo. 

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    Pour vous donner la mesure – ou la démesure – de ce qui vous attend, sachez qu’un hall contient une maison de fonction restée en place, dans laquelle vous pourrez entrer – décor des années 1950 – et découvrir où ont vécu des familles de cheminots. A côté, l’alarme de la barrière retentit ; une carcasse de voiture écrasée rappelle le danger d’une traversée imprudente. 

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    Photo du chantier autour de la maison de fonction / Source : Ilprovincialecheguardailmondo

    Un wagon de marchandises évoque les sinistres « wagons des déportés » de 1940-45, quand les prisonniers étaient envoyés en Allemagne en troisième classe d’abord, puis enfermés dans ce type de wagon. Gros contraste, évidemment, avec le hall suivant consacré au développement du train de vacances dans la seconde partie du XXe siècle : les affiches vantent les plages belges, les sports d’hiver, toutes les régions d’Europe accessibles en « autorail de luxe (Trans Europ Express) » ou en « train autos-couchettes ». 

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    Décors de première classe, Orient-Express d’Agatha Christie, voiture postale, caisse de crabes à la pesée (bonjour Tintin), malles, le spectacle est sur les quais, dans les voitures, et puis voici en prime deux « suites » royales. Si vous levez les yeux, vous apercevez une travée de l’ancien Pont du Luxembourg à Namur (on y monte par l’escalier ou l’ascenseur). De là, on a vue sur les alentours de la gare de Schaerbeek, sur les trains d’aujourd’hui qui passent, et on regarde d’en haut, médusé, les impressionnantes machines qu’on a contemplées d’en bas. 

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    La mécanique et les ingénieurs sont mis à l’honneur, de George Stephenson, l’inventeur de la locomotive à vapeur, à Arthur Vierendeel, concepteur de nouveaux ponts et viaducs ; l’audioguide (2 €, application gratuite sur smartphone) les présente, et aussi le catalogue illustré, « Des machines et des hommes », qui reprend toutes les étapes du parcours (compter au minimum une heure et demie, dernières entrées à 15h30). Pour terminer, une bonne surprise pour ceux qui veulent tester leur vocation (un simulateur de pilotage) ou comparer les sièges de TGV actuels. Train World : le monde du train n’a pas fini de faire rêver.