Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bruxelles - Page 94

  • De la neige au parc

    Samedi dernier, la neige est tombée sans discontinuer, et le lendemain, le soleil, en s’accrochant à ses mille paillettes, a révélé la ville métamorphosée : toits blancs, ourlets cotonneux sur les arbres, perles d’eau gelée. A quoi ressemblait le parc Josaphat sous la neige ? Allons-y voir. 

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Rares étaient ceux qui avaient pris la peine de dégager un passage sur les trottoirs verglacés. Traverser les rues n’est pas non plus sans piège quand la température reste négative, et même dans le parc, il fallait éviter les glissades – sauf pour le plaisir, évidemment. Mais quel décor !

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Comme toujours, quand je marche face au soleil, j’admire les contre-jours, si difficiles à rendre en photo. C’est dimanche, il y a bien sûr des amateurs pour descendre en luge sur les pelouses enneigées avec de grands cris d’excitation. D’autres restent immobiles au soleil, regardent, s’imprègnent, méditent. Ou téléphonent, figés, sans voir le chien qui trépigne. 

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Un pinceau d’artiste a souligné de blanc certaines branches, posé de petits points sur les plus fins rameaux, on a l’impression de se promener dans un de ces paysages d’hiver idylliques des cartes de vœux.  

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Les statues du parc souvent maltraitées par les tagueurs – ou pire, ici aussi, parfois, on décapite – retiennent la neige çà et là, et c’est du plus bel effet. Eve et le serpent semblent paisibles, une mère réchauffe son bébé contre elle. 

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Pas question aujourd’hui de marcher pour marcher, il y a trop à découvrir : en haut, où les cimes des arbres sont parées ; en bas, vers le ballet des herbes immaculées. 

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Plus loin, on va à la pêche aux reflets. Oh le joli chapeau pointu du kiosque ! Les canards semblent à l’aise sur l’étang où quelqu’un a rapidement tracé des zigzags à l’encre de Chine. 

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Le parc Josaphat, si romantique, cache sa mélancolie en des coins plus sombres, mais là où il arrive à se frayer un chemin, le soleil joue à l’éclairagiste de théâtre, égaie même un saule pleureur.  

    pard josaphat,hiver,neige,soleil,promenade

    Un vrai temps d’hiver, un dimanche de vacances, de la neige au parc, profitons-en : c’est la trêve des confiseurs et pour les promeneurs, un plaisir rare.

     

    *
    * * *
          *      *      *     
    * * * * * * * * * *
     *      *      *
     * * *
     *

     Bonne et heureuse année riche en lectures, balades, expos
    &

    au plaisir de vous retrouver dans la blogosphère ! 


    Tania

     

     

     

  • L'oeil du désir

    Rubens Venus Frigida.jpg« Avez-vous déchiffré le titre de notre récit mythologique, Venus frigida. Frigide, la déesse de l’amour, non pas. Venus frigida, c’est la Vénus venue des rives de la mer Méditerranée et qui frissonne et prend froid dans les plaines du Nord. Le vent décoiffe les branches des arbres, noie le ciel de pluie. La belle Vénus ployée, surprise par l’arrivée d’un être mi-homme, mi-bête, médite, la bouche songeuse appuyée sur la main, le regard détourné, fuyant, elle échafaude quelque ruse pour échapper au piège qui lui est tendu.

     

    Songez, notre scène ne vous est-elle pas familière, mille fois vue, partout, au musée, au cinéma, sur les affiches de publicité ? Une femme à la nudité savamment dévoilée se retrouve passivement saisie sous l’œil désirant d’un homme. « Suzanne et les vieillards », « Femme à sa toilette », « Pan et le Syrinx », des générations de peintres ont repris ce thème… Le cadrage demeure identique depuis des siècles, depuis des millénaires. C’est l’homme qui regarde, c’est la femme qui est vue. L’œil du désir est un privilège masculin. »

     

    Lydia Flem, L’œil du désir (Prose pour P. P. Rubens / Guide du visiteur)

     

    « Sensation et sensualité, Rubens et son héritage », Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 25.09.2014 > 04.01.2015

     

    Peter Paul Rubens, Venus Frigida, 1614 © Lukas - Art in Flanders VZW / Royal Museum of Fine Arts Antwerp

    photo Hugo Maertens.

     

     

     

     

     

  • Inspiré par Rubens

    « Sensation et sensualité, Rubens et son héritage » : il y a foule au Palais des Beaux-Arts pour cette exposition riche d’œuvres en provenance du monde entier, organisée avec le Musée des Beaux-Arts d’Anvers et la Royal Academy Of Arts de Londres. Pas de présentation chronologique, mais autour d’une belle sélection d’œuvres de Rubens, son héritage artistique, en six thèmes : violence, pouvoir, luxure (ci-dessous un détail de Pan et Syrinx en couverture du catalogue), compassion, élégance et poésie. 

    rubens,sensation et sensualité,rubens et son héritage,exposition,bruxelles,bozar,manet,la pêche,peinture,art,culture

    Pourquoi, comment Rubens (1577-1640) a-t-il influencé tant de peintres ? Voilà le sujet. De nombreux artistes français, allemands, espagnols, anglais, se sont inspirés de son art. Les œuvres exposées permettent d’observer comment ils reprennent et interprètent ce qui les a séduits chez le grand maître flamand. Pour découvrir ce parcours thématique, je vous renvoie au dossier de presse et au guide du visiteur (GV) sur le site de Bozar. Devant la surabondance, je renonce à toute synthèse.

     

    Pour ma part, j’ai envie de vous parler d’un tableau qui m’a particulièrement plu parmi les « héritiers » de Rubens, dans la dernière section : La pêche de Manet (1862-63), un prêt du Metropolitan Museum de New York. C’est un paysage « animé » comme on dit pour signifier qu’il s’y trouve des personnages. Des pêcheurs, forcément : un gamin assis sur la rive, attend que le poisson morde à l’hameçon ; dans une barque, un homme tire ses filets à l’avant ; son passager au chapeau de paille, accoudé à l’arrière, observe la manœuvre d’un jeune homme armé d’une gaffe.

     

    Inattendu, à l’avant-plan, un couple aux vêtements anciens et raffinés, éclairés d’élégants cols blancs, elle en bleu, lui en rouge. Leur chien, un chien de chasse « qui semble sorti tout droit du XVIIe siècle » (GV) observe ce qui se passe sur l’eau, au milieu de la toile. Le couple, lui, tourne le dos à cette scène aquatique et fait face au spectateur, mais en regardant de côté vers le chien, l’homme pointe le doigt dans sa direction.  

    rubens,sensation et sensualité,rubens et son héritage,exposition,bruxelles,bozar,manet,la pêche,peinture,art,culture
    Edouard Manet, La pêche, 1862-63, New York, The Metropolitan Museum of Art

    La datation du tableau est incertaine. Le catalogue Manet de la fondation Pierre Gianadda (1996) cite en premier Antonin Proust selon qui « La promenade » (titre de l’étude correspondante) aurait été peinte entre 1858 et 1860 ; puis Léon Leenhoff (modèle du jeune garçon), qui y a reconnu un paysage de l’île Saint-Ouen (où la famille du peintre avait une propriété) et propose 1861, date de l’installation de Manet dans l’atelier de la rue Guyot où il a peint d’après des croquis de l’île.

     

    L’arc-en-ciel à l’horizon, un village au loin, la flèche d’une église, des baigneuses près d’un bosquet, la signature oblique sur une barque, il y a une foule de choses à découvrir dans cette toile, « image composite, encombrée, mouvementée, diffuse, un mélange de genres, de plaisirs, de loisirs » (catalogue Gianadda), « un étrange mirage de toute  beauté » (GV, qui ajoute « même si le tableau manque de vie » – vraiment ?)

     

    Delacroix avait donné au jeune Manet ce conseil : « Il fallait voir Rubens, s’inspirer de Rubens, copier Rubens, Rubens était le dieu. » Et Rubens est bien au centre de cette peinture : l’arc-en-ciel, le chien, les jeunes arbres sont empruntés à son Paysage à l’arc-en-ciel (Louvre). Et le couple ? Ces costumes du dix-septième siècle ? Eh bien, il s’agit d’Edouard Manet et de sa future femme, Suzanne Leenhoff, représentés dans la même pose que Rubens et Hélène Fourment dans Parc du Château de Steen (Kunsthistorisches Museum, Vienne).

     

    La notice du MET rapporte que Manet, ayant caché à son père sa relation avec Suzanne, a sans doute peint cette « variation sur un portrait de noces » entre la mort de son père en septembre 1862 et leur mariage en octobre 1863, ce qui correspond à la datation actuelle. Ce tableau riche d’emprunts à Rubens (et à Carracci) et à sa propre vie (c’est peut-être Léon, fils de Suzanne, né de père inconnu, que Manet montre du doigt, « comme pour « accepter » le garçon dans sa famille », suggère le catalogue Gianadda), était très cher au peintre. La pêche n’a jamais été exposée du vivant de Manet (1832-1883), c’était un « tableau de famille », accroché dans leur appartement.

  • Illusionnistes

    Coe expo58 affiche.jpg

     

    « Ce que nous exposons au Pavillon n’est qu’une réplique. N’empêche, expliqua-t-il, il faut quelqu’un pour vérifier qu’elle marche, que les voyants s’allument et s’éteignent au bon moment, etc., etc., histoire d’impressionner le bon peuple. Marrant, quand on y réfléchit. Tu es venu t’occuper d’un pub factice, et moi d’une machine factice. Ca fait de nous des illusionnistes, non ? »

     

    Jonathan Coe, Expo 58

  • Expo 58, Bruxelles

    Expo 58 de Jonathan Coe a tout pour plaire, il me semble, à ceux qui ont visité l’Exposition universelle de Bruxelles et s’y reconnaîtront comme à ceux qui, comme moi, regrettent de ne pas avoir pu se promener sous l’Atomium tout neuf, devenu depuis l’emblème de la capitale belge. 

    coe,jonathan,expo 58,roman,littérature anglaise,exposition universelle,1958,bruxelles,pavillon britannique,espionnage,culture 
    http://www.jonathancoewriter.com/books/expo58.html

    Ce roman, traduit de l’anglais par Josée Kamoun, débute en 1954, quand le gouvernement britannique est invité à participer à la première exposition universelle d’après-guerre, une époque d’optimisme scientifique quant au développement nucléaire mêlé d’anxiété par rapport à son usage militaire, ce que signifiaient de manière spectaculaire les neuf boules du cristal de fer « grossi cent soixante-cinq milliards de fois », notre fameux Atomium (resté en place comme la Tour Eiffel après l’Exposition de Paris en 1889, mais trois fois moins haut, une centaine de mètres).

     

    Thomas Foley, rédacteur en chef au Bureau Central de l’Information, responsable du Pavillon britannique, s’étonne d’être choisi pour superviser le pub « Britannia » – serait-ce parce que sa mère est belge et que son père a tenu un pub pendant vingt ans ? Thomas n’a jamais mis les pieds en Belgique et a priori, n’est pas très emballé à l’idée de s’éloigner pendant les six mois de l’exposition, alors que sa femme Sylvia et lui viennent d’avoir un bébé.

     

    On lui suggère de les emmener avec lui, mais il n’en fera rien. C’est à sa mère qu’il en parle en premier. Martha, qui a fui son pays en 1914 et s’est mariée dix ans plus tard, le met en garde : il devrait être plus attentif à son épouse et lui en parler ouvertement.  Mais quand son fils envisage d’aller prendre des photos de la ferme familiale près de Louvain, elle l’en dissuade : « Le passé, c’est le passé. »

     

    Thomas prend vite goût à sa mission, et l’excitation monte quand il prend part à une réunion au Foreign Office pour faire le point sur l’avancement des travaux, trois mois avant l’ouverture. Sa description du futur Britannia qui ressemblera à un « club nautique » avec de larges baies vitrées, pour mieux correspondre à la modernité de l’événement, est bien accueillie, et c’est alors qu’il aperçoit pour la première fois deux hommes que personne n’a présentés, très attentifs à son intervention.

     

    Wayne et Radford, ces deux-là, l’attendent à la sortie et l’emmènent dans leur voiture sous le prétexte de le déposer chez lui, mais c’est pour lui poser plein de questions personnelles, sans ménagement, puis le laisser en plan près d’un arrêt d’autobus après un mystérieux « ça reste entre nous ». 

    coe,jonathan,expo 58,roman,littérature anglaise,exposition universelle,1958,bruxelles,pavillon britannique,espionnage,culture
    Photomontage Cobra.be

    Une charmante hôtesse de l’Expo 58, Anneke, accueille Thomas à l’aéroport de Melsbroek lors de sa première arrivée à Bruxelles. En sa compagnie, il découvre le chantier de l’avenue des Nations, le magnifique Atomium et les silhouettes des différents pavillons, avant de rencontrer David Carter, le représentant du British Council, au Pavillon britannique. Le Britannia lui fait bonne impression. Carter parle des Belges comme de gens surréalistes, excentriques, voire « frappadingues » comme l’affirme le patron du pub, pas trop ravi d’apprendre que Thomas Foley sera son superviseur. 

    De retour à Tooting, dans la banlieue londonienne, Thomas remarque que leur voisin célibataire, qu’il s’est contenté jusque-là de saluer poliment, se montre très empressé auprès de Sylvia, offrant ses bons offices pour l’aider en l’absence de son mari. Celle-ci se plaint des grésillements du téléphone depuis le passage de deux hommes puis d’un technicien pour « vérifier la ligne » et semble assez déprimée.

     

    Puis Foley s’installe à Bruxelles, dans un bungalow du Motel Expo à Wemmel, qu’il partage avec un compatriote, Anthony Buttress, conseiller scientifique, chargé de l’équipement de pointe et de la machine Zeta en particulier, entourée d’un certain secret. Tout le monde est conscient de l’espionnage industriel inévitable dans ce genre de foire. Thomas et Tony sympathisent, ils sortiront souvent ensemble.

     

    Enfin, le 17 avril 1958, le roi Baudouin ouvre officiellement  l’Exposition de Bruxelles. Beaucoup de monde se presse au Britannia lors de l’inauguration du pub. Thomas y est abordé par un journaliste russe très sympathique lui aussi – dont il ferait bien de se méfier, lui conseilleront Wayne et Radford un peu plus tard, eux qui sont toujours au courant de tout.

     

    Expo 58 offre un contexte historique et une ambiance festive au séjour bruxellois de Thomas Foley. Jonathan Coe y raconte les péripéties de l’Exposition, les hésitations sentimentales d’un homme marié, et bientôt une affaire d’espionnage, sur le ton de la parodie : Thomas, naïf, découvre souvent trop tard les enjeux réels des rencontres internationales sur le thème d’un avenir meilleur.  

    coe,jonathan,expo 58,roman,littérature anglaise,exposition universelle,1958,bruxelles,pavillon britannique,espionnage,culture

     

    Je me suis amusée à la lecture de ce roman pour lequel le romancier britannique s’est documenté avec précision. Coe a écrit Expo 58 en résidence d’écrivain à la Villa Hellebosch. Au départ, son héros, « un type très bien, du genre sans prétentions et fiable », imaginait que sa mission donnerait un élan nouveau à sa carrière et à sa vie personnelle, je vous laisse le plaisir de lire ce qu’il en adviendra.