Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bruxelles - Page 54

  • Plume

    J de Villiers (39).JPG« Des artistes écrivains, la plupart informels, peuplent nos imaginaires d’émotions. De tensions. De rythmes. De musiques. De sensations d’être d’un monde qui, quoi qu’on en dise, écrit aussi. Pour combien de temps encore ?
    Villiers plonge en nos racines profondes la plume de ses histoires d’autres temps, d’autres modes, d’autre monde. Un monde qui savait penser, rêver, écrire. Fût-ce entre les lignes. Qui renaît sous ses doigts sereins. »

    Roger Pierre Turine, Jephan de Villiers. Le signe et la mémoire, Bibliotheca Wittockiana, MMXVIII.


    © Jephan de Villiers 

  • Signe et mémoire

    Le rendez-vous avec un artiste, avec un écrivain, attend parfois son heure durant des années. L’exposition « Jephan de Villiers : le signe et la mémoire », à la Bibliotheca Wittockiana cet été, donne l’occasion de découvrir ses « écritures », mêlées à ses « reliquaires » : un monde de plumes, de bois, de papier et d’encre où le temps se dépose – jusqu’à l’âme.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    © Jephan de Villiers 

    J’ai souvent lu des articles sur l’œuvre de Jephan de Villiers, croisé l’une ou l’autre sculpture sans m’y arrêter vraiment ; ses couleurs de terre, ses personnages de l’ombre, leurs visages me faisaient peut-être un peu peur. Encore une fois, j’en fais l’expérience : le contact direct avec l’œuvre d’art est essentiel, c’est dans la présence physique que l’échange peut avoir lieu.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture

    De belles reliures occupent la salle d’exposition au rez-de-chaussée de la Wittockiana, avis aux amateurs : « APPAR dans tous ses états, dix ans d’édition de livres d’artistes ». Des couvertures, des matériaux, des styles très variés, difficiles à photographier avec les reflets des spots. Jephan de Villiers est présenté à l’étage, dans les grandes vitrines murales et dans les vitrines tables de la bibliothèque.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture

    Il y a du chamane chez cet artiste qui glane ses matériaux dans la forêt de Soignes ou au bord de la Gironde. Ses « Notes sur une civilisation furtive » et autres écritures sont accompagnées de « reliquaires » : le geste de l’artiste donne aux objets glanés dans la nature, patinés par elle, une nouvelle vie par l’assemblage, la sculpture, le cadre.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    Mémoire de terre © Jephan de Villiers

    Pages ou papiers en accordéon sont couverts de signes à l’encre de Chine. Ce ne sont pas des logogrammes comme chez Dotremont ni des courbes graphiques comme chez Alechinsky, c’est une écriture gestuelle, calligraphie sans alphabet. La mise en page, la grosseur du trait, les espaces, le rythme sont ceux du livre, du texte.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    Notes sur une civilisation furtive © Jephan de Villiers

    Comme les plumes ou les fragments présentés sur panneau – les reliquaires –, les traces de l’encre sur le papier composent une collection de signes faits main, pour mémoire, au croisement du temps et de l’espace. Voyez cette boîte, « à l’infini du ciel » : l’écriture de Jephan de Villiers sur la feuille de garde encadre les traits rythmés qui répondent à ceux incisés dans le couvercle au-dessus d’une plume.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    à l'infini du ciel © Jephan de Villiers

    Ailleurs un petit « bois-corps » est lié sur la feuille calligraphiée, un accordéon d’écriture s’échappe d’une boîte : ces choses et ces signes se répondent. « Envol rêvé de la nuit du 25 mai 1985 » illustre à merveille cette alliance.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
     Envol rêvé de la nuit du 25 mai 1985  © Jephan de Villiers

    La sculpture présentée sous globe fait l’inverse, on dirait cette fois que l’entrelacs des branches a rythmé les traits d’encre sur son support. Enfant malade, à la garde de sa grand-mère, de Villiers a trouvé refuge dans les arbres et dans la terre creusée, un marronnier qu’il voyait de sa chambre était son « compagnon de jour et de nuit ».

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    © Jephan de Villiers

    Tel un archéologue, l’artiste est le dépositaire du temps : « Les sculptures sont une reconstitution du temps éparpillé et, pourquoi pas, une reconstitution de notre histoire. Les « Fragments de mémoire » sont l’aube de ma croyance. Je n’ai rien inventé, je me suis souvenu. » (Jephan de Villiers, Quelques fragments de mémoire. Conversation avec Arnaud Matagne, Tandem, 2013)

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture

    A l’entrée de la bibliothèque, un grand bois fendu, « reliquaire » sculpté, est devenu un porteur de mémoire. Ici sont présentés des livres de différents écrivains illustrés par Jephan de Villiers : « Nous volerons du bleu au ciel » avec Joël Bastard, « L’œuf dans le paysage » avec Kishida, le « Cantique de Frère Soleil » de Saint François d’Assise, entre autres. Michel Butor, déjà retrouvé ici lors de la présentation des livres pauvres, a souvent fait appel à lui ; en témoignent « La Justice des runes » et « Les plumes de l’archange », aux confins de la poésie et de la musique, comme une partition.

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture

    Jephan de Villiers a décoré les parois de verre de la station de métro Albert à Bruxelles, on en montre quelques « études pour écritures et dessins » à l’exposition. On peut y admirer aussi de fabuleux assemblages – nid, plumes, bois-corps, feuilles, « bestioles » – qui donnent présence à un monde silencieux mais habité. Je me surprends, sur le chemin vers l’arrêt du tram, à regarder autrement les herbes sèches qui le bordent. 

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture
    Reliquaire du bord du monde © Jephan de Villiers

    Mort ou vivant ? La question se pose quand on entre dans l’univers de Jephan de Villiers. A Matagne, il dit aussi : « Mon apparition se fait dans le mouvement de la disparition, là où tout retombe. » Roger Pierre Turine, qui présente l’artiste dans un petit livre catalogue, « Le signe et la mémoire », écrit ceci en vibration avec l’œuvre : « Entrer en Villiers, c’est pénétrer un monde de la nuit aux semblances d’éternité, un monde mort qu’anime un esprit vivant. »

    jephan de villiers,le signe et la mémoire,exposition,bibliotheca wittockiana,bruxelles,écritures,dessins,sculpture,livres d'art,culture

    « Jephan de Villiers : le signe et la mémoire », jusqu’au 16 septembre 2018 à la Bibliotheca Wittockiana, Musée des Arts du livre et de la Reliure, Rue du Bemel 23, 1150 Bruxelles.

  • Note jaune

    Square Vergote (33) bis.jpgSquare Vergote (41).JPGL’architecture contemporaine, si elle privilégie le blanc, recourt volontiers à la note jaune, en rupture avec les traditionnelles connotations négatives de cette couleur. (J’espère que Michel Pastoureau nous en écrira aussi l’histoire un jour.)

     

    Une rampe jaune achève l’escalier de cette maison minimaliste EDK, un jaune fonctionnel, lumineux, gai, une touche de fraîcheur au centre de la maison.

    Photos © Emmanuel De Keersmaeker (EDK Architecte)

  • Au square Vergote

    Anne-Cécile Maréchal nous attendait dimanche au square Vergote, pour une Estivale dans ce joli square, coupé en deux par le boulevard dans le bas (une voie à éviter depuis la démolition du viaduc Reyers, le chantier en cours provoque des embouteillages). Sur une vue aérienne, notre guide montre une autre division : le square Vergote se partage entre deux communes, Schaerbeek et Woluwe Saint Lambert.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Une bonne surprise : après la présentation des belles maisons de ce côté du square, nous visiterons une construction récente qui a reçu l’an dernier le prix d’architecture de Schaerbeek. Les premières demeures du square datent de 1906, à l’époque où le boulevard dit « militaire » menait au Tir National (actuellement site de la RTBF). Par la suite, d’autres boulevards l’ont prolongé.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Les maisons se voulaient élégantes dans ce quartier « chic » où vécut Henri-Marie La Fontaine, prix Nobel de la paix en 1913, un grand pacifiste, féministe et franc-maçon (il a créé la première loge mixte), au numéro 9. Comme à l’avenue Demolder, des architectes et des constructeurs y ont rivalisé de savoir-faire. L’immeuble moderniste au numéro 1, à l’angle du boulevard, a été dessiné par Georges France qui en occupait le penthouse, il date de 1936 (même époque que le paquebot Flagey).

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Les façades que nous allons découvrir sont plus anciennes. Portails, fers forgés, ornements, chacune se distingue de sa voisine. Au 27, à l’angle de la rue Pelletier, voici la première de quatre maisons conçues par un tandem, Constant Bosmans et Henri Vandeveld, dans un style éclectique (1907). L’étage ajouté alourdit ses proportions, des transformations ont été réalisées, on a aménagé un garage.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    La guide nous montre la façade d’origine sur une photo (ces photos anciennes sont disponibles en ligne : le chargement du site irismonument.be est lent, mais l’attente vaut la peine). Mêmes architectes au 29 et au 31, deux maisons élégantes en briques claires rehaussées de pierre blanche, de fausses jumelles (ci-dessus).  

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Mais c’est devant le numéro 33 que nous nous attardons, un superbe hôtel de maître (ci-dessus) construit en 1907 pour Émile Waxweiler, ingénieur, professeur à l’Université libre de Bruxelles et premier directeur de l’Institut de Sociologie Solvay. Bosmans et Vandeveld ont fait appel à Léon Sneyers pour lui donner, en 1908, une allure « sécession viennoise », sorte d’art nouveau géométrisé : des bas-reliefs floraux stylisés en correspondance avec les vitraux, des incises discrètes entre les fenêtres, des grilles d’un style soigné et d’une sobriété nouvelle pour l’époque.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Le commanditaire ne voulait ni de l’ostentation gratuite en façade ni des traditionnels salons inoccupés en dehors des réceptions, mais un vrai « living-room » au bel étage, lumineux et fonctionnel. Anne-Cécile Maréchal attire notre attention vers la frise en damier sous le dôme, qui se prolongeait sur toute la largeur à l’origine. Sneyers a aussi conçu la décoration intérieure (la description ici).

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Au 39, années vingt, on reconnaît les motifs de pomme chers à l’architecte Vermeersch. Au 41, Georges Hobé a dessiné une maison d’angle de style beaux-arts, comme la suivante, toutes deux de 1909, en contraste avec la façade Art Déco du 45, de 1929 : la maison Fournier, signée Alfred Nyst, déjà admirée lors d’une Estivale dans le quartier des Cerisiers, est intégralement classée, extérieur et intérieur. Rigueur et simplicité ne nuisent en rien à la finesse du décor, des entrelacs sous le toit du porche (ci-dessous) jusqu’à l’admirable corniche de cette maison toute en verticales. (La maison qui la jouxte semble plus ancienne par le choix du style, mais elle est en réalité plus récente.)

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture

    Le 45 possède un jardin très profond qui se prolongeait vers la rue Frédéric Pelletier, en connexion avec un double garage surmonté d’un studio : c’est précisément à cet endroit, sur un petit terrain de forme trapézoïdale, qu’Emmanuel De Keersmaeker a conçu sa maison que nous allons visiter, un défi architectural, au 98 (ci-dessous) de cette rue bourgeoise qui porte le nom d’un papetier célèbre, non loin d’une maison art nouveau de Henri Jacobs (à gauche sur la photo).

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture
    maison unifamiliale, rue Frédéric Pelletier 98 © Emmanuel De Keersmaeker

    Il lui a fallu de la persévérance pour faire accepter son parti-pris contemporain, rejeté par certains riverains et dérogeant à certaines règles urbanistiques : une architecture minimaliste où l’aspect décoratif est produit par l’agencement et le design des briques sans joint, surcuites, ce qui leur donne un aspect un peu émaillé et une couleur qui varie selon l’ensoleillement.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture
    © EDK Architecte

    Le dépassement en hauteur par rapport aux maisons voisines est souligné sur le côté par un jeu de briques perpendiculaires. « La teinte gris/noir de la brique est un rappel de la maison de maître de style Art Déco qui se trouve au 45 du square Vergote dont la façade intègre des décors en briques vernissées noir et or. » (Site de Schaerbeek

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture
    © EDK Architecte

    La maison est plus large côté rue que côté jardin. L’architecte a opté pour des matériaux apparents, des châssis en aluminium naturel. Le premier garage près de la porte a été transformé en bureau d’architecte, le rez-de-chaussée où nous pénétrons a gagné de la profondeur pour réaliser une salle de jeux donnant sur le minuscule jardin. Ici vit une famille avec trois enfants. Aux étages, des passerelles métalliques permettent de jouir de la verdure des jardins voisins à l’arrière.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture
    © EDK Architecte

    On circule sur trois étages par un escalier central en chêne clair, doté d’une rampe métallique jaune vif, éclairé par une verrière. Les poutres de béton lissé répondent aux anciennes, plus brutes. Chaque plateau de soixante mètres carrés se déploie de part et d’autre, les pièces sur rue et sur jardin sont bien éclairées par de larges baies vitrées de bonne isolation. Les salles d’eau correspondent aux claustras de la façade.

    estivales,2018,schaerbeek,square vergote,rue pelletier,architecture,art nouveau,art déco,maison contemporaine,edk,patrimoine,culture
    © EDK Architecte

    Nous nous sommes divisés en deux groupes pour visiter les étages, tous pourvus de nombreux placards de rangement. La répartition des volumes est très ingénieuse et derrière cette façade un peu austère, on découvre de beaux espaces à vivre, malgré les contraintes. Les propriétaires nous ont reçu fort aimablement, merci encore à l’architecte « edk » d’avoir répondu à toutes les questions et d’avoir autorisé les photos dans cette maison unifamiliale qu’ils habitent depuis plus d’un an.

  • Deux

    Jardin Demolder (35).JPG

    Ils étaient deux à nous suivre ou à nous précéder, curieux de l’animation, à un peu de distance. On appelle un chat ? Le plus souvent, sauf pour les familiers, il feint l’indifférence. Il vit sa vie. Pour celui-ci, tiens, c’était juste le moment de faire ses griffes. Pour l’autre, de surveiller ses arrières.

    Jardin Demolder (23).JPG