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  • Ordiphone

    Français Portable.png« La Commission d’enrichissement de la langue française qui fait autorité en France, recommande d’utiliser les expressions ordiphone ou terminal de poche ; l’Office québécois de la langue française, qui fait autorité de l’autre côté de l’océan, recommande pour sa part l’usage de l’expression téléphone intelligent, voire des termes téléphone-ordinateur ou téléphone-assistant personnel (...). Ces deux offices proposent de renoncer au mot smartphone, parce qu’il s’agit d’un anglicisme (il est en effet formé à partir des mots smart : « intelligent, malin » et phone : « téléphone »). »

    Mathieu Avanzi, Ce que les Suisses, les Belges et les Québécois ne disent pas comme les Français : le cas du téléphone, Français de nos régions, 25/4/2017

    Pourquoi ne pas dire « ordiphone »,
    comme nous avons appris à dire et à écrire « courriel » ?
    Qu’en pensez-vous ?

    Carte © Mathieu Avanzi, Français de nos régions

     

  • Un simple crayon

    Un crayon, juste un crayon – c’est ce que souhaitait Jean d’Ormesson sur son cercueil et j’ai trouvé cela émouvant, ce simple crayon déposé par le président français sur le drapeau couvrant son cercueil, dans la cour des Invalides. Au cours du bel hommage que lui a rendu La Grande Librairie la semaine dernière, on a rappelé que le doyen de l’Académie française écrivait tous ses livres à la main.

    Crayon sur le cercueil.jpg

    Un crayon, beau symbole de l’écriture et aussi de la lecture. J’ai l’habitude, en lisant, de souligner et d’annoter au crayon ou avec un porte-mine, d'où sa présence sur le logo de Textes & prétextes.

    L’UCL (Université catholique de Louvain) attire l’attention ces jours-ci sur une nouvelle sorte d’atlas : Mathieu Avanzi, chargé de recherche FNRS, a publié un Atlas du français de nos régions. Ce chercheur s’intéresse « à la variété de la langue française dans les régions francophones de Belgique, de Suisse et en France. »

    Tous les francophones savent qu’on n’emploie pas forcément les mêmes mots pour désigner les mêmes choses, ne fût-ce que « septante » (en Belgique) et « huitante » (en Suisse). Je me souviens des enquêtes que menait régulièrement André Goosse, au cours de lexicologie, sur l’emploi de termes différents d’une région à l’autre. Avant le voyage des rhétos à Paris, j’attirais leur attention là-dessus : les élèves trouveraient des « serviettes » et non des « essuies » dans la salle de bain de l’hôtel, elles auraient un temps libre à midi pour le « déjeuner » et non pour le « dîner », etc.

    Français d’origine, Mathieu Avanzi a emménagé en Suisse « pour effectuer une thèse sur l’intonation du français avant de rejoindre la Belgique pour poursuivre ses recherches dans la cadre d’un post-doctorat à l’UCL », il a eu l’occasion d’observer les différentes façons de parler. Son Atlas du français de nos régions propose les résultats de ses enquêtes dans ces trois pays sous la forme de cartes.

    Français Crayon.png
    Carte extraite de l'Atlas du français de nos régions :
    https://francaisdenosregions.com/2016/11/25/crayon-de-bois-ou-crayon-dea-papier/

    Non seulement le vocabulaire diffère, mais aussi l’intonation, l’accent : toutes ces pistes sont explorées sur le blog Français de nos régions. Allez-y faire un tour, vous verrez, il y a de quoi s’amuser si vous aimez cette sorte de jeu des différences – et vous aurez plus d’une occasion de hausser les sourcils : [suʀsil] ou suʀsi], comment dites-vous ?

  • Funèbre et doux

    Houellebecq La_Carte_et_le_Territoire.jpg« La nuit tombait lorsqu’ils s’engagèrent sur l’autoroute A10. Ferber régla le limiteur de vitesse à 130 km/heure, lui demanda si ça le dérangeait qu’il mette de la musique ; il répondit que non.

    Il n’y a peut-être aucune musique qui exprime, aussi bien que le derniers morceaux de musique de chambre composés par Franz Liszt, ce sentiment funèbre et doux du vieillard dont tous les amis sont déjà morts, dont la vie est essentiellement terminée, qui appartient en quelque sorte déjà au passé et qui sent à son tour la mort s’approcher, qui la voit comme une sœur, comme une amie, comme la promesse d’un retour à la maison natale. Au milieu de Prière aux anges gardiens, il se mit à repenser à sa jeunesse, à ses années d’étudiant. »

    Michel Houellebecq, La carte et le territoire

    (mise à jour 15/12/2017 pour le lien vers Fantaisie de Gérard de Nerval)

  • Jed et Houellebecq

    « Le monde est ennuyé de moy, / Et moy pareillement de luy » : ces vers de Charles d’Orléans cités en épigraphe donnent bien le ton du roman de Michel Houellebecq, prix Goncourt 2010 : La carte et le territoire. Centré sur la vie d’un artiste fictif, Jed Martin, le roman parle aussi d’un certain Michel Houellebecq, écrivain, une vision désenchantée du monde et de l’art contemporain pour toile de fond. 

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    Source : http://jedmartin.fr/cartes.html

    Aux prises avec une peinture représentant « Jeff Koons et Damien Hirst se partageant le marché de l’art » qu’il retouche depuis des semaines, Jed Martin a des problèmes de chauffage dans son atelier, « un grenier avec une verrière », comme un an plus tôt, en décembre, quand il peignait son père, « L’architecte Jean-Pierre Martin quittant la direction de son entreprise ». C’est l’occasion pour l’auteur de décriSre les vicissitudes du dépannage et du quotidien.

    Jed et son père, qui a entretemps quitté son pavillon pour une maison de retraite, ont pour habitude d’aller au restaurant ensemble à Noël. Au dessert, le fils annonce une exposition personnelle au printemps. Franz, son galeriste, a suggéré « un écrivain pour le catalogue », Houellebecq par exemple. Son père l’a lu : « C’est un bon auteur, il me semble. C’est agréable à lire, et il a une vision assez juste de la société. »

    Ensuite le récit remonte le temps : les dessins d’enfant de Jed, la baby-sitter, principale compagne de son enfance, son père étant trop occupé par son poste très lucratif de PDG d’une entreprise de construction. Sa mère s’est suicidée juste avant ses sept ans. Quand Jed a décidé de consacrer sa vie à l’art, pour cette « liberté de choix » que son père n’avait plus dans sa profession, il a pensé à son grand-père, qui photographiait des mariages, un artisan.

    La découverte de sa chambre photographique a provoqué chez Jed Martin l’abandon du dessin pour « la photographie systématique des objets manufacturés du monde ». Il vit encore dans l’appartement que son père l’a aidé à acheter dans le XIIIe, « pas loin des nouvelles galeries qui s’étaient montées autour du quartier de la Très Grande Bibliothèque ». A la mort de sa grand-mère, ils ont gardé sa maison, Jed s’y sentait bien : « un endroit où l’on pouvait vivre ».

    Au retour de l’enterrement, il se passionne pour les cartes Michelin et se met à les photographier avec du nouveau matériel, passant de l’argentique au numérique. Lors du vernissage d’une exposition collective, une jeune femme « fixait son tirage photo avec beaucoup d’attention » – « de très loin la plus belle femme de la soirée ». Quand il lui confie avoir fait plus de huit cents photos de cartes routières, Olga Sheremoyova lui propose un rendez-vous – elle travaille au service de la communication pour Michelin France.

    En même temps qu’il devient son amant, Jed entre pour de bon dans le milieu des vernissages, avant-premières et cocktails littéraires, apprend comment s’y comporter de manière appropriée. On le présente à Frédéric Beigbeder, autre écrivain parmi les personnages du roman, qui lui envie la conquête d’Olga. Jed Martin est « lancé ». Son exposition intitulée « La carte est plus intéressante que le territoire » remporte un grand succès. Mais l’entreprise a besoin d’Olga en Russie. Après l’avoir accompagnée à l’aéroport, Jed arrête de photographier des cartes et se tourne à nouveau vers la peinture.

    La carte et le territoire raconte une carrière d’artiste, une réussite financière dont Houellebecq l’auteur décrit les ingrédients et les arrangements commerciaux. Puis Houellebecq le personnage est « sauvagement assassiné » dans sa propriété à la campagne et on verra comment le nom de Jed Martin surgira au cours de la difficile enquête sur ce crime. L’art et la mort ont parfois partie liée.

    Le titre du roman renvoie bien sûr à la France, à ses villages qui se transforment, à l’exploitation de la « French touch » à des fins touristiques. La carte et le territoire dépeint la société française et, souvent livrées à la solitude, des personnes qui ne vivent que pour leur travail, chacune à leur manière. L’intrusion de personnalités connues, parfois ridiculisées, et de l’auteur même, produit un peu le même effet que les marques citées, certains modèles précis, à la limite du « placement de produits ». J’ai parfois pensé au roman de Perec, Les Choses, cité dans le roman par le personnage Houellebecq, selon qui Perec « accepte la société de consommation ».

    Que dire du style ? Il m’a paru prioritairement fonctionnel, recourant aux lettres capitales et aux italiques sans qu’on en perçoive forcément l’intention (si ce n’est pour souligner un lieu commun ou une façon de parler). Dans ses remerciements, l’auteur reconnaît des emprunts à Wikipedia, qui lui avaient été reprochés. Houellebecq évite la phrase musicale ou poétique, ce sont les choses, les faits qui importent, ce qui n’exclut pas des moments de réflexion.

  • Livres et fleurs

    Mahaux Eugène 1874-1946 Dame lisant.jpgDeux goûts puissants, et je dirais des passions si j’en avais souffert, ont dominé et consolé ma vie : celui des livres, celui des fleurs. On trouve en eux, on trouve en elles un même remède contre les maux de l’âme. Les fleurs sont les pages changeantes et embaumées du poème des saisons, un livre écrit dans toutes les langues, qui prêtent à nos rêves des ailes de parfum pour parcourir la terre et s’élever au-dessus d’elle. Les livres sont des jardins où l’esprit de tous les siècles a semé des fleurs de tous les temps et de tous les climats ; des fleurs immobiles qui nous transportent où nous ne sommes pas, où nous voudrions être ; des fleurs qui sont presque magiciennes, qui évoquent pour l’âme des pays qu’elles enchantent. Que de vers inédits de Virgile on lit dans un parterre ! Que de parterres inconnus on respire dans les vers de Virgile !

    Jules Lefèvre-Deumier (1789-1857)

    Eugène Mahaux, Dame lisant