« J’aimais ma ville, mais je me fis violence pour m’interdire de prendre automatiquement sa défense. Au contraire, je me convainquis que la déception dans laquelle finissait tôt ou tard tout amour pour Naples était une loupe permettant de regarder l’Occident tout entier. Naples était la grande métropole européenne où, de la façon la plus éclatante, la confiance accordée aux techniques, à la science, au développement économique, à la bonté de la nature et à la démocratie s’était révélée totalement privée de fondement, avec beaucoup d’avance sur le reste du monde. Etre né dans cette ville – écrivis-je même une fois, ne pensant pas à moi mais au pessimisme de Lila – ne sert qu’à une chose : savoir depuis toujours, presque d’instinct, ce qu’aujourd’hui tout le monde commence à soutenir avec mille nuances : le rêve du progrès sans limites est, en réalité, un cauchemar rempli de férocité et de mort. »
Elena Ferrante, L’enfant perdue (L’amie prodigieuse, IV)
Commentaires
Sur Naples (et Lila) j'avais aussi relevé cette phrase:
"Lila l'avait initiée à l'idée d'un déferlement permanent de splendeurs et de misères, à l’intérieur d'une Naples cyclique où tout était merveilleux avant de devenir gris et absurde, et avant de scintiller à nouveau, comme lorsqu'un nuage passe devant le soleil et qu'on a l'impression que celui-ci se cache ... une fois le nuage dissipé le soleil redevient soudain aveuglant et il faut se protéger les yeux de la main tant il est ardent.
Merci de reprendre ici ce passage - "cyclique", l'épithète convient parfaitement. Bon dimanche, Colo.
Beau passage qui donne envie de le découvrir, malgré tes réserves d'hier. Je vais mettre le premier volume en évidence quelque part ..
Bonne lecture un jour ou l'autre de cette histoire d'amitié peu commune qui charrie tant des interrogations d'une vie de femme.
L'essor prométhéen de toute les grandes villes... Naples n'y a pas échappé.
Les quartiers et rues de Naples font vraiment partie de l'intrigue, Elena Ferrante les décrit bien.
Je l'ai acheté mais je prends mon temps pour le lire. Car ce sera un pur moment de bonheur, je le sais! Et ensuite, je sais aussi que je me sentirai un peu orpheline.
Bonne lecture de ce dernier tome.