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maternité

  • Question

    ferney,l'intimité,roman,littérature française,désir d'enfant,maternité,accouchement,choix de vie,vie de couple,célibat,sexualité,culture« Quelle femme accueillerait Sophie ? Souvent, le soir, quand la petite fille dormait, il [Alexandre] se posait cette question. Il se la posait même à voix haute. Quelle femme adoptera Sophie comme sa propre fille ? C’était ce qu’il voulait, pas de demi-mesure. Aussitôt il pensait à sa tendresse pour Nicolas : lui-même avait accueilli le fils de Bernard. Mais jusqu’à quel point ? Il avait aussi désiré son enfant. Sophie avait comblé un manque. Les femmes n’étaient-elles pas plus folles encore au sujet de leur progéniture ? Au lieu d’être rassuré, il s’inquiétait davantage, pensant : une jeune compagne réclamera un enfant à elle, une autre plus mûre aura déjà les siens, alors qui ? Et c’était ainsi que son attention se portait sur Sandra : parce qu’il voyait l’affection qu’elle donnait à Sophie, sa voisine devenait pour lui l’amante idéale. »

    Alice Ferney, L’Intimité

  • Dans L'Intimité

    Dans L’intimité (2020), Alice Ferney construit une intrigue romanesque autour du désir d’enfant (ou non), du choix de vivre en couple (ou non), de ce qui motive les femmes et les hommes à se lier (ou non). Parmi les cinq prénoms de femme qui servent de titre à chaque partie, Sandra Mollière est le personnage féminin principal, la voisine d’immeuble d’Alexandre et Ada, un couple d’architectes parisiens.

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    La belle Ada, enceinte, a déjà un garçon, Nicolas, cinq ans. A l’approche de l’accouchement, elle a confié à Sandra, sa voisine libraire, les peurs qui pourtant l’envahissaient : même si les femmes qui meurent en couches sont beaucoup moins nombreuses qu’aux siècles précédents, cela arrive encore. Quand ses parents partent à la maternité, Nicolas entre pour la première fois chez Sandra, « attentif à tout – les livres, les meubles, les tableaux, les photographies » et « l’intellectuelle militante de trente-huit ans » est « encore plus contente qu’épatée par cette personnalité qu’il avait. »

    Pourquoi elle n’a pas d’enfant, pourquoi elle vit seule, l’enfant ose toutes les questions. Elle le trouve intelligent et émouvant par ses remarques sur la petite sœur qu’il est impatient de choyer. Son père tardant à rentrer, il s’endort sur le canapé. A voir Alexandre Perthuis « silencieux et sombre » à son retour, Sandra comprend tout de suite qu’un drame a eu lieu. Une petite sœur est née, Sophie, mais sa mère n’a pas survécu.

    « C’est ainsi que Sandra Mollière devint l’amie intime de son voisin veuf et du jeune Nicolas, une confidente pour l’homme sans femme, une présence par le souvenir associé à la mère. Un fanal, une égérie, un témoin, un point de ralliement. » Alexandre se sent coupable, Ada ayant résisté puis cédé à son désir d’avoir un enfant à lui. Il souhaite rencontrer une femme prête à devenir la mère de la petite Sophie.

    L’Intimité est un roman, mais au fur et à mesure que l’intrigue progresse – à propos de la relation entre Alexandre et Sandra ; entre Alexandre, le compagnon d’Ada et son ex-mari, le père de Nicolas ; entre Alexandre et la famille d’Ada, etc. –, Alice Ferney nourrit le récit de multiples éclairages sur les choix de vie dans une société où les femmes ne se projettent pas toutes dans le modèle maternel de la famille idéale, où les hommes ne s’investissent pas forcément dans leur rôle de père. Sandra Mollière tient une librairie féministe : les livres et la défense des droits des femmes sont au cœur de sa vie.

    Sites de rencontre, sites spécialisés pour venir en aide à la procréation, mères porteuses, célibat, liberté sexuelle, asexualité… Des sites en ligne informent sur les multiples façons de faire des choix intimes, d’obtenir une aide médicale, et les offres commerciales prospèrent autour de ces questions. Il m’a parfois semblé que la romancière cherchait à couvrir complètement le champ de l’intimité, quitte à faire patienter ses lecteurs en ce qui concerne l’avenir de ses personnages. « Alice Ferney ausculte le droit à l’enfant », titre le Nouvel Obs, qui parle carrément de « livre à thèse », sans doute vu sa critique de la gestation pour autrui (GPA).

    Cette exploration des liens qu’établissent entre eux les femmes et les hommes est un thème de prédilection d’Alice Ferney : dans Les autres, sur la manière de se comporter avec autrui ; dans Paradis conjugal et dans Cherchez la femme, sur le mariage ; dans Deux Innocents, sur l’élève amoureux de son enseignante. L’Intimité a inspiré L’Attachement, un film réalisé par Carine Tardieu, sorti en 2024.

  • Histoire

    Adebayo J'ai lu.jpg« Les raisons pour lesquelles nous accomplissons certains actes ne sont pas toujours celles dont [sic] les autres se rappelleront. Parfois, je me disais qu’on avait des enfants parce qu’on voulait laisser derrière soi quelqu’un qui puisse expliquer qui nous étions une fois que nous ne serions plus là. Si Oluronbi avait vraiment existé, je ne pensais pas qu’elle aurait eu  d’autres enfants après Aponbiepo. L’histoire aurait été plus indulgente à son égard si quelqu’un avait été là pour conserver son souvenir. Je racontai ainsi beaucoup d’histoires à Olamide, en espérant qu’elle aussi, un jour, raconte la mienne. »

    Ayobami Adebayo, Reste avec moi

  • Epouse et mère

    Le succès de son premier roman, Reste avec moi (2019, traduit de l’anglais par Josette Chicheportiche, 2021), a fait connaître Ayobami Adebayo, une journaliste et romancière nigériane qui « a étudié l’écriture aux côtés de Chimamanda Ngozi Adichie et Margaret Atwood » (4e de couverture). Il y a dans ce roman sur le désir d’enfant des phrases difficiles à lire pour qui n’en a pas, comme ce sentiment de l’héroïne quand elle est enfin enceinte : « J’étais devenue immortelle, un maillon de la chaîne des êtres humains. »

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    Le récit s’ouvre en 2008, quand Yejide, la narratrice, ses valises prêtes pour un déménagement, s’adresse à son mari, Akin, qu’elle va revoir avant de quitter la ville. Puis leur histoire remonte à 1985, quand Iya (mère, en dialecte yoruba) Martha et ses trois autres mères (sa mère biologique étant morte à sa naissance) rendent visite au jeune couple à Ilesha pour « discuter de choses importantes ». Avec leurs maris, elles viennent présenter une jeune femme à la peau claire et aux lèvres fines : « Eh bien, première femme d’Akin, voici la nouvelle épouse de ton mari. C’est une enfant qui appelle un autre enfant à venir au monde. (…) Une fois qu’elle tombera enceinte et aura une progéniture, nous sommes persuadés que tu en auras une aussi. »

    Yejide s’attendait à de nouvelles plaintes sur l’absence d’enfant, quatre ans après leur mariage, et s’était armée de sourires, mais pas à l’arrivée de la toute jeune Funmi ni au calme apparent d’Akin qui ne lui avait parlé de rien. Après qu’il a reconduit leurs visiteurs chez eux, la dispute éclate à son retour. On découvre son point de vue dans les chapitres où il devient le narrateur, en contrepoint des états d’âme de sa femme.

    Pour lui, parmi « la kyrielle de filles » que sa mère a fait défiler dans son bureau, Funmi était le choix idéal : « elle était la seule qui ne tenait pas à emménager avec Yejide et moi. Et qui ne demandait pas grand-chose. Du moins au début. » Le compromis prévoyait qu’elle vive dans son propre appartement, à des kilomètres, qu’il passe un week-end par mois avec elle et lui verse une pension « raisonnable », sans plus.

    Akin travaille dans une banque à Lagos, du moins quand il n’y a ni troubles ni coup d’Etat. Yejide possède un salon de coiffure – elle tressait déjà des cheveux pendant ses trois années d’université – où l’ambiance est chaleureuse : les clientes racontent des blagues, y passent des heures. Ses « filles » (les coiffeuses) la retiennent quand Funmi se présente au salon et parle devant les autres de sa stérilité.

    La sérénité du couple a pris fin. Yejide ne supporte pas la trahison de son mari qui cherche surtout à ne pas avoir d’ennuis. Quand la mère d’Akin finit par la supplier, elle aussi, de ne pas laisser son fils « sans enfants », Yejide se décide à gravir la Montagne de l’Epoustouflante Victoire pour consulter « un faiseur de miracles », qui la rassure. Quelque temps plus tard, Yejide annonce qu’elle est enceinte.

    Akin lui reproche d’être allée chez un charlatan et s’inquiète quand elle n’a plus ses règles – est-elle allée avec un autre homme ? Il ne l’a plus touchée depuis des mois. Partout elle annonce sa grossesse, mais à la première échographie, les machines montrent qu’il n’y a « pas de bébé » dans son utérus, ce qui la rend furieuse. Elle dit sentir ses coups de pied, son ventre s’arrondit, Yejide ne veut pas croire à cette grossesse nerveuse qui dure… plus de neuf mois.

    Reste avec moi (traduction du prénom d’Olamide, sa première fille) raconte les multiples épreuves que Yejide rencontre sur son parcours d’épouse et mère – on découvrira comment elle tombera vraiment enceinte et comment les enfants mis au monde lui seront arrachés d’une manière ou d’une autre, pour son malheur. Si Akin est lui aussi sommé de devenir père, l’infertilité est d’office mise au compte de sa femme.

    Cette histoire dramatique témoigne à la fois des problèmes de couple et des prétendus arrangements (qui n’arrangent rien) dus à la pression familiale et sociale. « Intelligent, subtil, bien écrit, audacieux, neutre. On ne peut que saluer le choix du jury du Prix les Afriques pour l’édition 2020 » écrit Gangoueus sur son blog de lecture.

  • Enfin

    sibilla,aleramo,une femme,roman,autobiographie,littérature italienne,condition féminine,féminisme,mariage,maternité,travail,société,écriture« Enfin, j’acceptais en moi le dur devoir de marcher seule, de lutter seule, de mettre au jour tout ce qui montait en moi de plus fort, de plus pur, de plus beau. Enfin, je rougissais de mes inutiles remords, de ma longue souffrance stérile, de la désaffection dans laquelle j’avais laissé mon esprit comme si je l’avais haï. Enfin, je goûtais la saveur de la vie comme à quinze ans. »

    Sibilla Aleramo, Une femme