Il reste une quinzaine de jours pour visiter « Berlin 1912-1932 » aux Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles. « L’exposition dirigée par Inga Rossi-Schrimpf innove en insistant sur les liens noués entre les artistes belges d’alors et Berlin. Elle s’ouvre en 1912 déjà, parce que c’est l’année de l’ouverture de la galerie Der Sturm à Berlin, lieu essentiel pour toute l’avant-garde et d’abord celle du mouvement Die Brücke. Elle y exposa Ensor et Rik Wouters et, en 1928, Victor Servranckx, le premier abstrait belge. Jozef Peeters un des premiers abstraits belges, était tout autant fasciné par Berlin : « Dans une ville cosmopolite comme Berlin, même les plus grands extrêmes peuvent coexister. Une activité inouïe s’y déploie malgré la brièveté de la vie. » (Guy Duplat dans La Libre Belgique)
Ernst Ludwig Kirchner, Femmes dans la rue, 1915, Von der Heydt-Museum Wuppertal, Allemagne
Cette exposition foisonnante est introduite par une chronologie année par année, qui rend compte et de l’effervescence artistique dans la métropole berlinoise et des événements sociaux et politiques, de la première guerre mondiale aux prémices de la seconde. Dès le début du parcours, on rencontre de grands noms de la peinture allemande expressionniste comme Kirchner (1880-1938) avec Femmes dans la rue. L’exposition rassemble des peintures, des sculptures – magnifique Vengeur de Barlach (1870-1930), des dessins, des photographies, des films et des éléments d’architecture.
Ernst Barlach, Le Vengeur, 1914, Ernest Barlach Haus-Stiftung Hermann F. Reemstma, Hambourg
Parmi les 200 œuvres exposées, j’ai choisi de vous montrer d’abord des œuvres d’artistes allemandes que j’y ai découvertes. Plusieurs affiches et gravures de Käthe Kollwitz (1867-1945), peintre, dessinatrice et sculptrice, illustrent son engagement pacifiste. L’artiste, qui enseignait à Berlin, a perdu un fils de dix-huit ans au front en 1914. Nie wieder Krieg ! (Plus jamais de guerre !) montre avec force, dix ans plus tard, le refus et la révolte contre la guerre. Helen Ernst (1904-1948) s’engage elle aussi en appelant les ouvriers à l’action antifasciste ou en s’insurgeant contre les lois d’urgence, en 1930.
© Käthe Kollwitz, Nie wieder Krieg !, 1924, Käthe Kollwitz Museum, Cologne
© Helen Ernst, Contre les lois d'urgence et la dictature militaire, vers 1930,
Stiftung Deutsches Historisches Museum, Berlin
Plus loin, dans une section intitulée « New [Wo]man », plusieurs œuvres de Jeanne Mammen (1890-1976) ont retenu mon regard. Cette Berlinoise qui a grandi à Paris, formée aussi à Bruxelles et à Rome, a dû rentrer dans sa ville natale en 1914. Sans ressources, elle travaille comme illustratrice et peint entre autres le milieu des cabarets, le Carnaval à Berlin, les homosexuelles. Sans titre (Mercredi des cendres, scène de carnaval), vers 1926, montre une jeune fêtarde affalée, cigarette à la main, en rupture avec les conventions. La silhouette du chat vient d’un jeu sur le nom de son modèle (pas noté). Jeanne Mammen a peint Die Schöne Frau (La belle femme) choisie pour l’affiche de « Berlin 1912-1932 ».
© Jeanne Mammen, sans titre ( mercredi des Cendres, scène de carnaval), vers 1926
La fameuse photographie d’une femme qui enjambe une flaque, A la station Zoo (1930), de Friedrich Seidenstücker, jouxte des vues de Berlin par Germaine Krull, comme celle du Romanisches Café.
© Friedrich Seidenstücker, A la station Zoo, 1930
Plus loin, je me suis attardée devant un saisissant photomontage de Herbert Bayer intitulé Habitant solitaire d’une métropole.
© Herbert Bayer, Habitant solitaire d’une métropole, 1932, Cologne, Musée Ludwig
Il y a de quoi titiller la curiosité et l’imagination à cette exposition des Musées royaux des Beaux-Arts, je vous laisse observer cette Fuite de Hanna Höch (1889-1978), une œuvre dadaïste pleine d’humour, non ?
© Hanna Höch, Fuite, 1931, Institut für Auslandsbeziehungen e.V., Stuttgart
(désolée pour les reflets des spots)
La commissaire de l’exposition, Inga Rossi-Schrimpf, avait déjà conçu ici même, il y a deux ans, l’exposition « 14-18. Rupture ou Continuité ? » On lui est reconnaissante d’avoir retenu de nombreuses signatures féminines parmi les artistes sélectionnés pour « Berlin 1912-1932 ». L’exposition reste visible à Bruxelles jusqu’au 27 janvier prochain.
Commentaires
Affiches, tableaux, sculptures...une époque bien intéressante qui m'en rappelle une autre que je n'avais pas vue mais lu un billet que je te mets en lien car il est très éclairant aussi: https://1418memoires.com/2014/10/11/les-deux-guerres-des-peintres-francais-et-des-peintres-allemands/
Merci pour le lien, j'irai voir de ce côté. Bonne journée, Colo.
Quelle belle exposition, intéressante. J'aime beaucoup cette peinture chatoyante de J.Mammen, et ce photomontage, impressionnant. Je ne pourrai voir cette exposition mais je me console en me disant qu'au printemps, il y aura une exposition consacrée à August Macke à Paris.
Le printemps est la saison idéale pour un séjour parisien, même s'il y a là des expos intéressantes toute l'année. Bonne journée, Marilyne.
bon, je sens que je vais la rater, je ne sais pas quand j'aurai le temps d'aller à Bruxelles, mille sabords!
J'ai bien cru que je n'y arriverais pas non plus, et puis l'occasion s'est enfin présentée.
une expo qui a l'air magnifique, une période qui fut très enthousiasmante, pleine de vitalité, de création et qui pourtant portait déjà en germe un futur noir
L'exposition est riche et variée, mais l'époque n'était pas très favorable aux réjouissances, l'avant-guerre succédant à l'après-guerre.
C'était une époque foisonnante, entre deux désastres. Ce n'est pas forcément ce que je préfère en art, mais tout de même très intéressant sur le plan histoire.
Oui, un parcours très intéressant dans l'histoire de l'art de cette période, des œuvres fortes et beaucoup de documents qui rendent compte des préoccupations, recherches et innovations portées par les artistes.
Je ne sais si toute l'expo est intéressante comme le sont les photos que tu nous présentes...mais c'est varié et passionnant ! Chaque cliché me parle.
Merci +++ Tania et bises ensoleillées ce matin.
Merci d'apprécier, Claudie. Il y aurait beaucoup plus à en dire, tu t'en doutes. Le mieux est d'y aller, c'est une expo à voir, certainement.
Réveil sous le gel ici, sans soleil, bises.
Superbes oeuvres ; inspirant ; merci !
Avec plaisir, Nikole.
Normalement, j'y vais mercredi, car j'en parler depuis son ouverture ... Berlin me fascine à beaucoup de points de vue, je me demande pourquoi.
Je te souhaite une bonne visite. Beaucoup à lire, beaucoup à regarder, il y a de quoi nourrir cette fascination, tu verras.
Cette expo semble foisonnante, en effet. C'est un peu sombre, les artistes, hypersensibles pour la plupart, sentaient-ils la suite que l'histoire allait raconter ? Merci pour les chemins que tu nous offres Tania, merci pour ces découvertes. Bises. brgitte
Entre-temps, Brigitte, j'ai trouvé un article sur Berlin dans les années vingt, qui répond en partie à ta question : une période de grande créativité, mais aussi le sentiment de la défaite, la pauvreté, la montée du nazisme (ci-dessous). Bises.
http://4eme6idd.e-monsite.com/pages/idd-2014-l-entre-deux-guerres-en-allemagne/berlin-dans-les-annees-20-contexte-culturel.html
J'ai eu la chance de visiter il y a quelques années le musée Käthe Kollwitz, à Berlin, dont je garde un très beau souvenir. J'avais d'ailleurs fait un billet, alors, dans mon blog. J'aime beaucoup cette période, pourtant si effrayante.
Merci pour cette visite, Tania !
Merci de me le rappeler, Annie. Je me souviens très bien de ce billet que je suis allée relire, maintenant je sais pourquoi son nom et son dessin si expressif me disaient quelque chose ! Je reprends le lien vers ton billet ici, je vais l'ajouter plus haut :
https://uneviealire.blogspot.com/2013/03/kathe-kollwitz.html#comment-form
Je suis très contente de ma visite.
L'aspect historique et architectural m'intéresse presque autant que l'aspect artistique.
Cela complète bien la série Berlin Paris que j'avais vue sur Arte.
Impression de malaise quand je regardais certains films (richesse pauvreté).
Impression d'être là dedans aujourd'hui et qu'on reste sourd aux sonnettes d'alarme.
As tu vu la photographie de Clara Zetkin, àgée?
Les rangs clairsemés des députés communistes au Reischtag...
Curieux. Moi qui ai parfois des goûts si romantiques j'adore László Moholy-Nagy... entre autres.
Je n'ai pas pu m'attarder dans toutes les salles et j'ai manqué cette photo de Clara Zetkin, j'y retournerai peut-être, il y a tant à voir à cette expo. Bonne journée, Pivoine.