Le rendez-vous était donné devant Train World, à la gare de Schaerbeek – comment ? vous n’avez pas encore visité ce nouveau musée extraordinaire ? –, pour une promenade guidée dans le quartier Huart Hamoir (à nouveau organisée le 24 juillet). Nous étions donc en bas de cette belle avenue arborée dont je vous ai déjà présenté les côtés pair et impair – j’aime m’y promener. On l’appelle aussi le quartier Monplaisir, du nom du grand domaine antérieur au tracé actuel : la place devant la gare a été aménagée là où se trouvait jadis un étang.
La première petite station « Helmet » date de 1864, trente ans après les débuts des chemins de fer belges. La première gare érigée (bâtiment de gauche) marquait l’aboutissement du tracé royal ; avant de dire rue et place Princesse Elisabeth, on les appelait rue Royale Sainte-Marie et place Nationale. La deuxième gare (bâtiment de droite), plus grande pour s’adapter à l’afflux des voyageurs, a été construite 26 ans plus tard dans le même style néo-Renaissance en briques rouges et pierre de Gobertange ; on y voit l’influence de l’art nouveau, notamment dans le spectaculaire arc en plein cintre métallique au-dessus des portes.
A gauche de la gare, quand on est en face, un groupe de maisons anciennes montre des architectures intéressantes ; la plus basse, à l’angle de l’avenue Monplaisir, est antérieure à la transformation du quartier de 1907 à 1910. La guide de PatriS nous a invités à nous retourner pour observer l’actuel immeuble Zola, anciennement Grand Hôtel Moderne (1922) dû à Joseph Diongre, de style Art déco, avec un remarquable encorbellement et un toit-terrasse. Dans les années quarante, on l’a divisé en appartements.
A droite de la gare, la grande halle construite pour accueillir Train World réussit malgré sa taille à rester discrète, sans nuire à la cohérence architecturale de la place. Un bâtiment fonctionnel des années 30, qui sert encore de laboratoire aux chemins de fer, le sépare de la gare. Au numéro 9 de la place, l’ancien Hôtel des Voyageurs, de style éclectique, porte au-dessus de la lucarne centrale un dôme qui a perdu son lanternon et, plus bas, l’année de sa construction : 1914. A l’origine, il était doté d’une galerie au rez-de-chaussée.
Nous avons fait un saut jusqu’au formidable Train Hostel, bâtiment Art déco qu’un passionné a magnifiquement aménagé pour accueillir les visiteurs de Train World ou de Bruxelles : on ne peut pas le rater, avec son wagon sur le toit qui abrite une suite. Il a fallu planter des pieux sur vingt mètres de profondeur pour supporter son poids ! Toute la décoration évoque le monde des trains, comme nous avons pu le voir dans la cour intérieure où le joli chat du lieu nous a accueillis et dans la « cuisine partagée » ouverte à tous, exemplaire de l’esprit du Train Hostel aux tarifs accessibles et où les gens, jeunes ou vieux, osent se parler, partager un repas.
Le bourgmestre Achille Huart Hamoir s’est battu pour obtenir cette avenue large de 60 mètres (120 m là où elle s’élargit en ellipse), créée en 1908, d’où l’on avait une vue plongeante sur le domaine de Laeken. Les maisons et immeubles qui la bordent révèlent trois phases : l’éclectisme avant 1914, l’Art déco et le style Beaux-Arts dans l’entre-deux-guerres, quelques touches de modernisme ensuite (Sasasa en est un bel exemple).
En s’arrêtant devant l’une ou l’autre de ces belles façades, la guide attire notre attention sur le caractère faussement résidentiel du quartier : à l’arrière se cachaient des entrepôts, des manifactures – biscuiterie, atelier de couture, chemiserie… – qui procuraient du revenu aux propriétaires des parcelles. Si vous cliquez sur les liens vers l’Inventaire du patrimoine architectural, vous trouverez une notice détaillée ainsi que des photos, voire des vues anciennes.
Les avenues qui aboutissent sur l’avenue Huart Hamoir (à droite en montant) contiennent aussi des merveilles architecturales. Avenue Giraud, nous observons les styles variés de l’architecte Joseph Diongre (celui de la belle maison Art nouveau rue Laude) pour répondre aux souhaits de ses clients, les jolis motifs végétaux au-dessus des portes, les ferronneries. Au 93 se trouvait l’atelier que Diongre a construit pour Privat-Livemont. Quelques maisons sont à vendre (sans garage), dont un ancien atelier d’artiste de 1911 au numéro 32.
L’architecte schaerbeekois François Hemelsoet a construit de nombreuses maisons dans le quartier Hamoir : dans l’avenue Verhaeren, nous admirons les numéros 39, 37, 35 (ci-dessus). Avenue Sleeckx, le 31 vient d’être superbement restauré, y compris les sgraffites de Paul Cauchie. C’était la maison personnelle de l’architecte Florent Rasquin. Du 38 au 44, encore de splendides façades Art nouveau signées Hemelsoet. Au 76, deux beaux profils féminins de Privat-Livemont, une restauration récente.
La montée, avec des allers et retours avenue Huart Hamoir, s’est terminée au square Riga où les vieux arbres sont si beaux. La guide nous y a montré quelques maisons remarquables comme la Villa Regina ou, de l’autre côté, celle du numéro 12, devant laquelle je m’arrête souvent pour l’admirer : sa façade polychrome est soulignée de sgraffites à feuilles de marronnier et profils féminins, jusque sous le porche.
Les participants non schaerbeekois se sont étonnés de la richesse patrimoniale du quartier : chacune des avenues citées mériterait, à mon avis, une visite exhaustive, comme celle de l’avenue Demolder que j’avais suivie l’an dernier, en particulier l’avenue Sleeckx si riche en sgraffites – peut-être lors d’une future édition des Estivales ?
Commentaires
J’ai passé ma jeunesse dans cette belle commune depuis l’âge de dix ans jusqu’à mes 22 ans. --- J’y ai vécu la guerre, l’après-guerre et ses misères. --- Il est regrettable qu’on en parle peu et souvent avec mépris, c’est devenu une commune pauvre. --- Ma reconnaissance à Tania de la mettre si bien en valeur, car elle a compté beaucoup dans mon existence. --- Je compte lire avec intérêts et soigneusement le travail de Tania toujours si bien écrit et documenté, dès que je le pourrai quand je serai moins pris par un travail de réorganisation de mon classement. ---
mon enfance s'est passée non loin de là, ce sont de jolis souvenirs et je retournerais bien y faire une promenade
j'aime les couleurs des immeubles, ces tons allant du beige au brique donne beaucoup de vie aux rues, cela m'avait frappé il y a quelques années où j'avais eu l'occasion de beaucoup marché dans la ville
toujours de riches découvertes!
@ Doulidelle : Bien que la commune se soit appauvrie, il y règne encore une belle mixité sociale et Schaerbeek fait beaucoup (dans la mesure de ses moyens) pour son patrimoine, aide à l'entretenir ou le restaurer. Son soutien à l'asbl PatriS qui organise ces promenades guidées en est une belle preuve et celles-ci ont du succès.
Merci, Doulidelle, et bon courage pour le classement !
@ Niki : Fais-moi signe un jour qui t'arrange, Niki.
@ Dominique : On dit que les Belges ont une brique dans le ventre... et souvent ils aiment que leur façade diffère de celle du voisin, ce qui est propice à cette variété des couleurs.
@ Adrienne : Pour ce qui est du patrimoine, nous sommes gâtés.
Il y a de quoi admirer chaque fois que tu lèves le nez. Décidément, Bruxelles recèle bien des trésors.
Et c'est formidable quand on les préserve, ce qui n'est pas toujours le cas, tu t'en doutes. Prochainement, un autre billet sur "la plus belle avenue" de ma commune.
C'est étrange; il me semble les avoir vues avec toi ces façades...sans vraiment toutes les reconnaître. L'âge?¿?¿ hihi.
Je me demandais si à l'intérieur c'était aussi joli que dehors. En as-tu jamais visité?
Un beso.
Etrange... Y serais-tu déjà passée ? ;-) Il est rare qu'on puisse entrer dans ces belles maisons restaurées, parfois lors des journées du patrimoine. Mais les guides des Estivales montrent de temps à autre des photos anciennes d'intérieurs avec leur décor d'origine, dans le goût de l'époque, plus chargé qu'aujourd'hui, c'est très intéressant.
En plus de la maison néo-gothique et de Sasasa dont j'ai parlé ici, j'ai pu entrer dans la maison de l'architecte Hemelsoet qui, elle, est mieux préservée à l'intérieur qu'à l'extérieur, une merveille.