Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

suisse - Page 7

  • Le monde de M. Lang

    « Small world » est le titre original du premier roman de Martin Suter, Suisse de langue allemande, titre conservé pour la traduction française. Dédié à son père, ce récit captivant tourne autour d’un personnage très singulier, Conrad Lang, Koni pour ses amis, soixante-trois ans, qu’on découvre au début en gardien de villa à Corfou, « plutôt une sorte de régisseur ». D’après les instructions d’Elvira Senn, la propriétaire, il n’est pas censé vivre dans la villa Koch, mais dans la maison du portier. Le temps froid de février l’a amené à s’installer dans l’aile la plus basse de la villa, celle des invités, dont le séjour lui plaît beaucoup – « il se sentait comme le
    capitaine d’un paquebot de luxe sur la passerelle : il voyait au-dessous de lui
    une piscine d’un bleu turquoise, et devant lui rien d’autre que l’humeur égale de la mer. A ceci s’ajoutaient les commodités de la cheminée qui tirait bien et le téléphone. »
     

     

    Vieil arbre au bord du Lac Léman.jpg


    C’est là que distraitement, il allume du bois d’amandier, trop humide pour s’enflammer, avec de l’essence et puis remonte en téléférique se chercher à boire et à manger. Quand il redescend, tout est en flammes, et il s’échappe de justesse. Schöller, le secrétaire personnel d’Elvira Senn, débarque à Corfou pour le délivrer de la cellule où on a enfermé l’incendiaire, Conrad Lang lui explique qu’il s’agit d’un accident. Du Stöckli, le « bungalow de verre, d’acier et de béton apparent » qu’elle s’est fait construire dans le parc de la Villa Rhododendron, avec vue sur le lac, la maîtresse des lieux, septante-huit ans, ordonne de ramener Conrad en Suisse et de l’installer dans un appartement rénové de l’avenue des Sapins, avec un minimum d’argent de poche.

     

    Conrad-Koni, élevé avec Thomas Koch, le fils d’Elvira, qu’il a accompagné dans les meilleures écoles, quémande davantage auprès d’Urs Koch, le petit-fils, juste assez pour « être traité comme un être humain » au bar du Grand Hôtel des Alpes. Dans un manoir du XVIIe siècle sur les bords du Léman où on préparait « la future élite », Thomas l’avait présenté à ses amis comme le fils d’une employée de maison, Anna Lang, que sa mère aidait, et cela l’avait mis à part. En 1946, lors d’une party d’adieu, Conrad avait été frappé du changement d’attitude dans cette « bonne société » envers un « petit homme blême » ignoré de tous avant le concert ; une fois que le pianiste avait interprété des Nocturnes de Chopin, il était devenu un homme entouré, admiré, célébré. L’année suivante, selon le désir de Conrad, Thomas et lui avaient pris des cours de piano. Conrad était doué, pas Thomas, mais le professeur de piano s’était
    un jour détourné de son élève.

     

    Au Rosenhof, Conrad est le seul client à qui la serveuse fait crédit ; sa cravate, son élégance, ses bonnes manières, les cinq langues qu’il parle font de lui quelqu’un de respecté, un « milord ». Quand Elvira Senn reçoit une lettre où il lui écrit qu’il rêve de leur vie d’antan, elle est troublée par la précision de ses souvenirs, étonnée qu’il se souvienne d’une robe blanche qu’elle portait quand il n’était qu’un enfant. Connaissant sa faiblesse pour l’alcool, elle fait passer sa rente de trois cents francs à deux mille, ce qui devrait l’aider à oublier. Mais Conrad tombe amoureux d’une divorcée,
    Rosemarie Haug, et pour elle, arrête complètement de boire. Lorsqu'on célèbre à la Villa Rhododendron les noces d’Urs, l’héritier Koch, avec Simone Hauser, l’absence inédite de Koni est remarquée de tous : il a envoyé des fleurs, écrit d’Italie une lettre pleine de son bonheur. Thomas ne supporte pas que Koni le laisse tomber ainsi, après tout ce que sa famille a fait pour lui. Il veut l’emmener avec lui en Argentine, où il a envie de se changer les idées – sa troisième épouse veut divorcer. Koni, jusqu’alors docile, toujours disponible, refuse ; Rosemarie et lui vont se marier.

     

    Le lendemain, après avoir fait des courses, Conrad ne retrouve plus son chemin. Il arrive quelque temps à cacher ses absences, ses « pannes ». Rosemarie finit par s’en apercevoir et le convainc de consulter un médecin, qui diagnostique la maladie d’Alzheimer. En peu de temps son état s’aggrave, Rosemarie engage une aide à domicile, qui est renvoyée, trop brutale, comme la suivante, et puis Sophie Berger que Conrad ne supporte pas – « il faut que Maman Anna parte ». Un matin, Koni disparaît. C’est Simone, qui habite la Villa Rhododendron en attendant que leur future maison soit construite, qui le rencontre près de l’appentis du jardinier où il s’était caché. Quand on veut le reconduire chez lui, il répond : « Mais je suis à la maison. » Il s’étonne que Thomas ne se souvienne pas de la « porte des pirates » dans le mur de la propriété voisine, par laquelle il s’est introduit dans le parc. On le place alors dans un centre gériatrique, à l’étage des enfermés.

     

    Elvira Senn, nerveuse à l’idée des souvenirs lointains que Conrad exprime de temps à autre, envoie Simone lui rendre visite, pour se tenir au courant. Rosemarie, qu’il ne reconnaît plus, ne vient plus le voir. Conrad s’échappe un jour par l’escalier de secours, et tente de se suicider. Bouleversée par sa détresse, Simone convainc Elvira de la laisser équiper la petite maison des invités, dans le parc, pour y recevoir Conrad et le soigner. « Small world ! » dit-il en y arrivant. Et bientôt, il va mieux. Jusqu’au soir où la redoutée Sophie Berger remplace la merveilleuse Ranjah, l’infirmière tamoule avec qui il s’entend si bien et avec qui il cause en anglais : Koni croit revoir « Maman Anna » et s’enfuit dans la nuit. Trempé par la pluie et crotté, il fait irruption à la villa Rhododendron au milieu d’un grand dîner des Koch et supplie Elvira Senn : « Maman Vira, Maman Anna doit s’en aller, s’il te plaît ! » Malaise.

     

    Il y a des secrets que Conrad, de plus en plus plongé dans le passé, exprime à sa façon confuse, mais avec une certaine constance. C’est Simone, déçue par son mari infidèle, qui va s’y intéresser de près. C’est elle aussi qui veille, à chaque défaillance
    du vieil homme malade, à mettre en place une stratégie thérapeutique qui lui permette de retrouver ses souvenirs, de vivre mieux, malgré la maladie. Au grand dam d’Elvira, qui refuse à Simone l’accès aux albums de famille, de peur de réveiller la mémoire lointaine de Koni.

    Martin Suter, dans cette intrigue au cœur des « dix mille » qui comptent dans le « petit monde » des Suisses les plus riches, réussit à nous rendre terriblement attachant et palpitant le destin d’un homme atteint d’Alzheimer, lié – on découvrira comment – à une famille qui s’est servi de lui plus qu’elle ne l’a aimé, sans l’abandonner néanmoins. « Le roman devait s'intituler Boules de neige au mois de mai, reprenant ainsi le titre donné par le père de Martin Suter (décédé de cette maladie) à l'un de ses dessins » écrit Pascale Frey dans L’Express. A travers le regard de ceux et surtout celles qui se prennent d’affection pour lui, à travers les méandres de son cerveau atteint mais dont bien des portes s’ouvrent encore,
    le lecteur de Small world prend fait et cause pour ce personnage imprévisible et charmant, quand les fantômes du passé cessent de le menacer.

  • Doute

    « Mais le doute grandit jusqu’à lui voler son sommeil. C’était un homme réaliste, et il savait qu’il n’avait jamais eu le choix – un petit garçon dans les bois pendant la guerre –, pourtant il était sûr qu’on ne pouvait se fier à quelqu’un
    qui prétend que la morale ne s’applique pas à son cas au motif qu’il n’a pas le choix. Année après année, il apprit à se défier de sa propre histoire, puis à se défier de lui-même. »

     

    Michael Pye, L’antiquaire de Zurich 

    Dumoulin Roméo 1883-1944 L'enfant à la chaise.JPG
  • Une table marquetée

    Pas d’images de Zurich en tête avant de découvrir la ville, et pourtant j’avais lu il y a deux ans L’antiquaire de Zurich, le roman très prenant de Michael Pye (The Pieces from Berlin, 2003). Capricieuse mémoire (cf. Lire et relire) qui avait retenu l’histoire de l’antiquaire italo-suisse, Lucia Müller-Rossi, rentrée de Berlin en Suisse avec un convoi de belles choses « mises à l’abri », mais oublié le décor. Il faut dire que je n’avais alors jamais vu Zurich ni Berlin, les lieux marquants du récit. Le cas de Andreina Schwegler-Torré, dont l’auteur avait entendu parler dans un ouvrage sur le marché de l’art suisse durant la deuxième guerre mondiale, a inspiré cette fiction. 

    Zurich L'eau sous les ponts.JPG

     

    Nicholas Müller, le fils unique de Lucia, professeur retraité, ne se soucie pas du ventre rond qu’il arbore maintenant, enveloppé dans son loden vert, dévalant vers la ville dans le brouillard pour se rendre à la gare. Sa fille Helen le suit, en se cachant. Nicholas a décidé de se rendre à l’enterrement de son père, même si on ne l’a pas prévenu de sa mort – « Il appartenait à la première famille, la source du scandale, celle qu’il ne fallait pas mentionner. » Ses parents avaient divorcé en 1945.
    Pour la seconde famille, sa mère et lui étaient supposés morts à Berlin sous les bombardements. Puis quand l’essai de Nicholas sur Shakespeare avait été publié, la version avait été modifiée : on l’avait considéré « comme mort » et sa mère avait disparu de la biographie de son père.

     

    Un simple bouquet d’asters blancs à la main, il veut apercevoir une dernière fois dans le cercueil le visage de celui sans qui il a grandi : « lui-même, usé jusqu’à la corde ». L’autre famille l’ignore, déchire son mot de condoléances. « Et Nicholas se rappela avoir pensé : ils ne sont pas de ce siècle. Ils n’ont pas connu les bombes, la faim, la torture, le feu. L’atroce épreuve de changer et même de devenir adulte leur a été épargnée. Si bien que, quand la guerre s’est achevée, ils ne se souciaient que de rester très, très immobiles, comme des animaux acculés. »

     

    Lucia Rossi « avait toujours vécu entourée de filigranes dorés, de sols en mosaïque imitant des tapis persans, de sculptures et de tableaux. » A dix-huit, ses parents milanais l’envoient à Monza faire du ski, et là elle rencontre Hans Peter Müller, qu’elle épouse. Ses parents sont plutôt rassurés de la voir quitter l’Italie de Mussolini : « Au moins, elle avait présenté un comptable, qui pouvait avoir de l’ambition, et un Suisse, qui pouvait la faire sortir des rues infestées de drapeaux et des campagnes pleines de voyous, et lui offrir la sécurité. » Mais en Bavière où ils s’installent, un mari « doux et généreux » ne suffit pas à la jeune femme qui se nourrit de la rubrique mondaine et, pour s’échapper, prend des cours d’histoire de l’art et le Herr Doktor Professor pour amant. Puis Nicholas naît, un Müller sans aucun doute. Quand la guerre éclate, Hans est enrôlé dans l’armée suisse, Lucia emmène alors Nicholas à Berlin. Il a six ans.

     

    Le garçon apprend à vivre sans père, et souvent sans sa mère, toujours sortie. De plus en plus occupée, de plus en plus entourée – dans ce Berlin de guerre, elle est de plus en plus radieuse. Elle travaille d’abord à l’ambassade, puis aux studios de cinéma de
    la Ufa. Nicholas est confié à Katya, la bonne. Lucia ramène parfois de jolies choses à l’appartement, un tapis rouge et or, des plats, des fauteuils. Les lettres du père n’arrivent plus. Au printemps 1943, les bombardements touchent le cœur de Berlin. Nicholas, neuf ans, est seul avec son chat Gattopardo adopté en cachette de sa mère. « Assis près d’une fenêtre, il regardait une ville mourir. » Lucia rentre très tard, à onze heures « et lui dit : « Je fais tout ça pour toi. » Il savait que ce ne pouvait être vrai. »

     

    Il est temps de rentrer en Suisse. Les valises sont faites. L’enfant n’en revient pas de voir sept camions se garer dans la rue, en convoi. « Nicholas ne savait pas que sa mère possédait tant de biens, ou qu’ils nécessitaient de telles protections. » – « Surtout, ne regarde pas, disait toujours sa mère. Surtout, ne pose pas de questions. » Voyage inénarrable dans un pays en guerre, conduit d’une main de fer par une femme munie de tous les papiers nécessaires et d’un culot monstre.

     

    Helen ne comprend pas que son père n’ait jamais vraiment interrogé sa mère sur cet enrichissement, sur la manière dont elle s’y est prise pour tenir une boutique d’antiquités à Zurich et s’y construire une grande réputation. Mais Nicholas « s’inventa lui-même, par nécessité ». Quand il était tombé amoureux de Nora, « elle devint le principe directeur de toute sa vie », « chacun fut le souffle de l’autre » et puis il y eut leur fille, Helen. Aujourd’hui, celle-ci a un bel enfant, Henry, de son Jeremy toujours en voyage d’affaires. Et Nicholas adore les voir, les recevoir à Sonnenberg.

     

    Et cette table ? me direz-vous. J’y viens. Un jour, Helen remarque une femme en pleurs devant la vitrine du magasin de sa grand-mère. « La vieille dame dit : « C’était une table. Une petite table, avec des fleurs en marqueterie. Comme un jardin, d’encoignure. » » Helen lui propose d’aller prendre une tasse de thé. Sarah Freeman accepte. Quand elle connaissait Lucia, Sarah s’appelait Frau Lindemann. Avec l’aide d’Helen, qui veut savoir, et celle de Peter Clarke, un vieil Anglais qui s’intéresse à elle, Sarah Freeman va pouvoir raconter l’histoire de sa vie et forcer Lucia à retrouver la sienne derrière ce vernis de femme intouchable dont elle se pare encore, à quatre-vingt-douze ans.

    La Limmat, le Lac, le Lindenhof, les tramways bleus… Oui, nous sommes à Zurich, mais surtout au cœur de terribles affrontements, colères, souffrances dont chacun aura sa part. Dans L’antiquaire de Zurich, d’une structure assez lâche, Michael Pye ménage le suspense jusqu’au bout et pose à travers ses personnages singuliers de redoutables mais nécessaires questions.

  • Collectionneurs

    « On a beaucoup écrit sur le « mystère » de Chtchoukine et de Morozov.
    La clé de leur énigme se trouve dans leur époque, le tournant des XIXe – XXe siècles en Russie, le temps des changements majeurs dans l’art et la société, dont les deux collectionneurs savent saisir le rythme. La recherche de phénomènes artistiques répondant à cette atmosphère, un sentiment aiguisé du nouveau, de l’authentique, du talentueux les conduit à Paris la magnifique, foyer des idées artistiques des années 1870-1910. Les contemporains regardent souvent avec suspicion ces riches extravagants qui paient des sommes considérables pour des œuvres d’artistes novateurs français « insupportables par leur insolence » ou « intolérablement vulgaires » (selon l’expression du prince Sergueï Chtcherbatov). Les descendants sont toujours stupéfaits par la justesse de « l’œil » des collectionneurs du siècle dernier et doivent reconnaître que les Monet, Gauguin ou Matisse « russes », ayant passé l’épreuve du goût personnel de ces collectionneurs, sont une référence parmi les œuvres des mêmes artistes conservées dans de nombreux musées et collections particulières du monde. »

    Anna V. Poznanskaïa et Alexeï V. Pétoukhov, L’histoire de la collection de la nouvelle peinture française au Musée d’Etat des Beaux-Arts Pouchkine (Catalogue De Courbet à Picasso, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Suisse, 2009).

     
     
  • Pouchkine à Martigny

    De Courbet à Picasso, c’est la belle exposition d’été de la Fondation Gianadda à Martigny, un rendez-vous à ne pas manquer. Les œuvres prêtées par le Musée des Beaux-Arts Pouchkine, des peintures françaises des XIXe et XXe siècles – autour de l’impressionnisme – ne sont à nouveau visibles à Moscou que depuis 2006. La galerie d’art moderne occidental y a rouvert ses portes quelque soixante ans après la condamnation de cet art « bourgeois » acquis principalement par deux collectionneurs russes, Ivan Morozov (ingénieur) et Serguei Chtchoukine (magnat du textile, mécène pour qui Matisse a peint La Danse et La Musique).

     

    Picasso Arlequin et sa compagne (les deux saltimbanques).jpg
      

    L’exposition s’ouvre sur trois Corot, dont un merveilleux Char à foin : près d’un arbre au croisement d’une route de campagne, un cheval tire la charrette où deux personnes sont juchées sur le foin, un cavalier les accompagne. Des paysages de Courbet, un Bal à l’Opéra de Paris signé Forain, précèdent une grande toile de Dagnan-Bouveret, La bénédiction des jeunes époux. La lumière blonde et les blancs de cette composition réaliste fascinent : le vieux couple des parents tend un cierge aux mariés, agenouillés devant eux. Sur le sol jonché de pétales de roses, la mariée a posé son missel. Dans le fond, une grande table de fête couverte de nappes blanches, au bout de laquelle est posé un bouquet champêtre. On aperçoit des serviteurs dans un angle, près de la vaisselle blanche, et face à nous, la famille regroupée et attentive.
    Aux fenêtres, des rideaux immaculés ajoutent encore de la clarté à la scène qu’un trait blanc, sur la nappe, souligne en oblique.

     

    Degas Danseuse chez le photographe.jpg
     Edgar Degas, Dancer posing for a Photographer Danseuse chez le photographe, 1875, 65 x 50,
    Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, © The State Pushkin Museum of Fine Art, Moscow

     

    C’est le seul artiste peu connu dans le parcours. Renoir est là avec Au jardin, Sous la tonnelle au Moulin de la Galette – de dos, une jeune femme en robe blanche rayée de bleu rappelle le célèbre Moulin. Puis vient une Danseuse chez le photographe, le Degas qui a été choisi pour l’affiche : elle prend la pose devant un miroir, à travers de grandes vitres d’atelier on reconnaît des façades parisiennes. Dans Matin d’automne à Eragny, de Pissarro, on voit d’abord les arbres dorés du paysage, puis on devine une ferme, un cavalier qui tient son cheval par la bride. Deux Monet lui succèdent : des Nymphéas blancs, sous le pont japonais, puis Meules de foin à Giverny, devant une allée de jeunes peupliers qui vibrent sous le soleil. Et puis Cézanne, très bien représenté aussi, la fameuse Ronde des prisonniers de Van Gogh, les couleurs somptueuses des Gauguin (Matamoé (la mort), Paysage aux paons et Vaïraumati Tei Oa – Son nom est Vaïraumati). 

    Gauguin Matamoé (la mort).jpg

    Paul Gauguin, "Death. Landscape with PeacocksPaysage aux paons", Paysage aux paons, 1892, 115 x 86,
    Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, © The State Pushkin Museum of Fine Art, Moscow

    Comment rendre tant de beauté par l’énumération ? Une Femme à la fenêtre de Toulouse-Lautrec (carton, essence, céruse). Un Intérieur de Vuillard plein de charme. De grands Matisse, dont les Capucines devant La Danse. Le Vésuve par Marquet, un paysage d’or pâle où les coques des bateaux brillent d’un noir d’encre. Un Picasso à couper le souffle, Arlequin et sa compagne (les saltimbanques) : ils sont accoudés devant un verre, les yeux dans le vague, lui dans son costume bleu à losanges, de profil, elle de face, en jaune orange. Contraste du froid et du chaud sur le fond aussi, rouge de la banquette, bleu du mur. Un coup de cœur.
     
    Le coq de Brancusi dans le parc de la Fondation Pierre Gianadda à Martigny.JPG

     

    Et ce n’est pas tout : voici Apollinaire et Marie Laurencin peints par Rousseau, et aussi son étonnant Cheval attaqué par un jaguar. Des courbes graphiques sur fond noir d’Ozenfant. Il faudrait revenir pour mieux regarder les photographies en annexe et flâner à l’aise dans le parc de sculptures. Avec les années, les arbres de plus en plus beaux y jouent aussi des formes et des volumes, des couleurs et de la lumière.