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suisse - Page 4

  • Drôle de thé

    Genève, place du Molard, deux heures du matin. Un jeune Anglais élégamment vêtu se déshabille, puis tombe évanoui comme une masse – il mourra plus tard à l’hôpital, empoisonné.

    Louis Dominicé, un vieux professeur de psychologie, dit « le maître ».

    Des mouches qui bourdonnent, des nuages d’insectes. Un paquet d’aiguilles.
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    Le Dr Thévenoz, fiancé à une Américaine assistante en psycho, Madge Lemoyne, au physique de « madone expressionniste ».

    Ronny, le chien de Madge, un airedale.

    Le jeune assistant du Dr, Rosenstock, qui trouve que l’hyoscyamine ressemble à « un prénom de femme d’une pièce de Maeterlinck » (la jusquiame des sorcières). Il a deux frères et tombe amoureux de Natalia Kuligina, « incarnation de la Russie éternelle » ou agente quatre-vingt-trois, selon ses interlocuteurs.

    Un commissaire à barbiche.

    Sir Avindranath Eric Bose, inquiet pour son secrétaire (le mort).

    Jane Pochon, « un ancien medium avec qui le maître a travaillé », collaboratrice de Dominicé.

    Des bars et des hôtels cosmopolites.

    Des hallucinations.

    Baranoff, « une personnalité trouble ».

    Le correspondant du journal Le Globe, O’Key, rappelé de Collioure où il passait ses vacances – « mais aussi collaborateur de l’Intelligence Service (ce que peu de gens savent) ». Irlandais aux cheveux « rouges », forcément.

    Un procureur et sa riche épouse toujours en robe de soie violette.

    Un conseiller d’Etat.

    La mort d’un pharmacien, second empoisonnement du même type.

    Une vieille écrivaine du nom d’Agnès Sorel, « d’une si monstrueuse laideur qu’elle en redevient belle, comme un bouledogue de race », l’une des « trois vieilles dames » qui boivent le thé ensemble.

    Des projets de traité.

    Un cours de psychologie très couru dans la plus grande salle de l’université.

    Beaucoup de questions, quelques interrogatoires.

    Un troisième décès suspect.

    Mystères, manies et bizarreries.

    Humour noir.

    Atmosphère, atmosphère.

    Pourquoi le professeur, spécialiste des poisons, était-il sorti dans la nuit ?

    Où est passée la serviette de Crawley (le secrétaire anglais) ?

    Qui se fait appeler George Whistler, dans la maison De la Rive ?

    Qui mettra fin à cette série mortelle ? – « Comment dit Arsène Lupin déjà ? Seuls les idiots devinent ? Je ne devine pas, je combine. »

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    Illustration de Hannes Binder pour son livre Glauser Fieber  © Hannes Binder
    On devine le visage de l’écrivain Friedrich Glauser.

    Friedrich Glauser (1896-1938), « le Simenon suisse » (son Maigret s’appelle Studer) vous invite dans la Genève des années vingt : c’est Le thé des trois vieilles dames, un roman policier traduit de l’allemand par Daniel Renaud. L’écrivain morphinomane – sa vie romanesque a inspiré un film, il a même été mineur à Charleroi –  a donné son nom au Glauser-Preis, « Prix Goncourt » du meilleur roman policier en allemand.

    « J’aimerais voir s’il est possible d’écrire des histoires sans sentimentalisme au sirop de framboise et sans rugissements sensationnalistes qui plaisent à mes camarades, les aides jardiniers, les maçons et leurs femmes, en bref, qui plaisent à la grande majorité. » (F. Glauser)

     

  • A Murnau

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    Kandinsky, Lanzenreiter in Landschaft (Lancier dans un paysage), 1908

     

    « En 1908, Münter et Kandinsky reviennent à Munich, après différents voyages et séjours à l’étranger. Ils découvrent la petite ville pittoresque de Murnau, et y passent l’été à peindre. Jawlensky et Werefkin les rejoignent et les quatre artistes oeuvrent de concert, discutant les résultats de leurs travaux. La similarité des problèmes auxquels se confronte leur peinture indique qu’en ces premiers moments du dialogue, Jawlensky est l’élément moteur. Les leçons qu’il a apprises de Matisse et des Fauves ont sur Münter un effet libérateur, mais semblent aussi encourager Kandinsky à émanciper la couleur de la forme et de sa fonction traditionnelle au service de la représentation. Toutes les peintures réalisées à Murnau ont cette touche expressive, qui incorpore de multiples motifs, les fond les uns dans les autres, définit, dans les corrélations d’une surface plane, des relations spatiales. »

     

    Armin Zweite, « Le Cavalier bleu » (catalogue « Van Gogh, Picasso, Kandinsky… Collection Merzbacher », Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Suisse, 2012.)

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    Gabriele Münter, Jawlensky et Werefkin, 1908-1909

    P.S. D'autres illustrations sur http://rumeurdespace.wordpress.com/2012/07/28/le-mythe-de-la-couleur/

     

     

  • Couleurs à Martigny

    « Le mythe de la couleur », annonce en sous-titre la Fondation Gianadda pour sa grande exposition d’été, « Van Gogh, Picasso, Kandinsky… Collection Merzbacher », une riche sélection déjà montrée avec succès à Jérusalem, au Japon, à Londres, à Zurich et au Danemark. Werner Merzbacher a souvent prêté des œuvres de sa collection, mais en 2006 à Zurich, il est sorti de l’anonymat, notamment pour exprimer sa reconnaissance envers la Suisse où il a été accueilli, enfant juif allemand, pendant la seconde guerre mondiale – ses parents sont morts à Auschwitz. Il le rappelle dans un petit mot émouvant au début du parcours (il y en aura quelques autres, adressés aux visiteurs, qu’on retrouve en préface du catalogue).

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    André Derain (1880-1954), Bateaux dans le port de Collioure, 1905,
    Huile sur toile, 72 x 91 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Sa rencontre avec la peinture a débuté par un coup de foudre devant les quelques toiles modernes de premier plan des grands-parents de sa femme, Gabrielle Mayer. Werner Merzbacher les découvre en 1954, notamment, visibles à Martigny, Le Couple de Picasso (période bleue) et Intérieur à Collioure, La sieste de Matisse, accroché non loin d’un Derain de la même eau (Bateaux dans le port de Collioure). Les Merzbacher se tourneront surtout vers les peintres fauves et puis les expressionnistes.

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    Sisley, Saules au bord de l’Orvanne

    L’exposition s’ouvre sur un Sisley d’une fraîcheur incomparable, Saules au bord de l’Orvanne, où les verts et les bleus bruissent dans la lumière. Un Monet le sépare de La Pelouse ensoleillée de Van Gogh : l’herbe y bouge par vagues au jardin public de la place Lamartine. Un enchantement, cette ouverture fin XIXe.

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    Vincent van Gogh (1853-1890), Pelouse ensoleillée. Jardin public de la Place Lamartine, 1888,
    Huile sur toile, 61 x74 cm, Photo : Peter Schälchli

    Les rapports de couleurs étonnent et fascinent depuis toujours. Klaus Stromer rappelle dans le catalogue comment leur perception a suscité maintes théories de l’antiquité jusqu’à nos jours (Penser en couleurs. Théories des couleurs). Werner et Gabrielle Merzbacher ont fondé leur collection sur le dynamisme des couleurs, l’énergie qui s’en dégage. Voici l’harmonie rose et mauve d’un portrait de femme par Toulouse-Lautrec (Sous la verdure), voilà Jeanne Hébuterne, assise que Modigliani a peinte le visage penché – la courbe d’un bras y répond –  sa peau douce et claire si lumineuse sur un fond subtilement partagé entre tons froids et chauds.

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    Amedeo Modigliani (1884-1920), Jeanne Hébuterne, assise, 1918,
    Huile sur toile, 92 x 60 cm, Photo : Peter Schälchli

    Quelques sculptures ponctuent le parcours, dont Femme assise de Kirchner, en bois. Ce dernier est très présent avec des toiles où tons et formes déconcertent au premier regard, comme dans Fillette et chat, Franzi, aux ombres et contours bleus, une scène où le rouge et l’orange dominent.

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    Kirchner, Femme assise

    Autre figure majeure, le Kandinsky encore figuratif, de 1908 à 1911, juste avant le passage à l’abstraction, est magnifiquement représenté par plusieurs paysages de Murnau aux couleurs intenses. Vlaminck, Derain, Jawlensky précèdent des expressionnistes allemands, dont Beckmann. Un festival de couleurs fortes, audacieuses et passionnées !

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    Vlaminck, Derain (vue d’ensemble)

    En descendant vers la suite de l’exposition au sous-sol, il ne faut pas manquer, dans la galerie qui mène vers la salle permanente de la collection Franck, de belles aquarelles et gouaches d’Emil Nolde, un Ciel du soir flamboyant, des Tournesols, un Jardin de fleurs avec femme en robe violette (à l’huile). En face, une Maison jaune de Paul Klee, mystérieuse et gaie, lui oppose une composition plus graphique.

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    Emil Nolde (1867-1956), Blumengarten - Frau mit rotviolettem Kleid, 1908,
    Huile sur toile, 56 x 84 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Puis on découvre Le juif à la Thora de Chagall : ses mains et son visage sont verts, son âge, jaune ; rouge, le Livre qu’il serre contre lui ; une pendule vole sous la lune, un village dort dans la neige. Plusieurs Kupka, quelques toiles futuristes. Au sol, une machine de Tinguely (Meta-Herbin Taxi) qu’on aimerait voir en mouvement fait de l’œil aux mobiles de Calder – pour ceux-ci, miracle, un léger souffle suffit à les animer (j’aime les encourager de la sorte, même sous les yeux attentifs d’un gardien – pas de remarque).

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    Gabriele Münter (1877-1962), Sonnenuntergang über dem Staffelsee, vers 1910-1911,
    Huile sur carton, 33 x 41 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    Les femmes peintres ne manquent pas dans cette collection dédiée à la couleur : plusieurs Sonia Delaunay-Terk, Gabriele Münter avec un superbe coucher de soleil, Sophie Taeuber-Arp, Natalia Goncharova et quelques constructivistes russes. De Bridget Riley, Harmony in rose (1997) est l’œuvre la plus récente de cet accrochage.

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    Sam Francis (1923-1994), Untitled, 1958, Collage sur papier,
    75.5 x 56 cm, © 2012, ProLitteris Zurich / Photo : Peter Schälchli

    J’aimerais encore vous parler des champs colorés de Sam Francis, mais vous en savez assez, j’espère, pour ne pas manquer cette étape à Martigny. « Puisse cette exposition éveiller en vous des émotions positives, dans un monde difficile et si souvent triste. Je serais heureux qu’elle vous aide à échapper, ne serait-ce qu’un instant, à la grise réalité, à éprouver la joie de vivre et à comprendre tout ce que l’art peut apporter de positif. » (Werner Merzbacher)

  • Eau vive

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    Cette main recevant l’eau et la refilant dans le même courant

    Suggère que l’eau n’est qu’empruntée,

    Qu’elle poursuit son cycle perpétuel et qu’il faut en prendre soin.

    Main bienveillante, ouverte et réceptive, sensible,

    Qui reçoit et laisse filer entre ses doigts écartés sans retenir.

    La main ne capte pas l’eau tout à fait, elle ne se l’approprie pas.

    Elle la saisit un instant puis la retourne au bisse

    Afin qu’elle poursuive sa course vivifiante.

    Principal constituant des êtres vivants,

    L’eau est une ressource commune, universelle, à préserver

    Et à passer, saine, au suivant.

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    Sculpture de M. Raphaël Pache. 1753 Matran (juillet 2010)

    & texte sur le Bisse Vieux de Nendaz


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  • L'eau des bisses

    « Bisse » : le mot m’était inconnu jusqu’à ce que je découvre, il y a quelques années, la région de Nendaz, près de Sion, dans le Valais, le « pays des bisses ». Si les Alpes offrent aux marcheurs des vues superbes, toutes ces fleurs sauvages que je me plais à nommer quand je les connais, à identifier quand j’ignore leur nom, c’est d’abord l’eau qui les fait vivre : neige et glaciers, torrents, cascades, lacs de haute montagne – et bisses.

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    Les paysans du Valais, pour échapper aux conséquences de la sécheresse, captent l’eau en altitude depuis des siècles, pour la dévier artificiellement sur les coteaux et arroser leurs cultures d’abricotiers, framboises ou vignes.  « Tous les bisses de Nendaz ont leur prise d’eau dans la rivière La Printse, qui prend sa source aux glaciers du Grand-Désert et de Tortin. Les promenades des bisses sont faciles et de faible déclivité, idéales pour les familles, les enfants et les personnes âgées. » (Brochure de Nendaz) 

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    C’est donc sur les chemins des bisses, le long de l’eau qui s’écoule doucement, silencieusement par endroits, court et cascade à d’autres, que les jambes des promeneurs se délient pour aller de Nendaz à Planchouet par le Bisse du Milieu, pour en revenir par le Bisse Vieux, ou bien, variante, de Planchouet à Veysonnaz par le Grand Bisse de Vex – il faut alors prendre le bus postal pour rentrer. Remis en eau pour les touristes après avoir été abandonné, ce Bisse de Vex est l’un des plus variés dans ses aménagements, la promenade y est très agréable, ouverte sur le paysage.

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    Un jour de beau temps, lorsque les muscles sont bien dégourdis – le chemin demande plus d’attention –, on accède à Siviez par télésiège au plus haut des canaux d’irrigation de Nendaz, le Bisse de Chervé : il n’est plus en activité, ce bisse « aérien et spectaculaire », mais il permet de splendides balades au-dessus des 2000 mètres, soit vers Thyon 2000, où l’on rencontre en chemin un restaurant apprécié des promeneurs, soit vers le lac de Cleuson (lac de barrage à 2186 m) puis, pour les plus sportifs, le lac du Grand-Désert (2642 m).

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    Six bisses de Nendaz sur huit – je vous les laisse découvrir sur le site de la commune – sont encore « en eau », grâce à un travail formidable et à une attention constante. Les promeneurs sont invités à ne rien y jeter et à ne pas abîmer leurs berges, les bisses sont fragiles. Ce qui me frappe, c’est l’ingéniosité et le travail nécessaires pour faire passer l’eau malgré les difficultés du relief, le plus souvent à ciel ouvert. L’eau circule par endroits protégée par un coffrage de bois ou de fer ; pour le promeneur, des passerelles permettent de contourner un rocher, traverser un torrent. Les gardiens des bisses n’ont pas oublié les bancs ni les tables de pique-nique.

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    Si l’eau fait le bisse, et l’eau des bisses un billet de vacances à partager avec vous, le pays des bisses, ce sont bien sûr mille autres choses dont je pourrais vous parler : arbres et fleurs, promeneurs et riverains, oiseaux et insectes, stations et villages, framboises et abricots, vieux chalets et constructions nouvelles qui sortent de terre comme des champignons  chaque été…

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    Sur les nouvelles bornes qui indiquent ici ou là le tracé du bisse, quand il croise une route ou un autre chemin, une ligne ondulante figure avec simplicité l’eau serpentine. Ce serpent de lumière au sympathique glouglou laisse à ceux qui l’ont suivi un goût de revenez-y.