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Culture - Page 177

  • Vers le naufrage ?

    Dix ans après Le dérèglement du monde, Amin Maalouf confirme sa grande inquiétude pour l’avenir dans Le naufrage des civilisations : sommes-nous sur le Titanic ? allons-nous vers le naufrage ? Son livre est dédié à ses parents « et aux rêves fragiles qu’ils [lui] ont transmis ». La critique du premier essai dans Le Monde m’amène à penser que l’auteur a voulu préciser ici les craintes qu’il y avait exprimées. Le prologue s’ouvre sur des vers de Cavafy : « Ce que réserve l’avenir, seuls les dieux le connaissent,/ eux seuls sont possesseurs de toutes les lumières. »

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    Amin Maalouf (photo La terrasse)

    « Je suis né en bonne santé dans les bras d’une civilisation mourante […] » Les premières pages résument la disparition de « l’univers levantin » dont Maalouf a été le témoin. « Autrefois, les hommes avaient le sentiment d’être éphémères dans un monde immuable » : ses grands-parents et leurs ancêtres depuis douze générations étaient nés sous la même dynastie ottomane. « En l’espace d’une vie, on a le temps de voir disparaître des pays, des empires, des peuples, des langues, des civilisations. » Nul doute, il le reconnaît, que sa propre expérience ne nourrisse sa vision du monde, mais il s’est efforcé de prendre de la distance pour examiner son sujet.

    « L’idéal levantin, tel que les miens l’ont vécu, et tel que j’ai toujours voulu le vivre, exige de chacun qu’il assume l’ensemble de ses appartenances, et un peu aussi celles des autres. » Des amis d’autres religions ou pays, une proximité entre les diverses communautés, voilà une mentalité qu’il a vue disparaître autour de lui. Il ne veut pas dire que c’était mieux avant, mais s’inquiète devant les nombreuses dérives contemporaines qui sapent les civilisations et réveillent la barbarie dans le monde.

    Né à Beyrouth en 1949, Amin Maalouf rappelle la situation du Liban et des pays voisins cette année-là, l’assassinat du fondateur des Frères musulmans en réponse à celui du Premier ministre égyptien. L’affrontement entre l’organisation islamiste et les autorités du Caire, qui se poursuit encore, a eu des retombées dans le monde entier. Sa mère l’emmenait souvent dans la capitale égyptienne où son père, journaliste, avait publié en 1940 « une anthologie des auteurs levantins en langue anglaise » et épousé sa femme en 1945, à l’église grecque-catholique – l’Egypte était leur seconde patrie, jusqu’à la mort de son grand-père en 1951 (il s’était installé à Heliopolis, la ville neuve fondée par le baron Empain).

    Les prémisses de la crise du canal de Suez, les émeutes antioccidentales, le grand incendie du Caire, l’émergence de Nasser qui va mettre fin à la monarchie, tout cela a affecté sa famille maternelle qui a eu « le sentiment d’avoir été injustement chassée du paradis terrestre ». Chassée ? Poussée à partir ? « Mon sentiment à ce sujet s’est modifié plus d’une fois au fil des ans. » A Nasser, « dernier géant du monde arabe », il reproche l’abolition du pluralisme, « l’arrêt de mort de l’Egypte cosmopolite et libérale ». A un autre grand homme, Churchill, victorieux contre le nazisme, il reproche sa politique en Egypte et surtout en Iran, qui a favorisé le nationalisme arabe. Il imagine pour ces grands hommes à la fois admirables et destructeurs un « Panthéon de Janus » dans un musée imaginaire de l’histoire universelle.

    Le tournant décisif dans l’histoire de cette partie du monde, il le situe en 1967, avec la guerre israélo-arabe (il avait dix-huit ans) : une défaite que les Arabes n’ont jamais surmontée, contrairement à la Corée du Sud, par exemple, qui a su faire face en développant l’enseignement et l’économie. « La défaite est quelquefois une opportunité, les Arabes n’ont pas pu la saisir. La victoire est quelquefois un piège, les Israéliens n’ont pas su l’éviter. » Amin Maalouf examine longuement les conséquences pour les uns et les autres, et l’impossible paix due aux colonisations : « plus d’un demi-million d’Israéliens vivent sur des terres qui avaient été arabes jusqu’en juin 1967 ». Les conflits ont gagné son propre pays. « Le jour où j’ai quitté le Liban en guerre sur une embarcation de fortune, en juin 1976, tous les rêves de mon Levant natal étaient déjà morts, ou agonisants. »

    En s’efforçant de saisir « l’esprit du temps », l’auteur élargit son champ d’analyse pour comprendre la marche de l’histoire. 1979 : révolution islamique en Iran et « révolution conservatrice au Royaume-Uni » (Thatcher) qu’il rapproche de celle inaugurée en Chine en 1978 par Deng Xiaoping, l’année de l’arrivée de Jean-Paul II au Vatican. Un peu partout dans le monde, l’Etat-Providence qui modérait les inégalités sociales recule. On oppose moins les gros et les petits salaires que les gens qui travaillent et ceux qui « profitent » du système. « En particulier, il me semble qu’il y a, au sein de chacune de nos sociétés, comme au niveau de l’humanité entière, de plus en plus de facteurs qui fragmentent, et de moins en moins de facteurs qui cimentent. » La recherche de son propre intérêt, la fascination de la richesse ont pris le pas sur le principe d’égalité.

    Amin Maalouf étaye son propos de nombreux faits politiques et sociaux pour déplorer finalement la disparition d’un état d’esprit ouvert et l’expansion du mercantilisme. Il observe une « dérive orwellienne » dans la manière dont les Etats usent des nouvelles technologies pour combattre leurs ennemis, veiller à la sécurité, laissant croître en même temps Big Brother dans nos communications, nos espaces privés, sans se préoccuper des abus possibles. « Mais quelque chose se perd en route. La liberté d’aller et de venir, de parler et d’écrire, sans être constamment surveillés. Comme l’huile d’un réservoir percé, notre liberté fuit, goutte après goutte, sans que nous nous en préoccupions. »

    Vivons-nous, vivrons-nous le naufrage des civilisations ? Le pire se profile si l’on reste « dans le déni, l’aveuglement et l’irresponsabilité ». A 70 ans, Amin Maalouf, qui inclut dans sa réflexion les fabuleux progrès scientifiques et médicaux dont il se réjouit, veut avant tout éveiller les consciences. Il a écrit Le naufrage des civilisations dans le souci d’expliquer, d’exhorter, de prévenir des périls qui menacent l’humanité.

    Dans un entretien, il se défend d’être pessimiste : « Je n’ai pas le sentiment que mon livre diffuse le pessimisme. Je pense que j’ai voulu être lucide. Je crois que les choses sont tellement graves aujourd’hui qu’il ne faut pas se cacher la vérité. Il faut faire un constat juste, et à partir de là chercher des solutions. Je pense qu’il y a des solutions. Je pense que l’humanité aujourd’hui a les moyens de résoudre le problème. Ce qui lui manque, c’est la prise de conscience et la volonté de résoudre le problème. Et donc le rôle de celui qui écrit est de dire ce qui ne va pas, et d’encourager ses contemporains à réagir, à provoquer un sursaut. »

  • Rêveries

    Boyadjian-la-chaise.jpgmicheline boyadjian,peintre,peinture naïve,belgique,femme artiste,peinture,culture,la chaise« Dans ses toiles, les souvenirs de jeunesse, les lieux aimés sont prétextes à des rêveries méticuleuses où l’humour et la gentillesse trouvent leur place. »

    René Dalemans à propos de Micheline Boyadjian

    in Cent ans d’arts plastiques en Belgique, Artis-Historia, Bruxelles, 1990.

     

    © Micheline Boyadjian, L'attente du printemps / La chaise

  • Micheline Boyadjian

    Dans La Libre Belgique du mardi 30 juillet, un titre m’a émue : « Micheline Boyadjian a fui le monde ». Roger Pierre Turine rend hommage à « la plus grande peintre naïve du pays » qui vient de se retirer du monde à 96 ans. « Micheline Boyadjian a estimé dimanche qu’elle avait assez vécu. »

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    © Micheline Boyadjian, Le kiosque en hiver, s. d.

    Micheline Boyadjian a peint des paysages, des figures, des intérieurs silencieux. « Naïve, pas naïve ? Voilà la question. Mais finalement qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse », écrit René Dalemans dans Cent ans d’arts plastiques en Belgique (album Artis-Historia) à la page où j’ai glissé un jour une reproduction du Château rose.

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    © Micheline Boyadjian, Le château rose, 1965

    Il poursuit : « Micheline Evrard, élève des bonnes sœurs, secrétaire modèle, épouse du cardiologue Noubar Boyadjian, mère de famille, éprouve, la trentaine venue, le désir impérieux de s’exprimer et va s’inscrire à l’Académie de Bruxelles où Léon Devos lui laisse la bride sur le cou. » Sa technique s’affirme et elle se met à peindre un univers familier dans des tons doux, en demi-teintes, « avec un sens poétique très particulier et très sûr », écrit Anatole Jakovsky dans la monographie qu’il lui a consacrée.

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    Les Musées royaux des Beaux-Arts possèdent deux de ses œuvres dans leur collection : Le treizième invité (1980) et Les parapluies (1958). Le Musée Art & Histoire expose le « Musée du cœur », une collection de 500 objets de son mari, le cardiologue Noubar Boyadjian, offerte au musée en 1990. Le couple a également fait une donation au musée L pour ses collections d’art naïf et populaire.

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    © Micheline Boyadjian, Le treizième invité, 1977
    Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : J. Geleyns - Art Photography

    Je ne sais pas grand-chose de plus au sujet de cette « petite femme menue » née à Bruges en 1923, dont les œuvres me retiennent toujours quand j’en vois. Roger Pierre Turine décrit Micheline Boyadjian comme une artiste « d’une irréductible exigence, d’une probité, d’un allant et d’une indépendance sans pareils ». Calme, généreuse, charmante, subtile… Les épithètes du critique forment un joli portrait qu’il conclut ainsi : « La petite grande dame s’en est allée, mais son passage sur terre préserve un bel avenir enchanté à qui s’émeut de la vérité d’un couple fusionnel. »

  • Un petit garçon

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    Un jour, alors que je passais par le marché, j’aperçus le corps d’un petit garçon blotti contre un mur, immobile. Je m’approchai à petits pas en me frayant un chemin parmi les passants qui circulaient dans la résignation totale. Son visage était couvert de crasse, les habits boueux et les cheveux longs, pleins de nœuds. Non, pas lui, ce n’est pas possible… Non ! Le regard affolé, je couvris ma bouche avec mes deux mains et je retins mon souffle : c’était mon élève Seeung-chul Lee. Le petit garçon qui voulait soigner les enfants de la rue. Celui qui ne deviendrait jamais médecin car sa vie s’était arrêtée contre ce mur à treize ans. Ce petit garçon aux pieds nus qui me hante depuis. »

    Jihyun Park, Seh-Lynn, Deux Coréennes

  • Deux Coréennes

    Le Pays du Matin calme s’est scindé il y a presque quatre-vingts ans en deux Etats indépendants et ennemis : la Corée du Nord et la Corée du Sud. Sous le titre Deux Coréennes, Jihyun Park (du Nord) et Seh-Lynn (du Sud), qui se sont rencontrées en Angleterre où elles vivent à présent toutes les deux, témoignent des conditions de vie et des mentalités dans lesquelles elles ont grandi. Loin des parades médiatiques du dictateur Kim Jong-un et du président américain, ce récit fait découvrir une réalité plus terrible encore que je ne l’imaginais : dans un régime totalitaire bâti sur la propagande et la délation, les hommes, les femmes, les enfants sont broyés par un système qui les accable et les affame.

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    Source : The Other Interview (vidéo Amnesty International)

    « Jihyun parle de la condition humaine en Corée du Nord, j’écris sur la culpabilité d’être née du « bon » côté de la frontière », écrit Seh-Lynn. Elles se sont rencontrées en 2014 à Manchester, « pendant le tournage d’un documentaire produit par Amnesty International » (The Other Interview). Seh-Lynn a remplacé une interprète en dernière minute. Fille de diplomates, elle se souvenait du poster « A bas les communistes » dans sa chambre et des sirènes annonçant « le début de la simulation de guerre tous les 15 du mois » en Corée du Sud. Malgré l’allure « normale » de Jihyun Park qui a à peu près son âge, Seh-Lynn est « terrifiée » la première fois qu’elle se trouve en face d’elle.

    Deux ans plus tard, elles ont appris à se connaître, à se faire confiance. Jihyun lui demande si elle peut l’aider à écrire son histoire, pour « que ce soit écrit par une Coréenne car elle veut parler d’émotions qui sont inexprimables dans une autre langue », sans faire de politique. Elle veut toucher l’âme des humains, raconter l’histoire d’une famille nord-coréenne ordinaire, parler de leur « inimaginable souffrance ». Ensemble, elles espèrent faire ainsi un pas vers le rapprochement, voire la réunification des deux Corées.

    Son histoire commence par un sentiment d’abandon : Chul, le fils aîné de Jihyun, lui a demandé pourquoi, quand il était tout petit, elle l’a abandonné un an en Chine « pour lui éviter la prison en Corée du Nord ». D’abord elle se rappelle sa vie à quatre ans dans la banlieue sud de Chongjin, une ville portuaire sur la mer du Japon. Avec ses parents (chauffeur de tracteur excavateur et mère au foyer), elle habitait un appartement de seize mètres carrés. Sa sœur aînée Unni était partie vivre chez sa grand-mère, son frère n’était pas encore né.

    L’immeuble « Division mécanique n° 2 » comportait dix appartements par étage, d’une ou deux chambres. La chef d’immeuble, membre du Parti, terrorisait les résidents. A l’entrée, on trouvait le plan de rotation des équipes de nettoyage (les familles nettoient à tour de rôle), les horaires de simulations d’attaque aérienne. Armoire à chaussures dans l’entrée, cuisine, salle d’eau (toilettes sans chasse d’eau, seau pour se laver). Tout le monde dort par terre dans l’unique pièce, sur des nattes rangées dans une armoire. Au mur, « Le Portrait » : on ne fête pas les anniversaires des enfants (seul cadeau, un bol de riz blanc pour elle seule), mais seulement celui de Kim Il-sung, le 15 avril.

    De quatre à sept ans, les enfants sont envoyés chez leur grand-mère à la campagne. Là, Jihyun mange à sa faim. Mais sa grand-mère meurt subitement, ses parents la ramènent chez eux. Son père s’occupe de ses deux filles et aussi d’un « grand » oncle et d’un « petit » oncle qui vivaient avec sa mère. Puis vient l’âge d’aller à l’école, de s’y faire des amies, de s’amuser, de chanter « la lutte glorieuse » et d’apprendre la vie de Kim Il-sung, « la personne la plus importante au monde et qu’il fallait aimer ». Depuis son retour, Jihyun a tout le temps faim, une obsession. On leur dit qu’en Corée du Sud, les enfants sont si pauvres qu’ils ne peuvent aller à l’école et meurent de faim. Elle découvrira plus tard que cela s’applique surtout aux enfants du Nord.

    Le bonheur tient en trois points : « solidarité, vie collective, optimisme ». Un petit frère naît en janvier 1976, elle devient « la troisième » après la fille aînée et le garçon. Ils appartiennent à la « classe supérieure », celle de la lignée de Kim Il-sung et des combattants contre le Japon (son grand-père paternel), au-dessus de la « classe moyenne » (des gens ordinaires) et de la « classe inférieure » (des familles dont un membre est passé dans le Sud, a fait du tort au Parti, ou des criminels). Son père est membre du Parti et Jihyun, fière d’adhérer à l’Association des Jeunes Pionniers. « On nous apprenait la haine. » Elle rompt avec une amie quand elle apprend que sa famille a été maudite pour avoir possédé des terres. Elle ne sait pas encore que dans cette société hiérarchisée par le statut social, sa propre famille n’est pas à l’abri.

    En Corée du Nord, pour la plupart, la nourriture, rationnée, est insuffisante. Sa mère, « entrepreneuse-née », se met à élever des cochons puis à en faire commerce, ce qui les sauve. Le lycée va de pair avec des expéditions semestrielles à la campagne pour aider aux moissons : le travail forcé est rude, les lycéennes s’endorment affamées – « C’était un village où les enfants s’endormaient en pleurant. » Dès le plus jeune âge, on apprend à résister, à « compter sur ses propres forces », à se débrouiller seul : cela forge le caractère.

    Quand sa sœur, élève modèle et première au concours, n’obtient pas le poste pour lequel elle a postulé, leur mère leur confie un secret bien gardé : son grand-père, propriétaire terrien refusé par le Parti, est passé dans le Sud pendant la guerre et sa propre mère l’a abandonnée. Le monde de Jihyun s’écroule. Elle rêvait d’étudier les mathématiques à l’université de Pongyang, elle se retrouve en faculté d’agronomie.

    « Le reste du monde n’a aucune idée. C’est une vie inimaginable dans un pays où personne n’a le droit de se plaindre. » La suite du récit va crescendo : le froid, la sécheresse des années 1990, la famine, la crise cardiaque de son père, l’arrestation de sa mère pour « activités commerciales illégales », la mort de Kim Il-sung à qui succède un tyran encore pire, la mort de son oncle. Les usines ne fonctionnent plus ; ses élèves (elle est devenue enseignante) meurent de faim. Libérée, sa mère part en Chine rejoindre une cousine éloignée – pour toujours. Ils survivent de racines et d’herbes cueillies sur la colline.

    Désespérées, Jihyun et sa sœur avec mari et enfant vont laisser leur père très malade pour aller en Chine en 1998, avec l’aide d’un passeur, soi-disant pour se marier avec un Chinois. Quand ils traversent le fleuve gelé à la frontière, c’est la stupéfaction : « Nous avions côtoyé la mort pendant des années en Corée et, à cent mètres de la frontière, il y avait un autre monde. A peine cent mètres pour baigner dans l’abondance. »

    Très vite, elle se rend compte de ce qui attend les Nord-Coréennes là-bas : de la nourriture, enfin, mais aussi le mariage forcé, l’exploitation. Vendue à un ivrogne, elle déchante. « Arrachée à ma terre natale dans l’espoir d’une vie meilleure, j’étais devenue une esclave. » Vous lirez la suite dans Deux Coréennes, pour savoir comment Jihyun s’en est sortie après bien des épreuves épouvantables (arrestation, extradition, prison) puis un second passage en Chine.

    Dans un « souci réel de partager et d’informer », Jihyun Park et Seh-Lynn retracent un pan de l’histoire de la Corée contemporaine à travers la vie quotidienne qu’elles y ont connue. C’est terrible et bouleversant.