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  • Mme Osmond, la suite

    A la fin de Portrait de femme, Henry James laisse l’avenir d’Isabel Archer devenue Mme Osmond en suspens. Quand Caspar Goodwood, qui n’a pas renoncé à elle, la cherche chez son amie Henrietta, il apprend qu’elle est partie pour Rome. John Banville, dans Mrs Osmond (2017, traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch en 2021), propose une suite à la destinée incertaine de l’héroïne de James.

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    Richard Parkes Bonington (1802-1828), View on the Grounds of a Villa near Florence, 1826, Art Institute Chicago.

    Rappelons que contre l’avis de son mari, Gilbert Osmond, Isabel s’est rendue en Angleterre au chevet de son cher cousin Ralph Touchett, mourant. Avant qu’elle quitte l’Italie, sa belle-sœur lui avait ouvert les yeux sur les rapports cachés entre Osmond et Mme Merle, lasse de son « ignorance innocente » des dessous véritables de son mariage.

    Ouvrons Mme Osmond. Arrivée à Londres, Isabel remarque à la sortie de la gare un malheureux qui pousse des cris déchirants, mais Staines, sa servante, qui s’occupe des bagages, juge qu’on « ne peut pas aider des gens pas fichus de s’aider soi-même » et sa maîtresse la suit dans le cab qui les conduit à l’hôtel. Il ne lui sera pas facile de trouver le repos en pensant à ce « pauvre diable » et à sa propre situation.

    « Curieux : c’était elle qui était lésée, et gravement, par son mari et par une femme qu’elle avait cru être, sinon son alliée, du moins pas son ennemie non plus, et néanmoins c’était elle qui portait la honte de la chose. » Elle comprend à présent quelle part y ont joué son orgueil, sa vanité, sa suffisance même. Isabel a des choses à faire à Londres : passer à la banque pour y retirer une grosse somme d’argent en liquide, aller déjeuner chez Mlle Janeway, une amie d’Henrietta chez qui elle logera ensuite.

    Avec l’une et l’autre, il sera bien sûr question du choix à faire à présent : retourner à Rome, et puis ? Comme elle l’avait dit il y a des années en arrivant en Angleterre, une chose lui est chère entre toutes : se sentir libre. On l’a épousée pour son argent, désormais celui-ci devra lui permettre d’acheter sa liberté. Henrietta s’étonne qu’elle veuille malgré tout encore préserver quelque chose de ce mariage où, il est vrai, sa propre volonté l’a menée, malgré les avertissements.

    Avant de rentrer en Italie, elle décide de passer d’abord par Paris. Dans le train, elle a l’impression de porter en elle « le cadavre glacé de son propre cœur, de son propre moi, de sa propre vie ». En se promenant aux Tuileries, puis au Louvre, elle rencontre l’élégant Ned Rosier (l’amoureux qu’Osmond a éloigné de sa fille) : il l’invite à l’accompagner devant L’homme au gant du Titien, il veut vérifier si les couleurs du médaillon sont bien les mêmes que celle d’un objet qu’il est en train de négocier, en collectionneur avisé. Isabel apprend qu’il est quasi fiancé à la fille d’un commissaire-priseur à l’Hôtel Drouot.

    Au Château Vivier, où l’a conviée la princesse d’Attrait, Lorelei, une amie qui s’inquiète pour elle, Isabel fait la rencontre inattendue, dans un petit salon, de Mme Merle. Là, le dessein de Mme Osmond commence à prendre forme. Très maîtresse d’elle-même devant cette femme fourbe, Isabel la surprend (et nous aussi). Elle lui demande de renoncer à son projet de retourner en Amérique et de rentrer plutôt à Rome, où elle lui promet qu’elle aura une maison.

    De son côté, Osmond est à Florence. Il y appelle sa sœur, qui s’attend à payer le prix du secret dévoilé à sa femme. Pansy est avec lui. Il a décidé d’envoyer sa fille en Angleterre, chez Lord Lanchester, sous le prétexte de voir des peintures de Bonington dans sa collection. Sa sœur est chargée de lui faire épouser son fils ou un autre fils de Lord – en compensation du tort qu’elle lui a causé.

    Que va faire Isabel une fois en Italie ? Comment va-t-elle se comporter en face d’Osmond ? Qu’a-t-elle décidé pour son propre avenir ? En conduisant doucement l’héroïne vers un choix décisif, John Banville a composé son roman dans une grande fidélité à l’œuvre de James qui l’a inspiré : faire le portrait d’une femme, l’accompagner dans ses aspirations, ses souffrances, ses hésitations, voire son impulsivité et montrer peu à peu la transformation de la jeune Américaine naïve en une femme qui prend véritablement sa vie en main, consciente de ses erreurs, attachée à sa dignité, capable de dire froidement à celui qui l’a séduite : « Vous prenez plaisir à la scélératesse, et vous nommez cela « sophistication ». »

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    Le style classique de ce pastiche de James a reçu des appréciations diverses. J’y ai remarqué, entre autres, un goût certain des mots rares et de belles notations de couleurs. Cette suite sera d’autant plus appréciée si l’on a lu Portrait de femme, mais Banville intègre dans Mme Osmond tous les rappels nécessaires à ceux qui ne l’auraient pas lu. Sur son blog, Ch. Wéry note « une progression très lente, mais jamais ennuyeuse ». Je le remercie d’avoir attiré mon attention sur ce roman et je partage sa conclusion : « Intérêt et empathie sont entretenus avec maestria jusqu’à la fin, au point qu’on laisse l’héroïne à regret à la dernière page. Sur une incertitude, cependant... Une suite ? »  (Marque-pages)

  • Sculptures 1900

    La collection Gillion Crowet du musée Fin de siècle comprend aussi de belles sculptures. La Grande autruche baissant la tête de Rembrandt Bugatti (1884-1916) ne me semble pas particulièrement liée à l’Art nouveau, sinon par l’époque, de même que les Figurines allégoriques de Philippe Wolfers (dont je vous ai montré récemment quelques bijoux fabuleux) présentées dans des vitrines.

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    Fernand Khnopff, Tête de Méduse, 1900, bronze patiné, socle en marbre de Sienne,
    Collection Gillion Crowet, MRBAB, Bruxelles

    L’œuvre la plus impressionnante ici est cette Tête de Méduse sculptée par Fernand Khnopff : yeux exorbités, bouche ouverte, serpents mêlés à ses cheveux. La représentation de la Gorgone, dont les yeux « ont le pouvoir de pétrifier tout mortel qui croise son regard », a été réinventée à la fin du XIXe siècle. « De monstre qu’elle était, Méduse deviendra l’archétype de la femme fatale. » (Wikipedia)

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    Alphonse Mucha & Adolphe Truffier, La Princesse lointaine (Masque aux scarabées), 1900,
    applique en bronze doré et ciselé, cabochon, pierres semi-précieuses, pierre dure et plaque d'émail, MRBAB, Bruxelles

    D’Alphonse Mucha, en plus de la belle Nature (au début du billet précédent), voici La Princesse lointaine. Sarah Bernhardt a joué le rôle-titre dans la pièce d’Edmond Rostand (1895). Une photo ancienne de l’actrice portant une coiffe fleurie et sertie de pierres peut être rapprochée de cette applique en bronze doré de Mucha et Adolphe Truffier. Son support en bois la dessert un peu, à mes yeux. Faut-il rappeler que Mucha avait aussi peint l’affiche de Sarah Bernhardt pour ce spectacle ?

  • Art nouveau au musée

    Dans la foulée de l’exposition Art nouveau de la Fondation Roi Baudouin au musée BELvue, je suis retournée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) tout proches, pour revoir la collection Gillion Crowet au musée Fin-de-siècle.

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    Alphonse Mucha, La Nature, bronze doré rehaussé d'ornements en malachite, 1899-1900,
    MRBAB, Bruxelles

    On y est accueilli par un superbe buste en bronze doré de Mucha, La nature, orné de malachite. Il en existe sept exemplaires différents, peut-être plus : « La Nature serait une allégorie et une représentation de l’idéal féminin de la Belle Époque. Beaucoup y voient les traits de la danseuse Cléo de Mérode dont l’artiste était un admirateur. » (Wikipedia)

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    Emile Gallé, Vase Hippocampe, 1901, verre multicouche, gravé et martelé,
    décors sous couverte, applications, MRBAB, Bruxelles

    La collection comprend de nombreux vases, dont une belle série d’Emile Gallé : j’ai admiré en particulier un vase Hippocampe, une coupe Orchidée présentée à côté d’un vase-cornet Papillons de nuit et plus loin, une urne Libellule aux jolis tons nacrés.

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    Emile Gallé, Guéridon aux ombelles, ca. 1902-1903, noyer et marqueteries de bois variés 
    Plafonniers boule jaune et boule orange, ca. 1900, verre filigrané, décor peigné à chaud, MRBAB

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    art nouveau,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,art décoratif,mobilier,gallé,daum,wolfers,val-saint-lambert,mucha,khnopff,majorelle,culture,belle époque,dation gillion crowet,musée,fin de siècleDans ces mêmes années, au tout début du XXe siècle, Daum a réalisé cette lampe à trois bras dite Chandelle des prés avec Majorelle, comme Ombelles du Caucase, à l’abat-jour vert en coupole.

    Antonin Daum & Louis Majorelle, Chandelle des prés, 1902 / Ombelles du Caucase, 1904, MRBAB

    Le mobilier Art nouveau n’est pas en reste. Au grand bureau Nénuphar de Louis Majorelle et son fauteuil, avec des applications en bronze doré, j’ai préféré, dans ce modèle, un très élégant bureau de dame (d’une époque où les dames aimaient de plus petits bureaux que les hommes ?) Au mur, ses quatre appliques « Femme aux iris » brillent de tout leur or mais ne sont pas éclairées.

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    Vue d'ensemble avec les appliques "Femme aux iris"
    et le bureau de dame "Nénuphar" de Majorelle, MRBAB

    Les Gillion-Crowet ne se limitaient pas à Gallé et à Daum. Une vitrine rassemble de petites pâtes de verre d’Amalric Walter : caméléon, hibou, lézard, crabe, au-dessus d’un presse-papier Danaé. Je ne me rappelais pas les vases aux scarabées signés François Decorchemont, un maître-verrier sans doute plus connu en France.

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    Henri et Désiré Müller pour Val-Saint-Lambert, Clair de lune, 1906-1907, MRBAB 

    La verrerie belge du Val-Saint-Lambert est bien présente aussi : des frères Müller, on peut voir un beau vase Clair de lune et d’autres en verre multicouche « dévitrifié et gravé à l’acide » décoré d’émaux métallisés. De l’artiste austro-hongrois Johann Loetz Witwe, des verres « lustrés » d’une grande variété.

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    Joh. Loetz Witwe, Vase irisé évasé, 1900 / Vase tulipe jaune et bleu, 1909 / Vase col de cygne, 1906-1909, MRBAB

    La magnifique dation Gillion Crowet mérite à mon avis une visite qui lui soit exclusivement réservée. Sinon, vous risquez de parcourir ces salles trop rapidement. Dans le prochain billet, je vous présenterai des sculptures. Si vous désirez découvrir tout le musée Fin de siècle le même jour, faites une pause avant de redescendre au – 8 où cette collection Art nouveau occupe tout l’étage. (Un vaste ascenseur avec fauteuils est à votre disposition.)

  • Descendre

    James Un portrait de femme Poche.jpeg« – Je m’étais fait une vision charmante de votre avenir, dit Ralph, sans répondre aux paroles de sa cousine ; je m’étais amusé à vous tisser une haute destinée où je ne prévoyais rien de ce que vous dites. Je ne vous voyais pas descendre si facilement ou si vite.
    – Descendre, dites-vous ?
    – Le mot répond au sentiment que je me fais de votre aventure. Vous me paraissiez planer très haut dans l’azur, voler dans la claire lumière, au-dessus des hommes. Tout à coup, un individu lance un bouton de rose fané, un projectile qui n’aurait jamais dû vous atteindre, et vous voilà abattue sur le sol. Cela me blesse, déclara Ralph avec audace, cela me blesse comme si je venais de tomber moi-même. »

    Henry James, Un portrait de femme