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Pilote de chasse

Quand un jeune pilote de chasse de la Force Aérienne belge offre à sa fiancée Le Grand Cirque de Pierre Clostermann, en 1948, c’est sans nul doute pour partager une passion – celle de voler – et une admiration. Les « Souvenirs d’un pilote de chasse français dans la R. A. F. » témoignent de quatre années de guerre, de 1942 à 1945, et de l’héroïsme de ces combattants jamais sûrs de rentrer vivants d’une mission, si nombreux à y avoir laissé leur vie. Dédié à son vieux coéquipier, à ses camarades de France et de la Royal Air Force, son récit fait revivre ces années d’action et d’engagement aux côtés de ses camarades « morts pour la France » et « sur qui l’oubli tombe si vite », écrit-il.

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Enfant unique, Pierre Clostermann (à Londres) voulait raconter à ses parents (à Brazzaville) « cette vie nouvelle, si pleine d’émotions, d’imprévu – ingrate, mais très belle » plus largement que par « la carte-lettre aérienne mensuelle autorisée » ; tous les soirs, il décrivait sa journée dans un gros cahier d’ordonnance (trois en tout). Lui a survécu à quatre cent vingt missions de guerre et ce sont les pilotes survivants qui ont dû visiter les familles de leurs amis qui n’étaient pas revenus – évoquer ce vécu était une raison de plus pour publier une sélection de pages significatives. Pas une œuvre littéraire, mais « au jour le jour, des impressions, des instantanés photographiques, des images gravées au passage dans [sa] mémoire. » (Avant-propos)

« Pilote au groupe Alsace », la première partie, commence à la sortie des élèves pilotes du Royal Air Force College de Cranwell : fiers de leur uniforme français bleu marine aux boutons d’or, Pierre C. et un camarade arrivent en train à Rednal un jour de neige « pour un cours de conversion sur Spitfire avant de partir en escadrille » – « Le grand jour est arrivé ! » Quelle excitation à son premier contact avec le Spitfire, « les lignes racées du fuselage, le moteur Rolls Royce finement caréné ; un vrai pur-sang… »

Manœuvres de préparation au vol, autorisation à décoller, le cœur qui bat la chamade : « Soudain, comme par miracle, le souffle coupé, je me trouve en l’air. » Il dispose d’une heure pour faire connaissance avec l’avion. Pendant deux mois pénibles d’hiver, les cours se succèdent, les heures de vol sur Spitfire s’accumulent, les séances de tir aérien… Premiers accidents, premiers deuils. Et enfin, le jour des affectations : « Trois jeunes sergents pilotes débarquent à Edimbourg. Le monde est à eux. » Avec Marquis, déjà sur place, ils forment le « 341 squadron » au sein du groupe de chasse « Alsace ».

« Puis les pilotes arrivent un par un des quatre coins de l’Angleterre, après s’être arrachés des quatre coins de la France occupée pour venir se battre. Une sélection naturelle imposée par la volonté, le patriotisme. Toutes classes sociales – mais une élite. » Les Croix de Lorraine peintes sur les fuselages des Spitfires, le groupe « Alsace » est affecté à l’escadre de Biggin Hill, au sud de Londres, « la base qui compte le plus de victoires, et qui est réservée aux groupes les plus sélectionnés de la R. A. F. »

Allergiques à Top Gun s’abstenir. Clostermann utilise le jargon anglais des aviateurs (traductions et explications en bas de page) pour détailler les dispositifs et les procédures de vol, le « briefing » (exposé des buts et des méthodes de la mission), l’attente, les communications, le tout mis dans l’ambiance avec la météo, la tenue du jour, etc. Il nous décrit le ciel, les nuages, la terre vue d’en haut. Il faut scruter l’air sous tous les angles pour repérer les avions ennemis – Messerschmitt ou Focke Wulf –, les surprendre et les attaquer, leur échapper par des manœuvres de haute voltige, pousser l’appareil et son propre corps jusqu’aux limites.

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Royal Air Force- 2nd Tactical Air Force, 1943-1945.
Le
Sous-Lieutenant Pierre Clostermann (à gauche) félicite le Flight Lieutenant K L Charney dans le cockpit de son Supermarine Spitfire Mark IXB, à leur retour à B11/Longues, Normandie, après une sortie en soirée où chacun d'eux a abattu un Focke Wulf Fw 190.
Les deux pilotes servaient dans le 602 Squadron RAF.

Il y a l’exaltation des victoires, la peur dans la bagarre contre la Luftwaffe, la joie de se sortir des situations qui semblent perdues, les bons et les mauvais pressentiments, la panique noire, les atterrissages forcés, l’épuisement. Et, mission après mission, les terribles bilans au retour à la base : autant d’avions perdus, autant de pilotes « manquants ».

Le 28 septembre 1943, Pierre Clostermann quitte Biggin Hill : « Détaché à la Royal Air Force » (deuxième partie). La R. A. F. a besoin d’escadrilles pour appuyer l’invasion du Continent « en étroite coopération avec l’armée ». Les pilotes de chasse volent aussi en protection des bombardiers, en escorte de « Forteresses Volantes américaines ». Un des objectifs est de détruire les lieux de construction des redoutés V-1. Puis c’est le débarquement en Normandie et les premières nuits en France, en juin 44.

En troisième et dernière partie, l’auteur relate ses « Commandements dans la R. A. F. » D’abord sur Typhoon, « d’une instabilité latérale effarante », puis sur Hawker Tempest V, « le chasseur le plus moderne ». Tandis que les services d’information alliés prétendent que l’Allemagne n’a plus d’avions ni de pilotes, la R. A. F. les combat sans relâche, les usines allemandes se montrant terriblement efficaces pour continuer la production d’avions, jusqu’à plus de deux mille par mois en novembre 1944 et cela, malgré les bombardements. Les usines ciblées sont rapidement remises en état et les usines souterraines se multiplient.

Quand viennent l’armistice, les jours de fête de la Libération, « la porte se ferme ». Sur les aéroports tombe un silence « inaccoutumé, épais, pesant », le sentiment d’une page qui se tourne. « C’était trop vrai, on n’avait plus besoin de nous et on nous le fit sentir vite. »

Le Grand Cirque – le « Cirque » ou le « show » était le nom donné par la R. A. F. aux missions importantes – a été « publié à 3 millions d’exemplaires, et traduit dans plus de 30 langues. Il rencontre un succès mondial et est adapté en bande dessinée et au cinéma à plusieurs reprises. Selon l’auteur américain William Faulkner, « Le Grand Cirque est le meilleur livre qui soit sorti de la guerre. »» (Wikipedia)

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Les adieux de Pierre Clostermann au "Grand Charles" (Tempest) le 27 août 1945 (illustration du livre)

La dédicace de la main de mon père sur la page de garde, à celle qui n’était pas encore ma mère, m’a poussée à lire le témoignage de Pierre Clostermann. J’imagine mieux les exercices périlleux, l’état d’esprit et les sensations des jeunes pilotes de chasse formés à la R. A. F. juste après la guerre, comme mon père qui a volé sur Spitfire, mais n’a jamais dû combattre dans les airs, heureusement (même si sa vie a été trop courte). Un livre à conserver précieusement dans ma bibliothèque.

 

Commentaires

  • Que d'émotions pour toi! Merci de les partager.

    En cherchant un peu j'ai lu cette phrase du Général De Gaulle:" Ce livre, je l'ai relu. Il est magnifique d'avoir fait ce que vous avez donné à la France. Merci de l'avoir si bien écrit. "

    Ces 3 volumes doivent être un mine pour les historiens aussi j'imagine. Et pour les psychologues des conflits..

  • Une lecture chargée de souvenirs familiaux pour toi ; je suis assez allergique à Top Gun, mais ce livre me paraît un témoignage si important, pour ne pas oublier le courage de tous ces jeunes hommes.

  • Un témoignage précieux, s'il pouvait en même temps enlever aux hommes cette envie de faire la guerre, comme ce serait bien ! Belle journée Tania, à bientôt. brigitte

  • @ Colo : Vider un appartement, c'est aller à la rencontre des souvenirs, il y en a de beaux comme celui-ci. J'ai été impressionnée par le sang-froid et le courage de ces pilotes pour aller au casse-pipes.

    @ Aifelle : Oui, c'est un témoignage qui a dû compter pour ceux qui ont survécu et pour les familles des disparus.

    @ Adrienne : Tu devines avec qui j'aurais aimé discuter de cette lecture.

    @ Plumes d'Anges : Ce genre de face à face aérien n'a sans doute plus cours dans les guerres d'aujourd'hui, les frappes se font de plus loin, mais il n'y a pas de guerre "propre" et le mieux serait de les éviter bien sûr !

    @ Nikole : Je comprends très bien, bonne soirée, Nikole.

  • Une page d'histoire, j'admire le courage de ces jeunes hommes, le frère de mon papa est mort au combat ( il n'avait que 27 ans)!
    Le titre m'interpelle aussi - Le grand cirque - les guerres c'est cela aussi - des grands cirques -

  • Il faudrait faire un livre de ces rencontres avec ces livres-là... Je suis sûre qu'il rencontrerait ses lecteurs.
    Bonne journée.

  • ce n'est pas forcément une lecture que je referai mais je me souviens de l'avoir lu avec un intérêt certain à l'adolescence

  • @ Pâques : Ces jeunes morts à la guerre laissent dans leur famille et chez leurs proches une trace indélébile de jeunesse et de courage.

    @ Bonheur du Jour : Merci, Marie. Bon week-end.

    @ Dominique : Pour ce livre-là comme pour certains autres, la lecture est différente avec le recul de l'âge. Pour ma part, tu vois que j'ai attendu longtemps pour l'ouvrir, trop peut-être.

  • J'ai été très intéressée par cet article que je communique à mon fils, passionné depuis toujours je crois, par la guerre 40-45, l'aviation, et qui éprouve une passion toute particulière pour le Spitfire (qu'il a monté en maquette et dont il a plusieurs exemplaires - il voulait faire une escadrille o;) et aussi les Forteresses volantes. Je vais voir si l'on peut commander ce livre en librairie. J'adore la couverture de l'ancienne édition. L'aviation militaire, ce n'était pas trop mon truc, mais j'ai dû m'y intéresser parce que j'avais un fils qui s'y intéressait justement. On allait souvent au musée de l'air ensemble, et c'est là que je lui ai promis d'aller visiter les plages du débarquement, après la fin de sa sixième primaire si bien réussie. Et je lui ai offert les romans de Saint-Exupéry dans La Pléiade...

    Ce livre va sûrement l'intéresser.

  • Je comprends ce que ce livre représente pour toi ! A priori, je ne le lirai pas mais je viens de lire l'extrait que tu en donnes (avant de découvrir ce billet ) et je trouve que, malgré les termes techniques, on a l'impression de vivre le danger avec le pilote.

  • @ Pivoine : Alors ce livre est pour lui, c'est certain ; il a été réédité comme tu l'as sans doute vu en illustration de l'extrait qui suit.
    "Pilote de guerre" renvoie à Saint-Ex, forcément.

    @ Claudialucia : Le témoignage de Clostermann est très humain et peut se lire facilement sans rien connaître aux avions, il a réussi à partager et faire ressentir ce qu'il a vécu à la RAF pendant la guerre.

  • En effet, quel beau souvenir.
    Je ne suis pas attirée en général par les récits de guerre (par l'histoire, oui, et particulièrement celle de 1939-1945), mais je suis en ce moment en train de terminer "La guerre allemande" de Nicholas Stargardt, dont je parlerai bientôtI.Il décrit entre autres les bombardements subis par les villes allemandes et l'on ne peut que rester cloué d'effroi devant ces évocations.
    Deux livres qui se complètent en quelque sorte... Et c'est toujours bien d'avoir des échos des uns et des autres. Qui plus est, dans des styles totalement différents, les deux livres ont de superbes couvertures.

  • En effet, la guerre tue dans les deux camps. Merci pour ce titre, Annie, j'irai te lire.

  • En voilà un que j'ai lui il y a vraiment trop longtemps pour m'en souvenir et qui devrait donc figurer dans ma bibliothèque. Et celui que je veux est le tout vieux Flammarion de votre illustration !
    Sortant du cadre, je peux dire que Closterman a volé sur le Tempest (couverture), chasseur équipé du dernier et le plus puissant moteur à hélices jamais construit.
    Un ami a illustré la paire Closterman-Tempest par une maquette (+- 14cm long) : http://imodeler.com/2013/05/flt-pierre-clostermann-french-air-force/

  • L'édition de ma mère est reliée en cuir brun un peu usé, le papier est jauni - une machine à remonter le temps. Bravo à votre ami, sa maquette est très belle, merci pour le lien.

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