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Où sont les femmes ?

C’est l’excellent titre lu vendredi dernier dans un dossier réalisé pour La Libre Belgique par Jean-Claude Matgen et Stéphane Tessin, consacré à une étude de l’Association des journalistes professionnels (AJP) sur « les contenus des quotidiens belges en matière de diversité (sexe, âge, origine, professions, handicap) ». 

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Hélas, La Libre est classée journal le plus « masculin » si l’on ne tient pas compte des rubriques sportives, tandis que Nord Eclair remplace La Dernière Heure à la place du quotidien belge francophone le plus « macho ». En gros, l’analyse montre que « la presse écrite continue à attribuer un rôle mineur aux femmes et aux jeunes (…) et « zappe » complètement les handicapés. » Seul progrès, la présence plus forte des « non-blancs ».

51% des Belges sont des femmes, mais elles ne représentent que 17% des intervenants dans les médias écrits (contre presque 37% à la télévision). Même sur le thème de l’enseignement, secteur où elles sont majoritaires, leur présence recule (37% de représentation en 2015, contre 43% en 2011).

Un autre aspect de ce problème : les journalistes identifient mieux les hommes (nom, prénom, profession cités dans 84% des cas) que les femmes (désignées même par leur prénom seul dans 41% des cas). De plus, celles-ci apparaissent régulièrement « dans des rôles passifs ou des postures de victimes ».

Les experts et porte-parole cités dans la presse écrite sont à 86% masculins. Pourtant, « Il y a des expertes pour tous les sujets », proteste Martine Simonis, présentée comme « l’inoxydable » secrétaire générale de l’AJP. Cette trop faible présence des femmes en tant qu’expertes la choque. Selon elle, ce n’est pas forcément dû au machisme, mais à la routine journalistique : « Lorsqu’on connaît bien quelqu’un à qui on a souvent à faire, il est plus facile et efficace de le solliciter. » Aussi l’AJP va proposer bientôt à ses membres un « annuaire des expertes » ainsi qu’une autre base de données pour des experts « issus de la diversité ». Martine Simonis se dit déçue de l’évolution observée depuis l’enquête précédente en 2011, restée sans effets notables.

Je vous renvoie à La Libre pour les autres catégories étudiées dans cette enquête. Elle montre par ailleurs que les jeunes de 19 à 25 ans et de 26 à 30 ans sont surreprésentés par rapport à leur importance dans la population belge, et que là aussi, 70% des intervenants sont masculins.

L’étude est disponible in extenso sur le site de l’AJP, avec ce sous-titre à propos de la représentation selon le genre (p. 14) : « On trouve moins de 18% de femmes dans l’information. Les hommes y sont surreprésentés. L’identification est différenciée selon les sexes. On est très loin de la parité. »

J’ai observé au passage le tableau des thématiques reprises dans l’info au quotidien en 2013-2014 (p. 10) : le sport l’emporte (33%), suivi par la culture au sens très large – « Culture / art / divertissement / loisirs » (14,5% ) – et la politique (11%). Le mode de calcul est expliqué dans le document.

En page 34, le tableau des catégories socioprofessionnelles mises en avant dans les six journaux étudiés montre des variations intéressantes : plus de cadres et dirigeants dans Le Soir et La Libre Belgique, plus de sportifs dans Nord Eclair, la DH et Le Courrier de l’Escaut, plus de professions artistiques dans Metro.

Les commentaires qui suivent l’article en ligne dans La Libre.be sont plutôt consternants. Pour ma part, je l’ai lu avec intérêt et curiosité. La question de la visibilité des femmes dans les médias, dans la presse écrite en particulier, est trop peu souvent abordée, excepté la traditionnelle figuration qui leur est octroyée le 8 mars. L’observatoire de la parité dans la presse écrite française, édition 2014 de EDD (Européenne de Données), va dans le même sens.

Cela montre combien le combat pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes dans notre société est loin d’être achevé. C’est l’occasion de souligner le travail de l’asbl Amazone (Bruxelles), qui a constitué la première base de données en ligne belge de femmes expertes et d’expert-e-s en genre sous le nom de VEGA (Valorisation des Expertes et de l’Approche de Genre) : les coordonnées de plus de 500 femmes francophones et néerlandophones dans divers secteurs et domaines professionnels et de plus de 200 femmes et hommes experts en genre.

Commentaires

  • hé oui, hé oui, on n'avance pas beaucoup (j'ai même souvent l'impression qu'on recule)et quand j'entends mes grands élèves, je me dis qu'on n'est pas près d'arriver...
    pour ce qui est des commentaires sous les articles en ligne, de nos journaux et magazines, console-toi: ils sont toujours majoritairement consternants! (c'est à se demander quelle sorte de gens y passent leur temps)

  • Pfffff, oui, c'est la même constatation déprimante ici.

    Alors cette liste d'expertes me semble vraiment une excellente idée!

  • @ Adrienne : Oui, cette impression de recul, je l'ai aussi parfois. Cet article m'a rappelé les années '70, quand le mouvement féministe faisait beaucoup plus souvent l'actualité.

    @ Colo : N'est-ce pas ? Et heureusement certains blogs sortent du silence tant de femmes oubliées ou méconnues.

  • Ce n'est pas mieux ici, je me demande comment les medias ont pu nous marteler pendant des années que l'égalité c'était gagné ! Dans la réalité on voyait bien que ce n'était pas le cas.

  • Du point de vue des lois et des droits, d'importants progrès ont été faits en Occident, mais il reste tant d'inégalités en pratique, dans les mentalités, sans parler du fameux plafond de verre.

  • Article super intéressant
    Mais je ne sais pas si les médias reflètent ce qui se passe réellement dans nos sociétés.
    Je ne suis ni spécialiste ni journaliste ni sociologue mais je suis entouré de jeunes couples où les hommes et les femmes semblent beaucoup plus équilibrés et libres que nous l'étions nous-mêmes.

    Les pères entre autres sont beaucoup plus présents et participent largement aux tâches quotidiennes. J'ai même l'impression que les rôles sont inversés, que ce sont les femmes qui ont pris le pouvoir dans certains cas.
    Il y a bien évidemment toutes les autres exceptions : les femmes seules avec enfants, les hommes qui fuient leurs responsabilités.

    Dans nos sociétés tout est question de pouvoir et celui des médias classiques est largement mis à mal par Internet, le pouvoir tout puissant qu'ils avaient jusqu'alors leur échappe, ce qui les amène à être plus "agressifs", rôle habituellement réservé aux hommes grands spécialistes des guerres .
    De même les religions monothéistes, derniers bastions du pouvoir des hommes sur le monde, sont en plein essor . Les intégristes "de tous poils" veulent imposer au monde leurs visions d'une société toujours dominée par les hommes. Y-at-il des "papesses", des "ayatollesses" et même des "lamaesses" ?
    Et il faut dire que leurs derniers barouds d'honneur (quelquefois très sanglants) monopolisent l'attention des médias et des politiques, entraînant avec ces faux-débats tronqués des phénomènes hystériques et irrationnels, important partout dans le monde les guerres ethniques, culturelles et religieuses.
    Pas une émission TV sans son cortège d'hommes spécialiste ès-religions. Heureusement il y a des femmes aussi et ce sont elles que j'écoute car elles sont les premières victimes de tous ces "va-t-en guerre" .
    Je pense qu'il se passera encore beaucoup de temps avant que la tolérance, la fraternité, la sororité ne soient les valeurs premières de toutes nos sociétés dites "évoluées". Bravo pour le VEGA.
    Très bon week-end Tania

  • Bonjour, Gérard, merci de prolonger ainsi ce billet.
    Vous avez raison, ce que les médias diffusent n'est que reflets du monde réel. Comme on dit, les gens heureux n'ont pas d'histoire. Mais l'influence des médias - TV ou internet - reste redoutable, vous le montrez, et nous avons à lutter contre cette présence trop faible des femmes dans l'information.
    Bonne fin de semaine !

  • Les médias sont souvent aux mains des marchands d'armes ou en tout cas des puissants, notamment en France ( http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/qui-possede-les-medias-72443 ), je ne sais pas pour la Belgique. Pourquoi ces hommes imbus de pouvoir et de chasses guerrières laisseraient -ils la parole aux femmes, souvent les premières victimes de leurs jeux délétères. J'ose espérer cependant que ces dinosaures vont disparaitre dans les gouffres qu'ils sont eux-mêmes en train de creuser, même si hélas, beaucoup d'autres humains en pâtiront. Nous ne sommes pas innocents si nous passons tout cela sous silence. Alors merci Tania pour ce billet.
    PS ( j'ai tout Proust en retard! :-))

  • "Peu de cas de la diversité", c'est bien par là qu'il faut en passer. Lutter contre le sexisme, le racisme, le spécisme, toutes formes de dominations. Il y a plus de filles que de garçons qui ont compris ça et qui avancent sur ce long chemin.

  • @ Zoë Lucider : Merci pour le lien. En Belgique aussi, les médias se retrouvent dans de grands groupes, le CSA a pour mission de veiller au pluralisme. http://www.csa.be/pluralisme/contenus
    L'information indépendante en ligne a certainement un rôle à jouer, et pour la liberté d'expression et pour la parité.

    @ Liousha Tiki : Réagir, agir, oui, il le faut pour avancer. (Phil, je n'arrive ni à prouver chez Liousha que je ne suis pas un robot ni à laisser un message dans la chatière, désolée.)

  • Je crains fort que le "combat" entre hommes et femmes soit sans fin... il se "réduit" à une lutte des pouvoirs qui seront, in fine, toujours l'apanage des hommes, c'est dans les gènes du genre !
    Et quand le progrès se fait sentir, maladroitement mais clairement, je rejoins Gérard... les religions sont là pour reprendre du poil de la bête ;-).

  • Bonsoir, Witchy, merci d'avoir réagi. Pour ma part, je ne parlais pas de combat entre hommes et femmes, mais de combat des unes et des autres pour plus d'égalité entre eux.

  • Certaines de vos commentatrices sont de vraies Calamity Jane... (gènes du pouvoir , glissement un peu rapide de la politisation des médias au machisme, chasse guerrière,,...). J'espère que ce ne sont pas elles qui compenseront la parité inégale de la presse écrite, que j'appelle par ailleurs de tous mes vœux.
    Œuvrons-y ensemble, vous le dites dans votre dernière réponse.

  • Ca doit être l'effet de la colère et de la fatigue accumulées : à voir les choses évoluer si lentement, quand elles ne reculent pas, on perd patience. Bonne journée, Christw.

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