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adultère

  • Accessible

    « Il est maigre et blond. Trop grand. Trop pâle. Trop fragSpaak couverture.jpgile. Pas du tout mon genre. J’aime les regards sournois, les teints basanés, les sourcils épais, les esprits torturés, les muscles saillants, les êtres sans foi, ni parole.
    Chez lui, au premier abord, tout semble accessible. Pas d’ombre, pas de drame. Le genre d’homme à voyager avec une valise à roulettes. Un bagage réglementaire permettant d’emporter son petit monde avec soi en cabine sans crainte de le perdre. » 

    Isabelle Spaak, Pas du tout mon genre

  • Amoureuse et seule

    C’est un roman court, concis. Me souvenant d’un billet à propos de son dernier livre sur Marque-Pages, j’ai posé la main à la bibliothèque sur Pas du tout mon genre d’Isabelle Spaak, le deuxième roman de cette journaliste et romancière belge, publié en 2006 sous une couverture mélo. (J’aurais pu intituler ce billet La seconde, mais ce serait trop glisser du côté de Colette. Voir plus loin.)

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    Gustave de Smet, Femme dans une chambre

    Comme pour Ça ne se fait pas, son premier roman sur la mort de ses parents dans des circonstances peu communes, l’histoire familiale est une des sources de celui-ci. Il ne manque pas de personnages romanesques dans la famille Spaak. La narratrice commence par évoquer l’enfance, les vacances en famille – « A l’île de Ré, maman est joyeuse. Je ne me souviens pas d’elle aussi gaie. » Elle regarde des photos, cite en épigraphe des vers d’Apollinaire : « C’est la réalité des photos qui sont sur mon cœur que je veux » (Poèmes à Lou).

    Ensuite, celle qui rêve de sentiments permanents se présente : « Je suis la seconde fille, la seconde épouse, le second violon. Je joue en sourdine une partie plus basse que le premier. » C’est par un printemps « d’une douceur inhabituelle » que la rancœur ressentie en l’absence de son amant la fait penser à Dominique Aury, plus douée qu’elle pour supporter que Paulhan passe ses vacances avec une autre (Histoire d’O.) Elle qui a horreur des cachotteries est tombée amoureuse d’un homme marié. Pas du tout son genre, en plus.

    « J’ai vu ma mère mourir à petit feu, déchirée par la double vie de mon père. Que savait-elle de ces femmes silencieuses, suspendues aux cadrans des pendules ? » Les trois filles adoraient leur père, qui préférait la benjamine – « Nous étions folles de jalousie. » Il les filmait et les photographiait souvent, fabrique à souvenirs. Son amant aussi est un « obsessionnel de la photographie » et lui montre, sans délicatesse, ses photos de vacances.

    Pas du tout mon genre passe du père à l’amant, de l’amant au père, du père à la mère, à l’enfance, aux grands-parents, du passé au présent douloureux d’une femme amoureuse et seule. Le roman est composé de fragments courts, d’une demi-page à deux pages, pas plus. Beaucoup de silences. Une façon de « laisser en suspens, d’offrir au lecteur la possibilité de ressentir les conséquences des situations et des phrases qui les disent », écrit Michel Zumkir (Promotion des lettres).

    Isabelle Spaak y croise dans l’histoire littéraire d’autres discours amoureux, d’autres amoureuses de l’ombre. Toutes n’ont pas la patience d’une Juliette Drouet.

  • A six

    « – Tu veux dire qu’un couple reproduit le fonctionnement des parents 
    – Répète ou bien fait le contraire…
    Ce débat s’éterniserait entre Serge et Marianne, renaissant à chacune de leurs disputes, chacun reprochant à l’autre d’imiter qui son père qui sa mère, preuve s’il en faut que le mariage unit deux familles et deux styles, et qu’on le traverse non pas en tête à tête mais en lignée, non pas à deux mais à six. »
     

    Alice Ferney, Cherchez la femme 

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  • Implacable Ferney

    Sur la table de dissection d’Alice Ferney, le mariage. 550 pages pour régler des comptes, un compte surtout, celui de Serge Korol, incapable d’aimer, sinon l’image de lui-même. Le dernier roman de l’exploratrice des dits et des non-dits, du couple, paradis ou enfer, s’intitule Cherchez la femme (2013). 

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    Jakob Smits (1856-1928

    Premier mariage : celui de Vlad et Nina. Nina Javorsky chante et danse sous les yeux de Vladimir Korol qui joue dans un orchestre deux soirs par semaine. « Elle dansait. Il la regardait. Il ne la quittait pas des yeux. » Fille de mineur, l’intérêt du nouvel ingénieur de la mine, hypnotisé par ses seins, la flatte. A quinze ans et demi, Nina vit chez sa grand-mère, à l’écart de ses parents et de ses six frères et sœurs.

    Ferney raconte et déshabille aussitôt les moments de grâce : « Bien des années plus tard, Nina deviendrait une grosse femme immobile. La jeune Javorsky aurait disparu corps et âme, et Vladimir, dans son mariage vécu comme un sacerdoce, fermerait les yeux pour se rappeler la jeune fille qu’il avait choisie, murmurant à sa belle-fille : Nina était la plus gracieuse danseuse que j’aie jamais vue… Sans penser qu’il n’avait pas vu grand-chose. »

    La grand-mère Sacha organise le consentement familial au mariage et dicte les conditions : « Pas d’enfant avant le diplôme ! »« Travaille Nina. Etudie le plus longtemps possible et gagne ta vie. Ne dépends jamais d’un homme ! Ecoute ce que te dit ta grand-mère. » Ils se marient en décembre ; en janvier déjà, Nina est enceinte. Vlad rayonne. Nina se sent flouée. Ils se disputent.

    Serge ressemble à sa mère et Vladimir s’émerveille de tout chez ce fils parfait. Ce sera son leitmotiv : « tout est merveilleux, nous sommes heureux et formidables ! » Neuf mois après la naissance, Nina attend un second enfant, ce sera Jean. Mais l’ingénieur communiste perd sa place et pire, « le monde du charbon se ferma à Vladimir Korol ». Quand Serge a deux ans, la famille va s’installer dans le nord du Maroc et là, parmi les notables français, Nina joue parfaitement son rôle de « jeune épouse de l’ingénieur ». Avant les cocktails, elle boit un whisky pour se donner du courage. Elle est la reine des soirées : « jeune, belle, élégante, aimée, joyeuse, charmante ».

    Pour Vladimir, son fils aîné est un champion, un « as en mathématiques » : « Serge était exceptionnel et Jean un bébé tranquille ». Au Canada, ensuite, la vie est moins agréable. L’ingénieur est le plus heureux des hommes, mais sa femme s’ennuie. Sa famille lui manque et elle refuse toute occupation personnelle : lecture, cinéma, cours d’anglais… Ce n’est qu’à leur retour en France que Nina va exprimer le désir de « faire quelque chose », sans savoir quoi.

    Deuxième mariage : celui de Serge et Marianne. Le fils doué a grandi sous le regard ébloui de son père et dans l’adoration de sa mère. Leur amour est inconditionnel, mais les cris et les larmes de sa mère l’inquiètent. Brillant élève, il se voit supplanter en taille par son frère Jean : « le grand gentil et le petit malin ». Reçu au bac à seize ans, bon joueur de tennis, l’adolescent tombe amoureux de jeunes filles remarquables, toujours plus grandes que lui, et sa gloire ne connaît plus de frein une fois acquis le sésame suprême : Serge est « admis » à l’Ecole normale supérieure. Ses parents exultent.

    Jean Korol n’a guère de place dans le cercle familial : à dix-huit ans, il refuse de passer le bac, quitte le lycée, la maison, devient moniteur sportif. Nina lessive, grossit, boit. Serge développe ses talents de séducteur. Etre normalien le comble, il comprend vite, mais il n’aime pas approfondir – « il aimait les commencements ». « Marie, Agnès, Cécile, Caroline… Comme on le dit dans les milieux bourgeois, elles étaient toutes des filles bien. » Grandes, belles, intelligentes, sportives. Marianne Villette, rencontrée chez des amis, sera « la femme de sa vie »

    Alice Ferney décrypte cette rencontre amoureuse, ses développements. La romancière accentue le contraste entre les parents de Serge, accueillants envers Marianne, mais sans classe aux yeux des Villette, et sa future belle-famille où la redoutable Brune tyrannise son mari et ses filles. Marianne refuse le concubinage : ce sera le mariage ou rien. Serge se résout à l’épouser, « un mariage bourgeois » dans les règles, où le faire semblant est de mise.

    A nouveau, la promesse de bonheur tourne court : « Serge vivait à sa guise comme s’il était seul. » Marianne a besoin de nuits tranquilles, Serge ramène des amis à toutes les heures, sans souci de la réveiller. Il voudrait aller voir ses parents à Châteaudun chaque week-end, elle a trop à faire à Paris. Cherchez la femme est plein de scènes de ménage, de réconciliations boiteuses, d’avertissements et d’explosions. Nina noie ses déceptions dans l’alcool, Marianne fait face dans l’action, prête à tout pour éviter le divorce.

    Le couple, la maternité, la famille, les illusions perdues : la charge d’Alice Ferney est accablante, implacable. A chaque étape du récit, la romancière analyse, commente, détrompe la fiction amoureuse. On aimerait que la romancière montre sans démontrer, sans toujours juger ses personnages.  « Les quatre leçons d'amour d'Alice Ferney » titre Marianne Payot dans L'Express. L’amour, ce combat permanent ? 

    Entre les années 60 et les années 90, la donne a changé entre mari et femme, voilà aussi ce que montre ce récit. L’éditeur parle d’une « étude de caractères », on pourrait ajouter une « étude de mœurs ». Comme « Une vie » de Maupassant, auquel il m’a fait penser, un roman à faire lire… avant le mariage ? Une remarque sur le titre, un cliché qui détonne dans la bibliographie d’Alice Ferney. « Cherchez la mère », proposé par Marianne Payot, conviendrait, mais n’est-ce pas encore une accusation misogyne ? Pourquoi pas « Cherchez le père », tout compte fait ?