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Textes & prétextes - Page 46

  • L’horloger et le roi

    C’est avec Le roi et l’horloger (Sigurverkið, 2021, traduit de l’islandais par Eric Boury, 2023), un roman historique et psychologique, que je découvre Arnaldur Indridason, l’écrivain islandais, historien de formation, si populaire dans son pays et abondamment traduit, bien connu des amateurs de romans policiers.

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    « Le temps s’était arrêté. » Le roman s’ouvre sur un chef-d’œuvre d’horlogerie abandonné dans les réserves du palais royal de Christianborg à Copenhague, un butin de guerre que personne n’a réussi à restaurer. Un horloger « vieillissant » appelé au palais pour réparer une pendule obtient du régisseur de pouvoir examiner à son tour cette merveille : « Celle-ci marquait non seulement le passage du temps avec ses aiguilles, mais elle indiquait également les jours de la semaine et les mois. Qui plus est, les trois Rois mages en sortaient toutes les heures pour aller se prosterner devant la Vierge, ensuite résonnaient les notes d'un psaume désormais oublié datant de l’époque de son concepteur. »

    Isaac Habrecht, le Suisse qui avait construit avec son frère la seconde horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg, avait conçu et assemblé cette réplique en miniature en 1592. Environ deux siècles après, Jon Sivertsen, l’horloger islandais, est curieux d’observer l’horloge que son maître en apprentissage avait tenté en vain de restaurer (il lui a laissé croquis, dessins et notes en héritage). Sous l’étoffe qui la protège, il découvre « un désastre » : des personnages brisés, la Vierge disparue, un seul Roi mage, des éléments cassés ou endommagés… Comme une révélation, l’idée d’œuvrer pour la remettre en état se saisit de lui et l’emplit de joie. Le régisseur n’y voit pas d’inconvénient.

    C’est auprès de l’horloge d’Habrecht qu’un soir, le roi Christian VII en personne, « seul, sans perruque et sans fard », en robe de chambre et l’haleine « parfumée au vin de Madère », le surprend en flânant dans les réserves du palais et l’interroge sur sa présence, furieux de n’en avoir pas été informé. D’abord méfiant, devant l’humble attitude de l’horloger et son admiration sans bornes pour « la sublime horloge », il l’autorise à continuer.

    Jon, qui a pris le nom de Sivertsen au Danemark « bien qu’originaire du Breidafjördur, dans l’Ouest de l’Islande », a désormais ses entrées au palais et l’assistance du régisseur en cas de besoin. En démontant le précieux objet pièce par pièce, en consignant tout dans un registre, il découvre qu’il y manque des éléments capitaux ; le régisseur lui apprend que certains ont été vendus au « fil du temps ».

    L’horloger ne manque pas d’en informer le roi à sa visite suivante, curieux de la progression de son travail. Entretemps Christian VII s’est renseigné sur l’œuvre exceptionnelle d’Habrecht, butin de la guerre entre Suédois et Danois. Soulagé que Jon ne soit pas d’origine suédoise, il n’apprécie guère les Islandais, bien que leur pays fasse partie des territoires danois et que certains se soient comportés avec bravoure au service du Danemark.

    Quand le roi l’interroge sur le prénom de son père, Sigurdur, l’horloger le présente comme un homme « honnête et juste ». Il ne souhaite pas en dire plus, mais le roi l’exige. Jon lui répond alors que son prédécesseur, le roi Frédéric V, « a fait décapiter [son] père, un innocent, accusé de fornication et d’usurpation de paternité » et noyer sa gouvernante, « tout aussi innocente que lui ». Stupéfait par son « impertinence », le roi pique une énorme colère, menace de l’envoyer en prison et le gifle avant de le planter là.

    Le roi et l’horloger raconte, au fil de leurs conversations, une double histoire : celle de la restauration de l’horloge et celle de Sigurdur. Le roi veut absolument comprendre pourquoi son fils le dit innocent et promet de lui épargner la prison s’il arrive à l’en convaincre. Jon lui rapporte donc cette tragique histoire familiale, à partir du mariage de Sigurdur, un bon fermier qui savait lire et écrire, avec Helga, fille d’une famille opulente de fermiers et patrons de pêche.

    Helga était enceinte d’un des ouvriers de son père, dont la demande en mariage avait été refusée. Averti de sa situation, Sigurdur, qui la convoitait depuis longtemps, proposa de déclarer qu’il était le père de l’enfant à naître pour sauver son honneur. Helga n’aimait pas ce mensonge, une condition de leurs noces. Troublé par ce que lui raconte l’horloger, le roi, à chaque visite, insiste pour qu’il continue l’histoire de sa famille islandaise – ses raisons personnelles apparaîtront plus tard. Nous voilà captivés et par le sort de Sigurdur et par les sautes d’humeur de ce roi fantasque.

    De terribles lois régissaient l’ordre moral en Islande et on comprend mieux l’épigraphe tirée des Psaumes de la Passion de Hallgrímur Pétursson : « Ô, malheur à ceux qui de dogmes odieux profitent pour se servir et prospérer… » On découvre comment la « colonie froide et septentrionale » était considérée par la monarchie danoise au XVIIIe siècle. « Le roman est aussi une réflexion sur le pouvoir, sur le temps (l’horloge en est le symbole), sur la raison (Christian VII est-il vraiment fou ?), et sur le statut de la vérité » (Guy Duplat dans La Libre).

    A deux reprises, le roi pose à l’horloger cette question : « Qu’est donc le temps ? » Indridason a dit l’importance de cette thématique dans ses écrits : « J’aime beaucoup remonter le temps, et envoyer mes personnages sur les traces du passé. J’aime exhumer des événements oubliés. Le temps en tant que concept est quelque chose qui m’intéresse énormément – la manière dont le temps passe, mais aussi son influence, les conséquences de son passage sur nos vies. J’aime déceler les liens entre une époque et une autre. » (Entretien de 2008, Wikipedia)

  • Dans la forêt

    le clézio,avers,des nouvelles des indésirables,nouvelles,littérature française,prix nobel de littérature,injustice,errance,indifférence,culture,société« Dans la forêt, il n’y avait plus de chemin, plus de destination, on pouvait se perdre, marcher des jours sans voir le soleil, sans trouver d’eau, sous la voûte des feuilles, à travers les branches emmêlées, enserré par les géants cuipos, les cocobolos, les cèdres amers, les multipliants, par les lianes, les buissons, les pièges d’épines, dans l’angoisse du silence, dans le vide, les jambes serrées par les racines, les pieds enfoncés dans les gués de feuilles mortes, le visage frôlant les réceptacles des sépales chargés de tiques. Yoni n’avait jamais connu cela, un lieu sans hommes, sans intelligence, d’où avaient disparu les mots et les pensées, où il ne restait que les sensations, les odeurs, les touchers, les murmures. La forêt enserrait, enfouissait, noyait. »

    J. M. G. Le Clézio, Etrebbema* in Avers

    * Dans la langue emberá, l’inframonde (note de l’auteur)

  • Des indésirables

    J. M. G. Le Clézio présente Avers. Des nouvelles des indésirables (2023) en ces termes : « Pour moi, l’écriture est avant tout un moyen d’agir, une manière de diffuser des idées. Le sort que je réserve à mes personnages n’est guère enviable, parce que ce sont des indésirables, et mon objectif est de faire naître chez le lecteur un sentiment de révolte face à l’injustice de ce qui leur arrive. » (Quatrième de couverture)

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    Baie aux huîtres, Ile Rodriguez, Maurice (Océan Indien), photo Wikimedia Commons

    Avers, la première nouvelle éponyme, la plus longue, a pour héroïne Maureez Samson, la fille d’un pêcheur mauricien. Sur sa pirogue, la dernière lettre de Maureen avait coulé et formait une sorte de « z », il avait trouvé cela joli et l’appelait désormais Maureez. Quand son père ne revient pas à la baie Malgache, Maureez (dont la mère est morte à sa naissance) est livrée à la méchanceté de Lola, la compagne de son père bientôt remplacé par Zak, un buveur de bière. Il l’attire à lui, Maureez s’échappe. Errante, elle se met à grossir, à  inventer un langage chantant pour s’adresser à Bella, une amie imaginaire, une présence qu’elle ressent à ses côtés.

    Un vieux pêcheur qui a connu son père l’abrite, mais quand Lola et Zak retrouvent la trace de Maureez, il la met en sécurité à Baladirou, au refuge du Cœur saint de Marie sur la falaise. Les sœurs l’y accueillent bien, mais pas les autres filles. La chance de Maureez, c’est sa voix : elle fera merveille à la chorale, mais à nouveau, elle devra s’enfuir. « Il est question dans cette nouvelle-titre d’une pièce d’or, qui passe de main en main… Le nom de sa propriétaire ne figure pas sur l’avers, mais elle est le symbole de la recherche d’identité de Maureez, et le seul lien qui l’unit à son père disparu en mer. » (Le Clézio, dans un entretien)

    S’enfuir, se cacher, se débrouiller, c’est aussi le sort de deux enfants échappés d’un camp d’enfants esclaves en Amérique latine dans « Chemin lumineux » ou des gamins de « La Pichancha » (nouvelle publiée dans un recueil d’Amnesty International sous le titre « Rats des rues »). A Nogales, sur la frontière américano-mexicaine, ces gamins passent par les égouts pour aller chaparder de quoi subsister chez les gringos, de l’autre côté.

    « Fantômes dans la rue » se déroule à Paris, où l’on observe différents « êtres humains » comme Renault, un ancien employé des Ressources Humaines devenu clochard, comme Aminata, une Africaine qui vient en aide à un vieil homme qui n’a pas de quoi payer son pain, comme le fantôme du métro, une silhouette en longue robe claire qui passe tous les soirs entre le pont Saint-Michel et Babylone. Le Clézio a choisi un point de vue original pour raconter ces scènes drôles ou tristes, ce n’est qu’à la fin qu’il le dévoile et c’est très fort, cela donne à penser.

    Avers contient des nouvelles inédites et d’autres déjà publiées dans des revues. Toutes sont centrées sur des personnages en situation difficile : un ouvrier maghrébin sur chantier qui partage une chambre avec deux frères (« L’amour en France ») ; des enfants qui fuient la guerre au Liban (« Hanné ») ; Yoni, au Panama, qui se réfugie dans la forêt, y retrouve les siens avant d’en être chassé par les narcotrafiquants (« Etrebbema »).

    « La rivière Taniers » s’inspire d’un souvenir ancien, « si ancien qu’il pourrait simplement avoir été inventé. » (première phrase) Le Clezio y évoque Nice, sa ville natale, où il habitait enfant avec sa mère et ses grands-parents. Quand la sirène d’alarme retentissait, pendant la guerre, son grand-père refusait de descendre à la cave. Sa grand-mère, pour rassurer l’enfant, lui chantait une chanson créole :

    « Waï waï mo zenfant
    Faut travail pou gagne so pain
    Waï waï mo zenfant
    Faut travail pou gagne so pain »

    Cette chanson des esclaves mauriciens, c’est Yaya, « la vieille nénéne de mon grand-père », fille d’esclave, qui la lui chantait. « Elle, Yaya, qui la connaît vraiment ? Savait-on d’où elle venait, sur quel bateau arrachée aux derniers trafiquants, les Morice, Malard, Samson, Surcouf, et offerte aux planteurs de canne à sucre et de tabac, pour illustrer leurs maisons à colonnades et péristyles, leurs palais de bois peints en blanc au milieu de leurs jardins de bambous et de jamlongues, leurs bassins et leurs cascades. »

    La chanson, la musique, les sonorités des langues sont très présentes dans les textes de ce recueil. « Yaya avait sa vie, mais qui s’en est soucié ? » Cette question vaut au fond pour tous les personnages d’Avers, ces « indésirables » de la société à qui Le Clezio s’est attaché, dans ces récits, à rendre leur humanité, dénonçant l’injustice sous toutes ses formes et la terrible indifférence envers ces gens « qu’on voit mais qu’on évite » (Entretien sur France Culture).

  • Autres lectures

    Dans ma collection virtuelle, trois lots de la dernière vente chez De Vuyst sont venus s’ajouter dans le dossier « Lecture ». D’abord cette scène bourgeoise de Léon Abry dont le sujet me touche. Un homme assis sur une chaise ancienne fait la lecture à une femme au corsage rouge un peu brique, dans la gamme des tentures tenues par des embrasses derrière son fauteuil protégé par une têtière. Sur la table, un joli service en porcelaine bleue et blanche indique l’heure du thé. Ce qui me fait le plus rêver, c’est l’attention et le plaisir avec laquelle la femme écoute ce qu’on lui lit, et le visage souriant et concentré du lecteur.

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    Léon Abry (1857-1905), La lecture, huile sur toile, 100 x 84,5 cm
    © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Charles Boom, son contemporain, a peint lui aussi une scène de genre, Le journal, dans une tout autre ambiance. Ici, la théière est en argent, l’intérieur plus sombre est rendu en lignes droites et raides, du paravent orné de feuillages aux bords du cadre accroché au mur en passant par les plis du tapis de table. Raide aussi l’attitude de la dame en noir, les mains croisées : Madame semble perdue dans ses pensées, à moins qu’elle attende un écho de ce que Monsieur lit dans le journal, en silence, une pipe à long tuyau à la bouche ?

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    Charles Boom, Le journal, 1899, huile sur toile, 54,5 x 80 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Avec Femme lisant de François Gall, un peintre français d’origine hongroise, nous sommes au XXe siècle, à Paris (indiqué sous la signature). « Point de débauche de couleurs, aucune tonitruance, mais un doux concerto équilibré et harmonieux » (André Weber à propos de ce peintre, d’après Wikipedia). Une jeune femme se penche vers le livre ouvert sur la table, le décor est moins chargé, le tissu sur la table ovale est de couleur unie, avec juste une lampe posée dessus et un petit objet difficile à identifier.

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    François Gall (1912-1987), Femme lisant, huile sur toile, 45 x 38 cm
    © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Le sujet de cette peinture, c’est probablement moins la lecture que la lectrice, concentrée, souriante. Un canotier souligné d’un ruban bleu marine, un ruban noir au cou qui fait écho à ses yeux maquillés de noir, ses cheveux, sa veste noire entrouverte sur un corsage blanc, elle ne manque pas d’élégance.

  • Comme si on y allait

    Avant le temps des catalogues en ligne, c’était une belle activité de week-end : quand arrivaient les dates d’exposition, on se rendait à la salle des ventes (on trouvait encore une place pour garer la voiture), on achetait le catalogue pour se renseigner, pour y cocher les numéros des objets devant lesquels on s’était attardée. On oubliait tout le reste pendant cette heure à découvrir, regarder, rêver. « Foule de chefs-d’œuvre chez De Vuyst », dans le supplément Arts Libre, m’a donné envie d’ouvrir le catalogue de cette salle de ventes flamande où je n’ai jamais mis les pieds. Au programme, des sculptures, peintures, dessins des XIXe et XXe siècles, d’artistes belges et étrangers.

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    Jef Lambeaux (1852-1908), Le baiser, bronze, 57 x 59 x 24 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Je m’arrête devant Le baiser de Jef Lambeaux, un bronze tout en mouvement et joie amoureuse (on peut le faire tourner sur la photo du catalogue. J’y repense en m’arrêtant à Retour de l’herbe de Jules Dalou, une petite cire perdue très touchante. Quel contraste entre ces deux œuvres ! Jeunesse/vieillesse, couple/solitude, nudité/vêtements, plaisir/travail, légèreté/poids… L’une et l’autre me plaisent.

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    César de Cock, Enfants au bord de l'eau, 1873, huile sur toile, 48 x 70 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Avec Enfants au bord de l’eau, César De Cock nous invite dans une scène de verdure. Les arbres filtrent la lumière du ciel, se reflètent dans l’eau ; on ne voit pas tout de suite les deux enfants dans l’herbe, à droite. Une fillette habillée de noir et de gris, une autre en vêtements plus clairs. Toutes deux portent une coiffe – des tenues du XIXe siècle (la toile date de 1873).

    De grands noms sont bien représentés : douze œuvres pour Ensor, au moins autant de Rops. Parmi les contemporains, Panamarenko fait aussi bien , de même que Bram Bogart avec ses couleurs – matières qui annoncent ses « peintures de matière » très cotées, pas à mon goût, j’avoue. (Un index à la fin du catalogue en pdf, à télécharger sur le site, vous permet de repérer les artistes qui vous intéressent.)

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    Léon Spilliaert, Portrait de ma soeur Rachel, 1903-1904 © 2023 Kunstgalerij De Vuyst
    Dessin à la plume et au pinceau à l'encre de Chine sur papier, 30 x 19 cm 

    Vous ne serez pas surpris si je vous signale des Spilliaert de cette vente : Portrait d’un jeune homme – ce regard ! et cette ligne qui descend du front vers le cou ! Ce portrait émouvant est daté de 1901, l’année de ses vingt ans. Deux ou trois ans plus tard, c’est déjà l’artiste du mystère et le maître de l’encre qui s’exprime dans ce saisissant portrait à la plume et au pinceau de sa sœur, dont il a écrit le prénom en haut de la feuille : Rachel. On vendra aussi une belle Marine à l’aquarelle et des œuvres en couleurs. 

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    Rik Wouters, Le déjeuner, roses blanches, 1910-1911, huile sur toile, 66,5 x 75,5 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    Un des clous de la vente sera sans doute Le déjeuner, roses blanches, une magnifique toile de Rik Wouters. « Du thé, un morceau de pain, un beurrier et une bouteille de vin. Une serviette a été oubliée, apparemment par hasard. Il semble que l'artiste vient de se lever de son déjeuner, comme s'il avait eu une inspiration soudaine, puis avait reculé d’un pas pour capturer la scène sur toile. Tout respire la chaleur et la convivialité à cette table. À droite, il y a une fenêtre, bien qu’elle reste hors vue. Elle apporte à la pièce sa lumière naturelle, qui joue avec la vaisselle brillante et les plis de la nappe. » La suite de cette description, « Un bonheur simple », est à lire dans le catalogue.

    Parmi tant de belles choses (six cents lots sont proposés), c’est « le lot phare », écrit Philippe Farcy dans La Libre, séduit par la qualité de cette vente. Une nature morte fauve de Brusselmans, un petit paysage graphique de Marthe Donas, des arbres bleus par Slabbinck… Cette Femme à la digue de La Ciotat par Frans Smeers, je l’ai vue un jour à la Brafa, de même qu’une variante de cette étude de main par Tom Wesselman dont une reproduction est posée dans ma bibliothèque.

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    George Grard, Femme allongée, 1938-1939, terre cuite, 12,5 x 40 x 22,5 cm © 2023 Kunstgalerij De Vuyst

    De Georges Grard, un sculpteur belge, trois sculptures figurent au catalogue : j’aime particulièrement cette Femme allongée en terre cuite, que j’imaginais petite, mais elle est longue de quarante centimètres la voir en vrai me plairait beaucoup. Sa Femme au chignon ne manque pas de charme, mais la patine noire de ce bronze me plaît moins. Quant à Femme assise, une œuvre monumentale, elle me semble réalisée d’après le même modèle que la Niobé du musée Middelheim à Anvers.

    Je chercherai les résultats de cette vente du 21 octobre chez De Vuyst, au moins pour la trentaine de numéros que j’ai notés. Si j’y étais allée, rêvons un peu, j’aurais peut-être tenté d’acheter la paire de serre-livres en bronze de Jean-Michel Folon, tout simplement appelés Lire, ou Les amis, une œuvre attendrissante de sa dernière année. Et vous ?