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L'anniversaire

Condé Pocket.jpg« Vêtue d’une tunique bleu ciel, je paradai et posturai devant elle pendant trois bons quarts d’heure.
Brusquement, elle me fixa. Ses yeux étaient recouverts d’une pellicule brillante. Bientôt, celle-ci se déchira et des larmes dessinèrent des sillons le long de ses joues poudrées.
- C’est comme ça que tu me vois ? interrogea-t-elle sans colère.
Puis elle se leva, traversa le salon et monta à sa chambre. Je n’avais jamais vu pleurer ma mère. Même pas quand elle s’était cassé l’os des bras en glissant dans l’escalier. J’éprouvai d’abord un sentiment capiteux qui ressemblait à de l’orgueil. Moi, dix ans, la petite dernière, j’avais dompté la Bête qui menaçait d’avaler le soleil. J’avais arrêté les bœufs de Porto Rico en plein galop. Puis le désespoir me prit. Bon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Je n’avais pas retenu ma leçon. Mes démêlés avec Yvelise ne m’avaient pas suffi. Il ne faut pas dire la vérité. Jamais. A ceux qu’on aime. Il faut les peindre sous les plus brillantes couleurs. Leur donner à s’admirer. Leur faire croire qu’ils sont ce qu’ils ne sont pas. »

Maryse Condé, Le cœur à rire et à pleurer

Commentaires

  • Un regard sans concession, chez l'une et l'autre.

  • Dur, dur, mais un style plein d'images fortes, un genre d'écriture que j'aime.
    Bonne journée Tania.

  • C'est le ton de ce récit autobiographique. Bonne journée, Colo.

  • Une très belle scène, troublante qui donne envie d'en savoir plus sur ce livre que j'ai noté...merci pour ce bel extrait

  • La relation avec sa mère est centrale dans ce récit de son enfance. Bonne lecture un jour ou l'autre.

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