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rencontre - Page 4

  • Chats de rencontre

    Parmi mes photos de vacances, il y en a toujours quelques-uns. Inséparables d’une ruelle, d’un jardin, d’une cour, où ils sont à leur place, où nous sommes de passage. 

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    Comme l’écrit Annie Duperey dans Les chats de hasard, « Ce qui est merveilleux avec un chat, c’est qu’il n’y a rien à faire quand il vient à vous, qu’à le regarder. » Tout passe d’abord par le regard, la première accroche, l’intérêt l’un pour l’autre, le temps que vous lui accordez pour se faire à l’idée d’une rencontre. 

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    Il se tourne ou se détourne, parfois s’éloigne. Souvent il ne bouge pas d’un poil. Il est à la bonne place, celle où le soleil réchauffe juste comme il faut, celle d’où il peut observer tout son monde, celle où il attend Dieu seul sait quoi. Il y reste. Alors vient la voix : vous lui parlez, il écoute. S’il l'entend comme une caresse, il ferme les yeux, l’agrée. Beaucoup de chats se contentent, à leur manière silencieuse, de vous saluer ainsi, comme pour dire « Oui, je suis ici. Je suis un chat. »

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    Certains réagissent davantage. Ils s’ennuyaient, qu’avez-vous pour les distraire ? Les plus sociables viennent s’enrouler à vos chevilles, glisser leur dos sous vos doigts, miaulent on ne sait quoi qu’ils ont à vous dire. Et pour se faire bien comprendre, la petite tête dure se frotte encore plus fort à vous, et quand vous continuez votre route, le chat trottine à vos côtés, ravi de la compagnie, même éphémère. 

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    Les sans maître, les errants, qui survivent grâce aux amoureux des chats, sont plus sauvages. Mais un chat est un chat, c’est-à-dire curieux, et si vous restez dans ses parages, il entame des manœuvres d’approche, prudentes. Il vous a vu partir. Il attend votre retour devant chez vous, s’éloigne aussitôt qu’il vous aperçoit, mais pas trop loin. D’un appui de fenêtre, il vous espionne, comme au spectacle. Tout l’intéresse de vos allées et venues, tout ce qui bouge est bon à prendre.

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    Si alors vous vous souciez de lui, si vous lui racontez comme il est beau, comme il est brave, comme il est chat remarquable, si vous vous mettez à sa portée, la partie est presque gagnée. Le jeune chat est joueur : une baguette qui gratte le sol le fait bondir, il la suit, l’attrape, tourne et tourne autour de vous, en redemande. S’il s’effarouche aux premières approches de la main, il finit, ronronnant, par recevoir la caresse, par manifester son plaisir  il vous accepte. 

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    La confiance d’un chat est un cadeau. Les photographies, instants partagés, rendent aux chats de rencontre leur regard, leur douceur, leur présence.

  • Ogawa la sensitive

    En lisant Les paupières de Yoko Ogawa, on reconnaît l’univers de La Marche de Mina ou de La Formule préférée du professeur, entre autres romans de cette romancière japonaise. Fermer les yeux, s’endormir, ouvrir les yeux, observer – le corps et l’appréhension du monde et des autres par tous les sens, voilà le fil conducteur des huit nouvelles de ce recueil au titre tout à fait approprié.
    Des récits à la première personne.
     

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    Nu de Foujita


    C’est difficile de dormir en avion rapproche une jeune femme qui se rend à Vienne et un homme d’une trentaine d’années. En manque de sommeil, dérangée d’abord par son voisin, elle l’écoute ensuite avec intérêt : il ne travaille jamais à bord d’un avion où il sent comme dans un « labyrinthe temporel » « Il n’y a qu’à rester immobile, les yeux fermés, en attendant d’arriver à la sortie, sans se laisser distraire par les réalités terrestres, comme les dossiers ou les documents. » Lorsque elle lui confie ses difficultés à s’endormir, il lui explique comment « dans l’obscurité se déroule le récit qui (le) conduit au sommeil. » Pour lui, c’est l’étrange rencontre, un jour, avec une vieille dame viennoise dans l’avion qui la ramenait du Japon. Elle s’y était rendue sur la tombe d’un homme à qui elle écrivait depuis trente ans et dont elle avait une photo. En se rendant chez lui, elle avait compris que ses lettres étaient mensongères et même la photo (celle d’un acteur). La vieille dame, jamais mariée, tenait un commerce de tissus. Mais son allergie aux crevettes avait bouleversé la fin du voyage. Une fois cette histoire terminée, vient le moment pour les deux voyageurs de fermer les yeux.

     

    Une autre vieille femme, dans L’art de cultiver les légumes chinois, fait du porte à porte pour vendre ses légumes, par nécessité. La narratrice, celle qui lui ouvre sa porte, s’étonne du vernis rose sur les ongles de ses mains ridées et brûlées par le soleil, alors que le visage ne porte aucun maquillage. La vieille insiste tellement qu’elle lui achète quelque chose. En prime, elle reçoit des graines d’un légume chinois assez rare à faire pousser à l’intérieur et à l’ombre. Au bout d’une semaine apparaissent des pousses, puis les légumes grandissent à vue d’œil, quoique frêles comme des nouilles. L’acheteuse et son mari hésitent à en manger. Une nuit, ils se rendent compte que les légumes brillent, quasi phosphorescents, « comme si leur corps couleur crème déteignait tranquillement dans l’obscurité. » Comme la première nouvelle, celle-ci débouche sur une enquête et sur un mystère.

     

    Ogawa aime mettre en contact des générations différentes. La nouvelle éponyme, Les Paupières, montre une jeune fille de quinze ans si sensible à la vue d’un homme mûr qui saigne du nez à la suite d’une chute, en pleine ville, qu’elle sort son mouchoir pour lui essuyer la figure. Il n’est pas du tout ivre, comme l’ont vite supposé d’autres passants, et elle l’accompagne chez lui, dans sa toute petite maison sur l’île où on se rend avec le ferry. Ils sympathisent. Chaque fois qu’elle est censée se rendre au cours de natation, qu’elle n’aime pas, la jeune fille se rend avec son sac de bain chez N qui lui montre son hamster. Un jour, il l’invite au restaurant, lui raconte comment autrefois il est tombé amoureux d’une violoniste qu’il adorait regarder jouer : « La forme de
    ses paupières, alors, était belle. Elles dessinaient une courbe parfaite. Comme
    les tiennes. »
    « Je n’avais jamais fait attention à mes paupières. Je ne savais même pas qu’elles avaient une forme. Je clignai des yeux. » Avant de rentrer chez elle, elle prend une douche pour mouiller son maillot de bain et ses cheveux, devant lui. Jusqu’au jour où l’homme se fait arrêter.

     

    Le cours de cuisine - une grosse dame donne des leçons à une seule élève dans sa vieille maison tourne presque au fantastique avec l’arrivée d’ouvriers qui proposent le nettoyage des canalisations. Moins inquiétant, tout de même, que La collection d’odeurs, le récit suivant. Un homme est tombé amoureux d’une jeune fille qui a pour passe-temps « de rassembler toutes les odeurs du monde ». Partout, elle prélève des échantillons qu’elle enferme dans des pochettes en plastique, puis dans des bocaux, chez elle, qui s’accumulent, soigneusement étiquetés, sur des étagères. Il adore que cette collectionneuse particulière le coiffe ou qu’elle lui coupe les ongles.
    Un soir où elle tarde à rentrer, il regarde de plus près les flacons de verre posés sur l’étagère la plus élevée et y fait des découvertes surprenantes, pour ne pas dire davantage.

     

    Backstroke conte l’étrange destin d’un garçon doué pour la natation et de sa sœur obsédée par les piscines. Les ovaires de la poétesse, l’histoire d’un séjour dans une ville étrangère dans le but premier de reconquérir un sommeil perdu. Un jour, une voyageuse insomniaque est invitée à visiter un musée méconnu, la maison d’une poétesse, gardée intacte par sa petite-fille. Dans Les jumeaux de l’avenue des Tilleuls, un écrivain rend visite en Autriche à Heinz, son traducteur allemand, qui vit avec son frère jumeau au quatrième étage d’un immeuble. En s’intéressant à l’histoire de leur vie et en découvrant qu’à la suite d’un accident, Heinz n’en est plus sorti depuis des années, l’écrivain décide de le prendre sur son dos et de l’emmener en promenade.

     

    Comment se passent nos rencontres, avec des inconnus ou avec ceux que nous croyons connaître ; comment les gestes parlent ou troublent ; comment nous occupons notre temps ou laissons le temps s’occuper de nous ; comment le passé affleure le présent ; comment les failles du quotidien s’ouvrent à l’irraisonné – voilà quelques thèmes qui reviennent dans les nouvelles apparemment simples et très « kinesthésiques » de Yoko Ogawa, une sensitive qui écrit au plus près des perceptions humaines.