« Ce que je sais depuis l’enfance : de toutes les femmes au monde, Pouchkine préférait sa nourrice, laquelle n’était pas une femme. Du poème de Pouchkine – et pour toute la vie – j’ai appris qu’on pouvait, parce qu’elle est la plus proche, aimer une vieille femme plus qu’une femme jeune – parce qu’elle est jeune, parce qu’elle est l’aimée. Pour nulle autre, Pouchkine n’a trouvé de mots plus tendres.

Compagne de mes longues veilles
- O ma colombe aux cheveux blancs ! -,
Dans tes forêts, toujours pareilles,
De lustre en lustre tu m'attends.
A ta fenêtre, pleuve ou vente,
Tu guettes, guettes l'attardé,
Et tes aiguilles se font lentes
Et glissent de tes doigts ridés.
Par le portail d'antiques âges
Tu vois s'enfuir le grand chemin.
Tourments, pressentiments, présages
Oppressent ton fidèle sein...
Tu vois venir...
(A ma vieille bonne, 1827)
On trouve chez un seul autre génie parole aussi tendre pour une vieille femme – un autre maître de nos vies, disparu voici peu – Marcel Proust. Proust. Pouchkine. Deux monuments d’amour – filial. »
Marina Tsvetaïeva, Mon Pouchkine