Pause en poésie / 4
Henri Horace Roland Delaporte (1724-1793)
Je ne veux pas être philosophe
Mais vivre, mais couper du pain…
Tu peux entendre une parole
Dans la peau rugueuse des mains.
Mes semelles d’homme ont compris
Le chant électrique et sourd,
Le chant d’usure des pavés
Dans la riche longueur du jour.
Robert Vivier, Rien qu’aujourd’hui (Pour le sang et le murmure, 1954).
Commentaires
merci pour ces très belles pauses poésie, tania
la nature morte est magnifique et son pain odorant !
Lucien Jerphagnon :
- "Le philosophe n'a le choix qu'entre deux possibles : le désespoir et la crise de fou rire..."
Tania nous fait découvrir un grand poète belge, tombé injustement dans l’oubli … ce Liégeois de naissance, fut membre de « l’Académie Belge de Langue Française » de 1950 à 1989 (39 ans), succédant à Maurice Maeterlinck, pour y occuper le fauteuil n° 9 (Le site de l’académie donne sa biographie détaillée)…
Après avoir déjà écrit talentueusement à 19 ans, il fut l’année suivante, en 1914, volontaire de guerre, combattant en première ligne, sur le front de l’Yser dans le secteur de Dixmude, comme simple « plouc » et ce fut miracle s’il en sortit vivant … Il refusa toute promotion et il s’efforça de trouver dans cette tragédie ce que l’on pouvait encore ressortir d’humain et ce fut ce qui marqua sa vie et son oeuvre …
Décédé à 94 ans, on peut dire que c’est un témoin « éclairé » d’une originalité lucide de notre société du siècle dernier, qu’il a quasi couvert tout entier … Son œuvre est importante ( 18 recueils de poèmes, des romans, des contes, des articles, des traductions). Il s’est éteint à Paris après avoir enseigné à la Sorbonne la littérature belge d’expression française …
J’ai tenté de me procurer un de ces nombreux ouvrages … mes recherches furent vaines, (on m’a conseillé les bouquinistes) le seul ouvrage encore en librairie étant « Délivrez-nous du mal » retraçant la vie de Louis Antoine, un Liégeois fondateur des « Antoinistes » … J’ai habité Liège dans les années précédant la guerre de 40 et je me souviens très bien de ces curieux personnages, habillés de noir et bizarrement accoutrés que, gamin, je croisais avec frayeur … Il semblerait que Robert Vivier, l’anticlérical, fut attiré par un phénomène de société qu’il n’hésitait pas à mettre en parallèle avec les pratiques religieuses très marquées et spectaculaires à cette époque, surtout à Liège …
Il est regrettable que cet ami et compagnon de Marcel Thiry soit ainsi tombé injustement en désuétude … à tel point que seul les caisses crasseuses des bouquinistes en contiennent parfois quelques exemplaires, trouvés après de longues et fastidieuses recherches …
Merci, une fois de plus à Tania, d’avoir tenté d’atténuer cette négligence injuste de nos éditeurs …
N.B : Voir sur le site culture de l’Université de Liège un très beau poème … une performance littéraire en quatre quatrains de vers de quatre pieds …
La poésie dans le quotidien , c'est celle que je préfère !Merci Tania , également pour cette nature que l'on dit "morte" je me demande bien pourquoi car après tant d'années elle donne toujours autant l'eau à la bouche !
Juste une petite info en passant pour ceux ou celles qui cherchent des bouquins de Robert Vivier : en ce moment sur E-Bay il suffit de taper "Vivier" et on y trouve encore "le miracle enfermé" et surtout "Poésie 1924-1954" !Dépêchez-vous .
Il y a tant de philosophie et d'histoire(s) dans une seule tranche de ce pain si appétissant...
À gauche ce sont des tomates? D'énormes fraises? Quel beau tableau.
Merci Doulidelle et Gérard pour les infos.