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mrbab - Page 9

  • Création artistique

    « Pleine de mystère est la naissance d’une création artistique. Oui, si l’âme de l’artiste est vivante, il n’y a plus alors besoin de la soutenir, de l’aider par un travail cérébral et des théories. Elle trouvera ellemême ce qu’elle doit dire, bien que, au moment de l’acte créateur, ce « quoi » n’ait pas été du tout clair à l’artiste luimême. La voix intérieure de l’âme lui soufflera également de quelle forme il a besoin et où la chercher (la « nature » extérieure ou intérieure). Tout artiste qui travaille, comme on dit, en suivant son sentiment, sait combien, tout soudain et pour luimême de façon inattendue, lui répugne une forme inventée et comment « comme de soimême » vient à la place de cette dernière une autre forme contraire, une forme juste. »  Kandinsky

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    Kandinsky, Tache noire I, 1912 © Musée Russe, Saint-Pétersbourg

    Cité par Jean-Claude Marcadé, Kandinsky et le monde intellectuel et artistique de la Russie in Vassily Kandinsky et la Russie, Catalogue, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2013.

     

     

  • Kandinsky & Russia

    De passage à Bruxelles ? Ne manquez pas Kandinsky et la Russie, aux Musées Royaux des Beaux-Arts (jusqu’au 30 juin). A Pise, c’était « Wassily Kandinsky dalla Russia all’Europa ». Autrement dit, une exposition sur les rapports du peintre (1866-1944) avec son pays natal durant l’évolution qui le mène d’un symbolisme inspiré par l’art populaire russe au fauvisme et enfin à l’abstraction (en simplifiant).

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    Soixante œuvres de Kandinsky, de 1901 à 1920, y sont accompagnées de toiles d’artistes de son temps (des prêts de musées russes principalement) et d’une cinquantaine d’objets typiques de la vieille Russie (icônes, mobilier, vêtements…) C’est après des études de droit et d’économie que Kandinsky, qui a acheté ses premières couleurs vers 1880, imagine pour la première fois devant des Meules de Monet une peinture sans objet, où la couleur rendrait le motif superflu. A trente ans, il décide de se rendre à Munich pour étudier la peinture.

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    Roerich, La bataille des cieux, 1912

    Pour commencer, des œuvres de symbolistes russes, près d’un mur d’icônes et de croix. La bataille des cieux de Nikolaj Roerich montre un formidable affrontement de nuages. De Kandinsky, les Poésies sans paroles (1903) sont un ensemble de seize xylographies inspirées du Jugendstil. Travail en noir et blanc « pour n’étudier que la forme » : Eternité, Lac de montagne,  Vieux village… Les cavaliers (côte à côte, sur deux chevaux à la course élégante), inspirés par la mythologie, annoncent une figure leitmotiv du peintre : « Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité, mais c’est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l’artiste à de hauts sommets avec vigueur et rapidité. Mais c’est l’artiste qui maîtrise son talent. » (Kandinsky, Regards sur le passé)

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    Quelques illustrations via Google

    La vieille Russie l’inspire même en Allemagne : des promeneurs au bord d’un fleuve près d’une ville, un cavalier, des enfants, animent Scène russe, dimanche. A proximité, une porte et une cloison en bois peint (authentiques) reconstituent, avec le « coin rouge » (« bel angle » traditionnel consacré à l’icône), l’univers des « maisons de bois magiques »  qui l’ont fasciné lors d’un voyage d’études dans la province de Vologda : ces intérieurs d’isba peints donnaient à Kandinsky l’impression de se mouvoir au sein même d’un tableau.

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    Alkonost

    Des métiers à filer en bois gravé et peints de motifs floraux illustrent les décors colorés chers aux Russes, amateurs aussi de contes populaires, comme celui du tsar Saltan illustré par Bilibine : Fête pour le prince Guidon et aussi « Et, étonné, il voit devant lui une grande ville… », une belle aquarelle où un homme et une femme contemplent à distance, d’une colline verdoyante, une ville entourée de remparts. A remarquer, sur une cloison, trois gravures en couleurs : de fascinantes femmes-oiseaux à la queue ornée de plumes de paon, le visage sacralisé par une auréole ou une couronne, représentent des créatures mythologiques, « Alkonost » et « Sirin ».  

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    Nikolaï Kulbin, Vue sur mer, 1916-1917 © Musée russe, Saint-Pétersbourg

    A Munich, d’autres peintres travaillent en sa compagnie : une Vue sur mer aux couleurs chaudes de Nikolaï Kulbin fusionne terre, mer et ciel. Styx de Marianne von Werefkin montre un couple débarquant des marchandises d’une barque, avec un moulin à vent sur l’autre rive. Des natures mortes de Jawlensky, de Gabriele Münter, appartiennent déjà au fauvisme, voire à l’expressionnisme.

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    Marianne von Werefkin, Styx, 1910-1911 (Collection privée)

    Et puis, voilà les couleurs éclatantes de Kandinsky : Eglise à Murnau, une petite église jaune au bulbe bleu, en haut d’une colline arborée, un chemin bleu qui serpente. Juste à côté, deux Paysages d’été à Murnau révèlent l’art du coloriste : beaucoup de jaune, du bleu, du vert, du rouge… Après quelques voyages en Europe (France, Italie, Suisse), en 1909, il s’est installé en Bavière avec Gabriele Münter. D’autres explorateurs des couleurs fortes : Larionov (un solaire Arbre jaune dans une cour), Natalia Gontcharova avec deux belles toiles, Le blanchiment du lin et La moisson, des paysannes aux champs.

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    Kandinsky, Murnau (Paysage d'été), 1909 © Musée Russe, Saint-Pétersbourg

    Peu à peu, les formes s’estompent, s’éloignent de la figuration, on passe aux Improvisations. Michel Draguet présente Tableau avec un cercle (1911) comme la première huile abstraite ou, comme disait Kandinsky, « non objective ». (La première aquarelle abstraite, Sans titre, date de 1910) Cette peinture atypique, le peintre ne l’aurait d’abord pas aimée et il écrit Du spirituel dans l’art pour comprendre comment l’harmonie peut exister dans la dissonance de formes en mouvement qui correspondent à la mobilité de l’esprit.

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    Kandinsky, Improvisation 4, 1909 © Musée d’art national de Nizhny Novgorod

    Dégagé de toute représentation, le peintre est mû par une « nécessité intérieure » : «L’artiste est la main qui, à l’aide de telle ou telle touche, tire de l’âme humaine la vibration juste. Il est donc évident que l'harmonie des formes doit reposer sur le principe du contact efficace de l’âme humaine. » Il peint des masses colorées, des lignes, des taches, avec des motifs récurrents comme les trois lignes noires évoquant les troïkas.

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    Kandinsky, Improvisation 11 (détail), 1910 © Musée russe, Saint-Pétersbourg

    L’évolution de Kandinsky vers l’abstraction apparaît clairement dans son Saint Georges II, judicieusement accroché près d’une splendide icône du XVe siècle : sur celle-ci, du haut de son cheval blanc, le saint brandit sa lance contre le dragon-serpent ; de l’angle supérieur droit surgit la main de Dieu. Sur la toile de Kandinsky, l’oblique de la lance apparaît clairement, dans une belle composition quasi abstraite aux couleurs chatoyantes. « L’icône tend à la quiétude (…), alors que toute l’œuvre de Kandinsky est dans la mobilité, le brassage des formes et des couleurs…» (Jean-Claude Marcadé)

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    Kandinsky, Saint Georges II, 1911 © Musée Russe, Saint-Pétersbourg

    Sur les murs, partout, des citations d'un peintre qui a beaucoup écrit. La première guerre mondiale surprend Kandinsky en Suisse. Il rentre à Moscou, ses couleurs s’assombrissent (Crépusculaire, 1917). Séparé de Gabriele Münter, il épouse Nina Andreevskaïa. Il revient un moment à la peinture sur verre, technique bavaroise, pour des illustrations de style naïf comme cette Amazone sur un cheval rose (des « Bagatelles », dit-il par plaisanterie).

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    Kandinsky, Amazone aux lions bleu clair, 1918 © Musée Russe, Saint-Pétersbourg

    Plus loin, on découvre quatre petites huiles intimistes de Kandinsky : Rivière en automneRivière en étéL’église rouge et Automne, un bref retour aux paysages – pour en fixer le souvenir ? – où les formes sont à présent cernées de noir.Engagé aux Arts visuels du Commissariat du Peuple, il retournera en Allemagne quatre ans plus tard pour enseigner au Bauhaus, et en 1933, déménagera à Neuilly-sur-Seine où il est mort. 

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    Kandinsky, L'Eglise rouge, 1917 © Musée russe, Saint Pétersbourg

    Une balalaïka et d’autres instruments accueillent les visiteurs à l’entrée (de ce qui fut le musée d’art moderne). Le lien entre Kandinsky, la peinture et la musique revient à plusieurs reprises dans l’exposition, en particulier avec son ami Schönberg, le compositeur, qui peignait aussi : des regards, un Autoportrait, un Nocturne plein de mélancolie.

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    Kandinsky et Schönberg (+ une lettre sur http://www.aprem.fr/le_carnet_de_musique/files/category-kandinsky.html )

    A la sortie, un ensemble occasionnel, « Kandinsky et la Belgique » : des œuvres d’Alechinsky, Vandercam, Van Lint (l’occasion de revoir Sauvagerie automnale)… J’y ai découvert Anna Staritsky (1908-1981), avec un Bois qui pourrait bien figurer un chat, si je ne m’abuse, et d’intéressantes gravures poétiques. Bref, Kandinsky & la Russie donne à voir. Et à entendre : l’audioguide est inclus dans le prix variable selon les jours du billet d’entrée, les Amis des Musées ont l’accès gratuit. Le parcours éclaté m’a d’abord surprise, mais propose une exploration stimulante des sources, des racines, des amitiés et des rivalités (Malevitch) – le cheminement d’un artiste autour du rythme et de la couleur.

  • Arrière-pensée

    L’exposition d’une collection privée belge au musée d’Ixelles ne se visite pas sans arrière-pensée : Bruxelles a perdu son Musée d’art moderne, fermé depuis février 2011. De nouveaux espaces avaient été aménagés pour les collections du XXe siècle des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique autour du grand puits de lumière de Roger Bastin en 1984. Pour moi, ce fut un pas décisif qui m’a ouvert les yeux sur l’art moderne. 

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    http://museesansmusee.wordpress.com/musee-sans-musee/

    Des travaux en cours dans ce bâtiment devrait émerger en mai prochain un Musée « Fin de siècle », dans l’esprit du Musée Magritte (ouvert à côté en juin 2009). La fin du XIXe siècle et son foisonnement artistique constituent une période richement représentée dans les collections des MRBAB. On se souvient de la belle exposition « Paris-Bruxelles / Bruxelles-Paris » en 1997 au Grand Palais à Paris puis au Musée des Beaux-Arts de Gand, qui avait montré les enjeux passionnants de cette époque de l’art. 

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    ©  Marie-Françoise Plissart pour MuséesansMusée

    Mais où verrons-nous, quand reverrons-nous les arts plastiques de 1914 à 2012 ? Combien de temps tout un siècle de création va-t-il demeurer dans l’ombre ? Aucun lieu n’a même encore été fixé. Le blog bilingue « Musée sans Musée / Museum zonder museum » suit l’actualité de ce scandale avec vigilance et inquiétude. Les Amis des Musées, les visiteurs bruxellois, belges et étrangers ne cessent de le réclamer : nous voulons revoir les collections publiques du XXe siècle, nous voulons un musée d’art moderne à Bruxelles.

     

  • Au musée Magritte

    Voilà presque un an, le très attendu Musée Magritte Museum ouvrait ses portes au public place Royale, dans l’hôtel Altenloh, un des bâtiments des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, qui possèdent la plus grande collection au monde d’œuvres de Magritte. Il est devenu un « incontournable » pour les visiteurs de la capitale belge. On y accède par la belle entrée de l’hôtel Gresham, un peu plus loin, qui mène au grand hall des MRBAB, et de là vers le Musée d’art moderne, où se trouve le comptoir d’accueil du Musée Magritte. Un ascenseur hisse les visiteurs en haut du musée consacré au grand surréaliste belge, présenté en trois périodes : « La conquête du surréalisme », « L’échappée belle », « Le mystère à l’ouvrage ». Trois étages qui se visitent de haut en bas. (A ne pas confondre avec la maison-musée de René Magritte à Jette.)

     

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    La couverture du Guide du musée Magritte museum (Hazan, 2009)

     

    Murs sombres, lumière tamisée, chuintement des audioguides, visites guidées, il y a du monde dès le matin au musée Magritte, et l’on y entend des langues étrangères. A l’entrée de chaque niveau figurent des repères biographiques, clairs et bien illustrés. L’œil est attiré par les citations gravées sur les murs, dans toutes les salles : « par respect des textes littéraires de Magritte », uniquement en français, mais traduites en néerlandais sur des étiquettes (Bruxelles est une ville bilingue) – on peut aussi les
    lire en anglais, en allemand et en espagnol, dans une brochure gratuite (publiée grâce au soutien des Amis des Musées).

     

     « Ce que je ferai dans tous les domaines est imprévisible tout autant que l’apparition d’une réelle image poétique ». René Magritte (1898–1967) entre en surréalisme après avoir rencontré E.L.T. Mesens, qui lui fait découvrir le dadaïsme, et puis le poète Paul Nougé. Avec Camille Goemans et le musicien André Souris, ils posent les bases du surréalisme belge. En plus des affiches publicitaires signées Magritte, dont ce fut le premier travail, les premières salles proposent de très nombreux textes de l’artiste et de ses comparses. Par exemple, après avoir énuméré les choses qu’il déteste et qu’il aime, Magritte ajoute : « Je souhaite l’amour vivant, l’impossible et le chimérique. Je redoute de connaître exactement mes limites. » S’agit-il ici de peinture ou d’autre chose ? Chirico, remarque l’artiste, est « le premier qui ait pensé à faire parler la peinture d’autre chose que de peinture. » L’aspect esthétique est accessoire pour Magritte, ce qui compte, c’est l’idée.

     

    Les premières toiles exposées, du début des années 1920, sont de styles divers : des Baigneuses plutôt géométriques, L’Ecuyère – une amazone noire sur un cheval blanc, un paysage stylisé, dans l’esprit du constructivisme –, un Portrait de Pierre Bourgeois plutôt fauve. La Voleuse porte une combinaison noire à la Fantômas comme L’homme du large, on entre dans la manière propre à Magritte de combiner des éléments inattendus. Ainsi, dans le Portrait de Paul Nougé, le poète en smoking se dédouble, la main sur la poignée d’une porte découpée ; dans Découverte, la chair d’un nu féminin prend par endroits l’apparence du bois, avec ses veines et ses nœuds.

     

    Non seulement toutes les périodes de l’artiste sont représentées au musée Magritte, mais les peintures sont entourées de dessins, gouaches, affiches, lettres, photographies… En vitrine ou en diaporama sur des écrans, toutes sortes de documents : des partitions musicales illustrées par Magritte, des pages de la revue 7 Arts ou de MaRiE (« journal bimensuel pour la belle jeunesse »), des tracts de la Correspondance Nougé-Goemans-Lecomte. De nombreuses photos où l’on voit Magritte, sa femme Georgette, leurs amis. Pour terminer le parcours des années ’20
    et ‘30, voici Les mots et les images, une série de dessins d’objets aux légendes décalées, sorte d’introduction aux principes de sa peinture où les objets se passent de nom, où les noms tiennent lieu d’images – Magritte interroge le lien arbitraire entre les mots et les choses représentées, c’est son célèbre « Ceci n’est pas une pipe ».

     

    En bas des marches, au deuxième étage, une grande sculpture en bronze,
    Les travaux d’Alexandre : « Qu’a-t-elle de spécial, cette souche ? » demande une mère à ses deux enfants. La hache est dessous et non dessus, au lieu de l’entaille en creux, des échardes se dressent comme une crête à la surface. Le surréaliste est joueur.  Un portrait de Georgette Magritte montre son visage dans un cadre ovale doré, classique, accroché au ciel ; Magritte l’entoure d’objets flottant dans l’air : une tourterelle, du laurier, une bougie allumée, un gant, un bout de papier sur lequel est écrit le mot « vague », une clef. Ce ne sont pas des symboles, assure le peintre –
    « Je peins l’au-delà, mort ou vivant, l’au-delà de mes idées par des images. »

     

    Plusieurs variantes des Compagnons de la peur, un groupe de hiboux-plantes devant des sommets montagneux contrastent avec l’oiseau aux ailes déployées du Retour, au-dessus d’un nid. Magritte aime métamorphoser. Une salle dédiée aux femmes
    présente Le Galet, à la Matisse, et la fameuse Magie noire : en appui contre un muret, une femme nue bleue de la tête jusqu’à la taille (à hauteur de la ligne d’horizon entre mer et ciel à l’arrière-plan) retrouve plus bas les couleurs de la chair.
    Si Georgette, la femme de Magritte, est son modèle favori, plusieurs études sont inspirées par la blonde Anne-Marie Crowet (la baronne Gillion Crowet, mécène du musée), qu’on retrouve dans Le Combat et dans La fée ignorante.

     

    Au premier étage, La Joconde, une grande sculpture, variante des peintures du même nom, pour un collectionneur privé : pas de Mona Lisa en vue, mais trois rideaux et un grelot, une mise en scène. Sur chaque palier sont diffusés en permanence, sous d’énormes abat-jours, des films tournés par Magritte, avec cette improbable alliance de convention (messieurs en costume, dames en robe, chapeaux) et de facéties auxquelles se livrent Magritte et sa bande. C’est au niveau +1 que sont exposés, dans les dernières salles, les chefs-d’œuvre de la collection des Musées royaux et aussi des œuvres prêtées moins connues. J’y ai découvert Le bain de cristal,  une girafe dans un verre ; Shéhérazade, regard et parole (des yeux et une bouche dans un montage
    de perles). La Flore printanière de Botticelli, au dos d’un homme au chapeau melon, compose Le bouquet tout fait. La Voix du sang, un splendide paysage nocturne, ouvre le tronc d’un arbre sur une maison aux vitres éclairées, surmontée d’un grelot.

     

     

    Maison de Magritte (1).JPG

    Rue des Mimosas à Schaerbeek, la dernière maison habitée par Magritte

     

    L’oiseau de ciel (qui a servi d’emblème à la Sabena) précède le clou de la collection : L’Empire des Lumières, fascinant paysage nocturne et diurne, visible pour le moment en deux versions. Notre regard va de celle que nous connaissons le mieux à Bruxelles, au format vertical, avec le réverbère et la maison qui se reflètent dans l’eau, à celle de la Baronne Gillion-Crowet, horizontale, où quatre fenêtres sont éclairées au premier étage. C’est la première version qui figurait sur la bâche originale en trompe-l’œil devant la façade du musée Magritte pendant les travaux préparatoires, et dont l’idée est reprise en couverture du Guide officiel du musée. Tout près de la sortie, la façade art nouveau d’Old England attire le regard vers le MIM, le Musée des instruments de musique. Un peu plus bas, L’oreille de Calder indique la direction du Mont des Arts. Des escaliers intérieurs du Musée Magritte, on a par les hautes fenêtres de belles vues plongeantes sur ce quartier qui retrouve de sa superbe au fil des ans.