Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

bruxelles - Page 51

  • Meunier peintre et sculpteur

    La rétrospective Constantin Meunier (1831-1905) au Musée des Beaux-arts de Bruxelles (Musée fin-de-siècle) offre une très belle occasion de découvrir dans son ensemble l’œuvre d’un artiste belge qui a fait entrer le travailleur, l’ouvrier dans les arts plastiques, comme Zola en littérature. Rodin considérait Meunier comme « l’un des plus grands artistes » de son siècle, Van Gogh l’admirait. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Le faucheur,1892 © MRBAB, Bruxelles.

    Si c’est à ses sculptures qu’on pense d’abord, l’exposition permet d’approcher plus globalement son oeuvre, où la peinture occupe une large part, plus diversifiée qu’on ne le croit. « Empoigné » par une toile de Courbet, Les casseurs de pierres, Meunier trouve dans la peinture réaliste une voie pour rompre avec l’académisme. Allégorie de la mort de Lincoln (1865), prêt d’une université américaine, montre d’emblée son choix de sujets historiques et sociaux, son attention aux humbles : des noirs affranchis et des gens modestes viennent rendre hommage au président défunt à l’avant-plan, la bonne société en habits de deuil se tient derrière le catafalque. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Lamentation, vers 1870, Collection privée © Galerie Patrick Derom, Bruxelles.

    Influencé par Charles De Groux, Constantin Meunier commence par peindre des scènes religieuses, avec réalisme. Dans Lamentation (collection privée, vers 1870), une femme vêtue de sombre se penche sur le cadavre du Christ à terre, émacié, lumineux. Le clair-obscur, le cadrage, le ciel tourmenté, le rapprochement inévitable avec un chef-d’œuvre de Meunier qu’on verra plus loin – Le grisou – rendent cette petite toile poignante. Il peint sans relâche la solitude, la douleur, la souffrance, comme dans les deux versions sans concession de la mort de Saint Etienne, martyr.

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Jeune femme dans un intérieur - Portrait de Jeanne Meunier,vers 1885, Musée d’Ixelles.

    A côté de ces toiles très sombres, des tableaux historiques, des sujets plus gais, comme Jeune fille tricotant – installée dans l’herbe, les jambes allongées – ou La vieille commode et l’enfant : une fillette blonde, sa robe claire déployée au sol autour d’elle, observe une aquarelle sortie d’un tiroir – une jolie scène intime, comme celle des enfants voleurs de pommes. Pour vivre, Meunier a aussi peint d’élégantes bourgeoises, à la manière d’Alfred Stevens. Jeune femme dans un intérieur est un beau portrait de sa fille Jeanne. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier - Alfred Verwée, Moines laboureurs (détail), 1863, Collection de la Communauté flamande.

    C’est auprès des moines trappistes (il séjourne à plusieurs reprises à l’abbaye de Westmalle) que le peintre a côtoyé en premier la réalité du travail manuel : Moines laboureurs, une grande toile qu’il signe avec Alfred Verwée, peintre animalier, m’a rappelé certaines peintures russes par l’ampleur du paysage. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Le faucheur, Parc du Cinquantenaire, Bruxelles.

    Meunier recommence à sculpter en 1884, à près de cinquante ans ; c’était sa première formation à l’académie de Bruxelles. Les sculptures exposées restituent les gestes des paysans : Le semeur, Le faucheur, Le moissonneur… Meunier a l’impression que la sculpture magnifie davantage l’homme au travail que la peinture. Ce sont des hommes et des femmes réels qu’il représente, et non plus des figures mythologiques ou allégoriques. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Manufacture de tabac à Séville, 1883 © MRBAB, Bruxelles. 

    Pour un parcours à la fois chronologique et thématique, on a rapproché les œuvres par genre ou par univers, comme dans cette salle « espagnole » consacrée au séjour de Meunier à Séville en 1882-1883. Ici une scène de cabaret, une tête de Sévillan, là des ouvrières au travail dans une manufacture de tabac, une grande toile qui nous plonge dans leur réalité quotidienne. Le peintre avait été envoyé à Séville pour y copier une Descente de croix du XVIe siècle. Cette mission alimentaire ne l’emballait pas, mais elle a permis à son art d’évoluer, entre autres vers la clarté et la couleur. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture

    En Belgique, Meunier témoigne des grandes industries de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Il observe sur place les ouvriers de l’acier au Pays Noir, les dockers d’Ostende, les mineurs et les hercheuses, les verriers du Val-Saint-Lambert… (Aurait-il apprécié les couleurs électriques de l’affiche sur son Mineur à la hache ? J’en doute.) Peintre ou sculpteur, l’artiste reste fidèle au réalisme : ses personnages ne posent pas, ils sont en plein effort ou au repos, comme ce magnifique bronze d’un Puddleur épuisé, placé près d’une toile monumentale, La coulée de l’acier à Seraing.  

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Le puddleur, 1884 / 1887-1888 © MRBAB, Bruxelles.

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, La coulée à Seraing, 1880. Musée des Beaux-Arts de la ville de Liège © Ville de Liège – BAL

    Le billet d’entrée comporte d’office l’accès à un audioguide peu encombrant et pratique, il suffit de le rapprocher d’un logo pour déclencher le commentaire. Le parcours, dont les étapes sont évoquées sur le site de l’exposition, comprend aussi des études, de beaux dessins (crayon, fusain, aquarelle, pastel, gouache – les indications techniques manquent sur les étiquettes). On peut le compléter par la visite du musée Meunier à Ixelles (sa maison-atelier). 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Hercheuse, s.d. © MRBAB, Bruxelles. Aquarelle sur papier.

    L’exposition se termine en apothéose avec des chefs-d’œuvre comme Le grisou, inspiré par la catastrophe de 1887 dans la mine de La Boule (Quaregnon) ; cet ensemble bouleversant, posé à même le sol dans l’ancien musée, perd un peu de son impact sur un socle. Le Vieux cheval de mine est très émouvant aussi. « Beauté tragique », la dernière salle, montre entre autres Femme du peuple, L’enfant prodigue, Maternité, et présente le projet du Monument au Travail. 

    meunier,constantin,exposition,bruxelles,mrbab,peinture,sculpture,réalisme,travail,religion,culture
    Constantin Meunier, Le Grisou. Femme retrouvant son fils parmi les morts, 1889 © MRBAB, Bruxelles. 

    Emile Verhaeren, dans la revue L’art moderne qui a soutenu Meunier, le décrit comme « le sculpteur et le peintre de la souffrance démocratique, plus encore qu’humaine, et certes plus que le peintre de la souffrance idéale. » Ne manquez pas cette rétrospective qui nous parle d’un monde pas si lointain, dont nous sommes les héritiers. On en sort rechargé d’un sentiment fort : la compassion.

     

    ***

     

    Un autre regard sur l’exposition (10/11/2014) : http://sheherazade2000.canalblog.com/archives/2014/11/10/30931059.html

     

  • Un rapport singulier

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture« Objet de culture par excellence, le livre induit dans notre pensée et notre comportement un rapport singulier au temps, au corps, à la vérité et au monde qu’il contient et révèle. Il s’oppose ainsi à l’ordinateur qui diffuse sans commencement ni fin des vérités multiples, provisoires et constamment inachevées.

     

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture

     

    Son corps organique, fait de peau et de papier, de colle, d’encre et de fils, induit un rapport physique, intime, que nul objet électronique ne pourra jamais offrir. »

     

    Dossier de presse : « Entre deux chaises, un livre » , Villa Empain, Bruxelles.

    Isabelle Lenfant, Installation de livres, 2009, Galila’s' Collection. Photo : Nicolas Suk
    Hilal Sami Hilal, Livre, 2006. Galila's Collection.


     

     

     

     

     

  • Livres objets d'art

    Tout ce qu’on peut faire d’un livre (de l’objet livre), d’une chaise, vous pouvez le voir à l’exposition « Entre deux chaises, un livre » à la Villa Empain, jusqu’au 7 septembre. La Fondation Boghossian célèbre ainsi le livre, « objet de culture par excellence » depuis deux millénaires, en dialogue avec la chaise, elle aussi « objet de médiation » entre les hommes. Près de deux cents objets d’une collection privée belge (Galila). 

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Alicia Martin

    Dans le salon à droite de l’entrée, l’exposition commence par des œuvres contemporaines, comme la plupart dans cette sélection : un siège fait de livres, un autre en papier,  une vidéo (« Poliglotas ») et une photographie d’Alicia Martin où, tels des éclats de verre sur le sol, des morceaux de livres émergent du béton où ils sont incrustés.  

    La chaise de bureau devenue « Trône » de Kristof Kintera, dans le hall central, déploie de magnifiques ailes en plumes, prête à l’envol, un attaché-case lui ramène les pieds sur terre. C’est de ce côté qu’on entre dans une salle latérale où se dresse l’œuvre la plus étonnante, une sculpture hyperréaliste : « Stairway to Heaven » d’Eugenio Merino. 

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Kristof Kintera, Throne, 2011

    Les religions du Livre y sont représentées par trois hommes superposés : un musulman, le front contre son tapis de prière ; sur son dos, agenouillé, un prêtre en soutane avec un chapelet entre les doigts ; sur ses épaules, un rabbin debout, livre à la main. Saisissant. Du sol au plafond, ces trois personnages en cire avec poils de barbe et cheveux, en habits traditionnels, sont une interprétation pour le moins irrévérencieuse de la chronologie monothéiste. 

    L’œuvre a fait scandale en 2010, à Madrid, comme on peut le lire dans La Clau, qui signale, surcroît d’impertinence, que le visage des trois croyants « empilés » est le même et leurs livres pas dans le bon ordre. Des bibles et corans anciens sont exposés dans cette salle, d’admirables calligraphies ou enluminures. Mounir Fatmi, déjà rencontré ici, montre l’« Union impossible » entre une calligraphie d’acier et une machine à écrire. 

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Eugenio Merino, Stairway to Heaven, 2010 - détail

    « Back to the roots » (Dos aux racines, photo ci-dessous et sur le site de l’expo) focalise le regard dès l’entrée. Sous la « Voie lactée », un plafond de verre dû à Max Ingrand, la chaise buisson de Bob Verschueren est très bien placée, dos à la fenêtre côté jardin. L’artiste belge, autodidacte, s’est tourné vers l’éphémère et les éléments de la nature, je vous recommande son très beau site qui explore aussi l’univers sonore.   

    Sur les côtés, diverses variations sur les livres et les sièges, et au mur, la douce « Wallvave vibration (momentum wavevector chorus) » de Loris Cecchini en résine polyester blanche (expo « Turbulences II » en 2013). Une amusante toupie « philosophique » de Pedro Reyes jouxte des vitrines où sont exposés des livres découpés, troués, assemblés, reconstitués, de différentes manières, et des pliages d’une finesse extraordinaire, comme dans ce collier de Janna Syvänoja (ci-dessous). 

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Bob Verschueren, Back to the roots, 2010, Galila’s Collection

    De l’autre côté, on peut tourner (avec des gants blancs) les pages du grand livre « Magie du feu » de Jean Boghossian : des feuilles touchées ou trouées par la flamme, étoilées de couleurs. Bancs, bureaux, rocking-chairs, chaises : chaque artiste en propose ici une interprétation drôle ou étonnante, voire effrayante comme la chaise blanche de Chiharu Shiota enfermée dans un cube de verre complètement tapissé de fils noirs entrelacés.

    En montant l’escalier, arrêt devant une grande photographie en couleurs (de Karen Ryan ?), une énorme accumulation de chaises enchevêtrées ; il faut un moment pour apercevoir que différentes personnes sont enfouies dessous – ici des jambes, là un bras, plus on en cherche, plus on en trouve. 

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Janna Syvänoja, Collier, 2011

    Photos, vidéos, objets, les créations vont dans tous les sens. Certaines paraissent bricolées, d’autres fascinent par l’inventivité ou la qualité du travail : « Solitudes » de Jérôme Fortin, qui a savamment plié des plans de Paris disposés en losanges, cinq par cinq ; « Livre » en fine dentelle de cuivre dû à Hilal Sami Hilal ; de somptueuses photographies de Nazif Topçuoglu en hommage à la peinture et à la littérature, comme celle de ces deux jeunes filles dans un coin de bibliothèque, inspirée par Proust.

    La première exposition de la Villa Empain et « La route bleue », l’an dernier (actuellement à Limoges), m’avaient davantage enchantée, mais « Entre deux chaises, un livre » vous fera oublier à coup sûr la grisaille de ce mois d’août. Même si les objets sont d’un intérêt inégal, allez-y, votre curiosité sera récompensée.  

    entre deux chaises,un livre,exposition,villa empain,bruxelles,photographie,vidéo,sculpture,installation,livre,papier,sièges,art contemporain,culture
    © Anouk Kruithof, Enclosed Content Chatting Away In The Colour Invisibility, 2009

    Vous rencontrerez un piano-livres, des crayons noirs, des mots qui s’échappent du texte, une tour de livres en pierres sèches, des chaises improbables, du papier dans tous ses états. Au sous-sol, je vous signale une vidéo de Anouk Kruithof : j’ai beaucoup aimé sa façon de ranger les livres par couleur – et de les déranger.

  • Modèles

     Woman Wilson.jpghttp://www.moma.org/collection//browse_results.php?object_id=165440

    «  Un portfolio de modèles » : la déesse, la lesbienne, la ménagère, la fille au travail, la professionnelle, la Mère Terre.

    « Ce sont les modèles que la société me propose. De temps en temps, je les ai essayés pour la taille, mais aucun ne me convenait. »

    Martha Wilson 

    Woman. L'avant-garde féministe des années 70.
    Œuvres de la Sammlung Verbund, Vienne

     

  • Woman Années 70

    A Bruxelles, la 5e biennale de photographie (Summer of photography) est consacrée cet été aux femmes, à la question du genre, et au Palais des Beaux-Arts (Bozar), jusqu’au 31 août, l’exposition « Woman » présente l’avant-garde féministe des années septante, 450 œuvres de 29 artistes. 

    woman,avant-garde,féminisme,photographie,exposition,bruxelles,bozar,corps,sexisme,création,culture

    Couverture et pub en 4e de couverture font-elles bon ménage ?

    Alexis Hunter Approach to Fear: Voyeurism, 1973 Vintage silver bromide photograph hand-tinted with coloured ink (from a series of 12) © SABAM Belgium 2014 / Courtesy of Richard Saltoun, London / SAMMLUNG VERBUND , Vienna
     

    Ces créatrices inventent leurs propres images (photos, vidéos, dessins) en réaction à celles de l’histoire de l’art où les femmes figurent telles que les hommes les voient ou les rêvent. C’est, souvent à partir de leur corps, l’expression d’un point de vue radical, provocant, ironique ou poétique. Un travail largement méconnu. 

    Ce sont des séries en noir et blanc surtout, parfois accompagnées de slogans, comme « Marxism and Art beware of fascist feminism » (Hannah Wilke). Celle-ci prend la pose, se drape, se dénude, celle-là s’affuble d’une perruque, d’un chapeau et d’une barbe (Eleanor Antin, Portrait du Roi) et se promène ainsi en rue, dans une bibliothèque, un magasin – les gens qu’elle salue semblent ravis : « J’ai commencé à voir que la vie humaine est construite comme la vie littéraire. (…) Derrière le fait, il n’y a que l’histoire et l’histoire est toujours fiction. » 

    woman,avant-garde,féminisme,photographie,exposition,bruxelles,bozar,corps,sexisme,création,culture
    Eleanor Antin, Portrait of the King, 1972 b&w photograph © Eleanor Antin / Sammlung Verbund, Vienna

    Dans cette première salle (de libre accès), j’ai retrouvé Lili Dujourie, croisée à Ostende, avec six nus couchés sur le sol, dans des positions qui rappellent le nu en peinture ou en sculpture (il est parfois difficile de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme). Il est interdit de prendre des photos à l’exposition, et dans un sens, c’est mieux : les œuvres isolées sont rares, le plus souvent il s’agit d’un ensemble de clichés et c’est l’ensemble qui porte une démarche, un questionnement.   

    Sanja Ivekovic montre une fillette serrée dans un corset, la bouche fermée d’un scotch noir, serrant la main tour à tour à des hommes et à des femmes. Carolee Schneemann fait du corps nu en mouvement un matériau pictural. Gina Pane se photographie dans un appartement tout blanc, habillée de blanc, mais elle s’automutile avec une lame de rasoir pour perturber la scène du rouge de son sang.  

    woman,avant-garde,féminisme,photographie,exposition,bruxelles,bozar,corps,sexisme,création,culture
    Lili Dujourie Untitled, 1977 Black-and-white photograph (from a series of 6)
    © Lili Dujourie / Courtesy of Michael Janssen, Berlin / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
     

    Comment rendre compte d’une telle exposition, où 29 photographes se succèdent ? Certaines nous touchent plus que d’autres, comme Francesca Woodman (1958-1981) – la peau prise dans des pinces à linge, le corps en partie enfoui dans le sable, prostrée dans une vitrine en compagnie d’animaux empaillés… – des autoportraits imprégnés de mal-être que son suicide rend encore plus poignantes.

    Quelques impressions marquantes. « Mes mots et toi ? » de Ketty La Rocca. Dans la même salle d’angle, « Etude pour deux espaces » de Helena Almeida : huit photos d’une main ouvrant ou refermant une porte, une grille – très beau jeu sur la création et l’observation, l’acteur/actrice et le spectateur/la spectatrice, l’intérieur et l’extérieur. 

    woman,avant-garde,féminisme,photographie,exposition,bruxelles,bozar,corps,sexisme,création,culture
    Helena Almeida,
    Work- 32 (Entreda 1), 1977 silver gelatin print © Helena Almeida / Sammlung Verbund, Vienna
     

    Une grande salle est consacrée à Birgit Jürgenssen : photos, dessins, sculptures. Dans une aquarelle aux couleurs tendres, « Prenant le train aujourd’hui pour un futur meilleur », un enfant quitte son landau pour grimper dans le train d’une affiche pendant que sa mère regarde ailleurs. « Housewife » : sur un fond carrelé dans des tons pastel, une femme tout en vichy, du fichu rose au tablier bleu, et même son visage – seule une mèche de cheveux blonds échappe à l’uniforme de la ménagère.

    Jürgenssen a beaucoup travaillé le thème de la chaussure « féminine » et aussi l’image de la mariée. « Sans titre » est un dessin magnifique où l’on devine un corps sous le grand voile de dentelle blanche qui tombe en écume sur le sol, s’y transforme en vague, se prolonge en mer : du haut de l’épaule, du bras, de la taille, de minuscules nageuses en maillot noir plongent – pour se sauver ? A l’avant-plan, on dirait que quelqu’un se noie. Je vous conseille son site. 

    woman,avant-garde,féminisme,photographie,exposition,bruxelles,bozar,corps,sexisme,création,culture
    Birgit Jürgenssen, Nest, 1979 Black-and-white photograph © Estate of Birgit Jürgenssen / VBK, Vienna, 2012 / SAMMLUNG VERBUND, Vienna

    « Change », « Art is a criminal action », « Exorcism House », « Objets caressants », « Le sexisme de la cuisine turque ou la volupté culinaire d’un empire »… « Woman » donne à voir du drôle, de l’inquiétant, du dérangeant, de l’esthétique. Cela vaut la peine d’être vu.

    Comme l’écrit Daniela Seel dans « Le féminisme en 14 poèmes » (à télécharger sur le site de Bozar), il n’y a pas de « standard » féministe. « Mais la critique de la standardisation qui va souvent de pair avec l’exclusion et la discrimination des apparences ou des comportements déviants – et la mise en question provocante des habitudes font partie des caractéristiques fondamentales des poèmes féministes, comme d’ailleurs de toute forme d’art qui ne se contente pas d’être appréciée ou de servir de simple ornementation, ce que suggère encore bien trop souvent le catalogue des rôles dévolus aux femmes, de la vie quotidienne aux productions hollywoodiennes. »

    *** 

    « El lenguaje nuevo de las fotógrafas insurrectas », par Álex Vicente (El País, 19/8/2014) : un article signalé par Colo, accompagné de dix illustrations en grand format (cliquer sur « Contra el estereotipo »).

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    « El lenguaje nuevo de las fotógrafas insurrectas », par Álex Vicente (El País, 19/8/2014)

     

     

     

    19/8/2014 : Un article d'El Pais signalé par Colo, accompagné de dix photographies en grand format (cliquer sur "contra el estereotipo").