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Essai - Page 55

  • La lecture

    « Passé le temps de celles qui sont imposées par l’enseignement – de moins en moins imposées d’ailleurs –, la lecture ne peut plus être que la pratique que nous avons adoptée avec le dessein de nous meubler l’esprit, dans l’ambition d’enrichir nos connaissances et notre mémoire, dans le désir d’entretenir les jardins de l’affectif et de découvrir le théâtre de nos émotions. »

     

    Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Lettre libertine sur la lecture, Labor / Espaces de liberté (Babel), 2004.

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  • Le temps de lire

    « De toute manière, le temps, et en particulier le temps de lire, dites-vous bien qu’on ne le trouve pas, on ne le trouve jamais qui, tout à coup disponible, vous attendrait. Le temps, ça se prend ou ça se perd ! Si vous voulez en disposer, vous ne pouvez que l’attraper, le choper, le ravir. C’est un choix à faire dans les priorités que vous vous donnez. Oui, voilà bien une autre des conditions dont l’avenir de la lecture dépend : l’attitude à l’endroit du temps.

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    Réfléchissez tout de même… Le désir et la capacité d’arrêter le temps n’ont jamais trouvé à se réaliser que dans les œuvres. Un tableau, une symphonie, un poème ou un roman sont autant de cages dans lesquelles le temps se trouve soudainement immobilisé. Et avec lui, vous, pour tout le temps où vous regardez, écoutez, lisez. Ce qui revient à dire que ne pas lire, ce serait perdre deux fois votre temps, le temps de lire et le temps à lire.

     

    Pour avoir organisé de nombreuses lectures publiques, bonnes pages lues par de belles voix, l’occasion m’a maintes fois été fournie de constater que les premières réflexions auxquelles se livrent les auditeurs en s’égaillant ne sont pas seulement pour les textes qu’ils viennent d’entendre, ou pour le talent des acteurs, mais aussi, et parfois même en premier, pour le plaisir qu’ils ont eu de « prendre le temps » d’écouter. Un peu comme s’ils découvraient soudain le sens de l’expression et se rendaient compte qu’à ne pas prendre assez souvent le temps de lire parce qu’ils sont victimes d’empressements auxquels les invitent les sirènes de la société ils laissaient passer la chance de profiter des petites éternités que l’on trouve dans les oasis de la durée. »

     

    Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Lettre libertine sur la lecture, Labor / Espaces de liberté (Babel), 2004.

  • Pour la décroissance

    « La qualité de la vie ne dépend pas du PIB » : le sous-titre de La Décroissance heureuse cerne bien le propos de Maurizio Pallante, fondateur et président du Movimento per la decrescita felice. Dans sa préface à cet essai (traduit de l’italien par Nathalie Rose), Serge Latouche date la naissance de cette théorie de la décroissance de 2002, lors d’un colloque de l’Unesco intitulé « Défaire le développement, refaire le monde », bien qu’elle s’appuie sur des critiques et des utopies plus anciennes. Il rappelle un discours de Robert Kennedy à propos du Produit Intérieur Brut qui « mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. » 

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    Les médias, à tort, préfèrent les termes « croissance négative » ou « croissance zéro » à « décroissance ». En effet, « plus » est le mot magique : plus de pouvoir d’achat, plus de consommation, plus de marchandises. Le vocabulaire de la marchandisation s’est même introduit à l’école : en Italie, on parle même de « crédits » et de « dettes » scolaires. L’argent est devenu la mesure de tout.

     

    Autoproduire son yaourt, voilà l’image concrète d’où part l’exposé de Pallante. Le fabriquer soi-même signifie moins de commerce, moins de transports, moins d’emballages, et même, avec de meilleures bactéries, moins de purgatifs, donc moins de PIB, mais une qualité de vie supérieure. L’autoproduction de biens (cultiver son potager, préparer soi-même sa nourriture, ses confitures...) va au-delà du développement durable, qui vise à rendre les technologies moins polluantes, sans limiter la croissance.

     

    Le manifeste du Mouvement pour la décroissance heureuse s’oppose au « cambriolage » toujours plus fort des ressources (Roegen a montré l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini). Pour y adhérer, deux conditions : autoproduire son yaourt ou un autre bien primaire et offrir des services gratuits aux personnes. Voilà le programme.

     

    Impossible en effet de nier le lien de cause à effet entre la croissance du PIB et l’épuisement des ressources non renouvelables, l’accroissement exponentiel de la pollution, la dévastation des milieux naturels, la dégradation sociale. Mais chacun peut, dans sa propre vie, effectuer des choix en faveur de la décroissance.

     

    La première voie est celle de la « sobriété » : réduire l’utilisation de marchandises, refuser le consumérisme stupide encouragé par la publicité. La seconde consiste à favoriser l’autoproduction et les échanges non mercantiles, en sortant des comportements standardisés. Refaire une place au don et à la réciprocité en échangeant gratuitement du temps, du professionnalisme, des connaissances, de la disponibilité humaine. Pour créer des liens sociaux, l’essayiste rappelle trois règles non écrites : il faut donner, recevoir, rendre plus que ce qu’on a reçu.

     

    La décroissance heureuse distingue la pauvreté « relative » des sociétés opulentes et la pauvreté « absolue » des pays sous-développés. Les calculs qui les mesurent en fonction des revenus ne prennent pas en considération l’autoproduction, qui permet pourtant d’échapper à la pauvreté. Dans «Décroissance, travail et emploi », Pallante réfute les arguments des uns qui font de la décroissance un concept pour pays riches et des autres qui font de la croissance la condition d'un emploi pour tous. Aujourd’hui, l’emploi n’est défini que par rapport à la production de marchandises, mais cela ne recouvre pas tout le « travail » réalisé. La décroissance ne réduit pas forcément l’emploi, la croissance ne l’augmente pas toujours.

     

    L’expansion de l’agriculture intensive et des fertilisants chimiques, le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture mercantile, de la biodiversité aux monocultures, ont produit des effets pervers qui indiquent clairement les méfaits de la croissance à tout prix. Le retour au bio, qui le qualifierait de régression ?

     

    Une autre piste consiste à diminuer les consommations énergétiques par moins de gaspillage et plus d’efficacité. Ce ne sont pas les producteurs d’énergie qui s’en feront les promoteurs, ce n’est pas leur intérêt. Et les politiques ? A gauche et à droite, selon l’essayiste, on confond encore le progrès avec l’innovation. On traite de « conservateur » celui qui refuse de détruire l’ancien pour construire du nouveau, on valorise tout changement a priori, même s’il entraîne la dévastation du monde et une croissance problématique des déchets, au nom du progrès.

     

    A rebours des discours économiques et financiers dont les médias nous rebattent les oreilles plus que jamais, le mouvement de la décroissance heureuse nous interpelle et nous invite à revoir nos choix, à retrouver notre liberté. Les exemples concrets ne manquent pas, à commencer par l’abandon de l’eau en bouteilles de plastique au profit de l’eau du robinet, filtrée dans une carafe si nécessaire. Ne pas jeter sans cesse, faire durer les choses, les vêtements, les objets. Autoproduire, échanger davantage, en particulier des services aux personnes, cela semble plus facile à mettre en pratique à la campagne, mais dans les villes aussi on peut changer ses habitudes, acheter moins, abandonner ou partager sa voiture.

     

    Lisez La décroissance heureuse – un livre « à conseiller à tout le monde » (Martine Cornil sur la Première) – pour découvrir les démonstrations de Maurizio Pallante en détail – il ne faudrait évidemment pas réduire son analyse à un pot de yaourt maison. Sa critique du « faux bien-être de la société de consommation » et de l’individualisme, son plaidoyer en faveur des « biens relationnels » et du non-marchand ont le mérite de nourrir le débat sur l’avenir de nos sociétés malades du capitalisme ultralibéral. Arrêtons de penser qu'il faut acheter pour être heureux !

  • Spectacle permanent

    « Or l’essentiel de la vie des sacs se déroule dans d’autres contextes. Dans l’éclat des apparences, le plaisir des mises en scène, l’art quotidien de la silhouette. L’âme des sacs est le plus souvent colorée et joyeuse ; les sacs sont un spectacle permanent. » 

    Jean-Claude Kaufmann, Le sac

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    Ammi Philips (1788-1865)
    Portrait de Harriet Leavens