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Culture - Page 321

  • Train World en gare

    On l’attendait, on y pensait chaque fois devant la jolie gare de Schaerbeek : depuis un mois, Train World est entré en gare. Avec François Schuiten à la scénographie, je me disais que ce serait bien, je me trompais : c’est fantastique ! Habitués du rail ou pas, passionnés ou non, de 7 à 77 ans, visitez ce Monde du Train qui n’a rien d’un musée ordinaire et vous fait véritablement voyager dans le temps. 

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    La gare de Schaerbeek date de 1887, son extension (ci-dessus) de 1920. Place Princesse Elisabeth.

    Quel plaisir de voir ce beau patrimoine réhabilité ! Un nouveau restaurant précède la grande salle des pas perdus et ses guichets en bois. Tout autour sont présentées des maquettes de locomotives à l’échelle un dixième – dont « Le Belge » (1835), la première locomotive à vapeur fabriquée en Belgique – et de gares belges : Anvers-Central la magnifique ; Bruxelles-Central, une des dernières réalisations de Victor Horta ; Liège-Guillemins et ses courbes calatravesques. 

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    Locomotive à vapeur Le Belge, 1835, à l'échelle 1/10

    Au-dessus, de grands écrans montrent des peintures, illustrations et extraits de films inspirés par le train : Turner, Monet, Hergé, Abel Gance... Contre un mur, un banc ouvragé parle d’une époque où l’élégance n’avait pas encore cédé la place au design. Je m’attarde devant deux bas-reliefs historiques : « In memoriam », sous la roue ailée qui fut le premier symbole des chemins de fer belges, reprend les noms des cheminots morts en 1914-18, et l’autre, un cadeau des Français reconnaissants à la Belgique en 1945, porte une croix de Lorraine. 

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    Dans la salle des pas perdus de la gare de Schaerbeek

    Les objets usuels aussi sont mis à l’honneur : un pèse-personne où on glissait une pièce, et derrière les guichets, d’anciens titres de voyage, un carnet de 5000 km en première classe, des uniformes, képis, tailleurs et calots d’hôtesses… On quitte cette salle, ses guérites et ses banquettes pour sortir sur le quai. Wagon, machine, essieux montrent la voie vers la suite du parcours, dans un nouveau bâtiment immense auquel on accède par l’arrière. 

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    Et là, mes amis, quelle ambiance ! Les locos du temps jadis nous en mettent plein la vue, dans une pénombre savamment éclairée. Sur une carte de Belgique se dessinent les premières lignes de chemin de fer ouvertes en 1835, puis les suivantes, et on verra plus loin, sur une carte d’Europe, comment le chemin de fer a franchi les frontières.  

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    Locomotives à vapeur

    C’est d’abord le temps des locomotives à vapeur, plus loin ce seront les tractions diesel puis électriques – et je pense à mon père qui nous racontait son émerveillement quand son grand-père l’avait emmené dans le poste de pilotage de la locomotive qu’il conduisait. Quel plaisir pour les enfants (et les autres) de monter dans ces fabuleuses machines ! (J’ai visité Train World un mercredi après-midi.) Partout des images d’archives accompagnent le parcours, un écran tactile rappelle les étapes du développement des chemins de fer belges de 1835 (Bruxelles-Malines) à 2015. En 1846, Bruxelles-Paris durait plus de huit heures. 

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    Des plaques de forges, fonderies, ateliers mettent à l’honneur les constructeurs, principalement wallons, exportateurs dans le monde entier – le nom de Cockerill y apparaît souvent. Les locomotives portaient des noms évocateurs (Le Belge, sorti des usines de Seraing), La Flèche, la Pays de Waes (Bruxelles, 1844, 60 km/h)…) avant  d’être numérotées selon leur modèle. La puissante Type 12 « Atlantic » aux énormes roues (Seraing, 1939,  2200 chevaux-vapeur, 140 km/h) est ici la vedette, sauvée in extremis de l’envoi à la ferraille.

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    François Schuiten, scénographe de Train World, près de la Type 12 © SNCB 

    Sous une longue dalle de verre, on découvre une voie de chemin de fer, l’évolution des rails, les traverses, les outils, le ballast. Des panneaux détaillent la construction d’une ligne, les moyens de signalisation. Partout des bouts de films, des lumières, des sons, des objets : le visiteur est immergé dans l’univers du train. La réussite de Train World, c’est de renouveler l’angle de vue à chaque passage dans un autre hall, de surprendre sans cesse. Le parcours va crescendo. 

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    Pour vous donner la mesure – ou la démesure – de ce qui vous attend, sachez qu’un hall contient une maison de fonction restée en place, dans laquelle vous pourrez entrer – décor des années 1950 – et découvrir où ont vécu des familles de cheminots. A côté, l’alarme de la barrière retentit ; une carcasse de voiture écrasée rappelle le danger d’une traversée imprudente. 

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    Photo du chantier autour de la maison de fonction / Source : Ilprovincialecheguardailmondo

    Un wagon de marchandises évoque les sinistres « wagons des déportés » de 1940-45, quand les prisonniers étaient envoyés en Allemagne en troisième classe d’abord, puis enfermés dans ce type de wagon. Gros contraste, évidemment, avec le hall suivant consacré au développement du train de vacances dans la seconde partie du XXe siècle : les affiches vantent les plages belges, les sports d’hiver, toutes les régions d’Europe accessibles en « autorail de luxe (Trans Europ Express) » ou en « train autos-couchettes ». 

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    Décors de première classe, Orient-Express d’Agatha Christie, voiture postale, caisse de crabes à la pesée (bonjour Tintin), malles, le spectacle est sur les quais, dans les voitures, et puis voici en prime deux « suites » royales. Si vous levez les yeux, vous apercevez une travée de l’ancien Pont du Luxembourg à Namur (on y monte par l’escalier ou l’ascenseur). De là, on a vue sur les alentours de la gare de Schaerbeek, sur les trains d’aujourd’hui qui passent, et on regarde d’en haut, médusé, les impressionnantes machines qu’on a contemplées d’en bas. 

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    La mécanique et les ingénieurs sont mis à l’honneur, de George Stephenson, l’inventeur de la locomotive à vapeur, à Arthur Vierendeel, concepteur de nouveaux ponts et viaducs ; l’audioguide (2 €, application gratuite sur smartphone) les présente, et aussi le catalogue illustré, « Des machines et des hommes », qui reprend toutes les étapes du parcours (compter au minimum une heure et demie, dernières entrées à 15h30). Pour terminer, une bonne surprise pour ceux qui veulent tester leur vocation (un simulateur de pilotage) ou comparer les sièges de TGV actuels. Train World : le monde du train n’a pas fini de faire rêver.

  • Argent de poche

    Wiazemsky Un an après.jpg« Je parlais avec Rosier car j’étais inquiète de ce qui nous opposait souvent Jean-Luc et moi. Elle me rassurait : selon elle, tous les hommes traversaient une sévère remise en question aux approches de la quarantaine. Elle était sûre qu’il m’aimait même si la politique, pour l’instant, l’emportait sur le sentiment amoureux. Par contre, elle me trouvait trop dépendante. Quand elle apprit que je n’avais pas de compte en banque ni de carnet de chèques et que Jean-Luc me donnait quand je le souhaitais de l’« argent de poche », elle fut horrifiée. « Mais tu travailles, tu gagnes ta vie ! C’est lui qui touche tes chèques ? – Heu, je crois. » Elle me persuada de remédier à cette situation, je promis et n’en fis rien : au fond, cela me convenait. »

    Anne Wiazemsky, Un an après        

  • 68 par Wiazemsky

    Anne Wiazemsky a raconté ses débuts au cinéma dans Jeune fille, sa rencontre avec Jean-Luc Godard dans Une année studieuse. Un an après commence quand elle s’installe avec le réalisateur devenu son mari dans le Quartier Latin (son rêve d’adolescente) au 17 de la rue Saint-Jacques. C’est juste en face de l’église Saint-Séverin, ce qui enchante son grand-père, François Mauriac. 

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    Anonimo : Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard. Fotografia scattata durante le riprese del film One plus one, 1968 © Galerie Obsis

    Depuis la fin de l’été 1967, « Rosier et Bambam » sont entrés dans la vie du couple Godard, elle, une grande styliste, et lui, Jean-Pierre Bamberger, directeur d’une usine de textile. Quand ils sont à Paris, ils se voient souvent, dans leur appartement rue de Tournon ou à la brasserie Balzar. Godard et sa femme font la tournée des universités américaines pour présenter La Chinoise et en débattre avec les étudiants, ce qu’apprécie le cinéaste mais pas elle, que cela ennuie vite. 

    « Se réveiller ensemble et se retrouver le soir étaient à ses yeux l’essentiel » ; elle note dans son journal : « Aimer m’enlève toute mon indépendance. » Les propositions se succèdent au cinéma : elle se charge de la photo pour Michel Cournot (Les Gauloises bleues), joue pour Pasolini (Théorème). Début 1968, elle accompagne Godard à La Havane, où elle se sent gênée par l’attitude de « dévotion » des officiels du cinéma cubain envers lui.

     

    A Paris, on s’agite : Truffaut a télégraphié à Godard pour qu’il rentre après que le président de la Cinémathèque, Henri Langlois, a été remplacé « sur décision gouvernementale ». La défense de Langlois s’organise. Le 14 février, ils participent à une manifestation pour réclamer la démission de Malraux, ministre de la culture, et la réouverture de la Cinémathèque. Quand ils veulent faire ouvrir ses portes de force et aussi celles du TNP, la police réplique à coups de matraque, le choc est violent.

     

    Le 3 mai 1968, elle a cette journée en tête en rentrant chez elle : « Il régnait une atmosphère d’émeute aux abords de la Sorbonne. » Un meeting doit s’y tenir le soir, on a fermé l’université de Nanterre. Quand tout à coup des étudiants affluent de partout, la bousculent, elle reste paralysée de peur jusqu’à ce que l’un d’entre eux la gifle : « Ne reste pas ici, connasse. » Elle court alors jusque chez elle, hébétée. Godard, inquiet, lui téléphone et conseille d’écouter la radio sur Europe numéro 1.

     

    A partir de là se déroule l’histoire des Godard en plein mai 68, alternant tournages, manifestations, rencontres, discussions. Jean-Luc ramène à leur appartement Jean-Jock, un jeune homme aux cheveux longs et sales, convaincu qu’ils sont « à la veille du Grand Soir ». Il tutoie Anne, l’appelle « camarade », elle s’en irrite mais s’amuse de ses airs de « petit garçon » et surtout, elle sent que Godard est séduit par sa jeunesse et son enthousiasme.

     

    C’est avec eux et leurs amis du cinéma qu’on revit les péripéties parisiennes, les affrontements, les débats qui les opposent – Godard est souvent en désaccord même avec ses amis les plus proches. Il ne veut plus manger dans un restaurant « bourgeois », sa seule préoccupation est de se joindre au mouvement, de rencontrer les étudiants et les lycéens, de remettre le système en question.

     

    L’atmosphère est parfois bon enfant, mais plus le temps passe, plus elle devient violente. La famille d’Anne s’inquiète, pour elle et pour son frère Pierre qui accompagne partout les étudiants et photographie les événements. De leurs fenêtres rue Saint Jacques, ils peuvent observer les charges et les attaques, le va-et-vient des ambulances. Godard, passionné, déclare qu’il ne veut plus faire du cinéma comme avant et lance à Cournot : « le cinéma dont tu parles est mort ! »

     

    Anne Wiazemsky ne dissimule pas son irritation devant les débordements, le radicalisme de Godard, et accepte avec plaisir l’invitation de Rosier et Bambam qui partent pour le Midi : dans la belle villa de Pierre et Hélène Lazareff (mère de Rosier) au bout d’une presqu’île, c’est l’éblouissement, le calme, il ne lui manque que la présence de Godard. Une chatte blanche et rousse saute dans sa chambre et lui tient compagnie. Anne va se baigner nue dans la mer, se sent véritablement en vacances, savoure la détente.

     

    Quand Godard vient les rejoindre – Truffaut l’a appelé de Cannes pour arrêter le festival –, il  critique tout : cette chambre luxueuse, son bronzage de vulgaire starlette, son refus de l’accompagner à Cannes. Rosier parvient à le calmer, Anne est déçue par la tension qu’il a provoquée dès son arrivée. Avec Rosier qui estime que « le génie n’excuse pas tout », elle peut en parler – « L’enfant, c’est lui, pas toi », leur amie la rassure. Bien sûr, ils vont se réconcilier, Godard lui déclarer à nouveau son amour et puis, ils rentrent à Paris en voiture, grâce aux pleins d’essence assurés par des amis en cours de route, les stations étant fermées.

     

    A mi-lecture dans Un an après, quasi tous les éléments du récit – sous-titré « roman »  sont en place. Anne Wiazemsky décrit les bons moments et les autres, les grandes rencontres et les petits côtés d’une vie de couple où, malgré l’admiration mutuelle, on sent poindre un désenchantement. Mai 68, année de libération ?

     

    A la fin d’un entretien publié sur le site de l’éditeur, elle précise : « Mais là, même si ce n’est pas compréhensible tout de suite pour l’héroïne, le conte de fées se fissure. C’est à la toute fin de l’écriture que j’ai décidé de mettre les choses au point. Si l’histoire ne s’arrête pas là dans les faits, elle s’arrête quand je cesse d’être ce témoin privilégié. En dire plus, c’était m’éloigner du noyau du livre, qui est l’histoire de « ces deux-là », d’Anne et Jean-Luc, qu’il fallait terminer. Pour reprendre une phrase de Truffaut, je n’ai pas dit toute la vérité, mais je n’ai dit que des choses vraies – et c’est aussi valable pour les sentiments que pour la révolution ! »

  • Ex-libris

    Rassenfosse ex libris Pipette.jpg« Limité par l’espace, Rassenfosse l’est aussi par les moyens : en quelques traits, il doit évoquer la personnalité du dédicataire, exprimer son idéal poétique, créer un climat.

    Cette forme d’art réclame habileté, élégance et maîtrise technique du dessin et de la gravure. »

     

    Nadine de Rassenfosse & Pierre Gilissen, Rassenfosse ou l’Esthétique du Livre, Fondation Roi Baudouin, 2015.

     

    Exposition à la Bibliotheca Wittockiana
    > 31/1/2016

  • Rassenfosse à la W.

    La Bibliotheca Wittockiana, près du parc de Woluwe, attire les amoureux des beaux livres. L’exposition « Rassenfosse ou l’Esthétique du Livre », offre une excellente occasion de pousser la porte du Musée de la Reliure et des Arts du livre (l’histoire de ce musée unique en son genre est racontée sur son site). La Fondation Roi Baudouin, qui gère le Fonds Armand Rassenfosse, met ici en valeur le travail du graveur et peintre liégeois dans le domaine de l’édition (jusqu’au 31 janvier 2016, entrée libre). 

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    Les parents d’Armand Rassenfosse (1862 – 1934) tenaient une boutique d’objets d’art et espéraient que leur fils unique poursuive leur activité, mais très tôt celui-ci se passionne surtout pour le dessin et la gravure. A Liège d’abord, puis auprès de Félicien Rops qui le conseille et l’encourage. Rassenfosse se fait peu à peu connaître, en Belgique et en France : affiches publicitaires, estampes pour des revues, illustrations littéraires, ex-libris... Au XXe siècle, il se montrera en peinture aussi un chantre de la femme, son sujet de prédilection. 

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    Le coin de l’aquafortiste : Armand Rassenfosse dans son atelier en 1910, manipulant la presse sur laquelle travaillèrent également
    Adrien de Witte, François Maréchal, Auguste Donnay et James Ensor. Photographie anonyme, Liège, 1910 (coll. privée).

    Dans ce musée moderne où l’amour du beau livre se décline sous toutes les formes – aux collections permanentes s’ajoutent un atelier de reliure, une bibliothèque –, on est véritablement accueilli, cela mérite d’être souligné. Une belle photographie de Rassenfosse à la presse dans son atelier précède les premières vitrines consacrées aux illustrations de jeunesse, comme cette couverture de Rassenfosse pour Nos plages, Guide du littoral (imprimé chez Bénard, son premier employeur), des gravures pour Albert Mockel, dont il dessine l’ex-libris, entre autres.  

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    La brochure du visiteur contient les légendes de toutes les pièces exposées (en petits caractères). Pour les non-initiés, le vocabulaire est parfois mystérieux : le « chagrin » bordeaux, par exemple, est une « peau de chèvre tannée à grain assez petit » (on trouve quelques définitions affichées près de l’atelier). Quant au « frontispice » souvent mis à l’honneur, c’est l’« illustration placée au début d’un livre, généralement sur la fausse page (verso) qui fait face à la page de titre (recto) », explique le glossaire à la fin de la publication très bien illustrée de la Fondation Roi Baudouin (prix modique). 

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    Armand Rassenfosse, Lettres ornées, parues dans Le Courrier français des 12 et 26 juillet 1896, encre de Chine,
    Coll. Fonds Armand Rassenfosse, Fondation Roi Baudouin, © Studio Philippe de Formanoir

    L’exposition stimule avant tout le plaisir de l’œil à se poser sur ces images que les éditeurs d’antan commandaient aux artistes pour accompagner les textes littéraires. En comparaison, la plupart des livres que nous lisons aujourd’hui sont très standardisés. La littérature est devenue plus accessible, mais quand on a sous les yeux, ou entre les mains, un de ces beaux ouvrages anciens, il y a de quoi comprendre comment naît une passion de bibliophile. 

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    Armand Rassenfosse, Illustration pour Les yeux de Berthe in Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Paris, Les Cent Bibliophiles, 1899,
    gravure à la pointe sèche et à l’aquatinte, Coll. Fonds Armand Rassenfosse, Fondation Roi Baudouin, © Studio Philippe de Formanoir

    Comme illustrateur, Rassenfosse atteint un sommet avec la fameuse édition de 1899 des Fleurs du Mal de Baudelaire, au cœur de l’exposition. La Société des « Cent Bibliophiles » lui demande d’illustrer en couleurs chacun des textes du recueil, un travail énorme (158 poèmes, le frontispice, les titres de chapitres, plus 160 culs-de-lampe lithographiques !) On peut voir des dessins originaux de Rassenfosse sur une édition courante de Baudelaire, où il essaie des figures, et puis de très belles pages sous verre, ainsi qu’un magnifique exemplaire privé aux « contreplats ornés de deux gouaches originales de Rassenfosse, La Sagesse et La Folie ». 

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    Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, Paris, Les Cent Bibliophiles, 1899, illustrations d'Armand Rassenfosse.
    Exemplaire n°81/115 d'Arthur Monnereau relié par A. Cuzin en plein marocain bordeaux mosaïqué et enrichi de deux gouaches originales de Rassenfosse, La Sagesse et La Folie, intégrées dans les plats de la reliure (coll. privée) 
    (Désolée pour la piètre qualité de la photo.)

    Dans tous les livres exposés, ce sont les raffinements des dessins, des vignettes, de la mise en page qui captivent. Par exemple, cette tête de femme pour la collection « To the Happy few » (Anna de Noailles, De la rive d’Europe à la rive d’Asie ; Le dernier amour de Ronsard signé P. de Nolhac ; Au courant de la Vie, par Camille Saint-Saens). Ou la légèreté de ces figures dansantes pour La maison de la petite Livia (Pierre de Querlon). 

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    Vitrine consacrée à La maison de la petite Livia de Pierre de Querlon, Paris La connaissance, 1924.
    En feuillets sous couverture cartonnée d'éditeur. Ouvrage illustré de 15 dessins hors-texte (...)

    Cà et là, quelques huiles sur carton : L’amateur d’estampes, Les jeunes sorcières (un chat noir, une goutte de peinture en guise de boucle d’oreille), des portraits de Baudelaire, de Rops. Rassenfosse a illustré des auteurs comme Claude Farrère, son ami (différentes étapes pour illustrer Shahrâ sultane), des écrivains belges et français : Colette, Lemonnier, Eekhoud, Debussy, Barbey d’Aurevilly (Les Diaboliques)...

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    Devant une couverture réalisée par Rassenfosse pour Claudine à Paris, un portrait de Colette à l'encre de Chine (coll. privée)

    Quelques ouvrages de la bibliothèque personnelle de Rassenfosse, évidemment amateur de beaux livres, offrent à voir gravures et dédicaces. Un de mes coups de cœur, c’est la trentaine d’ex-libris exposés (il en a dessiné une centaine), dont celui-ci de Marie Rassenfosse, son épouse.  

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    Ex-libris de Marie Rassenfosse

    Le service pédagogique (dossier ici) propose un atelier aux groupes scolaires : « Qu’est-ce qu’un ex-libris ? À quoi sert-il ? (…) Viens le découvrir tout au long de cet atelier : amène ton livre préféré à la Wittockiana et apposes-y ton propre ex-libris ! » Tentant, non ? 

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    Armand Rassenfosse,  Imprimerie Bénard S. A. Liège, 1908, lithographie,
    Coll. Fonds Armand Rassenfosse, Fondation Roi Baudouin, © Ville de Liège – photo Marc Verpoorten

    Ne manquez surtout pas les affiches de Rassenfosse à l’étage : un inattendu « Salon anti-boche » (1929), des affiches publicitaires (« Huile russe », « Soleil » (bec à gaz), « Calorifère Bijou »), à côté d’affiches pour diverses expositions. La belle bibliothèque du musée est juste à côté. La Bibliotheca Wittockiana conserve des collections permanentes riches et variées : reliures anciennes et modernes, livres-objets, almanachs de Gotha, sculptures, et même des hochets. Pour info, elle participera le 22 octobre aux Nocturnes des musées bruxellois.