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Passions - Page 466

  • L'amour de Godard

    Dans Une année studieuse (2012), Anne Wiazemsky n’a qu’un an de plus que dans Jeune fille. C’est le récit de sa rencontre, à dix-neuf ans, avec Jean-Luc Godard qu’elle finit par épouser, en 1967. Une éducation sentimentale. Un « roman ». 

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    Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard à Avignon © Photo Pierre Domenech (Paris Match) 

    Son milieu – elle est fille d’un prince russe, petite-fille de François Mauriac par sa mère – ne la prédispose pas à fréquenter les gens de cinéma, mais après avoir tourné avec Bresson, Anne Wiazemsky continue à se passionner pour le septième art et en juin 1966, encouragée par un ami, elle écrit à Jean-Luc Godard (aux Cahiers du Cinéma) qu’elle a beaucoup aimé Masculin Féminin et aussi, « sans réaliser la portée de certains mots », l’homme derrière le film.

    Trois fois déjà, leurs chemins se sont croisés, sans plus. Anne a échoué en partie au bac de philo, un oral est prévu en septembre. A un cocktail des éditions Gallimard (Antoine Gallimard est un ami), elle remarque Francis Jeanson dont elle a entendu parler par son grand-père et l’aborde avec audace : « J’ai besoin que vous me donniez des leçons de philo. » Surpris, l’homme accepte et lui donne rendez-vous chez lui le premier août.

    Avec son amie Nathalie, à Montfrin, Anne participe en juillet à la récolte des pêches. L’après-midi, elles se reposent dans le château familial d’où on a vue sur toute la région. C’est là que Godard la demande un jour au téléphone : rentré du Japon, il a trouvé sa lettre et s’est renseigné chez sa mère. Il lui donne rendez-vous le lendemain à midi devant la mairie.

    Costume de ville, lunettes noires, livre à la main, il l’attend. Il a loué une voiture et propose de déjeuner près d’Avignon. Il parle beaucoup. Après le restaurant, ils flânent, bras dessus bras dessous, entrent chez un disquaire (il lui offre des quatuors de Mozart), dans une librairie (il lui achète Nadja de Breton), puis la ramène à Montfrin. Bientôt il l’appellera à nouveau, reviendra – « A mon grand étonnement, il me raconta la place que j’occupais dans sa vie, depuis un an. »

    Godard était tombé amoureux de la fille de la photo parue dans Le Figaro lors du tournage d’Au hasard Balthazar. C’est pour la voir qu’il avait proposé aux Cahiers un entretien avec Bresson – étaient-ils amants ? l’avaient-ils été ? Il lui parle de son amour pour Anna Karina, une histoire « finie depuis longtemps », de son attirance pour Marina Vlady, qui a cessé lorsqu’il l’a rencontrée, elle, à Montfrin. Bref, il est « seul, sans aucune attache, libre. » Et elle ?

    Son amie comprend qu’Anne soit amoureuse, mais qu’ils passent la nuit ensemble chez elle en l’absence de sa mère la choque – Anne est encore mineure. Elle trouve cela trop rapide et risqué, mais finit par céder. Godard se montre délicat, prévenant, et la jeune femme qui n’était plus vierge mais n’avait guère connu le plaisir est comblée. Lui pense déjà au mariage : « pourquoi penses-tu que je t’ai donné rendez-vous devant la mairie ? »

    A Paris, ce sera différent. Un oral de philo à rattraper. Une mère à qui il faudra faire accepter Nadja, une jeune chienne cocker offerte par des agriculteurs, et, un jour, parler de Jean-Luc – sans savoir encore si elle l’aime « vraiment ». Première leçon chez Jeanson, pédagogue, bienveillant. Les Jeanson deviendront leurs premiers amis.

    Quand Anne accompagne Godard sur le tournage de Deux ou trois choses que je sais d’elle, elle découvre un réalisateur autoritaire, concentré, toujours attentionné envers elle. Sa mère rentre à Paris : furieuse de la présence de la chienne, hostile à celui qui dépose des cadeaux sur leur paillasson, un jour un livre, un autre une marionnette, et sans cesse des lettres pour Anne. Godard est envahissant.

    A peine le bac obtenu (une promesse en échange de la permission de tourner avec Bresson l’année précédente), Anne décide de s’inscrire en philosophie, contre l’avis des siens. Mais elle n’obtient pas la Sorbonne, elle devra se rendre à Nanterre. Mauriac, 80 ans, son tuteur  – Anne et sa mère vivent chez lui –, rejette et la chienne et la philo, avec mépris. Il a des mots très durs pour sa petite-fille qui n’en fait qu’à sa tête.

    Heureusement son frère Pierre (Wiaz) adopte tout de suite Jean-Luc qui lui trouve « des airs de jeune prince russe ». Avec Jeanson, Anne apprend la philo, avec Jean-Luc le cinéma. Les rencontres avec le critique Michel Cournot, avec Truffaut, intéressent la jeune femme beaucoup plus que les cours à la fac où elle se sent perdue dans la masse. Sa mère voit qu’elle s’émancipe, déplore sa manière de s’habiller, de s’échapper. Pour faire le point, Anne passe une semaine en Normandie. Elle tient à sa liberté et ne veut pas qu’un Godard trop possessif mette en cage celle qu’il appelle son « animal-fleur ». Inquiet, il la ménage : c’est à lui, le plus âgé et le mieux armé, de patienter.

    Une année studieuse (« amoureuse » aurait été plus juste) rapporte toutes les étapes qui conduiront la jeune étudiante et actrice – rôle qu’elle jouera dans La Chinoise, dont le tournage épique est raconté en détail – à accepter de se marier. Godard se pliera au rite de la demande en mariage auprès de son grand-père : « Devenir le grand-père de Jean-Luc Godard, quelle consécration ! », dira l’un ; « le petit-fils de Mauriac… » dira l’autre.

    C’est le tableau d’une époque, juste avant mai ’68 (on aperçoit la chevelure rousse de Dany à Nanterre). On y croise Jean-Pierre Léaud « sublime à l’écran et émouvant dans la vie », Jeanne Moreau, hôtesse raffinée dans sa propriété de La Garde-Freinet, Vilar, Béjart… On y découvre un Godard intime, excessif en tout et charmeur, cultivé et ironique, ses répliques désarçonnantes, sa naïveté quand l’ambassade de Chine rejette La Chinoise alors que lui s’emballe pour la Révolution Culturelle. Anne Wiazemsky lui donne souvent le beau rôle, se plie alors, malgré quelques rébellions, aux quatre volontés d’un homme exigeant et passionné.

    Ce qu’aimer veut dire de Mathieu Lindon a encouragé Anne Wiazemsky à écrire sur cette période de sa vie, longtemps après leur rupture (en 1979). Mêlant faits réels et fiction – « La mémoire est très bonne romancière » – comme Godard le faisait dans ses films, elle relate avec simplicité et justesse « une année terrible de doutes, de difficultés à s’arracher à cette famille, d’une peur panique de (s)’engager » (Le Figaro). Juste avant le mariage, par souci d’honnêteté, elle dit à Godard : « Je veux vivre le plus longtemps possible avec toi. Mais je sais que ce n’est pas pour toute la vie, que j’aurai d’autres amours et d’autres vies. » – « Peut-être, mais seul compte notre présent. Ne t’inquiète pas. »

  • Cerveaux

    « Dans une autre série, des cerveaux – qui ont peut-être un jour habité ces crânes – sont dépeints de manière clinique, à mi-chemin entre l’organique et le végétal. Certains voient leur présence rehaussée par un texte calligraphié sur un fond bleu : le cerveau humain et « l’intelligence » des insectes… La morphologie de l’organe, sa rigoureuse symétrie dissimulant une asymétrie des sens (hémisphère gauche contre hémisphère droit), prolonge le principe de dualité cher à l’artiste. » 

    « Le droit à l’image » par P-Y Desaive, octobre 2009      
    A propos des peintures de MH Vander Eecken / expo en cours       

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    MH Vander Eecken, Chapeau ! (détail)
    2009
    Acrylique sur toile 
    40 x 30cm


  • Les regards de MH

    JEA l’avait annoncé : MH expose, du 10 au 17 mars. Vous avez une semaine pour pousser la porte des Ecuries de la Maison Haute à Boitsfort (place Gilson, 3). Samedi, au vernissage, j’ai découvert en vrai les images d’une poseuse d’énigmes : MH Vander Eecken peint sans complaisance, ses images nous posent des questions et s’attaquent avec un humour féroce aux évidences.

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    Dès l’escalier qui mène à la salle d’exposition sous le toit, de drôles de bêtes : Le chien linguistiqueun piercing à la langue, a vraiment du chien. Les animaux cohabitent avec les humains dans cette exposition, mais ne vous attendez pas à de la peinture animalière. Un poulet porte une feuille de vigne, le canard de Marche blanche se remonte avec une clé ! Autruche, coq ou cheval, ce sont avant tout des têtes et surtout un œil : MH peint le regard et on ne peut s’empêcher de frissonner un peu. Qui regarde, qui est regardé ?

    « C’est le regardeur qui fait le tableau », une petite toile le dit textuellement, c’est une des clés (voir The Best Is Yet To Come) proposées par l’artiste. Les mots ont une place dans son univers et les formules de MH font mouche. Mais avant de nous confronter aux insectes, regardons ce bel ensemble de quatre toiles : Apparition unique d'un lointain, si proche soit-il (2012). Troncs et branches dénudés étirent leurs lignes graphiques, cela m’a fait penser aux arbres de Spilliaert dans ses dernières années. Ici, leur noirceur d’encre de Chine conduit l’œil plus loin, jusqu’à la douceur de bandes nuageuses où bleus, gris et roses sont d’une délicatesse rare à l’acrylique.

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    Sur le portail de MH Vander Eecken, une femme en robe rouge (Hurlevent) serre les poings et sa bouche crie dans un sourire, voilà qui donne le ton. Rouges aussi, le Bouton de rose et sa larme de sang. La douleur s’invite au cœur du monde. Cette toile est accrochée près de La forme, où un cœur (lorgane) pousse en pot. Rouge : un voile enveloppe complètement une tête, partie d’un ensemble avec entre autres Langue, où le bas du visage se dévoile, un papillon posé sur la langue. 

    Les papillons ! Il y en a beaucoup dans l’univers de cette peintre, en série ou en solo. Papillons gris, papillons de nuit, papillons morts aux ailes plus ou moins déchirées, aux antennes mutilées. Ils sont les rois d’une entomologiste qui fait à ses visiteurs une proposition honnête, à côté d’une trentaine d’insectes en gros plan sur fond gris bleu : « Pour cinquante euros, payez-vous un petit cafard et gagnez un bout de survie. »

    Mais le papillon qui m’a le plus subjuguée, au bout d’un mur où cette belle toile respire à laise, c’est celui de I like Butterflies and Butterflies Like Me : sur un fond très pâle, deux personnages en gris sombre – un combat ? A l’avant, un papillon sest posé sur le sol, frémissant, dans une lumière si forte que son ombre (pas d’ombre sur les autres toiles exposées, il me semble) s’étire jusquau bord de la toile. Face à lui, quelqu’un s’est enveloppé de tissu, de la tête aux pieds, et de cette forme accompagnée elle aussi de de son ombre, dont on ne sait si elle exprime la peur ou la menace, émerge une canne brandie contre l’insecte : pour s’en défendre ? pour l’écraser ? Mystère. Impression puissante.

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    Photos prises au vernissage, par courtoisie de MH.

    A vous de découvrir cette exposition pleine de surprises, loin du convenu et du mièvre. MH y joue avec les mots – « Nos rêves les plus flous » – et lécriture, parfois. La fusée de Tintin se pose sur une toile où se répète à l’infini la phrase : « But The Struggle Is Not Yet Over ».

    Parmi les éléments d’un imaginaire où l’étrange s’invite dans ce qu’il y a de plus quotidien, MH Vander Eecken accorde une grande place à la figure humaine. Inspirée par la Dame de Brassempouy, elle en a multiplié le visage – pour elle, plutôt le visage d’un guerrier sous sa coiffe que d’une femme (cf. commentaires) – sur une grande toile très forte, dans le fond de la salle, intitulée Expériences. Ses représentations de femmes ou de fillettes sont souvent empreintes de violence. La palette des diverses émotions humaines se livre dans Je tu il (ci-dessus) : neuf visages d’hommes, ouverts, fermés, du sourire aux larmes, regards échangés ou masqués. Les regards sont le « terrain d’exploration » de MH. Allez-y voir.

  • Pays d'en haut

    Alors c’est un pays d’en haut

    tout aux oiseaux,

    où chantent fête :

    merles, pies, verdiers, étourneaux,

    et passereaux, et loriots,

    tous les oiseaux

     

    montant au ciel leur voix de tête

    et jusqu’au faîte :

    ramiers, vanneaux,

    émouchets, corneilles, corbeaux,

    et plus haut encor alouettes,

    mauves, mouettes.

     

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    Or c’est le doux concert des bêtes

    au ciel, à l’eau,

    disant son los,

    en la joie toute bonne d’être

    de la vie pour ne la connaître

    que tout en beau

    et tout d’en haut ;

     

    et c’est alors un pays d’ailes

    aux hirondelles,

    Flandre des tours

    et de naïf et bon séjour ;

    et c’est alors un pays d’ailes

    et tout d’amour.


    Max Elskamp, Enluminures, IV

    (Oeuvres complètes, Seghers, 1967)


  • Un air de printemps

    4 mars 2013 : cette fois, ça y est, le ciel est d’humeur printanière, d’azur parfait, et la gelée sur les toits à peine fondue, on sort les chaussures de marche pour en profiter. Je vous ai déjà parlé du parc Josaphat, le plus proche de chez moi. 

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    Cette fois, balade au parc de Laeken, on peut y accéder juste en face du Château de Laeken et de ses magnifiques serres, lieu de réceptions royales et résidence privée du prince Philippe. Nos souverains Albert II et Paola habitent juste à côté, au Château du Belvédère entouré de beaux jardins. 

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    Peu de promeneurs un lundi matin – une pensée pour tous ceux qui ont repris le travail après un week-end sans pluie mais encore frisquet. Un monument attire les regards en haut de l’allée, le mémorial Léopold Ier autour duquel le parc a été aménagé puis ouvert aux Bruxellois dès 1880, quelques années après sa création. La flèche néo-gothique du monument se voit de loin – de ma terrasse, le la vois qui pointe à l’horizon non loin de l’Atomium.

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    La statue en pied du premier roi des Belges, sous la flèche, est entourée de neuf colonnes surmontées d’allégories correspondant aux neuf provinces du pays (en 1995, le Brabant a été scindé en deux, Brabant wallon et Brabant flamand, ce qui nous en fait dix à présent). Je ne vous le montre que de loin, vu les barrières métalliques qui l’entourent pour l’instant, protection du monument ou des passants, je ne sais – des pierres s’en sont déjà détachées.

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    Au nord de Bruxelles, ce parc à l’anglaise, avec ses vastes pelouses et ses arbres remarquables, est agréablement vallonné, ce qui donne de beaux points de vue, vers l’Atomium ou vers la ville.

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    Des clôtures en châtaignier protègent certaines zones du parc où des lapins se réfugient dans leur terrier dès qu’on approche, tandis que d’autres, immobiles au soleil, jouent les invisibles, ignorant qu’ils sont trahis par leur postérieur blanc.

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    Pies et corneilles se disputent un coin de feuilles mortes, des perruches vertes signalent bruyamment leur présence, vite repérées dans les ramures des arbres qui bourgeonnent. Partout des taupinières dans les pelouses du parc, c’est à cette saison que les taupes restaurent leurs galeries, après les gelées de l’hiver. Dans quelque temps, elles attireront moins l’attention que les jonquilles qui foisonnent sur certaines pentes, cela promet.

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    Dans le bas du parc, la jolie chapelle Sainte Anne, toute blanche, a été attribuée au culte orthodoxe russe. Une autre résidence royale, non loin de là : le château du Stuyvenberg où réside la reine Fabiola depuis la mort du roi Baudouin. Sur le chemin du retour, la vue sur le monument Léopold Ier est encore plus belle, dans son entourage de verdure.

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    Les lions d’Adolphe Fassin ont fière allure près des grilles du Château de Laeken. Le long de l’avenue du Parc royal, où le trafic est incessant, les clochettes des perce-neige mettent de la lumière dans le lierre couvre-sol.

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    Une dernière photo, avant de rentrer, pour le pittoresque Pavillon Chinois dans son beau jardin, qui cache le Musée d’art japonais situé juste derrière.

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    Autour du parc public de Laeken et du domaine royal (accessible uniquement lors de l’ouverture des serres, cette année du 19 avril au 12 mai), d’autres jardins font de Laeken une belle étape de la Promenade Verte autour de Bruxelles.