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Culture - Page 530

  • Dianthus

    L’œillet a parfois mauvaise réputation. Je n’aime guère les gros œillets que mon père, qui les aimait, lui, glissait en compagnie d’autres fleurs quand il offrait un bouquet à ma mère. Mais l’éclatant œillet des chartreux, rencontré en chemin, me plaît beaucoup, et aussi l’œillet dit bleuâtre, au parfum aussi délicat que sa couleur. 

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    Il manque quelque chose à un séjour sans fleurs. J’y mets volontiers de petits œillets, et c’est merveille de les voir s’ouvrir, jour après jour. Monochromes au premier abord, ils ont l’art, avec le temps, de déployer toute la gamme de leurs couleurs, de l’orange vif au rose saumon, du rose intense jusqu’au jaune pâle – avant de s’éteindre.

     

  • Fleurs d'été

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    23 août. Matin d’orage. Grande lessive sur la ville. Ce jour d’été charrie des montagnes de nuages chargés d’éclairs, les verveines déplumées par les grêlons ont renversé sur la table de jardin leurs étoiles rouges.  Où êtes-vous, couleurs lumineuses des fleurs d’été, ciels d’azur, jeux des formes ? En voici, en voilà.

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    Symphonie en jaune et mauve des lotiers, des orchis et des trèfles, cadeau inattendu sur le bord d’un chemin. Danseuse étoile, la centaurée des montagnes.

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    Le jaune est la couleur de l’été.  Une fleur-soleil irradie. Dans un bouquet des prés, le jaune réchauffe les marguerites, éclate en bouton d’or, mousse sur les gaillets. Un tournesol à table, joliment présenté, vous met l’été à la bouche.

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    Rose et bleu aiment faire alliance. Epilobes et lupins s’élancent à la conquête du vert. Toujours sur la défensive, un cirse laineux tend vers le ciel ses soies pourpres.

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    Voilà, voici. Des éclairs encore, signatures vives, éphémères. Sur la terrasse, un ballet d’eau s’improvise, les gouttes sautillent, dessinent des arceaux. Quand le ciel aura changé d’humeur, j’irai voir où l’épeire diadème va tendre à nouveau ses fils, tracer ses lignes, prendre sa place sur la toile.

     

  • Famille

    « La famille n’est pas très grande et tout le monde a répondu présent, tout le monde voulait faire la fête, personne ne voulait manquer l’anniversaire de Gustave ! Sont présents également et chantent tout aussi fort que les autres, les deux grands amis de Gustave, ses amis de toujours : Arthur le boucher et Simon le fermier du champ voisin ainsi que leurs femmes respectives.
    Seule Annette est absente. »

    Nicole Versailles, Les amis de Gustave (Les dessous de tables)

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    Festen (Thomas Vinterberg)Festen, Thomas Vinterberg

     

     

     

  • Tant d'histoires

    Nicole Versailles a ému bien des lecteurs avec L’enfant à l’endroit, l’enfant à l’envers (2008), un récit autobiographique où elle revient sur l’histoire d’un amour manqué, entre sa mère et elle. Animatrice d’ateliers d’écriture, elle sait monter une histoire comme on monte une sauce, doser les ingrédients, accentuer ici ou là une saveur, une couleur, ménager le suspense. Les dessous de tables, un recueil de nouvelles qu’elle a publié l’an dernier, propose une vingtaine de nouvelles. 

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    Quoi de plus révélateur qu’une cuisine, qu’une table dressée, qu’un repas de famille ou entre amis sur les relations que nous nouons avec les autres, sur ce que nous montrons ou cachons de nos sentiments ? En Grèce ou en Palestine, à Bruxelles ou ailleurs, les femmes et les hommes se débrouillent comme ils peuvent avec leurs attentes, leurs craintes, leurs limites.

    La première nouvelle raconte l’histoire de Myrto, « un nom de premier matin du monde » mais « une fille de tous les soirs ». Les femmes du village, les « régulières », fatiguées du ménage et des enfants, ont fini par accepter la présence d’une prostituée « comme un mal nécessaire », à condition qu’elle reste à l’écart et ne reçoive pas leurs hommes en plein jour. Seule la femme de Yanis interdit à son mari de la fréquenter, lui seul parle de Myrto méchamment. Un jour, celle-ci rencontre un inconnu, quelqu’un d’étrange avec un bandana rouge dans ses cheveux noirs et qui « la regarde vraiment » : il est à la recherche de Yanis, mais il plaît tellement à Myrto qu’elle l’invite à passer chez elle avant. Nikos accepte un verre de retsina, elle lui prépare un mezze, ils bavardent tranquillement et l’homme finit par s’assoupir contre le grand coussin doré. A l’aube, quand elle se réveille, il n’est plus là. On découvrira pourquoi le bel étranger avec qui Myrto s’inventait déjà une nouvelle vie ne reviendra plus jamais (Juste un petit verre de retsina). 

    Ce qui lie et sépare les couples est un des thèmes récurrents des Dessous de tables : ici des convives observent le manège d’un homme devenu roi d’un jour grâce à la fève flirtant effrontément sous les yeux de sa femme avec une autre qu’il a couronnée de carton doré, comme au spectacle (Le roi et la reine de la fève). Un vieil homme se prépare une soupe et se rappelle les bons potages frais que sa femme, dont il ne supportait plus les jérémiades, lui préparait quand elle vivait encore. Le silence dont il rêvait alors le plonge dans d’étranges interrogations (Une bonne soupe en sachet).  

    La mère allemande d’un petit garçon français en 1955, la mère anéantie d’une petite fille gravement malade, une épouse enfermée dans la dépression, une mère qui a fleuri sa table d’une rose rouge pour fêter son anniversaire avec son fils qui tarde à arriver… Nicole Versailles décrit la solitude ordinaire, le plus souvent au féminin. Ou dévoile les déchirures masquées sous les apparences lisses de la vie sociale. Tant d’histoires…

    Agressions, viols, meurtres, la face cachée de certaines histoires est très noire. Des familles se déchirent. Le désespoir rend fou. Des retrouvailles anodines autour d’un verre, autour d’une table, se muent en drames profonds. C’est parfois violent, parfois drôle. Ainsi quand Charles-Henri se montre plus brillant et séduisant que jamais en ce soir d’anniversaire : son discours retient l’attention de tous, mais il en est deux qui portent ailleurs le regard. Marie-Solange, son élégante épouse, qui s’ennuie terriblement, remarque l’effet du décolleté subtil de sa robe haute couture sur ses voisins de table et commence à s’amuser (Dilemme).

    Natacha prépare avec soin un osso bucco pour un dîner où Christian et elle ont une grande nouvelle à annoncer. Tout est fin prêt à l’arrivée des invités, mais au moment où elle lève son verre pour prendre la parole, lui se lance tout excité dans l’éloge du dernier bijou technologique annoncé dans la presse, emmène tout le monde dans son bureau pour faire admirer ses dernières photos numériques, repousse constamment l’heure de manger. Jusqu’au coup d’éclat de sa femme qui va tous les planter là (Le jardin de la colère).

    Les nouvelles de Nicole Versailles dépassent rarement une dizaine de pages. Le style y est le plus souvent parlé, contemporain, et elle recourt de temps à autre aux italiques pour intercaler dans le récit des pensées intimes. Certaines phrases sont d’une précision sans faille : « Elle claque la porte d’un coup sec et tranchant comme sa vie coupée en deux par l’annonce guillotine. » (Cuisine intérieure) Les dessous de tables : un titre parfait pour ces tranches de vie déshabillées.

    A Coumarine, fort éprouvée en ce moment, un salut amical et mes souhaits de prompt rétablissement.

     

  • Blanc ou noir

    « Dans les faits de langue, il n’existe pratiquement plus de place pour les variables, les subtilités, les restrictions, les exceptions ou les hésitations. Le doute n’est plus un outil de pensée ; le flair n’est plus un instrument de recherche (de fait, comment faire entrer le flair dans le sacro-saint ordinateur ?) Le relativisme culturel est devenu scientifiquement incorrect et politiquement suspect. C’est oui ou c’est non, jamais peut-être ; c’est blanc ou c’est noir, pas gris, et encore moins gris perle ou gris tourterelle. Mots de liaison, adverbes de nuance, propositions subordonnées concessives sont désormais des éléments grammaticaux obscurs ou inutiles. Des mots tels qu’éventuellement et probablement sont considérés comme synonymes, et les subtilités qui les accompagnent sont aujourd’hui indéchiffrables par bon nombre de nos contemporains. En revanche, l’emploi d’adverbes comme absolument ou totalement est devenu envahissant, de même que toutes les formes superlatives. Dans les langues occidentales, le mot très est de nos jours l’un des plus employés et des plus galvaudés. Il n’existe plus de place pour la nuance, le relatif, l’ambivalence. »

    Michel Pastoureau, Les couleurs de nos souvenirs 

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