« Je suis née au milieu d’eux, c’est plus facile de redevenir comme eux… Non ! Je voulais plutôt être putain, j’avais lu ça dans Ici Paris, des récits de filles perdues. Au moins, elles en étaient sorties, de leur trou. Je partais, je m’évadais, je cherchais dans le Larousse les mots étranges, volupté, lupanar, rut, les définitions me plongeaient dans des rêveries chaudes, destin blanc et or, salles de bains orientales, je me coulais dans des cercles de bras et de jambes parfumés. La beauté, une sorte de bonheur fatal étaient de ce côté, pas dans la maigre sonnette, les pots de confiture gluants au milieu de leur auréole. Le bien, c’était confondu avec le propre, le joli, une facilité à être et à parler, bref avec « le beau » comme on dit en cours de français ; le mal, c’était le laid, le poisseux, le manque d’éducation. »
Annie Ernaux, Les armoires vides
Commentaires
vraiment, je dois la lire, quand même; ^_^
Quand même ? ;-). Bonne découverte, Keisha. (A mon avis, mieux vaut commencer avec un autre titre que celui-ci.)
En France, son prix Nobel fait toujours parler .. J'ai écouté hier une émission sur F.C. J'ai failli l'abandonner en cours de route, mais les propos de Pierre Assouline m'intéressaient. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/l-oeuvre-d-annie-ernaux-7794237
Merci beaucoup pour ce lien, Aifelle. Je viens d'écouter cette émission très intéressante : Finkielkraut plutôt bloqué par les positions politiques d'Annie Ernaux, et de bonnes réponses de Raphaëlle Leyris et de Pierre Assouline. L'oeuvre est saluée, les engagements critiqués, les influences bien montrées.
Bon dimanche !
Cet extrait est parfait pour décrire les deux mondes : celui de sa famille, qu’elle n’a jamais ni renié ni oublié et toujours défendu, et l’autre, le “ beau “
Merci. J’écouterai l’émission mais j’imagine bien déjà.
Pendant 50 ans on n’a que très rarement parlé d’elle, elle n’était invitée nulle part. Elle dérangeait trop.
Bonne écoute de l'émission renseignée par Aifelle, qui m'a appris certains faits que j'ignorais, étant peu au courant de ses engagements publics parfois retentissants.
Oui, c'est une femme courageuse qui s'est engagée publiquement pour ceux qu'on méprise alors qu'ils sont ceux qui prennent soin des autres
Je me réjouis d'apprendre à mieux la connaître à travers ce Quarto qui, selon l'éditeur, rend "la trajectoire d'une vie dans l'écriture".
Je n'ai toujours lu qu'un seul de ses livres (contrairement à dasola), et je l'ai d'ailleurs relu et chroniqué après son prix Nobel... J'ai encore le temps (j'espère) pour aborder le reste de son oeuvre.
Bien noté que vous ne conseillez pas de commercer par "Ecrire la vie" (ce qui est amusant, c'est que le livre que j'ai lu avait été publié initialement dans une collection nommée "Raconter la vie"!).
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
OUPS... le premier roman, publié en 1974, était Les armoires vides" (d'où est extrait la citation en début de votre article, et que vous avez chroniqué sur un autre billet), cependant que la photo d'illustration concerne "Ecrire la vie", publié dans la collection "Quarto"... j'avais "confondu" les deux!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Lu la chronique sur le blog de Dasola, l'aventure au supermarché ne me tente pas fort.
Attention : "Ecrire la vie" est le titre donné à l'ensemble du recueil dans la collection Quarto (proche de la collection "Raconter la vie", en effet). C'est le premier roman qu'il contient, le premier publié, donc "Les armoires vides", qui ne me semble pas un choix idéal pour commencer à lire Annie Ernaux.