L’exposition « .be modern, de Klee à Tuymans » est prolongée jusqu’au 21 février aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, qu’on se le dise. Je l’avais boudée jusqu’ici, à tort – c’est si gai, après un an, de refaire un tour au musée ! Même si cet accrochage temporaire d’une sélection d’œuvres des XXe et XXIe siècles rappelle un scandale qui n’en finit pas de durer : dix ans déjà depuis la fermeture du Musée d’art moderne à Bruxelles.
© Georges Meurant, Sans titre, huile sur bois, 2019, Bruxelles, MRBAB
Le long du couloir d’accès sont exposées des œuvres contemporaines d’acquisition récente : VidéoSculpture XXI d’Emmanuel Van der Auwera ; une huile sur bois sans titre de George Meurant inspiré par les arts traditionnels subsahariens ; Je suis un rebelle de Chéri Samba ; des dessins de Hugo Claus dans l’esprit de Cobra, entre autres. On aperçoit d’en haut un bel ensemble graphique qui ouvre le parcours : un long fusain de Giuseppe Penonne, Palpebra ; un autre de David Nash ; les pierres du Cercle de l’Utah de Richard Long.
© David Nash, Pyramid in the Sticks, 1989 | Giuseppe Penone, Palpebra | Richard Long, Cercle de l’Utah
Ligne et couleur, matière, figure humaine, ce sont les trois thèmes de l’expo, bien introduite par Hommage au carré. Signal de Josef Albers. Voici un magnifique petit Klee dont un détail a été repris sur l’affiche, Avec les comètes (1917), une « aquarelle sur gaze de coton apprêtée au gypse, encre de Chine sur carton », près d’un Picasso. Plus loin, Le Jeune homme au perroquet vert d’Heinrich Campendonck me plaît beaucoup.
Paul Klee, Avec les comètes, 1917, Bruxelles, MRBAB
© Heinrich Campendonck, Le jeune homme au perroquet vert, huile sur toile, 1921, Bruxelles, MRBAB
Donné aux MRBAB en 2000, un beau paysage signé Maurice de Vlaminck, La Seine à Chatou, date aussi du début du XXe siècle. En face, peintes dix ans plus tard, Les hélices de Fernand Léger et Verreries de Marthe Donas présentées côte à côte offrent un beau sujet de comparaison sur le vide et le plein, la droite et la courbe, la lumière et la matière, la façon d’encadrer…
© Maurice de Vlaminck, Paysage. La Seine à Chatou, huile sur toile, Bruxelles, MRBAB
© Fernand Léger, Les Hélices | Marthe Donas, Verreries, Bruxelles, MRBAB
Les années 30 rapprochent deux artistes qui sont frères avec Jeune femme, un églomisé de Floris Jespers et un bois sculpté d’Oscar Jespers. Son nu féminin regarde vers L’homme des nuages de Frits Van den Berghe, une toile dont je ne me souvenais pas. On passe d’un nom à l’autre, c’est le risque dans ce genre d’exposition pour donner un aperçu d’une collection. Cet éparpillement me gêne moins pour les sculptures, bien placées tout au long du parcours.
© Oscar Jespers, Jeune femme, Bois (1930), 167 x 39,5 x 35 cm
Le fils prodigue ? me suis–je demandé devant ce bronze à la posture très expressive, mais ce Zadkine de l’après-guerre s’intitule La ville détruite. Il faut tourner autour de Cuivre rouge (sur socle de chêne) de Reinhoud tant il y a de différences entre ses profils, ses formes qui s’ouvrent ou se ferment, comme une grande plante exotique aux feuilles coupantes.
© Ossip Zadkine, La ville détruite (1947) bronze, 128 x 57,5 x 56,5 cm, Bruxelles, MRBAB
Eugène Dodeigne, Main sur la cuisse (1965), pierre de Soignies / Femme (1952), bois, Bruxelles MRBAB
Dans une section qui met en valeur la matière, contraste absolu entre deux œuvres d’Eugène Dodeigne : Main sur la cuisse, en pierre de Soignies, frappe par ses formes abruptes, l’aspect massif de la figure, où la taille, voire le combat avec la pierre, prend le pas sur la ligne, plus présente dans ses dessins. Je n’imaginais pas retrouver son nom pour Femme, une silhouette fine, un superbe bois poli tout en élégance, encore marqué par l’influence de Brancusi.
© Günther Uecker, Kreisformation. Objekt, vers 1963, Bruxelles, MRBAB
© Lynn Chadwick, Figures ailées, fer et composition, 229 x 123 x 151, Bruxelles, MRBAB
Ni sculpture ni peinture, Cercle en formation. Objet est caractéristique de Günther Uecker, un artiste allemand proche de l’art cinétique, qui a beaucoup travaillé avec des clous. Une œuvre créée quelques années après Figures ailées du très spectaculaire et reconnaissable Lynn Chadwick. Denmark, un artiste contemporain belge, comme son nom ne l’indique pas, a serré des journaux entre deux serre-joints – je ne connaissais pas son travail à partir du papier imprimé, qu’il recycle de toutes sortes de manières (à voir sur son site).
© Christian Boltanski, Reliquaire : meurtres (1989-1990), Bruxelles, MRBAB
Pour terminer, un impressionnant Reliquaire : meurtres de Christian Boltanski : 261 boîtes en fer blanc, 9 grandes boîtes où sont suspendues des ampoules électriques – chaque grande boîte contient une photo en noir & blanc. J’aurais pu vous parler aussi de Matisse, Bacon, Christo… En plus de la peinture et de la sculpture, .be modern propose des œuvres sur papier, des installations, des vidéos : ce sera pour la prochaine fois.
Commentaires
c'est fou, au fil des mois j'ose de moins en moins sortir...
Les astres étaient bien alignés, les stats en baisse (hélas ça remonte), je me suis sentie en confiance ce jour-là. Le parcours est bien indiqué pour éviter les croisements dès l'entrée.
Pour ce qui est de sortir se promener, on aimerait moins de pluie, patience sur toute la ligne.
Quelques coups de cœur ici: Je suis un révolté, un envol d'imagination colorée pour exprimer ce sentiment. Puis ce perroquet vert, superbe toile !!
Tu as vraiment bien fait d'y aller, bonne journée !
Contente que tu les apprécies, bonne journée, Colo.
Merci, je vais retourner voir tout ça, très riche, plus en détails.
J'ai entendu Boltanski récemment sur France- culture et j'ai adoré!
Je comprends que tu soies finalement sortie; nous, les musées, ça nous manque. MA fille Anaïs qui travaille souvent dans les réserves du Louvre me dit aussi qu'ils devraient mettre des quotas de visite, que ça manque, même les gardiens finissent par s'ennuyer....C'et désespérant de laisser croire que ce n'est pas essentiel!
A plus tard alors!
Les collections de l'ex-musée d'art moderne sont beaucoup plus riches que ce qui est montré à cette exposition et j'espère voir un jour - avant mes cent ans ;-) - un nouveau musée qui valorise les oeuvres des collections du XXe siècle.
Je m'y suis sentie plus à l'aise que dans un supermarché, je recommande cette expo à ceux qui sont tentés d'y aller. Les plus belles images ne valent pas le face à face avec une oeuvre, c'est clair.
Que les musées me manquent, les découvertes, les stimulations, le beau. J'adore Klee et Zadhkine. J'attends désespérément de retourner à Orsay, au Louvre... En Belgique aussi. Merci pour la balade
Comme je comprends ce manque, Maryline, espérons que tout cela nous soit rendu tôt ou tard cette année.
je compte aller voir cette expo, mais je suis rebutée par l'idée de devoir prévoir le jour et l'heure
J'y suis allée sans réserver, Niki, tu n'es pas obligée de prendre un rendez-vous. Bonne visite !
Vous avez de la chance de pouvoir retourner au musée. C'est une expo très intéressante que tu as vue, beaucoup d'oeuvres m'aurait plu.
Oui, c'est une chance. J'espère qu'il en ira de même en France dès que la situation sera meilleure.
j'ai passé une longue soirée dans ces salles avec un grand plaisir donc encore merci à toi pour nous avoir alerté
A la Brafa ou au musée, c'est si gai faire le plein de belles choses même virtuellement. Avec plaisir, Dominique.
Tant de choses nous manquent. La médiation de l'écran nous console quand même. Merci pour cette fabuleuse visite, Tania.
Tout ce qui console, étonne, nourrit, oui, c'est bon à prendre d'une manière ou d'une autre. Bonne après-midi, Fifi.
Merci, Merci Tania pour le partage très riche de ta visite au musée ! Elle nous est précieuse.
Les sculptures de Zadkine me touchent toujours.
Oui, tes images permettent d'attendre des jours plus légers....qui reviendront. Belle soirée Tania !
Heureuse que tu y trouves un stimulant, Claudie. La grande Diane en bois de Zadkine est un des trésors de ce musée : https://fine-arts-museum.be/fr/la-collection/ossip-zadkine-diane?artist=zadkine-ossip-1
Bonne soirée.
Voilà un but de visite intéressant ! Envie de Bruxelles, d'expo et de librairies ;-)
Du musée, tu ne seras pas loin de la librairie Tropismes. Bonne sortie un de ces jours, Anne & bonne après-midi.
Je suis aussi allée voir cette exposition, (malgré une certaine tristesse, eu égard à ce qu'était le musée avant...) si vivant. L'accrochage à la belge est toujours minimaliste, en effet. Un mur, une à deux œuvres, pas plus.
J'ai été très intéressée par le dessin et le travail sur les papiers. J'ai tellement envie de travailler sur des matières... je pleure les AAC des vacances...
Georges Meurant était professeur à l'Ecole des arts d'Ixelles... je pense qu'il donnait cours de lithographie? À l'époque où mon mari y était aussi prof...
Il n'y avait pas un monde fou quand j'y suis allée. Une heure, pour voir l'exposition. Cela ne nous laissait pas le temps de revoir l'art ancien... en même temps, autant y retourner une prochaine fois. Quand je pense à l'époque des grandes expositions, des midis du cinéma, des midis de la poésie! Oh là la... je suis tout de même contente d'y être retournée.
Bonjour, Pivoine. Je ne connaissais pas Georges Meurant, Mu in the City lui a consacré un portrait d'atelier, je vais ajouter le lien : https://www.mu-inthecity.com/ateliers-dartiste-georges-meurant
Pas trop de monde à l'expo, c'est l'idéal, et pas seulement par les temps qui courent ;-)
(Désolée pour le doublon, cela m'arrive aussi trop souvent.)