« L’histoire de l’art est énigmatique. Pourquoi la peinture italienne, si novatrice au Trecento, n’a-t-elle pas inventé le paysage ? Pourquoi l’audace d'un Lorenzetti est-elle restée sans lendemain ? On s'accorde à voir dans Les effets du Bon Gouvernement (vers 1340) l’un des premiers paysages occidentaux.
On mentionne moins souvent, sans doute en raison de leur format, deux minuscules tableaux du même Lorenzetti, conservés à la pinacothèque de Sienne, Château au bord du lac et Ville sur la mer, dont la profondeur est assurément défectueuse, selon les règles des perspectives linéaire et atmosphériques, mais qui témoignent d'une volonté de laïciser le pays, en le libérant de toute référence religieuse.
On aperçoit même, dans l’angle inférieur droit du second tableau, une petite scène, éminemment profane : une femme nue, qui baigne ses pieds dans l’eau d'une crique… Mais, comme le souligne Kenneth Clark, ces paysages « demeurent sans postérité pendant presque un siècle. »
Alain Roger, Court traité du paysage
Ambroglio Lorenzetti, Château au bord du lac (à droite) / Ville sur la mer (à gauche), 1340, Pinacothèque de Sienne
Commentaires
Heureusement que tu as signalé la femme du deuxième tableau, je ne l'aurais pas remarquée. Un siècle sans reprise, c'est long ...
presque un siècle? Melchior Broederlam, Flamand d'Ypres, actif entre 1381 et 1409, peint des paysages dans ses retables
je ne suis pas spécialiste, il est juste le premier qui me vient à l'esprit, mais je ne peux que conclure qu'au lieu d'un siècle on passe à un demi-siècle à peine ;-)
J'avoue mon ignorance sur le sujet, mais comme j'ai constaté que le livre est présent dans ma bibli, j'ai noté!Merci.
@ Aifelle : Je ne l'avais pas vue non plus, le texte a attiré mon attention.
@ Adrienne : Parfaitement. Ta remarque va dans le sens du chapitre "Naissance du paysage en Occident". L'extrait concerne uniquement la peinture italienne, j'aurais dû le préciser. Alain Roger : "Mais pourquoi les villes flamandes furent-elles, plus que celles d'Italie, inspiratrices, instauratrices de paysages ?"
@ Keisha : J'ai beaucoup appris en lisant cet essai qui pose de bonnes questions, même si les thèses de l'auteur sont discutées.
Me voilà de retour dans la blogosphère après un mois de pause... Je vais donc regarder ce que tu as posté durant ce temps-là. Passe un bon week-end.
Merci, petit Belge, et bon retour chez toi.
Ces deux tableaux sont très intéressants et ont leur charme. Ils notent bien cette évolution vers moins de main-mise religieuse, et c'est ce que je note: l'audace qui fera école.
N'est-ce pas ? Ils me plaisent aussi, de façon différente. Cela m'a rappelé quelque chose que j'ai appris en fréquentant un certain temps les salles de ventes avec une passionnée : les paysages sans personnage y sont généralement moins cotés que les paysages "animés".
L'apparition des détails profanes et puis l'émancipation des peintres par rapport aux sujets religieux est intéressante à observer. Bon week-end, Maïté.
Intéressant ! cela m'a fait penser au tableau de Giogione La Tempête. Il y a la notion de paysage et une femme en partie nue, ce qui est audacieux car il s'agit de Marie. Mais l'oeuvre date du début du XVI siècle et est encore d'inspiration religieuse si l'on peut dire. Un grand bond dans le temps par rapport à Lorenzetti !
Je me souviens aussi des paysages en arrière plan des Rois Mages de Gozzoli ou de la bataille de San Romano de Ucello ( mais c'est déjà le XV siècle et le paysage n'est pas le sujet principal)
Peut-être te laisseras-tu aussi tenter par cet essai ?