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Brontë à Bruxelles

Le professeur de Charlotte Brontë est un roman posthume, le premier qu’elle ait écrit, paru sous le pseudonyme de Currer Bell en 1857. Le titre donné par Catherine Rihoit à sa préface, « Portrait d’une solitude », souligne le trait dominant de William Crimsworth, un orphelin que rien ne destinait a priori au métier de professeur d’anglais à Bruxelles – Charlotte Brontë elle-même y a enseigné.

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Le roman s’ouvre sur une lettre que le héros adresse à un ancien camarade d’Eton, où il lui résume ce qu’il est devenu depuis leurs études. Ses oncles ne lui ayant proposé que deux voies qui lui déplaisent, l’Eglise (la cure de Seacombe) et le mariage (avec une de ses cousines), son manque de fortune ne lui laisse qu’une possibilité : l’industrie. Edward, son frère aîné de dix ans, a repris l’usine de leur père et accepte de le caser « si la chose était possible ».

C’est donc à Crimsworth Hall que le récit commence : William y est accueilli avec une extrême froideur. Il connaît le français et l’allemand, son frère l’engage « en qualité de second commis pour traiter la correspondance étrangère » avec un salaire minimum et le prie de se trouver un logement en ville. Un peu d’épargne accumulée à Eton permet à William de louer « une petite chambre et un cabinet fort modestes ».

Invité comme les autres employés à la fête d’anniversaire du « maître », ignoré par son frère et sa belle-sœur, William s’éloigne de la salle de danse pour se réfugier dans la salle à manger où il retrouve avec émotion le portrait de sa mère. Monsieur Hunsden, un propriétaire d’usine, qui l’admire aussi, lui manifeste de l’intérêt et s’étonne franchement de voir travailler William dans une maison de commerce, métier pour lequel son caractère « aristocratique » ne lui semble pas fait du tout.

Ce travail routinier lui déplaît, son frère le traite mal, mais que faire d’autre ? Lorsque M. Hunsden réapparaît sur son chemin et l’invite chez lui, il accepte d’aller le voir et de discuter avec lui de son avenir. Le jour où son frère, furieux, lui fait une scène pour l’avoir calomnié en ville – il n’en est rien, mais Hunsden, lors d’une réunion, a traité Edward de « tyran domestique » –, c’en est trop. William démissionne sur-le-champ. Hunsden s’en réjouit, lui offre un peu d’argent et une lettre de recommandation pour une de ses connaissances à Bruxelles.

« Peut-être, lecteur, n’êtes-vous jamais allé en Belgique ; peut-être ne connaissez-vous pas la physionomie de cette contrée, dont les lignes sont gravées si profondément dans ma mémoire ? » Voici donc William Crimsworth à Bruxelles où on lui propose d’enseigner le latin et l’anglais dans une grande institution dirigée par M. Pelet, un homme dans la quarantaine.

« Peu à peu les obstacles s’aplanirent devant moi. J’avais, en moins de cinq ou six semaines, vaincu les difficultés inséparables de tout début dans une carrière nouvelle. Je parlais maintenant le français avec assez de facilité pour être à l’aise en face de mes élèves. Je les avais mis tout d’abord sur un bon pied. Et, comme je sus les y maintenir, jamais l’idée de révolte ne germa parmi eux : chose extraordinaire pour des Flamands, et qu’apprécieront tous ceux qui connaissent les usages des pensions belges et la manière dont les élèves s’y conduisent avec leurs professeurs. »

Le nouveau professeur est bientôt présenté à Mlle Zoraïde Reuter, la directrice d’un pensionnat de jeunes filles voisin, qui cherche un professeur de confiance. Un jeune professeur masculin face à des jeunes filles pleines d’assurance… William Crimsworth est mis à l’épreuve dès la première leçon. Le professeur de Charlotte Brontë est un roman d’apprentissage ; à chaque étape, le personnage affronte ses doutes, ses craintes, l’inconnu, dans sa profession comme dans ses rencontres. Mlle Reuter s’intéresse à lui, lui s’intéresse surtout à ses élèves, et plus particulièrement à l’une d’elles, ce qu’elle ne pourra tolérer.

Les états d’âme du héros sont évidemment détaillés tout au long de cette histoire ; à l’époque, les bienséances et les codes sociaux gouvernent strictement les relations entre les gens et particulièrement entre les hommes et les femmes. L’intérêt de Charlotte Brontë pour l’enseignement, les rapports entre professeurs et élèves, la question de l’autorité, est manifeste. Son premier roman mêle l’observation sociale à l’analyse des sentiments dans ce récit du cheminement personnel d’un jeune homme pauvre et imparfait qui cherche sa voie.

Commentaires

  • Dans Villette, Charlotte Bronte situe aussi son roman (en partie) à Bruxelles. Tu penses bien que ce Professeur m'intéresse aussi!!!

  • Je n'ai pas lu celui-là, mais je me souviens d'un billet chez toi sans doute, je vais le chercher.

  • je me demande quelle sorte de prof était Charlotte Brontë :-)
    (très rigolo, ce qu'elle dit sur les écoliers Flamands, et moi qui pensais que de tout temps nous avions été parmi les plus disciplinés ;-))

  • Bonjour Tania ! Merci de votre visite qui me permet de découvrir un blog littéraire. Je suis très intéressée par ce dernier livre cité.
    Si vous avez envie et le temps de participer à la copie du lundi, nous serons ravis de vous lire.
    PS : Chez nous, la Flandre, c'est l'univers de Maeterlinck (qui ne parlait pas flamand !) et Gand et Bruges mais aussi les plages, du côté d'Ostende, où j'ai senti l'esprit de Marguerite Duras planer...

  • @ Adrienne : Ja, ja, j'ai pensé à toi en lisant ce passage.

    @ Iakevio : Bienvenue & merci pour votre invitation, je vais aller voir de quoi il s'agit. La Flandre est liée à de grands noms de la littérature française de Belgique, oui, comme le rappelle très bien Jean-Baptiste Baronian dans son "Dictionnaire amoureux de la Belgique".

    @ Dominique : Ravie de te le faire découvrir.

  • Figure toi que je l'ai vu récemment à la bibli (donc je le veux!) mais me sentirais capable de me lancer en vO. Comme je répondais chez moi, on est passé d'un héros ici à une héroïne dans villette.

  • @ Keisha : Dans ce cas, bonne lecture dans le texte original !

    @ Niki : Un roman intéressant où tu retrouveras ta ville.

  • Je ne me souviens pas avoir vu ce roman quelque part, je le retiens. Je pense que les codifications de l'époque vont me faire un peu frémir (ou sourire ..)

  • Pas moyen de me rappeler quel blog m'a fait noter ce roman, je prends donc le relais - en espérant que la personne qui en faisait son titre préféré de Charlotte Brontë se signalera, j'aimerais relire son billet.
    A lire avec le sourire - en se réjouissant d'être née dans un siècle plus libre.

  • N'importe qui ayant un peu de culture a lu Charlotte Bronté et l'étude de Tania nous on apprend qu'elle a enseigné à Bruxelles, ce qui la rend encore plus sympathique et plus proche de nous. ---

  • Bizarre le terme de "roman posthume" . Et si elle n'avait pas eu envie que ses écrits voient le jour !!!

  • "Miss Charlotte tenait beaucoup à son "Professeur", qu'elle retravailla plusieurs fois et qui fut pourtant refusé par son éditeur. Malgré sa notoriété, il ne sera publié qu'en 1857, deux ans après sa mort, grâce à son mari." Ce passage de la préface va te rassurer, ce n'est pas du tout contre sa volonté, au contraire !

  • Je suppose qu'elle y a mis un peu de son professeur, celui dont elle était amoureuse? Je dois dire que Jane Eyre ne m'a jamais plu, mais je ne parle pas du style, Ce thème de l'homme insupportable m'agaçait même petite... Je ne comprenais pas qu'elle lui revienne, pas du tout... :)

  • Je n'avais jamais entendu parler de ce roman ! et bien sûr, le thème m'intéresse... Je vais voir à la bibli si je peux mettre la main dessus. Bonne journée :-)

  • Coïncidence, le livre est ici, emprunté il y a quelques jours. Votre sentiment personnel passe, comme c'est l'usage sur T&P, derrière une relation très neutre qui ne nous incite pas, ma compagne ou moi, à ouvrir le récit.

  • @ Christw : Vous percevez bien la différence entre le goût de la découverte et le véritable coup de coeur, il me semble.

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