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Un livre délicieux

Un livre délicieux, cadeau attentionné, est arrivé entre mes mains cet été : Le petit chien de la marquise de Théophile Gautier. L’histoire en est aussi légère que ledit Fanfreluche, mais avant de vous en parler, essayons de rendre le charme de cette merveilleuse édition de 1893, éditée par la Librairie L. Conquet à Paris, illustrée de vingt et un dessins de Louis Morin. 

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Outre sa parure propre à retenir l’attention des bibliophiles, dont je ne maîtrise pas le jargon, c’est un exemplaire du dessinateur : les illustrations y sont précédées d’esquisses au crayon. La ligne virevolte, gracieuse, autour des protagonistes de la nouvelle. Eliante, « petite-maîtresse », se réveille à peine dans son lit que caresse un rayon de lumière, au lendemain d’un souper chez la baronne,  « cependant midi vient de sonner. Midi, l’aurore des jolies femmes ! » Plus qu’aux coqs-à-l’âne de l’abbé et aux impertinences du chevalier, elle ne pense qu’au personnage le plus admiré de la soirée : « le petit chien de la marquise, un bichon incomparable qu’elle avait apporté dans son manchon ouaté. »

Imaginez Fanfreluche, une touffe de poils blancs dressée sur la tête, nouée d’un joli ruban, « un flocon de laine soyeuse », dansant le menuet sur ses pattes arrière et amusant la galerie par ses tours et ses mines. Représentez-vous Eliante, « qui est née et ne voit que l’extrêmement bonne compagnie », mariée à quinze ans au comte de ***, quarante ans passés, « dans toute sa mignonne perfection ». 

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« Un pastel de Latour » : Gautier nous décrit la jeune rêveuse obsédée par le petit chien, appuyée sur son oreiller « de la plus fine toile de Hollande, garnie de points d’Angleterre » et en profite pour nous faire découvrir sa chambre à coucher de style Pompadour : un lit de bois sculpté peint en blanc, un ciel de lit « orné de quatre grands bouquets de plumes », une grande glace « à trumeau festonné de roses et de marguerites », un guéridon, des dessus de portes où sont représentées des scènes mythologiques ou galantes…

S’ensuit un dialogue avec Fanchonnette, sa femme de chambre : le duc Alcindor attend depuis deux heures au moins le réveil d’Eliante, qui accepte de le recevoir dans sa « ruelle ». Perruque poudrée, habit rose et vert, chapeau à la main, son soupirant est prêt à tout pour celle qui ne désire rien ni personne à part Fanfreluche – y compris à devenir voleur de chien. 

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« Le pastiche délicat qui se présente pour la première fois sous une parure digne de lui n’a pas laissé dans l’histoire des œuvres de son auteur une trace bien importante » avertit Maurice Tourneux dans la préface. « Pour que notre âme soit en fête, / Pour avoir un bonheur complet, / Que faut-il ? Faire la conquête / D’un livre édité par Conquet », déclarait Henri Meilhac (1831-1897), de l’Académie française, cité par le bibliophile Rhemus (Jean-Paul Fontaine, Quand Léon Conquet renversait l'idole du vieux bouquin, Histoire de la bibliophilie, 30/9/2013).

Comédie sans prétention, inspirée des histoires galantes du XVIIIe siècle, Le petit chien de la marquise de Théophile Gautier a d’abord été publié en trois fois dans Le Figaro (décembre 1836) avant d’être intégré dans un volume de ses Nouvelles. Sa candeur m’a fait sourire, ses illustrations – crayon, encre et aquarelle (excusez la médiocrité des photos bleutées) – me ravissent par leur élégance, leur finesse et leur gaieté.

Commentaires

  • Quelque chose de léger, de gai, de délicatement démodé, de subtilement poudré, que rêver de mieux pour un moment d'évasion dans une actualité qui est tout le contraire de ce que propose ce si charmant objet.

  • Les illustrations sont magnifiques, si délicates!
    Je viens de lire le chapitre 2 et me suis bien amusée à la description des repas Franfreluche! A-t-on idée, des vol-au-vent, uniquement!
    Merci, bonne journée Tania.

  • Les illustrations sont vraiment ravissantes et le contenu doit être joliment suranné. A retenir.

  • @ Armelle B. : Heureuse que vous partagiez ce moment d'évasion, Armelle.

    @ Colo : Jusqu'où va l'amour de nos charmants animaux de compagnie ! Bonne après-midi, dame Colo.

    @ Aifelle : Et encore plus qu'il n'y paraît à l'écran. Une lecture comme un joli dessert.

  • Un amateur de livres ne saurait rester indifférent à un tel bijou. Les illustrations sont délicieuses, animées par quelques touches d'aquarelle. Un cadeau précieux.

  • Ce doit être délicieux de recevoir un tel cadeau, l'écriture, les illustrations et l'histoire elle même, une douce façon de lire

  • Un livre à ouvrir comme une bonbonnière. Joli cadeau!
    Théophile Gauthier et son écriture si fine, si raffinée. J'avais commencé comme tout(e) une(e) chacun(e) sans doute avec "Le capitaine Fracasse" qui m'avait ensorcelé.Puis quelques extraits de sa poésie "Emeaux et camées".
    Je me demande quel poète aujourd'hui serait capable d'écrire ainsi si subtilement sur quelque "bichon de la république" .Surtout ceux qui sont habillés jusqu'à la caricature de cirés et de bottes, de foulards et de noeuds papillon.
    Mais je ne suis certainement moi-même qu'un piètre poète pour ne pas savoir apprécier ces nouvelles modes à leur juste valeur. Nous vivons une toute autre époque où l'Ipad et la tablette numérique ont remplacés ces "chiens de poche" si attachants. Qui oserait écrire sur "la tablette de la chancelière"?
    Très bon week-end Tania .

  • A votre belle défense, je joins cet autre commentaire : "Les poèmes de Théophile Gautier sont un condensé de sa littérature : il y fait du roman, du récit de voyage, du souvenir, du sarcasme, et même de la poésie. Et si son principal défaut, une certaine mollesse, s'y retrouve comme dans sa prose, c'est quand même un grand poète."
    Charles Dantzig, "Dictionnaire égoïste de la littérature française".

    (Qui oserait écrire sur "la tablette de la chancelière"? Je tousse de rire ! Bon week-end, Gérard.)

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