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  • Fanfreluche

    « Il s’appelle Fanfreluche, très joli nom de chien, qu’il porte avec honneur. 

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    Fanfreluche n’est pas plus gros que le poing fermé de sa maîtresse, et l’on sait que madame la marquise a la plus petite main du monde ; et cependant il offre à l’oeil beaucoup de volume et paraît presque un petit mouton, car il a des soies d’un pied de long, si fines, si douces, si brillantes, que la queue à Minette semble une brosse en comparaison. Quand il donne la patte et qu’on la lui serre un peu, l’on est tout étonné de ne rien sentir du tout. Fanfreluche est plutôt un flocon de laine soyeuse, où brillent deux beaux yeux bruns et un petit nez rose, qu’un véritable chien. Un pareil bichon ne peut qu’appartenir à la mère des Amours, qui l’aura perdu en allant à Cythère, où madame la marquise, qui y va quelquefois, l’a probablement trouvé. »

    Théophile Gautier, Le petit chien de la marquise

  • Un livre délicieux

    Un livre délicieux, cadeau attentionné, est arrivé entre mes mains cet été : Le petit chien de la marquise de Théophile Gautier. L’histoire en est aussi légère que ledit Fanfreluche, mais avant de vous en parler, essayons de rendre le charme de cette merveilleuse édition de 1893, éditée par la Librairie L. Conquet à Paris, illustrée de vingt et un dessins de Louis Morin. 

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    Outre sa parure propre à retenir l’attention des bibliophiles, dont je ne maîtrise pas le jargon, c’est un exemplaire du dessinateur : les illustrations y sont précédées d’esquisses au crayon. La ligne virevolte, gracieuse, autour des protagonistes de la nouvelle. Eliante, « petite-maîtresse », se réveille à peine dans son lit que caresse un rayon de lumière, au lendemain d’un souper chez la baronne,  « cependant midi vient de sonner. Midi, l’aurore des jolies femmes ! » Plus qu’aux coqs-à-l’âne de l’abbé et aux impertinences du chevalier, elle ne pense qu’au personnage le plus admiré de la soirée : « le petit chien de la marquise, un bichon incomparable qu’elle avait apporté dans son manchon ouaté. »

    Imaginez Fanfreluche, une touffe de poils blancs dressée sur la tête, nouée d’un joli ruban, « un flocon de laine soyeuse », dansant le menuet sur ses pattes arrière et amusant la galerie par ses tours et ses mines. Représentez-vous Eliante, « qui est née et ne voit que l’extrêmement bonne compagnie », mariée à quinze ans au comte de ***, quarante ans passés, « dans toute sa mignonne perfection ». 

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    « Un pastel de Latour » : Gautier nous décrit la jeune rêveuse obsédée par le petit chien, appuyée sur son oreiller « de la plus fine toile de Hollande, garnie de points d’Angleterre » et en profite pour nous faire découvrir sa chambre à coucher de style Pompadour : un lit de bois sculpté peint en blanc, un ciel de lit « orné de quatre grands bouquets de plumes », une grande glace « à trumeau festonné de roses et de marguerites », un guéridon, des dessus de portes où sont représentées des scènes mythologiques ou galantes…

    S’ensuit un dialogue avec Fanchonnette, sa femme de chambre : le duc Alcindor attend depuis deux heures au moins le réveil d’Eliante, qui accepte de le recevoir dans sa « ruelle ». Perruque poudrée, habit rose et vert, chapeau à la main, son soupirant est prêt à tout pour celle qui ne désire rien ni personne à part Fanfreluche – y compris à devenir voleur de chien. 

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    « Le pastiche délicat qui se présente pour la première fois sous une parure digne de lui n’a pas laissé dans l’histoire des œuvres de son auteur une trace bien importante » avertit Maurice Tourneux dans la préface. « Pour que notre âme soit en fête, / Pour avoir un bonheur complet, / Que faut-il ? Faire la conquête / D’un livre édité par Conquet », déclarait Henri Meilhac (1831-1897), de l’Académie française, cité par le bibliophile Rhemus (Jean-Paul Fontaine, Quand Léon Conquet renversait l'idole du vieux bouquin, Histoire de la bibliophilie, 30/9/2013).

    Comédie sans prétention, inspirée des histoires galantes du XVIIIe siècle, Le petit chien de la marquise de Théophile Gautier a d’abord été publié en trois fois dans Le Figaro (décembre 1836) avant d’être intégré dans un volume de ses Nouvelles. Sa candeur m’a fait sourire, ses illustrations – crayon, encre et aquarelle (excusez la médiocrité des photos bleutées) – me ravissent par leur élégance, leur finesse et leur gaieté.