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Un jardin enchanté

Jolie couverture pour Le goût des pépins de pomme, un premier roman à succès de Katharina Hagena (2008, traduit de l’allemand par Bernard Kreiss) : une gravure botanique de Friedrich Guimpel (XVIIIe) – Pomme (Pyrus Malus) – reprise aussi dans le format de poche. Les pommiers de cox orange ou de boscop tiennent une belle place dans cette histoire de famille, et le verger, le jardin, la maison dont Iris Berger, bibliothécaire à Fribourg, hérite de sa grand-mère.

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Pissarro, La cueillette des pommes © Ohara Museum of Art (Japon) 

« La mémoire ne nous servirait à rien si elle fût rigoureusement fidèle » (Paul Valéry) : l’épigraphe indique la trame profonde du récit, nourri des souvenirs de trois générations de femmes. La maison des grands-parents à Bootshaven, dans le nord de l’Allemagne, Iris la redécouvre aux obsèques de sa grand-mère Bertha. Elle y revoit sa tante Harriet qu’elle n’a plus revue depuis treize ans, depuis un autre enterrement, celui de sa fille Rosemarie, pendant lequel Iris s’était évanouie.

 

Pourquoi Bertha n’a-t-elle pas légué sa maison à sa fille Christa ? En ouvrant les portes, de pièce en pièce, Iris se souvient de tant de choses. Veut-elle de cette maison pleine de livres et de robes d’antan ? Pas vraiment. Elle préfère enfourcher son vélo et pique-niquer à l’écluse. Là, pour la première fois mais pas la dernière, Iris se fait surprendre par Max, l’avoué, le frère de Mira, son amie d’enfance et surtout l’amie de Rosemarie.

 

Dans la famille d’Iris, les femmes ont des dons particuliers. Sa tante Inga, née en plein orage, dégage de l’électricité au moindre contact. La belle Inga porte des bijoux d'ambre. La jeune bibiothécaire s’étonne de trouver la maison et le jardin de Bertha si bien en ordre, alors que sa grand-mère a terminé sa vie dans un home, mais l’arrivée de M. Lexow, l’ancien instituteur, éclaire la situation : il en a les clés, il a aimé Bertha, il prétend même être le père de sa tante Inga, sans en avoir jamais eu la confirmation, fruit d’une nuit d’amour sous le pommier.

 

D’après la légende familiale, c’était pourtant Anna qui était amoureuse de lui, Anna qui mangeait tout des pommes, même les pépins qu’elle mâchonnait, Anna morte à seize ans d’une pneumonie. Sa sœur Bertha a épousé Hinnerk, le fils de l’aubergiste, qui deviendra notaire. Et c’est d’un pommier que Bertha est tombée, beaucoup plus tard. Alors elle a commencé à changer, à oublier, à fuguer.

 

Iris a besoin de quelques jours pour prendre une décision, elle prolonge son congé. Chaque fois qu’elle prend son vélo pour aller se baigner quelque part, Max Ohmstedt surgit, mais lui prétend que c’est elle qui hante ses endroits préférés. Il lui apprend que Mira travaille comme juriste à Berlin, et que l’adolescente qui ne portait et ne mangeait que du noir n’en a plus jamais porté depuis la mort de Rosemarie. Max aide Iris à repeindre la maisonnette du jardin où elle a découvert sur un mur le mot « nazi » en lettres rouges. Son grand-père a été « dénazifié » après la guerre ; dans un tiroir de son bureau, elle découvre un carnet de poèmes. Que sait-elle vraiment de lui ?

 

Iris porte tour à tour, selon l’inspiration du moment, les robes anciennes de sa mère et de ses tantes : la verte, la dorée, la vaporeuse… Elle se souvient de ses jeux, parfois cruels, avec Rosemarie et Mira, se remémore les tensions, les drames de leur jeunesse. « Quiconque oublie le temps cesse de vieillir. L’oubli triomphe du temps, ennemi de la mémoire. Car le temps, en définitive, ne guérit toutes les blessures qu’en s’alliant à l’oubli. » .

 

Katharina Hagena convoque tous les sens dans Le goût des pépins de pommes, ce qui donne au récit sa texture particulière où le concret flirte avec l’imaginaire. Sous le pommier, l’herbe fauchée accueillera-t-elle d’autres amours ? Dans la maison de sa grand-mère, le passé et l’avenir d’Iris prennent la forme de questions dont les clés, sans doute, se cachent dans un jardin enchanté.

Commentaires

  • J'ai succombé au charme du jardin dès les premières pages et j'en garde le souvenir d'une lecture à la fois lumineuse et sombre selon les époques et les personnages.

  • très jolie couverture, je pense que je finirai par acheter le livre, surtout après cet intéressant billet

  • Authentique recette ardennaise (de France). Comme s'en transmettent les générations (et pas uniquement de femmes).

    Ingrédients : 1,5 kg de baies de sureau; 1,5 kg de pommes; 25 cl d'eau; 1 mini pincée de sucre; 1 pincée de poivre; ½ cuillerée à café de quatre-épices; 1 citron.

    Laver et égrapper les baies de sureau. Dans une bassine à confiture, mettre les baies et l'eau pour porter à feu vif. Les baies vont s'ouvrir et rendre leur jus. Verser et filtrer via une passoire.
    Mesurer la quantité de jus ainsi recueilli et compter 400 g de sucre pour 50 cl de jus.

    Eplucher les pommes, détailler en petits dés. Compter 750 g de sucre pour 1 kg de pommes.

    Dans la bassine à confiture, mélanger les dés de pomme, le jus de sureau, le sucre et les épices. Cuire sur feu vif, en remuant, jusqu'à ce que les pommes soient transparentes. Vérifier la consistance du sirop, ajouter le jus de citron et redonner un bouillon. Mettre en pots aussitôt.

  • "La mémoire c'est du souvenir en conserve" disait Pierre Dac...mieux vaut quand même noter la recette, merci JEA!

    Billet délicieux pour un roman qui le semble autant, bonne journée Tania, et merci.

  • Seulement hier j'ai pu visiter avec du temps votre blog.
    J’ai été ravi de connaître vos belles images, enrichissant vos excellents textes, toujours culturels.
    Toutes mes félicitations pour votre magnifique blog.
    Je suis un écrivain brésilien de Rio de Janeiro qui a écrit LA BÊTE DES MILLE ANS sur la Tapisserie médiévale de l’Apocalypse, logé au Château d'Angers au Pays du Loire.
    Je serais très content de vous recevoir dans mon blog: www.abestados1000anos.com.br , car il y a beaucoup de pages et textes explicatifs en français sur mon livre.
    Je vous remercie de pouvoir conter avec votre visite, qui me fera beaucoup de plaisir.
    Merci d’avance pour votre intérêt et curiosité

  • Moi aussi j'aime sucer les pépins de pomme...surtout si ils appartiennent à une pomme cueillie à même le pommier. Les autres, les inconnues du supermarché, on n'a pas envie de les manger entières.
    Très beau résumé. Très bien illustré. Ce livre a sûrement une saveur de pomme.

  • je suis venue prendre une bouffée d'automne avec ces pépins de pomme et toc je tombe sur une recette, JEA décidément vous êtes plein de talents
    Un livre charmant à lire sous un pommier bien sûr

  • @ Aifelle : Ton billet enthousiaste me l'avait fait noter, avec raison.

    @ Niki : Bonne lecture, Niki.

    @ JEA : La recette est goûteuse, merci beaucoup, tout le monde en profitera. Il serait temps que j'apprenne l'art des confitures, en attendant je me contente de compotes.

    @ Colo : Excellent Pierre Dac ! Bonne soirée à toi, Colo.

    @ Ilmar : Merci pour votre visite et bon succès avec votre livre.

    @ Euterpe : Ah, la saveur incomparable des pommes du verger !

    @ Dominique : Peut-être succomberas-tu à la tentation ?

  • Chère Tania, vous avez bien fait de venir sous l'arbre. J'ai rafraichi l'URL et vous prenez rang normalement. Il faut dire que j'ai moins visité les blogs ces derniers temps. Je viens de lire votre texte sur les sacs. Kaufmann est un sociologue qui s'intéresse aux objets (le linge il y a quelques années).
    "Quiconque oublie le temps cesse de vieillir." Hélas, on ne peut oublier le temps que si on oublie tout. Ca porte un nom ça.

  • Merci, Zoë. Moi aussi, je dispose de moins de temps actuellement pour les flâneries sur la Toile (entre autres), mais j'aime faire le tour des blogs favoris, y capter l'atmosphère des uns et des autres, moissonner mots et images. Bon week-end.

  • Moi aussi, je les mangeais, les pépins de pomme, ils avaient un goût d'amande. Et puis on m'a dit que c'était du poison et j'ai perdu cette habitude enfantine. Ce billet me convaincra de lire le livre dont j'ai souvent contemplé la couverture.

  • @ Delphine : Bonne lecture, Delphine. Peut-être y retrouveras-tu des saveurs d'enfance ?

  • C'est une de mes récentes acquisitions. Il attend son tour.
    Tu me donnes envie de ne plus attendre.

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