La photo de l’affiche est un peu floue,
mais c’est bien sûr cette illustration-ci que j’aurais dû vous montrer hier.
A vous d’en apprécier les allusions, en attendant…
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La photo de l’affiche est un peu floue,
mais c’est bien sûr cette illustration-ci que j’aurais dû vous montrer hier.
A vous d’en apprécier les allusions, en attendant…
De retour d’un voyage de plus de cinq mille kilomètres en voiture, avec un excellent chauffeur qui en a lancé l’idée au début du mois – une traversée de l’Espagne improvisée à la découverte de l’Andalousie que je n’avais jamais encore visitée –, j’en partagerai bien sûr quelques impressions fortes dans les jours qui viennent.
En attendant, bien que je n’aie eu le temps de lire, en deux semaines, qu’un seul des livres que j’avais emportés (le plus court), voici une vitrine de librairie photographiée à Ségovie et son slogan, « Leer es sexy » : d’autant plus plaisant qu’il offre un dessin de lecteur, ne trouvez-vous pas ? L’une de vous (Colo ?) l’a déjà montré sur son blog. Il me rappelle le début de Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino.
Et une partie du joli décor d’un bistro-restaurant très sympathique, « La mère poule » à Bourges, où nous nous sommes régalés lors de notre dernière étape au retour. Demain je trie les photos de voyage et je prépare un billet « coups de cœur ». Merci pour vos commentaires aux textes de Bonnefoy & à bientôt.
I
Mais le plus cher mais non
Le moins cruel
De tous nos souvenirs, la pluie d’été
Soudaine, brève.
Nous allions, et c’était
Dans un autre monde,
Nos bouches s’enivraient
De l’odeur de l’herbe.
Terre,
L’étoffe de la pluie se plaquait sur toi.
C’était comme le sein
Qu’eût rêvé un peintre.
II
Et tôt après le ciel
Nous consentait
Cet or que l’alchimie
Aura tant cherché.
Nous le touchions, brillant,
Sur les branches basses,
Nous en aimions le goût
D’eau, sur nos lèvres.
Et quand nous ramassions
Branches et feuilles chues,
Cette fumée le soir puis, brusque, ce feu,
C’était l’or encore.
Yves Bonnefoy, La pluie d’été
Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020
Il se demandait comment il pourrait dire ces grands blocs rouges, cette eau grise, argentée, qui glissait entre eux et le silence, ce lichen sombre à diverses hauteurs du chaos des pierres. Il se demandait quels mots pourraient entrer comme son regard le faisait en cet instant même dans les anfractuosités du roc, ou prendre part à l’emmêlement des buissons sous les branches basses, devant ce bord de falaise qui dévalait sous ses pas parmi encore des ronces et des affleurements de safre taché de rouille. Pourquoi n’y a-t-il pas un vocable pour désigner par rien que quelques syllabes ces feuilles mortes et ces poussières qui tournent dans un remous de la brise ? Un autre pour dénommer à lui seul de façon spécifique autant que précise l’instant où un moucheron se détache de la masse de tous les autres, au-dessus des prunes pourries dans l’herbe, puis y revient, boucle vécue sans conscience, signe privé de sens autant que fait privé d’être, mais un absolu tout de même, à lui seul aussi vaste que tout l’abîme du ciel ? Et ces nuages, dans leur position de juste à présent, cou leurs et formes? Et ces coulées de sable dans l’herbe auprès du ruisseau ? Et ce petit mouvement de la tête brusque du merle qui s’est posé sans raison, qui va s’envoler sans raison? Comment se fait-il qu’auprès de si peu des aspects du monde le langage ait consenti à venir, non pour peiner à la connaissance mais pour trouver repos dans l’évidence rêveuse, posant sa tête aux yeux clos contre l’épaule des choses ? Quelle perte, nommer ! Quel leurre, parler ! Et quelle tâche lui est laissée, à lui qui s’interroge ainsi devant la terre qu’il aime et qu’il voudrait dire, quelle tâche sans fin pour simplement ne faire qu’un avec elle ! Quelle tâche que l’on conçoit de l’enfance, et que l’on vit de rêver possible, et que l’on meurt de ne pouvoir accomplir !
[…]
Yves Bonnefoy, De grands blocs rouges in La vie errante,
Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020
Je redresse une branche
Qui s'est rompue. Les feuilles
Sont lourdes d’eau et d’ombre
Comme ce ciel, d’encore
Avant le jour. Ô terre,
Signes désaccordés, chemins épars,
Mais beauté, absolue beauté,
Beauté de fleuve,
Que ce monde demeure,
Malgré la mort !
Serrée contre la branche
L'olive grise.
Yves Bonnefoy, Que ce monde demeure !
Les planches courbes, Poésie/Gallimard, 2020
Jardinet sur le boulevard, mai 2022