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Textes & prétextes - Page 249

  • Au soleil de Provence

    Faire d’une pierre deux coups

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    La montée caillouteuse vers la chapelle Notre-Dame de Beauvoir, au-dessus de Rousset-les-Vignes, permet de découvrir un superbe panorama vers la montagne de la Lance d’un côté, vers la plaine de Valréas de l’autre.

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    Des bois de lumière. Au début de cette promenade, nous avons vu des accrobranchés dans les arbres – sur une partie du parcours des Barons perchés (clin d’œil à Italo Calvino). Le sentier de découverte forme une boucle dans la forêt de Garde Grosse. Sur les panneaux explicatifs, j’ai appris les mots « samare », « affouage », « cépée » et aussi « pâquerage » et « bûcherage » (non trouvés dans le TLF).

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    Au retour d’une autre balade, entre vignes et oliviers, un roi : ce pin majestueux.

    Tenir le coup

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    La petite bande féline près des poubelles publiques
    s’est renouvelée en partie autour de cette belle siamoise.
    Des amis des chats les aident à tenir le coup.

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    A chaque passage, les chatons fuient ; les autres, prudents, observent.
    Puis ils approchent, intéressés par ce qu’on pourrait leur apporter.

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    Bien des regards s’échangent, la confiance s’installe, mais pas touche !

    Les trois coups

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    Première visite d’Orange. A l’entrée nord de la ville, le superbe Arc de Triomphe.

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    En traversant la ville, une porte ouverte invite à la curiosité, mène à une cour intérieure : cela valait la peine d’entrer.

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    Au Théâtre antique d’Orange : un lieu époustouflant à découvrir d’en bas – grandiose mur de scène, où on commençait à dresser des échafaudages –, puis du haut des gradins et enfin à travers les vidéos du déambulatoire. Magnifique. On rêve d’y entendre un soir, dans l’air tiède, frapper les trois coups.

  • A leur insu

    Benameur escalier.jpg« Le tapis épais absorbe les pas. Ils grimpent. Quatre mondes l’un à la suite de l’autre, silencieux. Ce matin même, ils ignoraient tout de leurs existences respectives. Désormais ils ont en commun cette maison où ils viendront chaque jour, c’est le contrat, et cet homme qui les attendra, chacun à son heure. Est-ce qu’on choisit les liens qui vont se tisser lorsqu’on va travailler dans un bureau, une usine, une école ? On va se parler, forcément, et même finir par deviner à la façon de se dire bonjour le matin comment chacun va. On se connaîtra… un peu. On n’aura pas choisi. Ces quatre-là maintenant auront un lien encore plus fort. Ils toucheront les mêmes objets, monteront et descendront le même escalier. Chacun laissera son empreinte dans la maison. Peut-être prendront-ils ainsi une connaissance plus fine les uns des autres, sans même se rencontrer. A leur insu. »

    Jeanne Benameur, Profanes

  • Profanes de Benameur

    Jeanne Benameur, dans Profanes, sème ici et là les éléments qui éclairent le titre de son roman. « Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée. Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. » Ces premiers mots du texte sont d’Octave Lassalle, l’ancien chirurgien qui, à quatre-vingt-dix ans, a besoin à nouveau « d’une équipe ». Comme un auteur de théâtre – comme l’auteure – qui convoque ses personnages.

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    Octave Lassalle a soigneusement choisi les quatre personnes à qui il va donner les clés de sa maison – chacune y aura sa propre chambre pour y dormir à l’occasion – pour vivre encore. « Pas en attendant. Pleinement. » Il lui a fallu presque un an pour les trouver, parmi ceux qui ont répondu à sa « drôle d’annonce » : trois femmes, « la petite Béatrice », Yolande, Hélène et un homme, Marc.

    Ça ne plaît pas trop à son notaire, qu’il ouvre ainsi sa maison pleine de choses précieuses, ni à sa gouvernante, Mme Lemaire, qui s’en occupe depuis des années. Vu son grand âge, même s’ils viendront chez lui à des heures différentes, il a voulu les rassembler pour qu’ils se connaissent un peu ; ils se croiseront, un jour peut-être ils devront communiquer entre eux sur la meilleure façon de prendre soin de lui, s’il perd le contrôle.

    La journée commencera avec Marc, dès sept heures, qui le rasera à l’ancienne et s’occupera du jardin. Hélène arrivera à quatorze heures, elle est peintre et il lui a passé une commande, elle lui lira aussi les journaux. Yolande lui préparera le dîner et mettra de l’ordre dans les placards de la maison, Béatrice, étudiante infirmière, restera pour la nuit.

    Ainsi s’enclenche l’intrigue de Profanes qui va lentement dévoiler la personnalité d’Octave Lassalle  et celle des autres protagonistes : leurs motivations, leur vie privée, leurs réactions au contact de la maison et du propriétaire. Chacun a un passé, des blessures, chacun vit ses propres démêlés avec le présent et leur relation particulière avec le vieil homme agira comme un révélateur.

    « Le roman est tissé de ces vies qui se cherchent et se touchent, des vies trébuchantes, traversées d’élans et de doutes qui trouvent parfois, magnifiquement, la justesse. » (Jeanne Benameur, sur le site de l’éditeur). La vie, l’amour, la mort, la romancière aborde ces grands thèmes d’une façon originale dans ce beau roman (prix RTL Lire 2013) qui offre aussi, comme l’annonce le titre, une réflexion sur le sens du sacré et du profane pour chacun des personnages.

    Octave Lassalle sait qu’en ouvrant sa maison à d’autres, il prend des risques, mais c’est justement cela, la vie. « J’ai écrit ce roman, comme Hélène, la femme peintre, en passant par les ombres de chacun pour qu’ils apparaissent peu à peu, dans la lumière. » (Jeanne Benameur)

  • Suis-je le seul

    carême,maurice,nonante-neuf poèmes,poésie,littérature français,belgique,écrivain belge,cultureSuis-je le seul au monde
    A vouloir renverser
    Le temps comme on renverse,
    A table, un sablier ?
    Sans fin, je vais de l’ombre
    Au midi le plus franc
    Et, des branchages noirs,
    Entassés dans mon cœur,
    Montent de toutes parts
    Des oiseaux et des fleurs.

    Maurice Carême, Suis-je le seul au monde (Le Sablier, 1969) in Nonante-neuf poèmes

  • Poèmes de Carême

    Nonante-neuf poèmes, c’est le titre de l’anthologie consacrée à Maurice Carême (1899-1978) publiée l’an dernier dans la collection Espace Nord. Le poète belge « de l’enfance », sa grande source d’inspiration, n’est pas réservé aux enfants, comme on l’a parfois cru. Simplicité n’est pas simplisme, rappellent dans la postface Rony Demaeseneer, Christian Libens et Rossano Rosi, qui ont choisi les textes de ce recueil.

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    Maurice Carême au bord de la Dyle à Ottignies
    photo de Jeannine Burny © Fondation Maurice Carême 

    De l’instituteur-poète né à Wavre (dans le Brabant wallon, il y est enterré) et décédé à Anderlecht (commune bruxelloise) où il a enseigné pendant vingt-cinq ans, avant de vivre de sa plume, l’anthologie permet de découvrir ou redécouvrir une poésie de « clarté profonde », suivant l’intitulé d’un colloque organisé à Bruxelles en 1985. La fondation Maurice Carême assure sa promotion depuis 1975, je vous recommande son site.

    En lisant le premier poème, « A Ispahan », un sonnet, – « Où, qui, comment, pour qui, pourquoi ? » –, je me souviens de ce qui m’avait frappée, enfant, quand j’ai lu ou appris par cœur des vers de Maurice Carême : on pouvait donc jouer avec les mots et ça faisait de la poésie ! On pouvait aussi, à sa suite, associer des mots commençant par la même lettre, comme dans « Alphabet », pour s’amuser ou pour inventer le monde ; il était moins simple de trouver rimes et bon rythme, la musique. Pour un certain K, maître du jeu poétique, j’en cite juste une strophe :

    « I   c’est l’ibis berçant son île,
    J   le jardin sans jardinier,
    K   le képi du chef kabyle,
    L   le lièvre fou à lier. »

    Des fleurs et des animaux, des ciels et des soleils, des nuages, la nature entre sans frapper dans la poésie de ce contemplatif :

    « Le bois est tout bleu de jacinthes.
    On croit respirer en plein ciel.
    Les bouleaux sont comme des saintes
    Qui se penchent sur un missel. »
    (Jacinthes)

    Pas de lumière sans ombre, pas de vie sans inquiétude : le temps passe, on vieillit. Poignant « Cimetière militaire ». Impeccable « D’où venons-nous ? »

    « Qu’a-t-on perdu, qu’a-t-on gagné
    A l’étrange jeu de la vie ? 
    Ne perd-on, avec les années,
    Jusques à l’envie de gagner ? »
    (Le ciel s’est tu…)

    « Pendant que je vis, des gens meurent.
    Des gens vivront quand je mourrai.
    C’est tellement simple, mon cœur,
    Que tu ne le crois qu’à moitié. » (Ma rue)

    Un être reste, du début à la fin, l’axe premier de l’existence : la mère, « bénie entre toutes les femmes ». Lisez « La main de ma mère », c’est si juste, si beau. Maurice Carême ne craint pas de dire les émotions, il est de ceux qui osent écrire avec le cœur, parler d’amour, nommer la mort. Il nous emmène aussi dans le rêve et l’imaginaire – « La porte en feuilles mortes ».

    Le poète jongleur de mots, qui sait n’être « ni Villon ni Verlaine », sans « art poétique », aime citer ses poètes préférés :

    « Laissons rêver Apollinaire
    D’aller aux îles Samoa
    Avec les quatre dromadaires
    De Pedro d’Alfaroubeira
    Et regardons fuir les nuées
    Et danser les fleurs de lilas
    Qui meurent comme des fumées
    Dans les yeux verts de notre chat. »
    (Laissons rêver Apollinaire)

    Enfin, je ne voudrais pas taire le grand rire de Maurice Carême : « Savez-vous ce qui est comique ? », « Le crayon bizarre », « Les canards », « L’heure du crime », « Ponctuation »… Ce ne sont pas poèmes de carême.

    « Rien à dire ?
    Si pardi !
    Qu’il faut rire,
    Rire ici,
    Rire au chien,
    Au hibou,
    Rire à rien,
    Rire à tout,
    Aux nuages,
    Aux vieux houx,
    Rire en sage,
    Rire en fou. (…) »
    (Rire)

    Je n’ai jamais visité la « maison blanche » du poète à Anderlecht, maison-musée de la Fondation Maurice Carême : ce serait pourtant une jolie façon de prolonger la lecture de ces Nonante-neuf poèmes, un jour ou l’autre.