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peinture - Page 66

  • Rafel Joan Peintures

    Es Baluard (le rempart), le musée d’art moderne et contemporain de Palma de Majorque, s’est ouvert en 2004. Ses terrasses accessibles de l’extérieur offrent de belles vues sur la ville, la mer et la montagne. Après avoir découvert ses collections d’art en lien avec les îles Baléares, nous y avons visité la belle rétrospective consacrée au peintre mallorquin Rafel Joan (elle vient de fermer ses portes). 

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    Près de l’entrée, Ritual (Ben Jakober & Yannick Vu, 1994) : un fil de néon passe entre des aiguilles géantes, l’effet est étonnant, très réussi, et aussi vu d’en haut, depuis l’étage. Le parcours chronologique débute en 1900, avec des paysages mallorquins signés Degouve de Nuncques (Baie de Palma), Joaquim Mir, Santiago Rusiñol, Joaquín Sorolla (Cala San Vicente), Pilar Montaner 

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    Ritual © Ben Jakober & Yannick Vu, Es Baluard

    Des œuvres modernes, ensuite, dont Chevaux en fuite par le vol de l’oiseau-terreur de Miró (1976). Des Flûtistes de Juli Ramis très matissiens, des peintures de Tapies (je vous renvoie à l’index des artistes sur le site du musée). Une salle Picasso propose une belle photo de lui et des céramiques.

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    Chevaux en fuite par le vol de l’oiseau-terreur © Miró, Es Baluard

    Une salle Miró montre ses illustrations pour Ubu et pour d’autres ouvrages, Colo y a consacré un billet. Le parcours se termine sur des œuvres plus récentes comme Ile d’un monde parfait III (2007-2008), une sculpture de Baltazar Torres. 

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    Island of a perfect world III © Baltazar Torres, Es Baluard

    Dans les salles du bas, la rétrospective Rafel Joan Pintures 1983-2013 nous a révélé l’univers de ce peintre autodidacte, né à Palma en 1957. Le bleu domine dès ses premières œuvres, comme dans « Carn i fruita » : un homme dévore un morceau de pastèque tandis que sa compagne contemple la mer, accoudée à une balustrade, vue de dos – ses rondeurs répondent à celles des plats et des fruits.

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    Femater, aigües brutes i cementeri, 1988 © Rafel Joan (Photo AraBalears)

    Rafel Joan a peint de nombreux paysages de Majorque loin des clichés, dans leur aspect quotidien, par exemple « Femater, aigües brutes i cementeri » (Ordures, eaux sales et cimetière) dans des tons de terre rouge et d’ocre, image de chaleur et de sécheresse. Plus sereine, « Cala Bóquer », une belle vue de la baie à Portocolom, décline tous les tons du bleu clair au bleu foncé.

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    S’estudi (détail), 1984-1985 © Rafel Joan 

    Un autoportrait m’a fait forte impression, « S’estudi » : dans l’atelier, où une lumière très blanche s’engouffre par la porte, l’artiste travaille, assis à sa table en tricot blanc et pantalon d’un bleu intense. La main droite dessine, la gauche trifouille dans un tiroir ouvert. Concentration. 

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    Eleazar (détail), 1992 © Rafel Joan 

    Le peintre mallorquin a vécu à Palma, au Maroc, à Barcelone, à New York – ses carnets de voyage exposés en vitrine sont très vivants – et il a peint aussi les villes avec leurs enseignes, les rues étroites fréquentées la nuit par les prostituées, les cafés et les bars. Les personnages s’y réduisent souvent à des silhouettes. Ce sont des peintures d’atmosphère, où la configuration des lieux est très bien rendue.  

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    Une autre série de toiles, très différentes dans leur cadrage et dans leurs couleurs, évoquent la contemplation de la nature, avec une grande attention aux feuillages, aux ramures et surtout, avant tout, à la lumière. « Niu » (Neige) est une ode à la lumière d’hiver qui baigne des rameaux noirs et nus, comme à l’encre. 

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    Niu (détail), 2001 © Rafel Joan

    Dans les années 2000, Rafel Joan a eu l’occasion de survoler son île en avion ultraléger et il s’en est inspiré pour peindre la terre vue du ciel (on pense parfois à Klee). Ensuite, changement complet de point de vue avec ses œuvres sous-marines, en bleu et vert, un magnifique ensemble dans lequel il cherche à rendre les impressions quil a eues en marchant sous l’eau (en tenue de plongée) parmi les poissons, les effets de la lumière sous la surface de la mer.

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    Rafel Joan vit en solitaire et peint à l’écart des tendances esthétiques contemporaines, ce qui ne l’empêche pas de participer à la vie artistique de Majorque, où il habite actuellement à Vilafranca de Bonany. Il a de nombreux amis écrivains et artistes, les peintres Barceló et Claramunt, entre autres – le premier signe un texte intitulé « Si j’ai 3 amis, l’un d’eux est RJ ». Le catalogue en catalan offre tous les textes traduits en castillan, en français et en anglais et propose en plus des œuvres exposées de belles photographies du peintre et de son atelier. 

  • Reliances

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    « Je montre peu, juste un univers. »                             (Gérard Edsme)

    « A la manière de Brancusi, qui dans « le cube blanc » installait ses œuvres pour les mettre en écho, G. Edsme compose trois ensembles de peintures. 
    Entre elles se tissent des liens formels et poétiques  « RELIANCES » lieux où la narration prend source et où les formes dialoguent. » (L. S.)

     

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    Gérard Edsme / Parcours Off /

    Parcours d’Artistes Saint-Gilles & Forest / 

    16/5 > 1/6/2014.

     

  • L'atelier du peintre

    Les communes de Saint-Gilles et de Forest organisent ensemble, du 16 mai au premier juin, un « Parcours d’Artistes » au programme riche et varié. Le peintre Gérard Edsme, déjà présenté ici  (« Le jardin d’essai », « Extraits/Abstraits »), s’y associe – « Parcours Off » – et ouvre à cette occasion les portes de son atelier saint-gillois à la rue Saint-Bernard dès demain soir, pour trois week-ends. 

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    Photo Gérard Edsme - www.facebook.com/gerard.edsme

    S’il est un lieu qui fait rêver l’amateur d’art, c’est bien l’atelier d’artiste. Ce lieu où il œuvre en solitaire, cherche, transforme, crée, cet espace où sous ses doigts fusionnent la lumière et la matière. Les « parcours d’artistes » permettent à tout un chacun d’y avoir accès, de faire connaissance, de découvrir leur travail.

    « Chronique d’atelier » : Gérard Edsme a mis récemment sur son blog des photos de deux projets : une cabane en cours de réalisation et la transformation de son atelier pour présenter « L’atelier du peintre… Les Reliances », « trois ensembles de peintures » inspirées par la nature, habitées par le flux vital, sans être pour autant figuratives. J’ai hâte d’y retrouver l’art si sensible de ce peintre poète. 

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    Relier : lier ensemble, rendre solidaire ; assembler et attacher des feuilles ; mettre en communication ; établir un lien. Le concept de reliance est cher à tous ceux, aujourd’hui, qui veulent réinsuffler du sens dans la vie, dans la ville, dans un monde où trop souvent nous vivons isolés les uns des autres, même si nous sommes de plus en plus reliés virtuellement. « Les Reliances » de Gérard Edsme rencontrent toutes ces significations. 

    Je vous parlais il y a peu d’un jardin japonais – lignes, rythmes, formes, reflets, couleurs… Le jardin, c’est mon premier point de contact avec l’univers pictural de Gérard Edsme : « Je place mes traits, couleurs et formes là où ils peuvent respirer. » L’atelier du peintre s’est métamorphosé pour recevoir le public curieux de ce qu’il y peint à l’abri des regards, en musique ou en silence. Son invitation de mai offre une occasion rare de découvrir cet espace « où le peintre offre des possibles ». 

  • Un art pour vivre

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    Philippe Delerm, Sundborn ou les jours de lumière

    Carl Larsson, Karin et Esbjörn, 1909.    

     

     

     

  • L'ami des Larsson

    L’exposition Carl Larsson, limagier de la Suède au Petit Palais m’a fait rouvrir Sundborn ou les jours de lumière (1996), le roman de Philippe Delerm au titre inspiré par le village suédois en Dalécarlie où Karin Larsson, peintre elle aussi, avait hérité d’une maison. 

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    Carl Larsson, La maison, Aquarelle pour l’album « Notre Maison », 1894-1896 © NATIONALMUSEUM STOCKHOLM

    Ulrik Tercier raconte l’histoire des Larsson et la sienne. Karin Larsson le lui a demandé dans une lettre de janvier 1919 à la mort du peintre : « Même si le destin nous a séparés, je vois mieux à présent à quel point nous étions ensemble, Carl, et Soren Kroyer, et vous, Ulrik, et moi, comme ce soir de juin 84 à Grez, Anna et Michael Ancher, et Marie Kroyer, et Julia, bien sûr. (…) Et vous, Ulrik, vous qui avez partagé toute cette quête, vous qui avez vécu l’essence de ces toiles sans jamais peindre vous-même, vous qui nous avez tous si bien connus, peut-être le moment est-il venu de témoigner de notre aventure (…) ».

    C’est donc à Grez-sur-Loing que son récit commence, en juin 1884. Kroyer peint Larsson dans le salon de l’hôtel Chevillon. Bientôt les deux amis se chamaillent et s’encourent « sous les tilleuls, silhouettes légères, Larsson tout en sombre, Kroyer tout en blanc », sautent dans une barque… Mélange de cris, de rires, aspersions d’eau fraîche : Karin et tout l’hôtel – August Strindberg et sa femme sont là aussi – viennent assister à ce nouvel épisode de la fête perpétuelle des peintres scandinaves depuis que Carl est arrivé. 

    Carl Larsson, « déprimé par des échecs parisiens », avait été attiré à Grez par Krogh le Norvégien et Nordström le Suédois, peintres attirés par Barbizon et qui avaient découvert non loin de Paris « ce petit paradis qui représentait pour eux la quintessence d’un village français ». Un an après leur mariage à Grez, Carl et Karin attendent leur premier enfant, une nouvelle fête est en vue. Ulrik, en deuil de sa mère, est ravi de seconder Larsson dans la préparation des feux d’artifice.

    Ulrik accompagnait chaque année ses parents dans la maison de sa grand-mère. Son père, passionné de peinture, fréquentait les peintres, leur achetait des toiles – lui-même peignait en secret, cachait son travail. La mère d’Ulrik, Danoise d’origine, était enchantée de parler dans leur langue avec ces Scandinaves, son père admirait leur art de « peindre la vraie vie ». 

    Quand Julia, la meilleure amie de Karin à l’école des beaux-arts de Stockholm, vient les rejoindre à Grez en juillet, Ulrik tombe amoureux de cette jeune femme exigeante : elle se fâche contre Karin parce qu’elle ne peint plus assez, Julia l’accuse de se laisser piéger par Carl qui l’éloigne de son propre travail de peintre. Mais elle-même, toujours en recherche, concède qu’elle n’a encore rien d’abouti à exposer.

    Avec Julia, Ulrik se rend à Skagen, ce bout du Danemark où les peintres sont à l’affût d’un bleu sans pareil, où on se sent devenir « la mer, la plage et le ciel ». Ils y apprennent la naissance de Suzanne Larsson. La station est renommée depuis qu’Andersen en a chanté les louanges. A la belle saison, l’hôtel Brondum accueille tous ceux qui « viennent voir se mêler au bout du cap les eaux des deux mers, le Kattegat et le Skagerak. » 

    Il y pleut souvent, mais par beau temps, « le soleil de Skagen, la lumière de Skagen étaient bien plus que de la lumière et du soleil. Ils recelaient aussi en filigrane la longueur de l’attente, la fragilité de leur apparition. Ce bleu de lait, ce blanc à peine grisé brillaient d’une intensité mystérieuse, qu’un souffle pouvait balayer. » La mort de son père rappelle Ulrik en France. Il lui laisse largement de quoi vivre à sa guise. Pour ce qui est de la maison de Grez, il ne décide rien encore.

    De retour à Skagen avec Julia l’été suivant, il assiste aux discussions. Les artistes ont l’art de faire la fête, mais leurs désaccords peuvent être profonds, Kroyer reproche à Julia de ne jamais peindre les gens, Anna Ancher renchérit : « Nous sommes tous en quête de lumière. Mais cette lumière passe sur les choses, les êtres que nous aimons. » 

    En décembre 1885, Ulrik découvre enfin Sundborn, après trois jours de voyage en traîneau : un village aux maisons de bois peintes, une rivière, les bouleaux du jardin, une maison que Carl et Karin sont impatients de métamorphoser. Pour leur invité, c’est le temps des questions : Grez, Skagen, Sundborn signifient quelque chose d’essentiel pour ses amis peintres, mais pour lui ? 

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    Carl Larsson, Jeune femme allongée sur un banc, 1913 (The blue lantern)

    Au creux de l’hiver, il sent « tout le silence » de sa vie. « J’écrivais pourtant, moins sur ce qu’ils peignaient que comme ils peignaient. Des notes, des instants, des climats. » Julia, persuadée « qu’on ne peut servir à la fois l’art et le bonheur », s’est installée à Giverny, travaille avec Monet. Sundborn ou les jours de lumière est une immersion dans la vie des Larsson et des peintres de Skagen à la fin du XIXe siècle. Philippe Delerm, à qui on prêterait volontiers la mélancolie d’Ulrik, montre dans ce beau roman d’atmosphères leurs façons de concilier quête artistique et existence, ainsi que la fragilité du bonheur.