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lettres - Page 3

  • Vita & Virginia

    Elles se sont rencontrées, connues, aimées, elles se sont écrit pendant dix-huit ans, jusqu’à la mort de Virginia. La Correspondance entre Vita Sackville-West et Virginia Woolf (The Letters of Vita Sackville-West to Virginia Woolf, traduction de Raymond Las Vergnas), du 23 mars 1923 au 22 mars 1941, vaut d’être lue à plus d’un titre. Aux lettres de Vita répondent ici « quelque cent soixante-quinze extraits tirés des quatre cents lettres, ou presque, aujourd’hui préservées, qu’a écrites Virginia à Vita. » (Note des présentateurs)

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    C’est un long échange entre deux écrivaines : Vita reconnaît à Virginia son génie littéraire, elle aime parler écriture avec elle, toutes deux sont très sensibles aux encouragements et aux commentaires de l’autre. C’est un amour hors du commun entre deux femmes : Vita a trente ans, dix ans de moins que Virginia, quand elles font connaissance en décembre 1922. Leur relation évoluera avec le temps et leurs autres affections, attachées comme elles le sont et à leur vie de couple et à leur liberté : Vita se déplace au gré des mutations de Harold Nicolson, son mari diplomate, lui-même bisexuel ; Virginia et Léonard Woolf sont tous deux amis de Vita qui restera fidèle à la Hogarth Press, leur maison d’édition. 

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    « Par leur fertilité et leur abondance, ces documents relèvent autant de la littérature que de la vie », écrit Mitchell A. Leaska qui introduit à ces années de correspondance dans une soixantaine de pages éclairantes : « Pour Virginia, Vita était la femme supérieure alors que, pour Vita, Virginia était l’écrivain supérieur. » 

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    Long Barn et ses jardins (Sequoia gardens)

    Les « Chère Mrs. Woolf » et « Chère Mrs. Nicolson » du début ne dureront guère – « (Mais je souhaiterais que vous vous laissiez persuader de m’appeler Virginia) », précise très vite celle-ci. Les Woolf s’installent à Tavistock Square (Bloomsbury) en mars 1924 et y transfèrent la Hogarth Press. Virginia suggère à Vita d’écrire un livre pour leur maison d’édition : Séducteurs en Equateur, composé pendant un voyage dans les Dolomites avec Harold, lui vaudra l’admiration et un surcroît d’intérêt de la part de Virginia ; elle lui rend visite à Long Barn, où Vita réside, et aussi à Knole, la demeure ancestrale des Sackville-West (transmissible seulement entre hommes, ce qui affecte beaucoup Vita.) Celle-ci rend leurs visites aux Woolf à Monk’s House (Rodmell) où ils passent l’été. 

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    Quand Harold Nicolson apprend qu’il doit quitter l’Angleterre pour Téhéran, où Vita ira le rejoindre quelques mois plus tard, les échanges entre les deux amies sont déjà devenus plus personnels. Elles se parlent de leurs livres : « Il y a 100% de poésie en plus dans une page de Mrs. Dalloway (que selon vous je n’aime pas) que dans une section tout entière de mon satané poème. » (Vita, 2/9/1925) Mais aussi des plantations, des chiens et des chats, du temps qu’il fait, de leur santé (les migraines de Virginia), de voyages projetés.

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    Avant le départ de Vita pour la Perse, qui laisse Virginia « pleine d’envie et de désespoir », celle-ci passe trois jours en décembre 1925 à Long Barn et c’est là que débute leur liaison intime. Le ton des lettres change, le vouvoiement disparaît : « Je me dépêche pour aller acheter une paire de gants : Je suis assise dans mon lit : je suis très, très charmante ; et Vita est un très cher vieux chien de berger à poil dur (…) Ah, mais que j’aime être avec Vita. » (Virginia, 22/12/1925) – « Virginia, ma chère, ma belle,… » (Vita, 24/12/1925) Virginia est désolée de devoir annuler un de leurs rendez-vous pour raison de santé, reçoit en retour des mots de consolation : « Oh ma pauvre chérie, malade de nouveau, et le roman en panne – tu dois être folle de rage. » (Vita, 11/1/1926)

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    Dès qu’elle quitte l’Angleterre, Vita écrit, et tout au long de son voyage : impressions d’Italie, de Suisse, en mer, tendres pensées. D’Egypte, elle envoie de belles descriptions de la Vallée des Rois. Virginia n’hésite pas à l’informer en retour de l’installation, grâce au succès de Mrs. Dalloway et du Common Reader, de deux cabinets – « et tous deux te sont dédiés » ! Les lettres de Vita sont longues, c’est une formidable épistolière. De ce qui lui répugne en Inde, elle passe aux questions littéraires, aux mots doux. Virginia lui répond à propos du style, du rythme encore plus important que le mot juste.

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    La Perse enchante son amie : « Téhéran, Perse, 9 mars – Tu ne peux imaginer avec quel plaisir j’écris l’adresse ci-dessus. J’ai découvert mon véritable rôle dans la vie : je suis une snob. Une snob géographique. Chaque matin quand je m’éveille, avec le soleil qui inonde ma chambre immaculée de nonne, je reste allongée une minute sous le charme de l’émerveillement ; puis, très lentement, comme un enfant qui retourne un caramel dans sa bouche, je me répète : « Tu es en Asie centrale. » » Lucide : « Comment se fait-il que l’on ne puisse jamais communiquer avec autrui ? Seules les choses imaginaires peuvent être communiquées, comme les pensées, ou l’univers d’un roman ; mais pas l’expérience réelle. »

    Nous n’en sommes pas encore à la moitié de cette superbe correspondance (près de sept cents pages), aussi j’y reviendrai dans un prochain billet.

    Couvertures originales à la Hogarth Press illustrées par Vanessa Bell, la soeur de V. Woolf

  • S'il te plaît

    « Hogarth, mercredi.

    1er février 1922

     

     L’unique nécessité, selon le docteur, est une lettre du grand maître de la biographie. Cela me remettrait sur pieds. Alors s’il te plaît pose ce livre, de qui qu’il soit – serait-ce encore Voltaire ? – et écris une longue, longue lettre remplie à ras bord.

    (…)

    Ne pourrais-tu pas me prêter les épreuves de ton nouveau livre ?

    Cela ferait quelque chose à lire. Comment se fait-il – avec tous tes défauts – qu’on prenne plaisir à te lire ?

     

    V. W. »

     

    Virginia Woolf – Lytton Strachey, Correspondance

     

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  • Virginia - Lytton

    Comme son Journal, la Correspondance de Virginia Woolf (1882-1941) n’en finit pas, à côté de l’œuvre, de raconter une part à la fois intime et publique de sa vie, au début du XXe siècle, à une époque où les échanges épistolaires étaient le principal moyen de rester en contact, une activité journalière, une forme élaborée de conversation. La Correspondance entre Virginia Woolf et Lytton Strachey couvre à peu près vingt-cinq ans : elle débute en novembre 1906, quand, peu après la mort de son frère Thoby, Virginia Stephen invite Lytton Strachey (1880-1932) à Gordon Square (Bloomsbury) et se termine peu avant le décès de celui-ci. Lionel Leforestier a traduit, complété et annoté ces lettres dans l’édition de Léonard Woolf et James Strachey, le frère de Lytton.

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    http://commons.wikimedia.org/wiki/File:StracheyWoolf.jpg

    Dès avril 1908, « Cher Mr. Strachey » s’est mué en « cher Lytton », Virginia et Lytton se tutoient, potinent, rivalisent d’esprit et d’humour dans leur description de la vie qu’ils mènent. « Si tu vois en moi une femme de grand bon sens, j’ai de toi cette image très nette – celle d’un potentat oriental en robe de chambre à ramages. » (V., août 1908) Chacun rapporte ses voyages, ses rencontres, mais après le va-et-vient de l’été, Virginia aspire au calme : « Je veux un bon feu, un fauteuil, du silence et des heures de solitude », répond-elle en novembre 1908 à Lytton qui se plaignait d’être seul après quelques jours de vacances passés en Cornouailles avec Virginia et son frère Adrian – « Imagine-moi dans une solitude extraordinaire,
    prêt à vendre mon âme pour un peu de conversation. »

    Que retient-on de cette correspondance ? Lorsqu’on dispose et de l’envoi et de la réponse, on s’amuse du talent de Virginia et de Lytton pour se surprendre mutuellement, de leur subtilité, de leurs escarmouches. On admire la formulation d’un moment : « Etait-ce Noël ? Nous étions assis autour du feu et avons regardé la neige tomber dans une étrange lumière blanche qui éblouissait. » (V., janvier 1909) La jeune Virginia rêve souvent d’une vie plus légère : « Si je pouvais faire ce que je voulais, je dînerais en ville chaque soir, puis j’irais à une réception ou à l’opéra, puis je souperais au champagne, avant d’aller au lit dans les bras de quelque être merveilleux. Ca ne te plairait pas ? On frémit quand on pense à la pâle existence qu’on mène. Mais je suppose qu’il y a les triomphes de l’Art. » Puis en post scriptum : « Je voudrais que tu viennes tous les jours prendre le thé. »

    Des liens très particuliers rapprochent les deux correspondants. Leurs familles se connaissaient. Thoby, le frère aîné de Virginia, a étudié avec Lytton à Cambridge.
    Puis il y a en 1909 la fameuse demande en mariage suivie d’une rétractation, confiée par Lytton à son frère James en ces termes : « Le 19 février, j’ai demandé sa main à Virginia, qui m’a agréé. Comme tu peux t’en douter, ce fut un moment délicat, d’autant que j’ai aussitôt compris que la perspective m’épouvantait. Mais son tact est étonnant, et heureusement il s’est avéré qu’elle n’était pas amoureuse. J’ai donc pu faire une retraite assez honorable. » A Virginia, il précise : « Mais quoi qu’il arrive, l’important, comme tu l’as dit, est l’affection que nous avons l’un pour l’autre : et là-dessus aucun de nous ne peut avoir de doute. » Elle le sait homosexuel. Strachey encouragera Léonard Woolf à l’épouser.

    Des lettres de Virginia à Lytton, de Lytton à Virginia, on retient bien sûr leurs lectures, leurs opinions littéraires, leurs confidences sur leur travail : recension de livres, écriture de nouvelles et de romans pour Virginia, d’articles et de biographies pour Lytton. Si parfois, indiquent les éditeurs dans la préface, ils donnent l’impression de rester sur la réserve, c’est sans doute que « chacun craignait un peu le jugement de l’autre : dès qu’ils s’écrivaient, ils se surveillaient et ne se sentaient pas aussi libres que dans leurs rapports avec des gens pour qui ils avaient moins d’admiration et de respect. » De plus, ils occupaient tous deux une place centrale au sein de leur groupe d’amis.

    Elans affectueux : « J’ai été au supplice de te voir si peu de temps l’autre jour. J’aimerais te voir tous les jours des heures d’affilée. C’est ce que j’ai toujours voulu. Pourquoi faut-il que ce soit impossible ? » (L., novembre 1912) – « S’il y a quoi que ce soit d’autre – de la bague en saphir au chat siamois – que tu aimerais que je te procure, dis-le moi et ce sera à toi. » (L., janvier 1914). En 1915, après des mois de maladie (les médecins traitaient les crises de Virginia par le repos et la suralimentation à bas de lait et de viande), Virginia reprend sa correspondance. « Très cher Lytton, Quel bonheur d’avoir de tes nouvelles !
    Mais tu peux ne pas écrire, je sais qu’à la fin tu ressurgis, et que tu ne disparais jamais vraiment. »

    Les éloges de Lytton Strachey pour La Traversée des apparences, son premier roman, comblent Virginia Woolf. « Ce que je voulais faire, c’était donner le sentiment d’un grand tumulte de vie, aussi divers et désordonné que possible, que la mort viendrait interrompre un moment, mais qui reprendrait son cours… » (V., février 1916) Devant le succès de Victoriens éminents par Lytton Strachey, Virginia veut tout savoir : « combien d’exemplaires tu as vendus,
    combien de guinées, combien de comtesses, combien de manifestations d’adulation, et si au fond tu es toujours le même. »
    (V., mai 1918)

    Celle qui rêvait d’une vie plus mondaine est épuisée par son installation à Monk’s House : « L’effet d’un déménagement sur le moral et la vigueur intellectuelle est des plus désastreux. » (V., septembre 1919) – « Somme toute j’aime en premier lieu faire une promenade ; ensuite prendre le thé ; et enfin m’asseoir et imaginer toutes les choses agréables qui pourraient m’arriver. » En 1925 : « Trouve-moi une maison où personne ne vienne jamais. J’aime parler avec toi, mais avec personne d’autre. Ta vieille sorcière débauchée au coin du feu. »

  • Au lieu de ruminer

    « J’ai appris grâce à toi à prendre des notes, à m’exprimer au lieu de ruminer en secret, à bouger, à dessiner tous les jours, à faire, à dire au lieu de méditer, à ne pas cacher l’émotion, et je me sens forte de ce débordement d’activité, de ce sentiment d’épanouissement et de plénitude. »

    Elena Poniatowska, Cher Diego, Quiela t’embrasse

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    Portrait d’Angelina Beloff par Diego Rivera (1909)

  • Quiela t'embrasse

    Dans la collection Babel, un Portrait signé Angelina Baloff a pertinemment succédé au Nu avec lys de Diego Rivera sur la couverture de Cher Diego, Quiela t’embrasse (1978), un bref roman épistolaire de la Mexicaine Elena Poniatowska (traduit de l’espagnol par Rauda Jamis). Des lettres, qui se terminent presque toutes par « Ta Quiela » ou « Tienne, Quiela ». D’octobre 1921 à juillet 1922, Angelina Beloff, peintre russe que Diego Rivera a rencontrée à Paris et avec qui il a vécu dix ans, de 1911 à 1921, écrit à celui qui est tout pour elle, rentré au Mexique.

     

    Beloff Angelina, Maternidad.jpg

    Angelina Beloff, Maternidad  (gravure)
    ©  Mexic-Arte Museum’s Permanent Collection

     

    « Dans le studio, cher Diego, rien n’a changé ; tes pinceaux se dressent dans le verre, très propres, comme tu les aimes. Je thésaurise jusqu’au plus petit papier sur lequel tu as tracé une ligne. » Ainsi commence la première lettre entre souvenirs et présent d’une femme qui s’est mise à peindre des paysages « quelque peu douloureux et tristes, effacés et solitaires ». Elle continue à voir les amis de Diego, comme Elie Faure, elle progresse en espagnol « à pas de géant ». La lettre suivante s’ouvre sur une plainte en vain répétée : « Pas une ligne de toi ».

     

    Celle qui fut la première femme de Diego Rivera pense à leur fils, qu’elle avait confié un temps à des amis qui avaient le chauffage central et qui avaient choyé Dieguito. Il n’a pas survécu à une épidémie de méningite. Tous leurs amis se plaignent du silence de Diego, qui ne répond pas aux lettres – « Ils me fréquentent entre-temps, le temps que tu reviennes et, en attendant, ils ne viennent me trouver que pour avoir des nouvelles. »

     

    Une matinée au Louvre, où elle est restée trois heures devant des Cézanne, a ranimé le désir de peindre, avec acharnement. Mais dans l’atelier non chauffé, elle tombe très malade, ne doit son salut qu’au concierge qui lui apporte du bouillon de poule tous les jours. Angelina Beloff, que ses professeurs estimaient « très au-dessus de la moyenne » à Saint-Pétersbourg, est venue à Paris pour développer son art.
    « Il me faudrait une grande liberté d’esprit et beaucoup de tranquillité pour entreprendre l’œuvre maîtresse, or ton souvenir me tourmente sans cesse, en plus des problèmes que tu connais par cœur et que je n’énumère pas pour ne pas t’ennuyer : notre pauvreté, le froid, la solitude. »

     

    On lui commande des gravures, ce qui lui rapportera quelque argent dont elle a fort besoin pour s’acheter du charbon et des pommes de terre. Noël la rend avide de chaleur humaine, de fêtes russes, de chansons tziganes, mais elle rentre chez elle, fait une esquisse, travaille. Quand elle avait vingt ans, André Lhote avait admiré ses « dons extraordinaires » et elle ne lâchait plus son chevalet. Une étudiante jalouse, un soir, avait ironisé à voix haute sur les débuts artistiques « pro-di-gieux » après lesquels les difficultés surgissent quand on perd « l’impunité, la fraîcheur, l’audace des premiers tracés », et le doute l’avait mordue. Alors, un enfant dans la rue, elle le voyait « comme un tracé sur le papier », des lignes à capter avec exactitude, le plus vite possible. « A présent, tout a changé et je regarde avec tristesse les enfants qui traversent la rue pour aller à l’école. Ce ne sont pas des dessins, ce sont des enfants en chair et en os. »

     

    Il y a des matins où elle craint de devenir folle, furieuse de l’absence de Diego :
    « Je ne veux pas, aujourd’hui, être douce, tranquille, décente, soumise, compréhensive, résignée, ces qualités que les amies louent tellement. » – « Diego, est-ce que tu m’aimes ? Oui, c’est douloureux mais également indispensable de le savoir. » Que devient son rêve de le rejoindre au Mexique s’il ne ressent plus rien pour elle ? Zadkine, qui lui conseille de vendre les dessins de Rivera qu’elle possède, va lui acheter une boîte de thé, s’étonne de ne plus voir de samovar sur le poêle. Ils parlent de Diego, longuement, puis il lui déclare : « Vous vous êtes mexicanisée à tel point que vous avez oublié comment on fait le thé. »
    Quand une enveloppe arrive avec un timbre mexicain, c’est une lettre du père de Diego Rivera. De celui-ci, pas une ligne, jamais, de l’argent, régulièrement. Elle finira par ne plus lui écrire.

     

    Dans Cher Diego, Quiela t’embrasse, en cinquante pages environ, Elena Poniatowska plonge au cœur de la passion, de la solitude, de la création. Une lecture de Claude Fell en postface rappelle que le couple fréquentait à Paris Picasso, Braque, Juan Gris, Foujita. Quand la mère et les sœurs de Diego débarquaient, Angelina faisait vivre tout le monde « en donnant des cours de français, de russe, de dessin ». Rivera a peint trois portraits d’elle enceinte. Il courtisait en même temps une Caucasienne dont il aura une fille. Poniatowska, dans ces lettres imaginées à partir du moment où leur relation s’est brisée, évoque avec sensibilité ce destin de femme peintre qui affronte à la fois la pénurie, l’absence et le silence, les joies et les tourments de la création.